II. LE TEXTE DE L'ACCORD : UN DISPOSITIF SOLIDE ET CONFORME AUX DERNIERS STANDARDS INTERNATIONAUX

Le présent accord entre la France et la Suisse, signé le 25 juin 2014, est constitué de deux articles qui modifient le point XI du protocole de la convention fiscale entre les deux pays, afin de combler les insuffisances du dispositif actuel et de le mettre en conformité avec le standard de l'OCDE le plus récent.

1. La possibilité d'effectuer des « demandes groupées »

Le point 1 de l'article 1 er du présent accord vise en premier lieu à permettre les demandes de renseignements sans qu'il soit nécessaire, pour l'État requérant, de fournir précisément le nom et l'adresse de la personne visée . À cette fin, il remplace la référence explicite au nom et à l'adresse par une simple référence à « l'identité de la personne », celle-ci « pouvant résulter de la fourniture du nom de cette personne ou de tout autre élément de nature à en permettre l'identification » 11 ( * ) .

Point XI du protocole (texte en vigueur)

L'autorité compétente requérante fournit les informations suivantes à l'autorité compétente de l'État requis :

a) le nom et une adresse de la personne faisant l'objet d'un contrôle ou d'une enquête et, si disponible, tout autre élément de nature à faciliter l'identification de la personne (date de naissance, état-civil...) ;

Accord du 25 juin 2014

L'autorité compétente requérante fournit les informations suivantes à l'autorité compétente de l'État requis :

a) l'identité de la personne faisant l'objet d'un contrôle ou d'une enquête, cette information pouvant résulter de la fourniture du nom de cette personne ou de tout autre élément de nature à en permettre l'identification ;

La formulation plus large retenue dans le présent accord permet d' éviter que la demande ne se heurte à des montages, parfois simplistes , qui ont pour but de dissimuler le titulaire ou le bénéficiaire effectif des avoirs dissimulés.

Par voie de conséquence, cette rédaction ouvre la possibilité pour la France de procéder à des demandes groupées , conformément à une demande récurrente. Afin d'éviter la « pêche aux renseignements », ces demandes doivent néanmoins concerner des contribuables se trouvant dans le même cas. Entre temps, la « demande groupée » est d'ailleurs entrée dans le droit interne helvétique . L'article 3 de la loi fédérale du 28 septembre 2012 sur l'assistance administrative internationale en matière fiscale la définit ainsi comme « une demande d'assistance administrative qui exige des renseignements sur plusieurs personnes ayant eu un modèle de comportement identique et étant identifiables à l'aide de données précises ».

2. La fin de l'identification obligatoire de l'établissement bancaire

Le point 2 de l'article 1 er du présent accord vise ensuite à supprimer l'obligation, pour l'État requérant, de fournir à l'État requis le nom de l'établissement financier qui détient les informations demandées. Il s'agit par là de faire en sorte que l'administration fiscale suisse effectue les recherches demandées même si la France n'a pas été en mesure de lui fournir le nom de la banque du contribuable.

Là encore, la difficulté actuelle ne résultait pas du texte du protocole lui-même, mais de l'interprétation restrictive qui en était faite . Le texte en vigueur n'impose à l'État requérant de fournir le nom et l'adresse de la banque que « dans la mesure où ils sont connus », mais à défaut de recevoir cette information, la Suisse ne s'estimait pas tenue de rechercher les informations .

Le présent accord vise à préciser explicitement que, si l'autorité requérante dispose du nom de l'établissement bancaire tenant le compte, elle doit le fournir à l'État requis.

Cette mention explicite de l'établissement financier teneur du compte est a priori redondante , puisqu'elle peut être déduite de la phrase qui précède.

Du point de vue suisse, toutefois, elle n'est pas inutile : l'article 3 de la loi fédérale du 28 septembre 2012 précitée prévoit en effet que les renseignements détenus par un établissement financier « ne peuvent être exigés que si la convention applicable prévoit leur transmission ». Il sera donc désormais impossible pour l'administration fédérale des contributions (AFC) d'invoquer l'accord franco-suisse pour ne pas fournir les informations.

Point XI du protocole (texte en vigueur)

L'autorité compétente requérante fournit les informations suivantes à l'autorité compétente de l'État requis :

(...)

e) dans la mesure où ils sont connus, les nom et adresse de toute personne dont il y a lieu de penser qu'elle est en possession des renseignements demandés.

Accord du 25 juin 2014

L'autorité compétente requérante fournit les informations suivantes à l'autorité compétente de l'État requis :

(...)

e) dans la mesure où ils sont connus, les nom et adresse de toute personne dont il y a lieu de penser qu'elle est en possession des renseignements demandés. Ainsi, dans le cas où l'autorité compétente de l'État requérant a, dans le cadre d'une demande de renseignements de nature bancaire, connaissance du nom de l'établissement tenant le compte de la personne , objet du contrôle ou de l'enquête, elle doit le fournir à l'autorité compétente de l'État requis.

3. Une clause de portée générale pour sécuriser l'échange d'informations

Enfin, le point 3 de l'article 1 er vise à ajouter un nouveau paragraphe au point XI du protocole, prévoyant que les éléments énumérés par ledit protocole et fournis à l'État requis « doivent être interprétés de manière à ne pas faire obstacle à un échange effectif de renseignements pour l'application de l'article 28 de la présente convention ». Cette rédaction est conforme au paragraphe 5 de l'article issu du modèle de l'OCDE, qui manquait à l'article 28 de la convention franco-suisse résultant de l'avenant de 2009.

Il s'agit là d'une précaution bienvenue, même si celle-ci est superfétatoire dans sa formulation . D'après les éléments transmis par la direction de la législation fiscale (DLF) à votre rapporteur, « cette clause ne porte pas de conséquences juridiques supplémentaires mais entend sécuriser l'interprétation que nous faisons des modalités pratiques du point XI du protocole. (...) L'objectif est d'imposer expressément à un État contractant l'obligation d'échanger toutes sortes d'informations et de faire en sorte que les dispositions de droit interne ne puissent être utilisées pour empêcher les échanges de renseignements détenus par les banques ».

Compte tenu des difficultés qui se présentent fréquemment dans l'interprétation des conventions fiscales internationales, votre rapporteur estime que cette précaution supplémentaire est tout sauf inutile .

4. Une application rétroactive

Le point 1 de l'article 2 prévoit que le présent accord entrera en vigueur le jour de la réception de la dernière des notifications d'accomplissement des procédures de ratification nécessaires dans chacun des États. Le Parlement suisse ayant délégué au Conseil fédéral sa compétence d'approbation, l'accord est considéré comme ratifié par la Suisse. Il va de soi que l'administration fiscale française a plutôt intérêt à attendre l'entrée en vigueur de l'accord pour adresser ses nouvelles demandes à la Suisse, les demandes effectuées avant cette date ne pouvant se justifier que par la prescription des créances fiscales.

Le présent accord a une portée rétroactive, aux règles relativement complexes . Ainsi, aux termes du point 2 de l'article 2, « le présent accord est applicable aux demandes d'échange de renseignements concernant toute année civile ou tout exercice commençant à compter du 1 er janvier 2010 ». Le point 3, quant à lui, précise que, nonobstant le point précédent, le présent accord n'est applicable qu'aux seules demandes d'identification « relatives à des faits survenus pour toute période commençant à compter du 1 er février 2013 ».

Il faut comprendre ces dispositions de la façon suivante :

- les faits qui motivent la demande de l'État requérant doivent être survenus à compter du 1 er février 2013 , pour pouvoir bénéficier des nouvelles procédures d'échanges de renseignements. Cette date correspond à la date d'entrée en vigueur de la loi fédérale du 28 septembre 2012 précitée. Elle correspond par ailleurs, opportunément, au délai de reprise de l'administration fiscale en droit français, qui est de trois ans 12 ( * ) ;

- les renseignements peuvent quant à eux porter sur des années antérieures, à compter du 1 er janvier 2010 donc . La dissociation entre les deux dates n'est pas inutile : en effet, la rectification d'un impôt dû au titre de l'année 2013 est susceptible d'impliquer la collecte d'informations, notamment bancaires, portant sur des années antérieures. À cet égard, la référence à l'année 2010 permet d' effacer rétroactivement les effets de l'échange de lettres du 11 février 2010 sur lequel se fondait l'administration fiscale suisse (cf. supra ).

En tout état de cause, la portée rétroactive du présent accord permet d'éviter que les opérations antérieures à l'accord - et même à la perspective de sa négociation - n'échappent à l'administration fiscale française. Il a donc pour avantage de neutraliser la question de la date de ratification par la France , ce qui aurait pu conduire, sinon, à quelques mouvements financiers aussi précipités que suspects.


* 11 L'arrêté fédéral du Conseil fédéral suisse du 23 décembre 2011, qui donne mandat au département fédéral des finances pour négocier le présent accord, est d'ailleurs clair sur l'objectif de cette modification : il s'agit de faire en sorte que « la France identifie le contribuable, cette identification pouvant être établie par d'autres moyens que le nom et l'adresse ».

* 12 Aux termes des articles L. 169, L. 176 et L. 180 du livre des procédures fiscales, le délai de reprise de l'administration fiscale s'exerce « jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ». Ainsi, les demandes de renseignements formulées au cours de l'année 2016 pourront porter, au maximum (et sauf délais de prescription spécifiques), sur les impôts dus au titre de l'année 2013.

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