N° 3402


ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

N° 306


SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale
le 19 janvier 2016

Enregistré à la Présidence du Sénat
le 19 janvier 2016

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (1) CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DE LA proposition de loi créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie ,

PAR M. Alain CLAEYS,
Rapporteur

Député

PAR M. Gérard DÉRIOT
Rapporteur

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Alain MILON, sénateur , président ; Mme Catherine LEMORTON, députée, vice-présidente ; MM. Alain CLAEYS, député et Gérard DÉRIOT, sénateur , rapporteurs.

Membres titulaires : Mmes Bernadette LACLAIS, Michèle DELAUNAY, MM. Jean LEONETTI, Jean-Pierre DOOR, Rémi DELATTE, députés ; MM. François PILLET, Jean-Pierre GODEFROY, Georges LABAZÉE, Mmes Françoise GATEL et Laurence COHEN, sénateurs .

Membres suppléants : MM. Gérard SEBAOUN, Mme Annie Le HOUEROU, MM. Christophe SIRUGUE, Christian KERT, Xavier BRETON, Michel PIRON, Mme Véronique MASSONNEAU, députés ; M. Michel AMIEL, Mmes Chantal DESEYNE, Catherine GÉNISSON, Brigitte MICOULEAU, Patricia MORHET-RICHAUD, Stéphanie RIOCREUX et M. Gérard ROCHE, sénateurs .

Voir le(s) numéro(s) :

Première lecture : 2512 , 2585 et T.A. 486

Deuxième lecture : 2887 , 3091 et T.A. 592

Première lecture : 348 , 467 , 506 , 468 et 116 (2014-2015)

Deuxième lecture : 12 , 103 , 106 , 104 et T.A. 30 (2015-2016)

Commission mixte paritaire : 307 (2015-2016)

TRAVAUX DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Mesdames, Messieurs,

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie s'est réunie au Sénat le mardi 19 janvier 2016.

La commission mixte paritaire procède à la désignation de son bureau, qui est ainsi constitué :

- M. Alain Milon, sénateur, président ;

- Mme Catherine Lemorton, députée, vice-présidente ;

- M. Gérard Dériot, rapporteur pour le Sénat ;

- M. Alain Claeys, rapporteur pour l'Assemblée nationale.

*

* *

La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen du texte.

M. Alain Milon, sénateur, président . - Voici près d'un an que le Parlement discute de ce texte, à la suite de nombreux travaux préparatoires dont le rapport du professeur Sicard, remis au Président de la République, et celui de nos collègues Alain Claeys et Jean Leonetti, remis au Premier ministre. Ce sujet, qui revient régulièrement dans l'actualité médiatique et judiciaire, est particulièrement difficile tant pour les personnes concernées, les familles, les équipes soignantes que pour l'ensemble de la société. Chacun souhaite une fin de vie apaisée mais toute nouvelle affaire repose la question des moyens pour y parvenir.

Soyons conscients des limites du législateur : il est impossible de régler par la loi l'ensemble des situations de fin de vie, surtout lorsque la personne ne peut exprimer sa volonté et en l'absence de directives anticipées. La loi peut créer un cadre pour le dialogue nécessaire entre la famille, les proches et l'équipe soignante mais ne peut imposer de solution évidente.

En reconnaissant le droit à une sédation profonde et continue, ce texte répond à une attente incontournable et incontestable. Il s'inscrit dans le respect des soins palliatifs et des droits du malade, comme le disaient MM. Alain Claeys et Jean Leonetti : la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs recommande que soient réunies deux conditions pour recourir à cette pratique, reprises par la proposition de loi : la mort doit être imminente et la souffrance ressentie par le malade réfractaire au traitement. On évite ainsi toute demande suscitée par des souffrances d'ordre existentiel.

Dès lors qu'il ne s'agit ni de créer un droit à l'euthanasie, ni de permettre le suicide assisté, et que nous partageons le même objectif, nous devons pouvoir trouver un accord. L'élaboration d'un texte commun est d'autant plus nécessaire que notre pays a été très divisé par les sujets sociétaux ces dernières années et que nous devons être très clairs sur les possibilités ouvertes par ce texte. Certains y voient une étape, d'autres non. Ce débat ne pourra être tranché que lors d'échéances électorales. Nous devons trouver le meilleur équilibre possible entre les droits du malade et les exigences de prise en charge par les équipes médicales.

Mme Catherine Lemorton, députée, vice-présidente. - Votre discours donne la tonalité de ce que doit être cette commission mixte paritaire. Le Président de la République souhaite un consensus, presqu'un an après le dépôt de cette proposition de loi. Les rendez-vous sur la fin de vie sont rares dans la vie d'un parlementaire. Il serait bon de trouver un accord, plusieurs de nos collègues y oeuvraient encore il y a quelques minutes. Ce sujet est moins politique que véritablement humain, il renvoie chacun à sa propre mort et nous n'avons aucun jugement à porter sur la position des uns ou des autres. Je souhaite ardemment un accord qui permette un vote identique de nos assemblées en séance publique.

M. Gérard Dériot , rapporteur pour le Sénat . - La commission des affaires sociales du Sénat souhaite aboutir à un texte commun avec l'Assemblée nationale ; nous avons travaillé dans cet état d'esprit avec Michel Amiel. Nos travaux de première lecture ont été substantiellement modifiés, ce qui a provoqué le rejet du texte. En deuxième lecture, sur la base du texte rétabli par l'Assemblée nationale, le Sénat a suivi la commission des affaires sociales et celle des lois, qui prenaient en compte les inquiétudes des sénateurs.

Avec M. Claeys, nous avons défini une rédaction commune pour dix articles sur treize. Trois propositions de rédaction font l'objet d'amendements de ma part, la plus importante concerne la sédation profonde et continue, sur quoi la loi devra être très claire. Sur l'hydratation artificielle, la ministre l'a indiqué, la communauté médicale est divisée. La seule décision légitime est celle du patient, éclairée par l'équipe médicale. S'agissant des directives anticipées, l'essentiel est que soit préservée la liberté de chacun et qu'il soit possible de demander aussi la poursuite du traitement.

En 2005, le Sénat avait adopté sans modification la proposition de loi de Jean Leonetti, dont j'étais rapporteur. Aujourd'hui nous avons la volonté et la possibilité d'avancer de nouveau, avec les mêmes objectifs, même si nos appréciations diffèrent parfois.

M. Alain Claeys, rapporteur pour l'Assemblée nationale . - Cette réunion est l'aboutissement d'un travail approfondi réalisé par nos assemblées, y compris lors de réunions informelles. Il n'est pas surprenant que, sur un tel sujet, où les objectifs sont les mêmes, les chemins diffèrent. Avec Jean Leonetti, nous avons cherché une convergence, à défaut d'un impossible consensus, avec un double souci : que les nouveaux droits soient explicites et que la rédaction ne conduise pas à de nouvelles difficultés.

M. Jean Leonetti, député . - Je me suis déjà beaucoup exprimé sur ce sujet ces dix dernières années. Je me félicite du travail réalisé à la demande du Président de la République, à partir d'une lettre de mission du Premier ministre. Il n'était pas gagné que nous trouvions un accord avec Alain Claeys ; nous l'avons fait sans concession, avec des lignes directrices claires, sur la base du rapport du professeur Sicard et de l'avis du Conseil consultatif national d'éthique (CCNE). Les aléas de la navette parlementaire au Sénat ont abouti dans un premier temps au rejet total du texte et dans un deuxième temps à un texte sensiblement différent. J'approuve totalement les nouvelles propositions signées des deux rapporteurs de notre commission mixte paritaire, Gérard Dériot et Alain Claeys. L'absence de mon nom sur ces propositions n'est que « procédurale » et ne traduit en rien une quelconque désapprobation.

Un texte commun satisfera les inquiétudes des uns et les attentes des autres. L'Assemblée nationale souhaite que l'on puisse mourir sans souffrir et que les directives anticipées soient très contraignantes sans être opposables. Certains auraient voulu établir un droit à une mort volontaire, d'autres rester sur l'esprit de la loi de 2005. Je les rassure, nous sommes toujours dans l'esprit de la loi Leonetti, qui s'appuie elle-même sur la loi Kouchner de 2002, laquelle repose sur la loi de 1999. Le Président de la République s'est par ailleurs engagé à développer les soins palliatifs et la formation des soignants, avant toute avancée législative.

Peu de choses nous séparent sur les objectifs ; nous devons trouver un texte levant toute ambiguïté - il en restait à l'Assemblée nationale- et ne confondant pas les objectifs avec le suicide assisté ou l'euthanasie, qui n'ont jamais été souhaités par les auteurs de la proposition de loi ni présents dans la commande du Président de la République ou du Premier ministre. Je mettrai toute ma force de conviction pour réussir une avancée significative pour l'ensemble de nos concitoyens.

M. Michel Amiel , sénateur . - Avec Gérard Dériot, nous avons entendu de nombreux acteurs - médicaux, techniques, philosophiques ou religieux et débattu entre nous. La notion de mort imminente est importante : cette loi est faite pour ceux qui vont mourir et non pour ceux qui veulent mourir. Ce n'est ni une loi sur l'euthanasie, ni une loi sur le suicide assisté. Elle s'ajoute aux efforts devant être faits pour les soins palliatifs, insuffisamment développés dans notre pays.

Nous ne serons jamais pleinement d'accord mais nous pouvons aboutir à une convergence sur une loi sociétale qui, touchant à la vie et à la mort, dépasse les sensibilités politiques. Au-delà de sa dimension humaniste, il faut sécuriser le dispositif juridique pour éviter des difficultés comme celles qui ont défrayé la chronique. Notre réunion devrait aboutir à cette convergence. Il nous reviendra ensuite de la défendre auprès de nos groupes politiques.

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