C. UN ACCORD TRADUISANT UN ENGAGEMENT POLITIQUE QUASI-UNANIME DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE EN FAVEUR DU CLIMAT
L'article 2 de l'accord résume les principaux objectifs de l'accord de Paris, qui sont au nombre de quatre : atténuer le changement climatique, renforcer les capacités d' adaptation , orienter les financements pour répondre à ces enjeux et appliquer le principe de responsabilités communes, mais différenciées .
Pour rendre possible l'atteinte de ces objectifs, un processus de révision progressive à la hausse des engagements des États Parties est mis en place, ainsi qu'une action renforcée avant 2020, détaillée par la décision 1/CP.21 de la Conférence des Parties.
1. Des objectifs globaux ambitieux
L'un des éléments clefs de l'Accord est l'objectif de contenir l'élévation de la température moyenne de la planète « nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels » et de s'efforcer de la limiter à 1,5°C ( article 2 ).
Pour y parvenir, chaque Partie doit contribuer à ce que les émissions mondiales atteignent un plafond le plus tôt possible ( article 4 ).
Puis ces émissions devront être réduites, jusqu'à l'obtention d'un équilibre entre émissions anthropiques et absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre. Cet équilibre doit être établi au cours de la deuxième moitié du siècle. Les pays développés devront assumer des objectifs de réduction des émissions en chiffres absolus à l'échelle de l'économie tandis que les pays en développement disposent d'une latitude plus grande dans la formulation de leurs engagements.
Les Parties sont invitées à prendre des mesures de conservation et de renforcement des puits de carbone (forêts), en luttant contre la déforestation et en promouvant un usage durable de la forêt, auquel sont associés d'autres bénéfices, tels que la préservation de la biodiversité ( article 5 ).
Un mécanisme d'échanges volontaires de réduction d'émissions est évoqué par l'accord. Placé sous l'autorité de la Conférence des Parties, ses modalités doivent être précisées ultérieurement. Il ne saurait être mis en place que sur une base volontaire ( article 6 ).
L'accord vise également à renforcer les capacités d' adaptation et la résilience aux changements climatiques ( article 7 ), notamment pour les pays ou les groupes de population les plus vulnérables. Une intensification de la coopération internationale est préconisée, dans plusieurs directions : échanges d'expériences, appui et conseil technique, amélioration des connaissances scientifiques...
Les Parties reconnaissent la nécessité d'éviter les pertes et préjudices liés aux effets néfastes des changements climatiques ( article 8 ). Le mécanisme international créé à cet effet en 2013, lors de la conférence de Varsovie, est placé sous l'autorité de la conférence des Parties. Ce mécanisme, prévu pour faciliter l'échange d'informations et de pratiques, ainsi que les activités d'appui, notamment en facilitant la mobilisation de fonds, doit être renforcé. Les domaines de coopération sont énumérés. Il s'agit notamment des domaines suivants :
- systèmes d'alerte précoce ;
- préparation aux situations d'urgence ;
- évaluation des risques, y compris pour les phénomènes se manifestant lentement ;
- dispositifs d'assurance et de mutualisation ;
- pertes autres qu'économiques ;
- résilience des communautés.
L'accord comporte un volet financier , selon lequel les pays développés fournissent des ressources financières pour venir en aide aux pays en développement ( article 9 ). Ce soutien financier doit être équilibré entre atténuation et adaptation. Les autres Parties, c'est-à-dire les pays en développement, sont invités à fournir un soutien financier sur une base volontaire. La décision 1/CP.21 précise l'objectif, consistant à dégager 100 milliards de dollars par an d'ici à 2020 pour l'atténuation et l'adaptation tout en augmentant sensiblement le financement de l'adaptation par rapport aux niveaux actuels. Le Fonds vert pour le climat, conjointement avec d'autres fonds multilatéraux, notamment le Fonds pour l'environnement mondial, doit concourir à cet objectif.
Des dispositions visent à favoriser les transferts de technologie ( article 10 ), grâce à la création d'un mécanisme technologique de nature à promouvoir les coopérations en matière de recherche-développement et à faciliter l'accès des pays en développement à la technologie, y compris par des moyens financiers.
Un effort est également prévu en faveur du renforcement des capacités des pays en développement ( article 11 ) grâce à l'appui des pays développés, notamment en étoffant les dispositifs institutionnels existants.
Est également mentionnée l'attention portée aux questions d'éducation, de formation, de sensibilisation, de participation et d'information du public ( article 12 ).
La mise en oeuvre de l'accord repose sur un cadre de transparence ( article 13 ), visant à renforcer la confiance entre les Parties. Ce cadre devra fournir une image claire des mesures prises par les États pour l'atténuation, l'adaptation et l'appui financier.
L'instauration d'un climat de confiance sera, en effet, un facteur clef de la réussite de l'accord. C'est pourquoi le cadre de transparence mis en place et le processus de révision progressive à la hausse des engagements qui l'accompagnent constituent probablement les aspects les plus remarquables de l'accord.
2. Un processus de révision progressive à la hausse des engagements nationaux
Les engagements nationaux seront concrétisés au travers des contributions déterminées au niveau national ( article 3 ), que les Parties s'engagent à actualiser, et à faire progresser, tous les cinq ans.
Ces contributions porteront sur les efforts réalisés au sens des articles 4, 7, 9, 10, 11 et 13 précités, en vue de réaliser les objectifs précédemment mentionnés, énoncés par l'article 2 de l'accord.
Le cadre de transparence mis en place prévoit que chaque Partie devra fournir régulièrement un rapport national d'inventaire de ses émissions et absorptions, conformément aux lignes directrices établies par le GIEC. Les modalités de ce cadre de transparence seront précisées d'ici à 2018. Les pays en développement disposeront d'une certaine flexibilité à l'intérieur de ce cadre.
Les Parties tiendront compte, pour l'établissement de leurs contributions nationales, des résultats d'un bilan mondial quinquennal ( article 14 ).
Ce bilan permettra d'évaluer périodiquement les progrès collectifs accomplis sur tous les aspects de l'accord (atténuation, adaptation, moyens de mise en oeuvre) au regard des meilleures données scientifiques disponibles. Le premier bilan mondial sera effectué en 2023 . Puis ce bilan sera réalisé tous les cinq ans, deux ans avant la remise des contributions nationales du cycle suivant (2025-2030).
Des dispositions spécifiques d'information sont prévues dans certains domaines. Ainsi, aux termes de l' article 7 , chaque Partie doit présenter et actualiser périodiquement une communication relative aux mesures prises en faveur de l' adaptation au changement climatique.
Aux termes de l' article 9 , les pays développés communiquent tous les deux ans des informations quantitatives et qualitatives relatives au soutien financier apporté aux pays en développement.
La décision 1/CP.21 prévoit, en outre, qu'un premier point soit réalisé en 2018 sur les efforts collectifs déployés par les Parties en vue d'atteindre les objectifs d'atténuation de l'accord, cinq ans avant le premier bilan mondial, afin d'éclairer l'établissement des contributions déterminées au niveau national qui devront être remises en 2020.
Enfin, tous les pays sont appelés à publier avant 2020 des stratégies bas-carbone de long terme, à l'horizon 2050.
3. Un dispositif institutionnel prolongeant l'existant
D'un point de vue institutionnel, l'accord prolonge les dispositifs prévus par la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CNUCC) : la Conférence des Parties (COP) agira comme réunion des Parties à l'accord ( article 16 ) et fera régulièrement le point sur sa mise en oeuvre. Le règlement intérieur de la COP et ses procédures financières sont applicables. Le secrétariat de la CCNUCC ( article 17 ) et les organes subsidiaires de la Convention ( article 18 ) servent également l'accord de Paris.
Un comité d'experts est mis en place pour faciliter la mise en oeuvre de l'accord ( article 15 ). Il ne dispose d'aucun pouvoir de sanction.
Enfin, les États ont une possibilité de retrait : « À l'expiration d'un délai de trois ans à compter de la date d'entrée en vigueur du présent accord à l'égard d'une Partie, cette Partie peut, à tout moment, le dénoncer (...) . Cette dénonciation prend effet à l'expiration d'un délai d'un an (...) ».
Cette possibilité de retrait peut être une des faiblesses de l'accord , au même titre que l'absence de toute sanction en cas de déviation par rapport aux trajectoires et mécanismes prévus.
Si l'accord constitue une avancée politique majeure, étant en effet « universel, ambitieux et équitable » 7 ( * ) , son caractère réellement « juridiquement contraignant » 8 ( * ) n'est donc pas pleinement établi : seul l'avenir dira si, réellement, cet accord « représente un point de bascule vers un développement sobre en carbone et résilient aux effets du dérèglement climatique », comme l'affirme l'exposé des motifs du présent projet de loi.
4. Un accord interétatique accompagné d'une mobilisation de tous les acteurs
La principale force de l'accord de Paris est de reposer sur une mobilisation de tous les acteurs publics et privés, à tous les niveaux y compris au plan local, et dans tous les secteurs économiques, notamment l'agriculture et l'industrie. Cette mobilisation s'est faite tout au long de l'année qui a séparé la COP 20 de la COP 21, en marge des négociations entre États. Elle a vocation à se poursuivre dans la perspective de la COP 22, et au-delà. L'un des principaux défis, pour l'avenir, sera de pérenniser cette dynamique afin qu'elle puisse contribuer, à long terme, à la réalisation des objectifs de l'accord de Paris.
Le Plan d'Actions Lima-Paris (ou « agenda des solutions ») est une initiative conjointe des présidences péruvienne et française de la COP, du Bureau exécutif du Secrétaire général des Nations unies et du Secrétariat de la CCNUCC. Il vise à renforcer l'action en faveur du climat pendant toute l'année 2015, en décembre à Paris et au-delà, en mobilisant des initiatives au niveau international, en fournissant un soutien accru aux initiatives existantes, et en créant une plateforme 9 ( * ) pour garantir la visibilité des actions, engagements résultats pendant la période précédant la COP 21.
La décision 1/CP.21 pérennise cette action pour la période 2016-2020, puisqu'il revient notamment aux deux « championnes de haut niveau », que sont actuellement Mme Hakima El Haité et Mme Laurence Tubiana, de faciliter « l'exécution efficace des activités actuelles ainsi que l'intensification et l'introduction d'activités, d'initiatives et de coalitions volontaires, nouvelles ou renforcées » notamment afin de « donner suite aux initiatives volontaires du Plan d'action Lima-Paris ».
Les 10 initiatives majeures du Plan d'Action Lima-Paris
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* 7 Exposé des motifs du présent projet de loi.
* 8 Même source.
* 9 Portail NAZCA (Zone des Acteurs Non-étatiques pour l'Action pour le Climat).