IV. UN BILAN POSITIF DE LA PREMIÈRE ANNÉE D'OUVERTURE DE LA PHILHARMONIE DE PARIS, MAIS DES QUESTIONS QUI DEMEURENT EN SUSPENS
Le coût final du chantier de la Philharmonie de Paris La Philharmonie de Paris a été inaugurée le 15 janvier 2015. Son coût final est de 389,4 millions d'euros , auquel s'ajoutent les dépenses de fonctionnement et d'équipement courant de l'association de maîtrise d'ouvrage de la Philharmonie de Paris. Ce montant a été assuré principalement par l'État (environ 211 millions d'euros, soit 54 %), qui a en particulier assuré seul la prise en charge des derniers surcoûts précipités. La ville de Paris a contribué à hauteur de 158,4 millions d'euros (41 %) et la région Ile-de-France à hauteur de 20 millions d'euros (5 %). Le budget initial de fonctionnement de la Philharmonie de Paris pour l'année 2015 a fait l'objet d'un audit de la part d'une mission conjointe des services de l'État et de la ville de Paris en fin d'année 2014, afin de conforter le modèle économique, tout en le rendant conforme aux contraintes pesant sur les finances publiques . Cette mission a arrêté le budget initial de l'exploitation de la salle à 27,8 millions d'euros (hors échanges de marchandise), dont 12,8 millions d'euros de ressources propres, soit 46 % du budget total, et 15 millions d'euros de subventions publiques (54 % du budget total), dont 9 millions d'euros pris en charge par l'État contre 6 millions d'euros pris en charge par la ville de Paris. Source : réponse du ministère de la culture et de la communication au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux |
La première année d'exploitation de la Philharmonie de Paris s'avère très encourageante , avec un taux de remplissage moyen de 96 % et un haut niveau de fréquentation : 217 000 spectateurs ont ainsi assisté à un concert dans la grande salle, 82 000 personnes ont participé à une activité éducative, et 196 650 personnes ont visité la première exposition présentée à la Philharmonie de Paris, et consacrée à David Bowie. En termes de prévision, la fréquentation attendue de la grande salle est de près d'un million de visiteurs en année pleine.
Le budget de fonctionnement rectifié n° 1 pour 2015 témoigne du succès de la première saison , avec un résultat excédentaire de 0,12 million d'euros et une capacité d'autofinancement dégagée de + 0,66 million d'euros (non estimée en budget initial).
Si cette première année est encourageante, les réussites constatées doivent être confirmées et s'inscrire dans la durée , afin que les coûts de fonctionnement futurs de l'équipement ne créent pas un effet d'éviction à son profit, au détriment des autres aspects de la politique culturelle de l'État, comme le recommandait le rapport de notre ancien collègue Yann Gaillard 45 ( * ) .
C'est l'un des enjeux de la fusion de la Cité de la musique et de la Philharmonie de Paris. Un décret du 24 septembre, présenté en conseil des ministres le 23 septembre et entré en vigueur le 1 er octobre 2015 46 ( * ) , crée ainsi l'établissement public national (EPN) de la Cité de la musique - Philharmonie de Paris. Ce texte précise notamment les modalités d'association de la ville de Paris à la gouvernance de l'établissement . Ce dernier pourra passer avec la ville de Paris et l'État des conventions permettant de définir les modalités du partenariat.
En application de ce décret statutaire, le projet de loi de finances pour 2016 présente une budgétisation unique sur les deux structures , comme on peut le constater dans la justification au premier euro dédié aux opérateurs du programme 131 « Création » de la mission « Culture ».
La subvention pour charges de service public s'élèvera en 2016 à 36,72 millions d'euros . Ce montant est supérieur de près de 3 % à la somme, en 2015, de la subvention pour charge de services public de la Cité de la Musique (25,860 millions d'euros) et des 9,8 millions d'euros de crédits destinés à financer les dépenses de fonctionnement de la Philharmonie de Paris en 2015, pour un total de 35,66 millions d'euros.
Le ministère de la culture et de la communication justifie ainsi cette trajectoire favorable : « la hausse des crédits se justifie par la nécessité de conforter la situation financière du nouvel établissement . En effet, l'amplitude de ses activités et ses effectifs augmentent, sans qu'aucune recapitalisation ne soit envisagée à ce stade, alors même que l'association « Philharmonie de Paris » ne disposait pas d'un fonds de roulement à même d'abonder celui de l'établissement public. L'augmentation de la subvention de fonctionnement a donc pour objectif de sécuriser le niveau de la capacité d'autofinancement, et donc du fonds de roulement , du nouvel établissement, et de compenser ainsi la hausse du niveau du jour de fonctionnement de 100 000 euros à 190 000 euros » 47 ( * ) .
En investissement, l'établissement bénéficiera d'une subvention cumulée de 2,15 millions d'euros 48 ( * ) , soit une évolution de + 5,91 % par rapport à 2015 (2,03 millions d'euros). Le ministère estime là encore que « cette hausse s'avère nécessaire, car les besoins du nouvel établissement augmentent du fait des dépenses d'entretien inscrites dans le marché de gros entretien et réparation (GER) conclu dans le cadre du marché de travaux initial de la Philharmonie de Paris » 49 ( * ) .
Enfin, les emplois s'élèvent à 339 ETPT . Ce montant agrège les 273 ETPT de la Cité de la musique, la reprise des 38 ETPT issus de la SAS Salle Pleyel 50 ( * ) , la création de 25 ETPT et la titularisation de 3 ETPT intermittents, ces 28 nouveaux ETPT étant jugés « indispensables au déploiement de l'activité sur le nouveau site » 51 ( * ) .
Le plafond d'emplois 2016 est toutefois inférieur de 13 ETPT par rapport au plafond inscrit en loi de finances pour 2015 . En effet, la mission d'audit sur la Philharmonie de Paris précitée a revu à la baisse les besoins en emploi du nouvel opérateur.
Si vos rapporteurs spéciaux souscrivent à la hausse des moyens de fonctionnement et d'investissement du nouvel établissement en 2016 afin de ne pas obérer sa phase de développement, ils estiment que ce traitement favorable doit être temporaire et qu'il devra rapidement céder la place à la définition d'un modèle économique solide, fondé sur des ressources propres dynamiques .
À cet égard, ils regrettent que le projet annuel de performances de la mission « Culture » ne contienne pas d'indicateurs de performance spécifiquement dédiés au suivi des dépenses de fonctionnement, de la fréquentation et des ressources propres de l'établissement Cité de la musique - Philharmonie de Paris, comme ils l'avaient recommandé l'année dernière, d'autant plus que la ministre s'y était montrée favorable : « Je suis évidemment d'accord pour introduire des indicateurs de performance relatifs à la fréquentation, aux ressources propres, mais aussi, pourquoi pas, aux programmes d'éducation artistique et culturelle, à la vocation pédagogique de la Philharmonie de Paris. Je pense que cela serait de bonne gestion. Je vous propose de travailler ensemble à cette question » 52 ( * ) .
Interrogé par vos rapporteurs spéciaux, le ministère de la culture et de la communication a précisé que le dispositif de performance pour 2016 prend en compte le nouvel établissement dans le périmètre de calcul des objectifs et indicateurs suivants :
- objectif 2 : « donner des bases économiques et professionnelles solides à la création »/indicateur 2.1 : « équilibre financier des opérateurs » ;
- objectif 3 : « augmenter la fréquentation du public dans les lieux culturels sur l'ensemble du territoire »/indicateur 3.1 : « fréquentation des lieux subventionnés » ;
- objectif 4 : « diffuser davantage les oeuvres et les productions culturelles en France et à l'étranger »/indicateur 4.2 : « intensité de représentation et de diffusion des spectacles ».
Pour autant, les cibles n'ont pas été modifiées à la hausse entre 2015 et 2016-2017 . Il conviendra donc d'étudier en exécution 2016 l'évolution de ces indicateurs pour voir si l'impact du nouvel opérateur est manifeste.
Enfin, en ce qui concerne la Philharmonie de Paris, un autre enjeu, et non des moindres, concerne son articulation avec la salle Pleyel , afin de rentabiliser au mieux la concession de cette dernière et sa coexistence avec les autres établissements musicaux parisiens, sachant que son acquisition en 2009 pèsera encore pendant plusieurs années sur le budget de la mission « Culture ».
Quel positionnement de la salle Pleyel par rapport à la Philharmonie de Paris ? Début janvier 2015, à la suite d'une procédure d'appel d'offres lancée au printemps 2014, la Salle Pleyel a été confiée à la société FIMALAC, dans le cadre d'une convention d'occupation du domaine public (CODP). L'arrêt de la programmation de musique classique à la salle Pleyel vise essentiellement à rééquilibrer la structure géographique de l'offre de musique classique sur le territoire du Grand Paris avec, à l'ouest, l'auditorium de Radio France, le Théâtre des Champs-Élysées, les salles Wagram et Gaveau, et la future cité musicale de Boulogne-Billancourt, et à l'est, la Cité de la musique-Philharmonie de Paris sur le site de la Villette et l'opéra Bastille et son auditorium. Ce rééquilibrage est en totale cohérence avec le positionnement et la mission de service public du nouvel équipement en matière de renouvellement des publics et des pratiques culturelles liées au concert. |
Le revenu moyen annuel attendu de la concession est de l'ordre de 1,8 million d'euros sur la période 2015-2030 , ce qui doit permettre à la Cité de la musique de rembourser chaque année une partie de l'avance octroyée par l'Agence France Trésor lors de l'acquisition de la salle Pleyel en 2009 , en plus des revenus issus de la gestion locative des espaces de bureaux situés dans le même immeuble. Pour mémoire, le montant restant à rembourser à la date du 31 décembre 2014 était de 49,4 millions d'euros, 11 millions ayant été remboursés depuis 2010 . Source : réponses du ministère de la culture et de la communication au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux |
* 45 « La philharmonie de Paris : une dérive préoccupante », rapport de Yann Gaillard au nom de la commission des finances du Sénat, n° 55, 2012-2013.
* 46 Décret n° 2015-1178 du 24 septembre 2015 relatif à l'établissement public de la Cité de la musique - Philharmonie de Paris.
* 47 Source : réponses du ministère de la culture et de la communication au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.
* 48 1,5 million d'euros pour la Cité de la musique et 0,65 million d'euros pour la Philharmonie de Paris.
* 49 Source : réponses du ministère de la culture et de la communication au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.
* 50 Mesure de périmètre inscrite en loi de finances pour 2015.
* 51 Source : réponses du ministère de la culture et de la communication au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.
* 52 Source : J.O du Sénat, compte-rendu intégral de la séance du samedi 29 novembre 2014, examen des crédits de la mission « Culture », projet de loi de finances pour 2015.