EXPOSÉ GÉNÉRAL
I. LA CRISE DES FILIÈRES D'ÉLEVAGE MET EN ÉVIDENCE UN DÉFICIT DE COMPÉTITIVITÉ DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE FRANÇAIS.
A. LES FILIÈRES ANIMALES EN DIFFICULTÉ FACE À LA CHUTE DES PRIX.
La crise de l'élevage touche plus particulièrement trois filières : le lait, le porc et la viande bovine . La baisse des prix est le signe manifeste de la crise de ces filières. Mais c'est surtout le déclin de la production qui inquiète à moyen terme, car la France perd du terrain en Europe dans les productions animales de manière continue.
1. La crise dans le secteur du lait.
La fin des quotas laitiers début 2015, combinée à l'embargo russe, ont grandement perturbé les équilibres du marché laitier, après deux années où la production et les prix avaient beaucoup progressé.
En France, le prix moyen pour l'année 2015 devrait avoisiner les 310 euros les 1 000 litres. D'une manière générale, en Europe, les prix du lait tombent sous leurs niveaux de 2012.
Source : FranceAgrimer
En dehors des productions spécialisées de fromages sous appellation d'origine, comme le comté, ou des productions destinées à des marchés de haut de gamme, comme le lait bio ou le lait de montagne, le lait « standard » s'inscrit dans un paysage marqué par une concurrence exacerbée à l'échelle mondiale .
Les pays d'Europe du Nord ont anticipé la fin des quotas en augmentant fortement leur production, dans le cadre d'un mouvement de concentration de la production laitière. En effet, le transport du lait sur de longues distances est malaisé, et la proximité des élevages par rapport aux usines constitue un réel atout.
Cette augmentation de la production, encore plus nette sur la période récente (cf. graphique), intervient dans un contexte de faiblesse de la demande mondiale, en particulier à cause du ralentissement économique de la Chine.
Ces écarts entre offre et demandent conduisent à un ajustement par les prix d'une grande sévérité.
Or, dans la crise, la filière laitière française paraît moins solide que nos voisins . Pourtant, l'analyse des évolutions de prix montre que la filière absorbe les mouvements à la hausse comme à la baisse : le lait français était moins bien payé que le lait allemand au plus fort de la hausse, en 2014. À l'inverse, le prix du lait allemand est désormais plus bas que le lait français. Il est cependant inquiétant de constater que, lorsque les prix flanchent, les volumes en France ont tendance sinon à décroître, du moins à stagner, alors que nos voisins poursuivent leur stratégie de conquête de parts de marché.
2. La crise dans le secteur porcin.
La filière porcine française est en déclin depuis le début des années 2010 . La production qui s'était maintenue entre 2000 et 2010 à environ 25,5 millions de porcs par an, s'établit désormais à 23 millions de porcs par an. La France est devenue importatrice nette de viande de porc.
Là encore, la pression concurrentielle de nos voisins européens est très forte , dans un contexte d'atonie de la demande. La consommation domestique de viande porcine connaît une baisse depuis une décennie. À cette tendance de long terme se sont ajoutés des facteurs extérieurs : la Russie a décrété un embargo sur la viande de porc européenne début 2014, suite à la découverte d'un cas de peste porcine dans les pays baltes. Les productions à destination du marché russe se sont reportées sur le marché interne de l'Union européenne. À cet embargo sanitaire a succédé un embargo politique, qui a exactement les mêmes effets.
Au premier semestre 2015, les prix du porc en France ont baissé de 12 % par rapport à 2014. Même si le prix de l'alimentation a un peu baissé sur la même période, les faibles cours du porc pèsent fortement sur la trésorerie des exploitations, dont les charges fixes demeurent importantes.
Le prix de 1,40 € le kilo, considéré comme un prix minimum par les éleveurs, n'est plus atteint depuis l'été . La crise s'est aggravée avec l'arrêt des cotations, en août dernier, au marché du porc breton (MPB) de Plérin, qui donnait les références de prix pour la quasi-totalité des transactions, suite au retrait des deux principaux opérateurs du marché, refusant de voir les prix français être déconnectés des prix européens.
Depuis, les cours n'ont cessé de baisser, se rapprochant durant les dernières semaines de la barre des 1 € le kilo, qui constitue un prix indécent.
Là encore, la France semble moins robuste que nos voisins : les producteurs sont plus fragiles et le maillon abattage-découpe est peu compétitif par rapport aux concurrents européens qui ont fortement investi (Danemark, Espagne Allemagne) ou bénéficiaient d'avantages compétitifs en termes de coûts de main d'oeuvre (Allemagne).
3. La crise dans le secteur de la viande bovine.
La viande bovine est l'un des maillons faibles de l'élevage français. En 2014, le revenu courant après impôt des éleveurs spécialisés en viande bovine s'est élevé à seulement 15 900 euros, soit un niveau inférieur de 17 % à la moyenne observée en 2011-2013 et de 22 % par rapport à la moyenne sur longue période (2000-2013). Ces dernières années, les revenus moyens ont oscillé entre 12 000 et 18 000 euros, et s'établissent parmi les plus bas du monde agricole.
Les prix payés aux producteurs ont peu varié sur longue période : entre 1995 et 2015, le prix de la viande payé au producteur a augmenté de 12 % quand les prix à la consommation ont augmenté de 60 %.
En revanche, les coûts de production (fermages, coûts vétérinaires, alimentation animale) ont progressé de manière beaucoup plus dynamique.
Le secteur de l'élevage bovin allaitant est économiquement peu attractif et nécessite des investissements lourds à l'installation (achat du cheptel, acquisition de terres).
Des difficultés supplémentaires se profilent comme l'obligation de nouvelles mises aux normes pour le stockage de fumier dans les nouvelles zones vulnérables ajoutées à la liste déjà existante pour respecter davantage la directive « nitrates ».
Toutefois, il faut nuancer le panorama : les résultats économiques des exploitations sont très différents selon les choix faits dans la conduite d'exploitation, comme le montre un rapport de février 2015 du conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux.
Les derniers mois ont été surtout marqués par des conflits importants de répartition entre éleveurs et transformateurs.