TITRE III
DISPOSITIONS TENDANT À L'AMÉLIORATION
DE L'ORGANISATION ET DU FONCTIONNEMENT
DU SERVICE PUBLIC DE LA JUSTICE
CHAPITRE IER - DISPOSITIONS RELATIVES À LA COMPÉTENCE MATÉRIELLE DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE ET DU TRIBUNAL D'INSTANCE

Article 8 (art. L. 142-1 A à L. 142-1 C [nouveaux], L. 142-1, L. 142-1-1 à L. 142-1-3 [nouveaux], L. 142-2 à L. 142-9 et L. 142-10 à L. 142-29 [nouveaux] du code de la sécurité sociale, art. L. 134-1 à L. 134-5 du code de l'action sociale et des familles, art. L. 211-16 [nouveau], L. 218-1 à L. 218-12 [nouveaux], L. 261-1, L. 311-14-1 et L. 311-15 [nouveaux], L. 312-6-2 [nouveau] et L. 331-1 du code de l'organisation judiciaire) - Attribution au tribunal de grande instance des compétences du tribunal des affaires de sécurité sociale et du tribunal du contentieux de l'incapacité et de certaines compétences de la commission départementale d'aide sociale

L'article 8 du projet de loi tend à confier à des tribunaux de grande instance (TGI) spécialement désignés le contentieux traité actuellement par les tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS), y compris le contentieux qui naîtra à propos du compte personnel de prévention de la pénibilité, et les tribunaux du contentieux de l'incapacité (TCI) ainsi qu'une partie du contentieux des commissions départementales d'aide sociale (CDAS), l'autre partie revenant en conséquence au tribunal administratif. Ainsi, les TASS, les TCI et les CDAS seraient supprimés.

La rédaction retenue par l'Assemblée nationale s'inspire en bonne part de celle adoptée par le Sénat , à l'initiative de votre rapporteur, alors que cette réforme n'était qu'à peine esquissée dans le texte initial du projet de loi, qui n'en fixait que le principe, de façon déclaratoire, sans modifier les dispositions codifiées en vigueur relatives aux juridictions concernées.

Toutefois, plutôt qu'une juridiction sociale spécifique rattachée à chaque TGI, l'Assemblée nationale a préféré confier directement à quelques TGI spécialisés la compétence en matière de contentieux social.

Votre commission approuve la volonté de réforme ainsi affirmée par le Gouvernement par rapport à son texte initial, en matière d'organisation de la justice de première instance et de cohérence du traitement du contentieux social, sans que soient remises en cause les spécificités de ce contentieux (présence d'assesseurs représentants les employeurs et les salariés, expertise médicale, règles d'assistance et de représentation du justiciable...). En outre, votre commission se félicite de la confirmation par l'Assemblée nationale de la modernisation du statut des assesseurs, que votre rapporteur avait proposé à l'occasion de cette réforme.

En appel, la cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (CNITAAT) serait supprimée, comme le Sénat l'avait voté en première lecture. Le contentieux social traité par les TGI spécialisés relèverait en appel de cours d'appel spécialement désignées, une seule cour d'appel étant spécialisée pour le contentieux de la tarification en matière d'accidents du travail, dont la formation de jugement serait alors échevinée 15 ( * ) .

Comme l'avait voté le Sénat en première lecture, cette réforme devrait entrer en vigueur en 2019 16 ( * ) , ce qui suppose un important travail de préparation, en particulier pour résoudre la situation des personnels chargés du secrétariat des TASS et des TCI (agents du ministère des affaires sociales et, surtout, personnels des organismes de sécurité sociale) et pour préparer la reprise de ces contentieux par les TGI et leurs greffes.

Toutefois, en première lecture, le Sénat avait souhaité fusionner au sein d'une juridiction rattachée au TGI 17 ( * ) et dénommée tribunal des affaires sociales (TAS), le TASS, le TCI et la CDAS, de façon à conserver de la visibilité à une juridiction sociale unifiée et échevinée, tout en bénéficiant de la mutualisation et de l'unité de direction avec le TGI . Votre rapporteur juge que cette formule demeure préférable, pour les justiciables comme pour les assesseurs appelés à participer aux formations de jugement, y compris dans un système de TGI spécialisés. De plus, en première lecture, le Sénat n'avait pas fait le choix de juridictions spécialisées pour rattacher le TAS en première instance ni en appel.

Votre commission accepte le principe de spécialisation, mais veut conserver l'identification du contentieux social dans un tribunal propre rattaché à des TGI spécialisés . Aussi votre commission a-t-elle adopté, sur proposition de son rapporteur, un amendement COM-92 en ce sens.

Par ailleurs, à l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un important amendement COM-124 de coordination.

Votre commission a adopté l'article 8 ainsi modifié .

Article 8 bis (art. L. 376-1 du code de la sécurité sociale) - Modalités d'intervention des caisses de sécurité sociale en cas de préjudice corporel dans un procès pénal

Introduit par l'Assemblée nationale en première lecture, à l'initiative de notre collègue député Sergio Coronado, l'article 8 bis du projet de loi vise à préciser les modalités d'intervention d'une caisse de sécurité sociale dans le cadre d'un procès pénal concernant un dommage corporel dont a été victime un assuré social affilié à cette caisse, en raison duquel celle-ci verse des prestations à l'assuré.

Selon cet article, lorsqu'une caisse de sécurité sociale exerce un recours contre le responsable du dommage corporel en raison duquel elle verse des prestations à un de ses assurés, la déclaration de jugement commun de l'affaire pénale et du recours de la caisse ou l'intervention de la caisse peut intervenir après les réquisitions du ministère public, dès lors que l'assuré social concerné s'est constitué partie civile et qu'il n'a pas été statué sur le fond de ses demandes.

Il s'agit de clarifier les modalités d'intervention de la caisse dans le procès, de façon à éviter le risque de nullité du jugement, prévu par le code de la sécurité sociale dans l'hypothèse où la victime du dommage est assuré social et où la caisse n'a pas été appelée.

À ce stade, cette disposition n'appelle pas d'objection de principe de la part de votre rapporteur.

Votre commission a adopté l'article 8 bis sans modification .

Article 8 ter (suppression maintenue) - Régime unifié d'assistance et de représentation des parties devant les juridictions administratives et judiciaires en matière de contentieux social

Introduit par l'Assemblée nationale en première lecture, à l'initiative de notre collègue Denys Robiliard, l'article 8 ter du projet de loi a ensuite été supprimé par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, à l'initiative de nos collègues rapporteurs de la commission des lois.

Cet article tendait, utilement, à harmoniser les règles d'assistance et de représentation des parties, en matière de contentieux social, devant les juridictions administratives et judiciaires, sur ce qui était prévu devant les tribunaux des affaires de sécurité sociale. Or, une telle harmonisation est prévue à l'article 8 du projet de loi, dans le cadre de la réforme des tribunaux sociaux, de sorte que le présent article ne présentait plus d'utilité.

Votre commission a maintenu la suppression de l'article 8 ter .

Article 9 (art. L. 221-4 du code de l'organisation judiciaire) - Compétence du tribunal de grande instance pour la réparation des dommages corporels

Le présent article propose de donner une compétence exclusive aux tribunaux de grande instance (TGI) en matière de réparation des dommages corporels.

Actuellement, en application de l'article L. 221-4 du code de l'organisation judiciaire, la réparation des dommages corporels dont le montant n'excède pas 10 000 euros relève de la compétence des tribunaux d'instance 18 ( * ) .

Lors des précédentes lectures, le Sénat et l'Assemblée nationale ont tous deux validé ce transfert de compétence aux TGI. Une divergence demeure cependant concernant le positionnement de cette disposition dans le code de l'organisation judiciaire.

Le Sénat, suivant votre commission des lois, a estimé pertinent de l'inscrire au sein des règles relatives aux tribunaux d'instance, par exception à leurs compétences. Ainsi, l'article L. 221-4 du code de l'organisation judiciaire disposerait que le tribunal d'instance est compétent pour connaître des litiges dont le montant est inférieur à 10 000 euros, à l'exception des actions tendant à la réparation d'un dommage corporel.

À l'inverse, l'Assemblée nationale a préféré inscrire cette règle de répartition au sein des dispositions relatives aux compétences des tribunaux de grande instance. Le présent article crée donc un nouvel article L. 211-4-1 dans le code de l'organisation judiciaire, pour prévoir que « le tribunal de grande instance connaît des actions en réparation d'un dommage corporel ».

En application de la règle selon laquelle la compétence de principe appartient au tribunal de grande instance et la compétence d'exception au tribunal d'instance, votre commission, fidèle à la position qui était la sienne en première lecture, a adopté un amendement COM-73 qui inscrit l'exception de compétence, en matière de dommages corporels, au sein des règles applicables aux tribunaux d'instance.

Votre commission a adopté l'article 9 ainsi modifié .

Article 10 (art. 41-2, 41-3, 45, 398, 521, 523 et 529-7 du code de procédure pénale et art. 1er, 2 et 70 de la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles) - Transfert des audiences du tribunal de police au tribunal de grande instance et régime juridique de certaines contraventions de la cinquième classe

Cet article prévoit le transfert des audiences du tribunal de police au sein du tribunal de grande instance afin, selon l'exposé des motifs du projet de loi, « d'assurer une meilleure cohérence de la politique pénale sur l'arrondissement judiciaire ». Le tribunal d'instance ne serait plus compétent qu'en matière civile tandis que le contentieux pénal serait centralisé au tribunal de grande instance 19 ( * ) . Une telle réforme est également de nature à réunifier au sein du tribunal de police le contentieux des contraventions, actuellement réparti entre les juridictions de proximité 20 ( * ) et les tribunaux d'instance 21 ( * ) .

En première lecture, le Sénat avait approuvé le principe de cette réforme et prévu, en outre, une simplification du traitement des contraventions en rendant pleinement applicable la procédure de l'amende forfaitaire pour les contraventions de cinquième classe. L'Assemblée nationale avait quant à elle adopté un amendement rédactionnel.

Lors de la nouvelle lecture du projet de loi, les députés ont adopté en commission un amendement présenté par le Gouvernement qui, « afin d'éviter la succession de trois ou quatre régimes transitoires dans le code de procédure pénale qui seraient particulièrement complexes à mettre en oeuvre par les praticiens » 22 ( * ) , tend à unifier au 1 er juillet 2017 :

- l'entrée en vigueur de la réforme proposée par le présent article ;

- et celle de la suppression des juridictions de proximité prévue par la loi du 13 décembre 2011 23 ( * ) .

Il est à noter que l'article 50 de la loi organique du 8 août 2016 24 ( * ) a d'ailleurs également fixé au 1 er juillet 2017 la date d'entrée en vigueur des dispositions donnant aux magistrats exerçant à titre temporaire - statut qui remplace celui de juge de proximité en application de l'article 39 de cette même loi organique - la possibilité d'être nommés pour exercer les fonctions de juge du tribunal de police.

Par cohérence, l'amendement du Gouvernement supprime également, au sein du code de l'organisation judiciaire et du code de procédure pénale, toute référence au juge de proximité pour les remplacer par une référence au magistrat exerçant à titre temporaire.

Enfin, pour des raisons tenant à la bonne lisibilité du dispositif, les députés ont inséré à l'article 10 les dispositions transitoires liées au transfert des audiences du tribunal de police au sein du tribunal de grande instance, qui étaient à l'origine contenues dans l'article 54 du présent projet de loi.

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté deux amendements rédactionnels COM-50 et COM-91 ainsi qu'un amendement COM-51 de coordination afin de supprimer une disposition de la loi du 13 décembre 2011 (3. du XIX de l'article 2) redondante avec une disposition insérée par les députés au présent article 10.

Votre commission a adopté l'article 10 ainsi modifié .

Article 10 bis (art. 26, 26-1, 26-3, 31, 31-2, 31-3, 33-1, 365, 372, 386, 387-5, 412, 422, 511, 512 du code civil, art. L. 222-4 [nouveau] du code de l'organisation judiciaire, art. 242, 261-1 et 263 du code de procédure pénale) - Transformation des greffiers en chef en « directeurs des services de greffe judiciaires » et possibilité pour les chefs de cour de déléguer leurs attributions en matière de délivrance des certificats de nationalité et de vérification des comptes de tutelles

Introduit à l'Assemblée nationale en première lecture, sur proposition du Gouvernement, le présent article remplace l'ancienne dénomination de « greffier en chef » par la nouvelle dénomination de « directeur des services de greffe judiciaires ». Il permet ensuite aux chefs de cour de déléguer certaines attributions du directeur des services de greffe judiciaires d'un tribunal d'instance à un autre directeur des services de greffe judiciaires du ressort ou, à défaut, au greffier chef de greffe du tribunal d'instance concerné.

La modification dans le code civil et dans le code de procédure pénale des appellations de certains personnels de greffe est la conséquence de la réforme statutaire de ces personnels, qui résulte de l'adoption des décrets n° 2015-1273 du 13 octobre 2015 portant statut particulier du corps des directeurs des services de greffe judiciaires et n° 2015-1274 du 13 octobre 2015 portant statut d'emploi de directeur fonctionnel des services de greffe judiciaires.

Alors que le présent article entend tirer les conséquences de cette réforme statutaire, il crée une certaine confusion en utilisant dans les deux codes concernés, tantôt les termes « directeur des services de greffe judiciaires », tantôt les termes : « directeur des services de greffe » et tantôt les termes : « directeur de greffe » pour désigner une même fonction (celle des anciens greffiers en chef).

Dans un souci de lisibilité du droit, votre commission a adopté un amendement COM-74 unifiant les différentes terminologies pour n'utiliser que les termes : « directeur des services de greffe judiciaires ». Elle invite le pouvoir réglementaire à faire de même au sein des décrets susvisés.

Quant à la possibilité pour les chefs de cour, à titre exceptionnel, de déléguer les compétences du directeur des services de greffe judiciaires d'un tribunal d'instance à l'un de ses homologues du ressort ou, en l'absence d'un tel directeur, au greffier qui dirige le greffe du tribunal d'instance, en matière de délivrance des certificats de nationalité et de vérification des comptes de tutelles, elle participe d'une bonne administration de la justice.

Elle s'inscrit en cohérence avec la volonté du Sénat de rationaliser l'organisation des greffes, à travers notamment la possibilité, encadrée, de mutualiser les effectifs de ces services, prévue à l'article 13 bis du présent projet de loi.

Votre commission a adopté l'article 10 bis ainsi modifié .


* 15 Cette cour d'appel spécialisée unique pourrait être celle d'Amiens, dont certains magistrats participent aujourd'hui aux formations de jugement de la CNITAAT.

* 16 L'article 54 du projet de loi prévoit que l'article 8 entre en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard au 1 er janvier 2019.

* 17 À l'instar du tribunal paritaire des baux ruraux, rattaché au tribunal d'instance.

* 18 Cet article dispose que « sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires fixant la compétence particulière des autres juridictions, le tribunal d'instance connaît, en matière civile, de toutes actions personnelles ou mobilières jusqu'à la valeur de 10 000 euros. Il connaît aussi des demandes indéterminées qui ont pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 10 000 euros ».

* 19 Pour des explications plus détaillées sur les conséquences de la réforme du tribunal de police, votre rapporteur renvoie à la lecture de son commentaire de l'article 10 dans son rapport n° 121 (2015-2016) fait à l'occasion de la première lecture du projet de loi.

* 20 Pour les contraventions des quatre premières classes, à l'exception des contraventions de la quatrième classe pour diffamation ou injure non publique.

* 21 Pour les contraventions de la cinquième classe.

* 22 Exposé des motifs de l'amendement n° CL149.

* 23 Loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles.

* 24 Loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature.

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