B. SI LES CONTRAINTES FINANCIÈRES SONT RÉELLES, IL EXISTE DES MARGES DE MANoeUVRE LÉGALES ET RÉGLEMENTAIRES POUR FAVORISER LA CRÉATION DE PLACES D'ACCUEIL DU JEUNE ENFANT.

1. L'augmentation du nombre de places se heurte à des contraintes financières
a) Le contexte dans lequel la Cog a été signée explique une partie seulement du retard observé

La signature tardive de la COG (en juillet 2014) a pu entraîner des retards dans la mise en chantier de projets, notamment de créations d'établissements. Toutefois ce facteur ne saurait suffire à expliquer le retard pris dans la réalisation des objectifs. En effet, si le taux de réalisation globale était de 31 % pour l'année 2013 (63 % pour les créations de places en accueil collectif), ce taux a chuté à 7 % (58 % pour l'accueil collectif) en 2014.

Les élections municipales de mars 2014 ont également pu retarder la mise en chantier de projets de structures. Ce contexte ne peut toutefois pas avoir eu d'influence sur la scolarisation des jeunes enfants ou sur l'accueil individuel, pour lesquels les résultats sont nettement plus décevants encore que pour les EAJE.

b) La situation financière des communes freine leurs investissements dans des équipements d'accueil du jeune enfant

Les contraintes financières pesant sur les collectivités et notamment sur les communes, compétentes en matière d'EAJE, contribuent à expliquer les retards dans les créations de places d'accueil collectif. Or, compte tenu de la baisse annoncée des dotations aux collectivités, ces contraintes ne devraient pas s'atténuer à moyen terme.

c) Le recul de l'accueil individuel correspond à la conjoncture économique

Aucune des pistes d'explication explorées par le HCF ne permettent d'expliquer de manière satisfaisante ce recul de l'accueil individuel formel.

Toutefois, la stagnation du revenu disponible des ménages, combinée à une persistance du chômage, obèrent la capacité des familles à avoir recours à des salariés à domicile ou à des assistants maternels.

d) La ponction opérée sur les ressources du fond national d'action sociale laisse peu de place à l'optimisme quant au rattrapage du retard accumulé

A l'occasion de l'examen du PLFSS pour 2015, votre rapporteur a déjà eu l'occasion de regretter le rebasage de l'objectif de progression des moyens du Fond national d'action sociale (Fnas) dont 60 % des ressources sont affectées au financement de solutions d'accueil pour les jeunes enfants. En effet, la sous-consommation des crédits en 2013 tient notamment au contexte électoral et à la signature tardive de la Cog. Ce rebasage sur les crédits consommés en 2013, qui diminuera les ressources du Fnas de plus de 1,4 milliard d'euros sur la période 2013-2017 13 ( * ) , ne permet pas d'envisager un rattrapage du retard accumulé.

2. Il existe toutefois des marges de manoeuvre pour améliorer l'offre de solutions de garde formelles

Les auditions menées par votre rapporteur montrent qu'un certain nombre d'évolutions législatives et règlementaires sont de nature à réduire les difficultés auxquels font face les professionnels de l'accueil du jeune enfant et les parents. Si le présent rapport n'a pas pour objet de formuler des propositions précises en la matière, votre rapporteur souhaite toutefois esquisser des pistes de réflexion.

a) L'environnement normatif des EAJE doit être simplifié

En matière d'encadrement des enfants au sein des établissements, les règles applicables varient selon les structures. Il faut par exemple un adulte pour huit enfants qui marchent dans une crèche, alors qu'un adulte ne peut s'occuper que de quatre enfants dans une maison d'assistants maternels. On peut s'interroger sur ces différences.

Le décret du 7 juin 2010 relatif aux établissements et services d'accueil des enfants de moins de six ans a été critiqué en ce qu'il a réduit le ratio minimal de personnels qualifiés 14 ( * ) . Dominique Bertinotti, alors secrétaire d'Etat chargé de la famille, avait annoncé son abrogation qui n'est jamais intervenue. S'il est nécessaire de prévoir un encadrement adéquat, il convient de tenir compte de la pénurie de personnels qualifiés dans l'encadrement de jeunes enfants.

Par ailleurs, les acteurs interrogés par votre rapporteur pointent la nécessité de revoir les règles d'attribution de la prestation de service unique (PSU), qui sont fixées par une circulaire de la Cnaf. S'il est souhaitable d'inscrire la notion de service rendu aux familles dans les règles de tarification, le niveau d'exigence a pu être difficile à satisfaire pour les petites structures associatives, ce qui peut contribuer à expliquer une partie des destructions de places.

Les personnes auditionnées ont également fait valoir que les normes relatives aux locaux ayant vocation à accueillir des jeunes enfants manquent de cohérence et de lisibilité pour les investisseurs.

Ainsi que le souligne le rapport d'information de la délégation sénatoriale aux droits des femmes, le coût de construction d'un EAJE a presque doublé en dix ans, passant de 18 079 euros par place en 2000-2001 à 34 312 euros en 2012-2013. Le prix du foncier intervient bien entendu dans cette augmentation mais les normes de sécurité et d'hygiène, notamment la superficie minimale exigée par enfant, doivent être étudiées avec attention.

Ces normes se sont étoffées et complexifiées au fil des années. De plus, en raison des exigences particulières que peuvent formuler les services départementaux de protection maternelle et infantile (PMI), les règles applicables peuvent varier d'un département à l'autre.

b) Une réflexion doit être lancée sur la filière des métiers de la petite enfance

On constate une pénurie préoccupante de personnels qualifiés, notamment d'auxiliaires de puériculture. Cette situation s'explique, en partie, par le nombre insuffisant d'écoles délivrant ces formations.

Ainsi, dans un domaine où l'expérience acquise est souvent plus importante que la formation initiale, les professionnels regrettent l'absence de passerelles permettant au titulaire d'un CAP petite enfance d'accéder au métier d'auxiliaire puériculture.

Sur ces sujets, des réflexions sont en cours, et il est nécessaire qu'elles aboutissent.

c) Les difficultés constatées dans le domaine de l'accueil individuel concernent aussi bien l'offre que la demande

A l'instar des difficultés observées pour l'accueil collectif, on constate d'importantes disparités dans les pratiques des services de PMI appelés à délivrer des agréments aux assistants maternels. Si l'appréciation des conditions d'accueil doit être individualisée, les décisions et les exigences des services de PMI apparaissent parfois arbitraires aux yeux des assistants maternels. L'établissement de référentiels communs clarifiant les règles applicables serait un facteur de simplification pour les assistants maternels, dont la profession gagnerait à être davantage valorisée.

Du côté de la demande, le principal frein reste le coût supporté par les familles. Les modalités de financement des modes de garde pourraient être réévaluées. En effet, la participation publique (Etat, collectivité et branche famille), et donc le reste à charge pour la famille, sont différents selon le mode de garde choisi, alors que ce dernier dépend largement des besoins spécifiques à chaque famille. Il serait donc pertinent d'interroger les différences qui existent entre la PSU qui finance les établissements et le complément de libre choix du mode de garde (CMG), qui est attribuée aux familles qui font garder leur enfant par un salarié ou au sein d'une micro-crèche. Enfin, la possibilité de mettre en oeuvre un mécanisme de tiers payant pour le CMG devrait être étudiée.


* 13 La COG Etat-Cnaf prévoit une augmentation régulière (de 7,5 % par an en moyenne) des ressources du Fnas. Les crédits prévus pour 2013 n'ayant pas été entièrement consommés, le Gouvernement a décidé de rebaser cette progression en prenant en compte les crédits effectivement consommés en 2013.

* 14 L'article R. 2324-42 du code de la santé publique précise que le personnel chargé de l'encadrement des enfants doit être composé à 40 % de puéricultrices diplômées d'Etat, d'éducateurs de jeunes enfants diplômés d'Etat, d'auxiliaires de puériculture diplômés, d'infirmiers diplômés d'Etat ou de psychomotriciens diplômés d'Etat.

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