EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 25 novembre 2015, sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission procède à l'examen du rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, en nouvelle lecture.
M. Alain Milon, président . - Nous examinons, en nouvelle lecture, le rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général . - Le projet de loi de financement de la sécurité sociale comportait initialement 61 articles. En première lecture, l'Assemblée nationale en a supprimé un et en a ajouté 31. Le Sénat a maintenu cette suppression et a adopté conformes 48 articles ; il a modifié 30 articles, a adopté 17 additionnels et supprimé 13 articles dont 9 relatifs aux équilibres généraux et aux objectifs financiers des différentes branches.
Après l'échec de la commission mixte paritaire, réunie le 17 novembre, 58 articles restaient en discussion. Lors de son examen en nouvelle lecture, l'Assemblée a adopté 12 articles dans la rédaction du Sénat. Elle a rétabli les articles supprimés et supprimé la plupart des articles additionnels : 46 articles restent ainsi en discussion.
Ce bilan n'est pas surprenant puisque nous avons un désaccord de fond sur l'état de nos finances sociales : tandis que l'Assemblée, avec le Gouvernement, se félicite d'une tendance positive et attend un retour à l'équilibre à l'horizon 2020, nous avons alerté sur l'assurance-maladie et son déficit de 7 milliards en régime de croisière, ainsi que sur la retraite dont le déficit se creuse à nouveau dès 2019. Le redressement n'est ni spectaculaire, ni suffisant si l'on considère la ponction inédite réalisée sur les ménages et les entreprises. Ainsi, en 2012, 2,5 milliards de prélèvements obligatoires nouveaux (nouvelle majorité uniquement) et 200 millions de réduction du déficit ; en 2013, 9,8 milliards de prélèvements et 3,6 milliards de réduction du déficit ; en 2014, 5,6 milliards de prélèvements et 1,3 milliard de réduction du déficit. Les recettes nouvelles ont ainsi surtout servi à financer des dépenses nouvelles. Or il faut impérativement maîtriser les dépenses et travailler plus longtemps ; il serait plus efficace et plus juste de le décider rapidement. Nos compatriotes le savent aussi. Il y va de la crédibilité de la parole publique et de la confiance dans notre système de protection sociale.
Sur le reste, nous n'avons que peu de désaccords de fond : le Sénat a voté dès la première lecture les deux principales mesures financières, la réduction de la cotisation famille et le relèvement de l'abattement de C3S, qui traduisent la seconde étape du pacte de responsabilité.
Les autres mesures sont de nature technique et nos désaccords sont de portée limitée. La commission des affaires sociales de l'Assemblée a, pour l'essentiel, proposé de revenir au texte de première lecture. Elle a ainsi rétabli l'article 12 qui transfère aux Urssaf le recouvrement des cotisations maladie des professions libérales, rétabli la possibilité d'ouvrir le financement du FSV par voie règlementaire, supprimé le report de l'âge de départ à la retraite à 63 ans - on s'en doutait - ; supprimé les trois jours de carence à l'hôpital comme la réduction forfaitaire pour les particuliers-employeurs - c'est dommage - ; supprimé l'article sur les dividendes des dirigeants de SARL - c'est immuable - ; supprimé la prolongation des exonérations pour les jeunes agriculteurs - c'est également dommage d'autant que cela ne coûtait pas très cher.
Le Gouvernement a, sur plusieurs points, pris en considération, voire prolongé, les travaux du Sénat. A l'article 19, il a proposé un compromis compliqué sur l'affiliation des gens de mer : les marins seraient affiliés à l'Établissement national des invalides de la marine (Enim) et les non-marins au régime général.
A l'article 7 bis, l'adoption d'un sous-amendement de Dominique Tian réduit le champ d'application à la seule cessation forcée d'activité des dirigeants et mandataires sociaux (six personnes auraient donc été concernées en 2014), tout en supprimant, semble-t-il, l'assujettissement au premier euro pour les salariés à compter de 10 plafonds annuels de la sécurité sociale (Pass). Parallèlement un sous-amendement du Gouvernement aménage des dispositions transitoires pour les ruptures de contrat de travail. Il y a là une forme d'improvisation. En l'état, ce dispositif ne convient pas. Rappelons que le Conseil constitutionnel vient d'annuler l'augmentation de la contribution additionnelle sur les retraites chapeau en raison des effets de seuil qu'elle induisait.
Aux articles 21 et 22 relatifs respectivement à la complémentaire santé des plus de 65 ans et à la complémentaire santé de salariés en contrats courts ou ayant un faible nombre d'heures, l'Assemblée a adopté deux amendements du Gouvernement qui tendent, d'après la ministre, à prendre en compte les débats au Sénat.
L'article 21 est profondément remanié pour mettre en place un système, non de sélection, mais de labélisation de plusieurs types de contrats couvrant des paniers de prestations diverses et dont le montant des cotisations sera plafonné en fonction de l'âge des souscripteurs. Ce mécanisme, inévitablement complexe, a pour contrepartie un crédit d'impôt réduit de moitié par rapport au dispositif initial. Il s'établit désormais à 1% des cotisations perçues, à tel point que l'on peut se demander s'il présente un intérêt autre que celui de justifier le rattachement de cette disposition au projet de loi de financement. Le nouveau dispositif de labélisation semble satisfaire les acteurs de l'assurance maladie complémentaire.
Le Sénat, dubitatif quant à la rédaction initiale, avait adopté une mesure sociale à l'initiative de la commission des finances en relevant le montant de l'aide complémentaire santé (ACS) pour les plus de 65 ans. L'Assemblée a supprimé cette disposition, pourtant intéressante pour les retraités les plus modestes.
A l'article 22, le Sénat ne souhaitait pas remettre en cause les contrats négociés par les entreprises qui couvrent déjà les salariés en contrat court ou effectuant un faible nombre d'heures. Le Gouvernement propose désormais de limiter l'option pour le chèque aux salariés dont la durée de couverture par le régime d'entreprise est trop courte. Cette durée sera définie par voie réglementaire, ce qui nous laisse dans le flou. Nous avions souligné, lors de la première lecture, que la situation des salariés précaires devait être traitée par la négociation entre partenaires sociaux ou par la mise en place de fonds de financement, comme le préconise le rapport Libault. A défaut d'une de ses solutions, celle préconisée par le Gouvernement a au moins avoir le mérite de ne pas remettre en cause ce qui a été négocié par les entreprises pour une mise en oeuvre au 1 er janvier.
Les articles 21 et 22 n'appellent a priori pas de nouvelle modification de notre part. De même, sur l'ensemble du texte, je ne vois pas de sujet sur lequel la poursuite de la discussion pourrait contribuer à l'améliorer.
Pour cette raison et compte-tenu du désaccord de fond sur les équilibres généraux, qui avait amené le Sénat à rejeter en première lecture les objectifs de recettes et de dépenses, je vous propose de déposer une question préalable. Tout en préservant la possibilité pour les différentes opinions de s'exprimer lors de la discussion générale, son adoption se justifie dans la mesure où il n'est pas utile de rouvrir à ce stade une discussion sur les articles restant en navette.
M. Yves Daudigny . - Nous prenons acte du désaccord de fond sur l'état des finances de la sécurité sociale ainsi que sur d'autres décisions. En cet instant, je fais simplement remarquer que la maîtrise des dépenses publiques impose de ne pas réclamer de nouvelles dépenses.
Nous n'approuvons pas le dépôt de la question préalable : quelles que soient les circonstances, l'interruption d'une discussion ne favorise pas la vie démocratique.
M. Gilbert Barbier . - Hier, les députés ont bien dit leur intention de rétablir leur texte, hormis quelques concessions mineures. Nous n'arriverons jamais à nous entendre. Notre rapporteur général a souligné l'amateurisme du Gouvernement avec ses sous-amendements de dernière minute. Les modifications apportées aux articles 21 et 22 sont difficiles à comprendre et ne sont pas évaluées. Je voterai la question préalable.
Mme Catherine Procaccia . - Poursuivre la discussion serait inutile : nous avons beaucoup travaillé, présenté des amendements constructifs pour améliorer le texte ; l'Assemblée les a repoussés d'un revers de main. Comment ne pas éprouver un sentiment de frustration ? Inutile de passer deux ou trois jours à discuter alors que nous savons quel sera le sort de nos propositions. En demandant à sa majorité de rétablir son texte, le Gouvernement nie le rôle du Sénat, mais aussi celui de l'Assemblée nationale qui n'a d'autre choix que de voter les yeux fermés. Pour ma part, j'approuve la question préalable.
M. Jean-Noël Cardoux . - Je souscris aux propos de Mme Procaccia : lors de la commission mixte paritaire, nous avons bien vu que les positions n'évolueraient pas. Je félicite notre rapporteur général d'avoir dénoncé les dérives des dépenses de la sécurité sociale et des économies en trompe l'oeil. En transférant 23 milliards de l'Acoss à la Cades à titre préventif, le Gouvernement prépare la voie à de nouveaux déficits.
Point n'est besoin de poursuivre la discussion : à quoi bon y consacrer des heures si tout dialogue avec l'Assemblée est impossible ? Les mutualistes et les assureurs sont vent debout contre l'article 21, les bricolages proposés par le Gouvernement n'y changeront rien. En commission mixte paritaire, nous avons évoqué le décalage de la prime de naissance et nous avons vu à l'expression de certains députés qu'ils ne nous donnaient pas tort, même s'ils ont finalement maintenu leur texte. Quant au transfert du recouvrement des cotisations des professions libérales du RSI à l'Urssaf, nous savons que nous allons dans le mur et que les professionnels, en particulier les libéraux, y sont opposés : pourtant, l'Assemblée persiste et signe. Dans ces conditions, la poursuite de la discussion est vaine : je voterai donc la question préalable.
Mme Annie David . - Quand que nous avions déposé une question préalable en première lecture, vous nous aviez reproché de ne pas vouloir discuter du projet. Et maintenant, vous ne le voulez plus ? Nous ne mêlerons sans doute pas nos votes aux vôtres car nos objectifs sont radicalement opposés.
Je suis toujours étonnée d'entendre dénoncer l'inutilité des débats : la minorité sait bien qu'elle a peu de chance de faire valoir ses vues, mais cela ne doit pas l'empêcher d'exposer ses arguments. Nos travaux sont entendus à l'extérieur, démontrent qu'il y avait d'autres possibilités. C'est cela, la démocratie. Il y a quelques années, le Sénat était à gauche et le Gouvernement à droite : cette commission que je présidais avait réécrit le projet de loi de financement et l'Assemblée avait rejeté notre texte. Vous n'êtes pas dans la majorité : il est normal que vos propositions ne soient pas toutes retenues.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général . - Je n'ai peut-être pas été assez précis, monsieur Daudigny : nous avons voté certains articles phares aux conséquences financières importantes, ainsi en est-il des articles 7, 8 ; l'Assemblée a retenu notre rédaction de l'article 39. Nous avons également soutenu l'article 49 qui consacre une évolution importante sur les soins de suite et de réadaptation.
A l'article 55 qui traite de l'Ondam, nous avons proposé d'amplifier les économies présentées par le Gouvernement, sans remettre en cause la philosophie générale du texte. Nous nous réjouissons d'ailleurs de constater que le Gouvernement se rapproche de la position défendue par le Sénat l'an passé.
Si nous avions noté une volonté commune de poursuivre la discussion, nous n'aurions pas présenté cette motion. Comme tel n'est pas le cas, il convient de ne pas perdre inutilement du temps.
La motion n° 1 tendant à opposer la question préalable est adoptée.