III. MALGRÉ LA PROCLAMATION D'UN RETOUR À L'ÉQUILIBRE, UN DÉFICIT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE DE 4,1 MILLIARDS D'EUROS EN 2017
Lors de la présentation du présent projet de loi, le Gouvernement a affirmé que le retour à l'équilibre de la sécurité sociale était en vue pour 2017, admettant certes un déficit de 400 millions d'euros mais mettant en exergue le fait qu'il est sans commune mesure avec le niveau des dépenses concernées.
Le déficit prévu par le projet de loi de financement de la sécurité sociale est de 4,1 milliards d'euros ; il est largement imputable à celui du Fonds de solidarité vieillesse qui s'élève, comme en 2016, à 3,8 milliards d'euros.
Comme en témoignent les tableaux d'équilibre, le FSV fait partie intégrante de la sécurité sociale dont il finance les dépenses de solidarité en matière de retraite. Avec un déficit de 4,1 milliards d'euros, il n'est donc pas exact d'affirmer que la sécurité sociale est à l'équilibre, pas plus qu'il n'est exact d'affirmer que les retraites sont à l'équilibre puisqu'elles présenteront encore, en 2017, sur le périmètre de la branche et du FSV, un déficit de 2,2 milliards d'euros.
Votre rapporteur général avait souligné la difficulté de l'exercice consistant dans le même temps à réduire les déficits, à diminuer les recettes et à maîtriser les dépenses. De fait, la troisième phase annoncée du pacte de responsabilité n'aura pas lieu dans le champ social et fait place en 2017 à une autre priorité, afficher un retour à l'équilibre de l'assurance maladie, « homme malade de la sécurité sociale», selon les termes du Premier Président de la Cour des comptes.
A. L'ÉCLIPSE DE LA TROISIÈME PHASE DU PACTE DE RESPONSABILITÉ
1. De la suppression d'un impôt à la hausse d'un crédit d'impôt, un effet report sur 2018
La troisième phase du pacte de responsabilité consistait initialement, dans le champ social, dans la suppression de la C3S résiduelle, qui représentait 3,5 milliards d'euros. Le programme de stabilité 2016 présentait la mesure en ces termes : « la suppression définitive de la C3S à compter de 2017, en évitant la taxation des consommations intermédiaires, devrait également s'accompagner d'une amélioration de l'efficacité dans l'organisation productive ».
Avec l'aménagement du calendrier du pacte intervenu en 2016, cette troisième phase comportait également l'extension en année pleine de la mesure relative à la baisse de la cotisation famille pour un montant total de 3,9 milliards d'euros, soit un milliard d'euros supplémentaires par rapport à 2015.
Lors de son audition devant la Mecss du Sénat au printemps 2016, le ministre avait indiqué que des modifications pourraient intervenir pour la troisième phase, notamment en fonction des contreparties attendues de la part des entreprises.
De fait, le Président de la République a annoncé fin juin que cette troisième phase serait réorientée vers l'augmentation du taux du CICE de 6 à 7 % pour un coût de 4 milliards d'euros, la baisse de charges de 150 millions d'euros pour les travailleurs indépendants et la baisse de l'IS pour les PME. Un crédit d'impôt pour l'emploi à domicile en faveur des retraités non-imposables est prévu, pour un coût d'un milliard d'euros.
Ainsi que le souligne le Haut Conseil des finances publiques « le remplacement des baisses d'impôts par des crédits d'impôts afin de financer une partie des dépenses financées pour 2017, conduit à reporter sur le solde 2018 l'impact de ces baisses de recettes. Les dépenses supplémentaires étant pérennes, ce choix fragilise la trajectoire de finances publiques à compter de 2018 ».
Pour 2017, les mesures du pacte se limitent donc à l'extension en année pleine de la baisse de la cotisation famille dont l'entrée en vigueur a été décalée au 1 er avril 2016 et à la compensation d'une mesure de trésorerie non pérenne de prélèvements de cotisations sur les caisses de congés payés.
S'y ajoutent 630 millions d'euros de mesures nouvelles et 1,6 milliard d'euros de transferts de charges, dont le principal, les ESAT, était prévu par la loi de financement pour 2016.
Au total, 3,8 milliards d'euros sont à compenser à la sécurité sociale.
(en millions d'euros)
Mesures du pacte de responsabilité |
1 574 |
Extension en année pleine de la baisse de la cotisation famille |
1 074 |
Fin de la mesure de trésorerie sur les caisses de congés payés |
500 |
Mesures nouvelles |
630 |
Cotisations maladie des exploitants agricoles |
480 |
Cotisations des travailleurs indépendants |
150 |
Transferts de charges |
1 644 |
ESAT |
1 470 |
FIR |
116 |
MDPH |
58 |
Total à compenser |
3 848 |
Source : PLF 2017, évaluation préalable de l'article 26
2. La compensation des exonérations : des mesures vertueuses, des mesures discutables
En 2017, la compensation du pacte de responsabilité prend plusieurs formes, définies par l'article 26 du projet de loi de finances pour 2017 :
- la compensation par l'État de mesures d'allègements ou d'exonérations de cotisations sociales qui n'étaient pas compensées à la sécurité sociale, soit parce qu'elles étaient antérieures à l'entrée en vigueur, en 1994, de l'article L. 137-1 du code de la sécurité sociale qui fixe le principe de cette compensation, soit parce que des dispositions expresses prévoyaient l'absence de compensation par l'État ;
- le décroisement de financements conjoints État/sécurité sociale pour certains dispositifs ;
- le transfert de certaines charges à l'État ;
- l'affectation de recettes.
a) La compensation d'exonérations non-compensées
Les exonérations relatives aux aides à domicile, employées directement ou par l'intermédiaire d'une association ou d'une entreprise pour les particuliers fragiles, antérieures à la loi de 1994 seront intégralement compensées.
Sont supprimées les mentions relatives à l'absence de compensation pour les exonérations relatives :
- aux personnes employées par des associations intermédiaires ou des ateliers chantiers d'insertion ;
- à l'aide aux créateurs et repreneurs d'entreprise ;
- aux juges et arbitres sportifs ;
- aux exploitants agricoles (décret 2016-392 du 31 mars 2016).
Cette compensation se traduit par l'augmentation des crédits des missions « travail et emploi », « sport, jeunesse et vie associative » et « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
Votre rapporteur général souligne l'intérêt de ce mode de compensation qui conduira les responsables de programme à assumer le coût de ces outils au service des politiques publiques dont ils ont la responsabilité et à arbitrer, le cas échéant, en fonction de leur efficacité par rapport aux autres leviers dont ils disposent.
b) Le décroisement et le transfert du financement de certains dispositifs
Le financement de certains dispositifs, qui faisaient l'objet de financements conjoints de l'État et de la sécurité sociale est simplifié, avec un solde positif pour la sécurité sociale.
Les allocations de logement temporaire (ALT), pour les personnes défavorisées en situation d'urgence seront entièrement financées par l'État (mission « égalité des territoires et logement »)
Le financement, précédemment partagé avec l'assurance maladie, de l'Agence nationale de santé publique (ANSP) sera assuré par la mission « santé ».
La suppression de l'obligation pour certains bénéficiaires de l'allocation adultes handicapés (AAH) de liquider leur droit à l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), prévue par le projet de loi de finances pour 2017, représentera également une moindre charge pour la sécurité sociale.
Le transfert aux caisses d'allocations familiales, au 1 er janvier 2017, de la gestion des prestations familiales des fonctionnaires dans les départements d'outre-mer, devrait se traduire par un coût supplémentaire pour l'État, correspondant au différentiel entre les allocations actuellement prises en charge et le paiement à venir de cotisations.
A l'inverse, il est mis fin à la participation de l'État au financement du Fonds d'intervention régional (FIR), qui est compris dans le champ de l'Ondam et sera entièrement financé par l'assurance maladie.
La contribution de l'État au financement du fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) est également supprimée, au profit d'un financement par la CNSA.
c) L'affectation de recettes
La taxe sur les véhicules de sociétés, dont une part du produit était affectée à l'État, devient une recette exclusive de la sécurité sociale, ce qui représente une affectation de recette supplémentaires de 150 millions d'euros.
En conséquence des diverses mesures relatives aux relations financières entre l'État et la sécurité sociale, la part de TVA nette affectée à la Cnam, qui sert de variable d'ajustement, passe de 7,19 % à 7,11 %.
d) « L'autocompensation »
Les mesures de compensation sont récapitulées dans le tableau suivant :
Mesures de compensation entre l'État et la sécurité sociale
Décroisement de financement et transferts de charges |
175 |
Agence nationale de santé publique |
65 |
Allocation de logement temporaire |
40 |
ASPA/AAH |
20 |
Prestations familiales des fonctionnaires dans les DOM |
50 |
Compensations d'exonérations |
2 778 |
Associations intermédiaires |
83 |
Ateliers chantiers d'insertion |
120 |
Arbitres sportifs |
39 |
ACCRE |
262 |
Aide à domicile particulier fragile |
877 |
Entreprises/associations aide à domicile particuliers fragiles |
917 |
Cotisations maladie des exploitants agricoles |
480 |
Transferts de recettes |
16 |
Taxe sur les véhicules de sociétés |
150 |
Ajustement fraction de TVA |
- 134 |
Total compensé |
2 969 |
« Autres mesures ayant un impact favorable sur la sécurité sociale » |
879 |
Source : PLF 2017, évaluation préalable de l'article 26
Les « autres mesures ayant un impact favorable sur la sécurité sociale » qui viennent en diminution de la compensation à opérer se détaillent de la façon suivante :
- 160 millions d'euros liés à une mesure exceptionnelle prévue par l'article 11 du PLFSS, qui se traduit par la collecte au titre de 2017 du produit de 5 trimestres de la taxe sur les véhicules de sociétés pour la période courant du 1 er octobre 2016 au 31 décembre 2017.
- 719 millions d'euros de prélèvement sur les réserves du FSV.
Cette dernière mesure s'apparente à la mesure comptable, contestée par la Cour des comptes, d'inscription en produits pour 2016 de l'assurance-maladie de la recette exceptionnelle de 700 millions d'euros de CSG qui aurait dû être inscrite au bilan 2015. Il s'agit du « débouclage » des réserves de la section III du FSV, qui sont inscrites à son bilan et seraient inscrites en produits de la Cnam pour 2017. Par cette dernière mesure, la sécurité sociale se compense donc à elle-même ses pertes de recettes.
Pour ce qui concerne la TVS, la mesure n'est pas pérenne, puisqu'elle consiste en un produit exceptionnel sur le dernier trimestre de l'année 2017.
Le mode de compensation à venir de la baisse de la cotisation maladie des exploitants agricoles reste également à préciser, un transfert budgétaire étant prévu pour la seule année 2017.