B. UN ACCORD COMPORTANT TROIS VOLETS

1. Le volet politique
a) Les questions politiques sensibles

Comme pour les autres pays membres du « Partenariat oriental », la négociation du présent accord d'association a connu un point âprement discuté : le souhait de la Géorgie, appuyé par la Suède, les pays baltes et ceux du groupe de Viegrad, d'être qualifié d'« État européen » , afin de légitimer son aspiration à rejoindre un jour l'Union européenne. Une formule de compromis a été trouvée et figure dans le préambule de l'accord d'association. Il est ainsi fait mention de « pays est-européen ». L'accord d'association ne reconnaît donc pas de perspective d'adhésion à la Géorgie, conformément à la position de la France. Le préambule de l'accord d'association indique que l'Union européenne et ses États membres : « prennent acte des aspirations européennes de la Géorgie et de son choix de se tourner vers l'Europe » . La même formule a été retenue pour les accords d'association avec la Moldavie et l'Ukraine.

L'existence de « conflits gelés » en Géorgie donne évidemment une dimension particulière à l'examen de ce texte. Comme dans le cas de la Moldavie, conclu avec un pays ne contrôlant pas l'intégralité de son territoire, l'accord d'association ne s'appliquera donc pas aux régions de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud 14 ( * ) , avant que le conseil d'association, composé de représentants européens et géorgiens, n'adopte, par consensus, une décision reconnaissant que l'accord peut être étendu à l'intégralité du territoire géorgien. Selon les termes de l'accord d'association, l'Union européenne et la Géorgie s'engagent à parvenir à un règlement durable des conflits dans les régions géorgiennes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud, dans le plein respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la Géorgie, et à soutenir la réhabilitation de ces régions.

b) Le contenu de l'accord

Le titre II de l'accord d'association est relatif au dialogue et aux réformes politiques ainsi qu'à la coopération dans le domaine de la politique étrangère et de la sécurité .

Il comprend notamment un article 8 relatif à la stabilité régionale indiquant que les parties redoublent d'efforts conjoints en vue de promouvoir la stabilité, la sécurité et l'évolution démocratique dans la région . L'article 9 concerne le règlement pacifique des conflits, et l'article 10 la non-prolifération des armes de destruction massive . L'article 11 porte sur la non-dissémination incontrôlée des armes légères et de petit calibre et les mesures de contrôle des exportations d'armes conventionnelles. Enfin, l'article 12 est relatif à la lutte contre le terrorisme .

Le titre III s'intitule « liberté, sécurité et justice », outre des articles relatifs à l'État de droit et au respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales , il comporte des dispositions relatives à la coopération en matière de migration, d'asile et de gestion des frontières ainsi qu'à la circulation des personnes et aux mesures de réadmission . Les autres articles de ce titre concernent essentiellement la lutte contre les drogues illicites , le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme .

2. Le volet économique

Le titre IV de l'accord d'association (« Commerce et questions liées au commerce ») vise à l'établissement d'une zone de libre-échange approfondi et complet entre les parties et en constitue, en quelque sorte, le noyau dur. À cet effet, il prévoit non seulement la suppression presque totale des droits de douane, mais aussi l'élimination progressive de toutes les formes d'obstacles non tarifaires au commerce.

Jusqu'alors, en vertu de l'accord de partenariat et de coopération signé en 1996, l'Union européenne et la Géorgie s'accordent mutuellement la clause de la nation la plus favorisée et établissent la liberté de transit des marchandises.

a) Un démantèlement tarifaire quasi complet

L'accord d'association prévoit la suppression progressive de tous les droits de douane , moyennant une période de transition de dix ans .

Le démantèlement tarifaire prévu porte sur 100 % des droits en valeur commerciale pour la Géorgie et sur 99,9 % pour l'Union européenne.

Afin de prendre en compte les différences de développement économiques entre les deux parties, le calendrier de suppression de ces droits est asymétrique , c'est-à-dire que, pour certains produits, la diminution des droits de douane est plus rapide pour les exportations géorgiennes vers l'UE que pour les exportations européennes vers la Géorgie.

Concernant la plupart des produits industriels, la libéralisation sera totale et immédiate. Pour les produits agricoles, la libéralisation tarifaire sera également presque totale. Toutefois la Géorgie restera soumise à un régime de quotas d'importation et divers fruits, légumes et jus de fruits seront soumis à un régime de prix d'entrée minimum sur le marché européen.

Certains produits seront, en outre, protégés par un mécanisme anti-contournement , au titre de l'article 27, visant à limiter les risques de contournement de droits de douane via un transit par d'autres pays voisins. Ce mécanisme s'appliquera à certains produits identifiés comme sensibles tels que les viandes, produits laitiers, oeufs, champignons, certaines céréales et produits dérivés des céréales, sucre et produits dérivés, cigarettes et cigares. L'accord prévoit des seuils d'importation au-delà desquels les préférences tarifaires prévues par l'accord pourront être suspendues par l'Union européenne, en cas d'échec de la procédure de demande d'explications aux autorités géorgiennes.

b) Des mesures non tarifaires en vue de faciliter l'accès réciproque aux marchés

L'accord de libre-échange prévoit une élimination progressive des obstacles techniques au commerce (article 44 et suivants) et une facilitation des procédures douanières (article 66 et suivants).

Il prévoit la reprise par la Géorgie des règles communautaires applicables dans de nombreux domaines, afin d'égaliser les conditions de concurrence .

De la même manière, l'alignement de la législation géorgienne sur celle de l'UE en matière de normes sanitaires et phytosanitaires (chapitre 4, article 50 et suivants) permettra une reconnaissance mutuelle des statuts applicables en matière de maladies animales et d'infections chez les animaux et d'organismes nuisibles et une reconnaissance de l'équivalence des mesures en la matière. Dans ce domaine, il est aussi prévu un dispositif de consultation rapide pour remédier aux barrières commerciales et un dispositif d'alerte précoce pour les urgences vétérinaires et phytosanitaires.

La modernisation du système de marchés publics et la reprise par la Géorgie de l'acquis de l'UE en la matière (chapitre 8, article 141 et suivants) doivent permettre par ailleurs aux entreprises de chaque partie d'accéder aux marchés publics de l'autre partie.

L'accord est également particulièrement ambitieux en ce qui concerne les services (transports, services postaux, commerce électronique, services financiers...) : il prévoit en effet ainsi la libéralisation réciproque et progressive de l'établissement et du commerce des services (article 76).

Est également prévue la libre-circulation des capitaux (chapitre 7, article 137 et suivants) avec toutefois une possibilité de mesures de sauvegarde pour une durée maximale de six mois (article 139).

Le chapitre 9 est consacré à la protection de la propriété intellectuelle , l'article 151 se référant notamment à l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (dit « accord sur les ADPIC ») qui figure à l'annexe 1C de l'accord sur l'OMC. Les droits protégés comprennent les droits d'auteur, les droits attachés aux brevets, les marques, les noms commerciaux, les dessins et modèles, les schémas de configuration de circuits intégrés, les indications géographiques et de provenance, les variétés végétales, les informations confidentielles et la protection contre la concurrence déloyale.

Le titre IV comporte également un important volet consacré aux règles destinées à garantir la libre-concurrence . Il s'agit du chapitre 10, relatif à l'interdiction des ententes, concentrations et abus de position dominante (article 204 et suivants) et à l'encadrement des subventions (article 206 et suivants) notamment.

Figurent également des dispositions (chapitre 11) consacrées à l'énergie qui, notamment, autorisent des prix réglementés sur le marché intérieur, garantissent l'accès des tiers aux infrastructures fixes de transport de gaz et d'électricité, interdisent de pratiquer des prix différents sur le marché intérieur et à l'exportation, incitent à lutter contre les prélèvements non autorisés et prévoient l'instauration d'une autorité de régulation indépendante et la coopération des parties concernant l'utilisation et le développement des infrastructures en vue de garantir la sécurité des approvisionnements.

Aux termes du chapitre 13 , intitulé « commerce et développement durable », les parties conviennent que le commerce doit promouvoir le développement durable sous toutes ses formes et veillent à ce que leur législation assure un niveau élevé de protection de l'environnement et des travailleurs, notamment par l'application des normes internationales en vigueur.

Enfin, le titre IV prévoit un dispositif de règlement des différends (concertation, arbitrage...) et un mécanisme de médiation applicable aux mesures susceptibles de perturber les échanges commerciaux entre les parties.

3. Le volet relatif à la coopération

Enfin, le troisième volet de l'accord d'association, qui apparaît comme la contrepartie de la libéralisation des échanges, vise à l'adoption par la Géorgie d'une grande partie de la réglementation et des normes communautaires applicables dans les domaines ci-dessous énumérés.

a) Le contenu du volet relatif à la coopération

Le titre V de l'accord porte un signe sur des dispositions de nature à renforcer la coopération économique et sectorielle dans les domaines suivants :

Domaines de coopération économique et sectorielle

Le présent accord prévoit une coopération entre les parties dans les domaines suivants :

- dialogue économique

- gestion des finances publiques et contrôle financier

- fiscalité

- statistiques

- transports

- énergie

- environnement et action pour le climat

- politique industrielle et relative aux entreprises et industries minières

- droit des sociétés, comptabilité et audit et gouvernance d'entreprise

- services financiers

- coopération dans le domaine de la société de l'information

- tourisme

- agriculture et développement rural

- pêche et gouvernance maritime

- politique des consommateurs

- emploi, politique sociale et égalité des chances

- santé publique

- éducation formation et jeunesse

- domaine culturel

- domaine de l'audiovisuel et des médias

- domaine des activités physiques et sportives

- coopération entre acteurs des sociétés civiles

- développement régional, coopération transfrontalière et régionale

- protection civile

Dans tous ces domaines, un programme complet de reprise des acquis de l'UE figure dans les annexes au titre V de l'accord. Tous les textes concernés de l'Union européenne (règlements, directives) sont énumérés et assortis, pour chacun, d'un calendrier de rapprochement de la législation géorgienne. Ces calendriers différenciés en fonction des sujets doivent permettre de mieux cibler la coopération et de mieux orienter, année après année, le programme de réformes et de modernisation du pays.

Le titre V prévoit également (chapitre 23) que la Géorgie peut « participer aux agences et programmes de l'Union européenne ouverts à sa participation ».

b) Un dispositif institutionnel permettant la mise en oeuvre des coopérations

L'accord d'association prévoit un dispositif institutionnel susceptible de favoriser la mise en oeuvre des coopérations. Il est ainsi composé :


• un conseil d'association, constitué de ministres du pays partenaire, de commissaires européens et de membres du Conseil de l'Union européenne, doit se réunir au moins une fois par an afin de superviser et de contrôler l'application et la mise en oeuvre de l'accord d'association. Il lui revient d'adopter et d'ajuster les programmes d'association qui détaillent les mesures à mettre en oeuvre ;


• un comité d'association, réunissant des hauts fonctionnaires, prépare les réunions du conseil d'association. Une fois par an au minimum, il examine les questions commerciales ;


• un comité parlementaire d'association, rassemblant des membres du Parlement européen et du Parlement géorgien, doit formuler des recommandations au conseil d'association ;


• enfin, une plate-forme de la société civile peut également soumettre des recommandations à destination au conseil d'association. L'Union européenne est représentée au sein de cette plate-forme par des membres du Conseil Économique et Social européen.

La Géorgie et l'Union européenne ont tenu la première réunion de leur conseil d'association le 17 novembre 2014.


* 14 L'article 429 de l'accord d'association précise que ce dernier ne s'applique pas aux régions géorgiennes séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud « sur lesquelles le gouvernement géorgien n'exerce aucun contrôle effectif ».

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