D. AUDITION DE MME EMMANUELLE WARGON, DÉLÉGUÉE GÉNÉRALE À L'EMPLOI ET À LA FORMATION PROFESSIONNELLE (10 JUIN 2015)
Réunie le mercredi 10 juin 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'audition de Mme Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle, responsable des programmes 102 « Accès et retour à l'emploi » et 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi », sur les contrats aidés et de génération .
Mme Michèle André , présidente . - Nous poursuivons notre série d'auditions préparatoires à l'examen du projet de loi de règlement. Je vous rappelle que nous avons souhaité entendre, cette année, des responsables de programme sur des sujets bien identifiés et à fort enjeu budgétaire. Je vous précise en outre que ces auditions sont ouvertes à la presse.
Nous accueillons notre collègue Michel Forissier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales sur la mission « Travail et emploi ».
Aux termes de l'article 70 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, les responsables de programme sont chargés de trois missions principales : établir le projet annuel de performances prévu à l'article 51 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), dans lequel il leur est demandé de préciser les orientations stratégiques ainsi que les objectifs du programme et de justifier des crédits et des autorisations d'emplois demandés ; assurer le pilotage du programme dont ils ont la charge ; établir le rapport annuel de performances prévu à l'article 54 de la LOLF.
Nous recevons aujourd'hui Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle du ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, afin d'examiner l'exécution des crédits du programme 102 consacrés aux contrats aidés et du programme 103 consacrés au contrat de génération.
M. François Patriat , rapporteur spécial de la mission « Travail et emploi » . - Le programme 102 « Accès et retour à l'emploi », sur lequel sont financés les contrats aidés, était doté pour 2014 de 7,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 7,2 milliards d'euros en crédits de paiement (CP).
La loi de finances initiale pour 2014 prévoyait la conclusion de 430 000 contrats aidés, dont 340 000 contrats d'accompagnement dans l'emploi dans le secteur non-marchand (CUI-CAE), 40 000 contrats d'initiative emploi dans le secteur marchand (CUI-CIE) et 50 000 emplois d'avenir.
Ces objectifs ont été dépassés puisque 495 000 contrats aidés ont été conclus en 2014, dont 350 000 CUI-CAE, 50 000 CUI-CIE et 95 000 emplois d'avenir, dont 10 000 emplois d'avenir professeur.
La dépense en faveur de ces contrats s'est élevée à 3,7 milliards d'euros en AE, soit un écart de 3,5 % par rapport aux prévisions, qui s'explique notamment par la décision prise au mois de juin 2014 d'augmenter l'enveloppe de contrats aidés.
Par ailleurs, 256 millions d'euros en AE et 83,5 millions d'euros en CP ont été consacrés aux contrats de génération.
Mes premières questions portent sur les contrats aidés. La performance de ces dispositifs n'est plus mesurée depuis l'exercice 2013. Il serait pourtant utile pour le Parlement de connaître l'impact de ces dispositifs sur l'emploi. Pourriez-vous nous indiquer les raisons pour lesquelles les indicateurs de performance ne sont plus renseignés ? Disposez-vous de statistiques, même provisoires, sur les taux d'insertion dans l'emploi après la sortie d'un contrat aidé ?
Par ailleurs, le rapport annuel de performance ne dit rien sur la qualité de l'emploi. Pourriez-vous nous préciser quelle est la répartition entre CDD et CDI pour chacun de ces types de contrats ?
Enfin, dans une note de septembre 2014, la DARES relevait que moins d'un tiers des bénéficiaires de contrats aidés avaient suivi une formation. Or, cette même étude rappelait que « le fait d'avoir suivi une formation s'accompagne d'une probabilité supérieure d'être en emploi six mois après la sortie de contrat aidé et ce quel que soit le contrat ». Pourriez-vous nous indiquer si ces chiffres sont toujours d'actualité et si des mesures sont envisagées pour améliorer l'accès à la formation de ces personnes ?
Mme Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle . - S'agissant du volet performance, dans un souci de précision, nous nous appuyons sur les données produites par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES). La précédente étude portait sur la cohorte de bénéficiaires de contrats aidés sortis en 2012. La DARES réalisant ce type d'enquêtes tous les quatre ans environ, la prochaine devrait avoir lieu l'an prochain.
La DARES a en outre publié, au premier semestre 2015, une enquête qualitative dans laquelle il est précisé que près de 90 % des personnes ayant bénéficié d'un contrat aidé ou qui ont été accueillies par des structures d'insertion économique étaient satisfaites de cette expérience et considéraient qu'elle avait constitué une aide dans leur processus de réinsertion. Il ressort également de cette étude que l'accompagnement est modulé en fonction de l'intensité des difficultés des personnes.
Par ailleurs, il me semble nécessaire de distinguer la performance de chacun des types de contrats. S'agissant de l'accès à l'emploi à l'issue d'un contrat aidé dans le secteur marchand, le taux d'insertion est compris entre 60 et 70 %. Ce taux est de 30 % pour le secteur non-marchand. Je précise cependant qu'un effet d'aubaine existe dans le secteur marchand, que la DARES estime à deux tiers des recrutements en contrats aidés environ.
Au cours des trois dernières années, la politique du ministère s'est concentrée sur deux actions visant à améliorer les caractéristiques qualitatives de ces contrats :
- allonger la durée des contrats afin de permettre aux bénéficiaires d'avoir un parcours d'insertion plus solide. La durée moyenne des contrats est ainsi passée de 6 ou 7 mois en 2012 à 11 ou 12 mois aujourd'hui ;
- développer la formation des bénéficiaires de contrats aidés, avec un effort particulier pour les emplois d'avenir, conformément aux engagements du Gouvernement. Plus des deux tiers des emplois d'avenir bénéficient ainsi d'un engagement de formation, qui se réalise dans la première année. Pour répondre à votre question sur la répartition entre CDI et CDD, environ un tiers des emplois d'avenir sont conclus en CDI pour deux tiers en CDD.
Par ailleurs, au cours de l'année 2014, il a été décidé de basculer une partie de la dotation destinée aux contrats aidés vers des aides au poste dans le cadre de l'insertion par l'activité économique. Il est en effet plus structurant pour ces employeurs de bénéficier d'un financement par poste plutôt que d'une enveloppe de contrats aidés dont la taille varie en fonction des décisions prises en la matière.
Nous avons lancé une expérimentation dans sept ou huit régions destinée à développer une logique de contractualisation de moyen terme avec les employeurs de contrats aidés « classiques », associations et collectivités territoriales, afin de leur permettre de bénéficier d'une meilleure visibilité sur le volume de contrats aidés qui leur sera octroyé. En contrepartie, ces employeurs doivent prendre des engagements en matière de qualité de l'accompagnement des personnes en contrats aidés.
S'agissant de votre question relative à la formation, les actions à destination des bénéficiaires d'emplois d'avenir sont financées par une contribution exceptionnelle des employeurs publics versée au centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), par des crédits issus des fonds de la formation professionnelle « classique » pour les personnes bénéficiant d'un contrat dans le secteur privé et par des crédits mutualisés de la formation professionnelle, du fonds paritaire dédié à la formation des emplois d'avenir et des crédits communautaires de l'initiative pour l'emploi des jeunes.
Cette question du financement de la formation des bénéficiaires de contrats aidés est une question majeure pour les structures d'insertion, qu'il s'agisse des structures d'insertion par l'activité économique ou des employeurs « classiques » de contrats aidés. Des discussions sont en cours avec les partenaires sociaux sur une éventuelle participation des fonds mutualisés de la formation professionnelle, au-delà de l'effort qui a été consenti pour les emplois d'avenir.
Une autre solution pourrait consister à étendre le principe d'une contribution versée par les employeurs au CNFPT, comme cela est déjà le cas pour les emplois d'avenir, à l'ensemble des employeurs de contrats aidés du secteur public.
M. François Patriat , rapporteur spécial de la mission « Travail et emploi » . - Un nouveau type de contrat aidé a été mis en place depuis le 14 avril 2015 : le CIE starter à destination des jeunes de moins de trente ans rencontrant des difficultés particulières d'insertion professionnelle. Pourriez-vous nous en préciser les modalités ainsi que les objectifs ? Ce dispositif ne figurait pas dans la loi de finances pour 2015 : quel en sera le coût ? Sur quelle enveloppe ce nouveau dispositif sera-t-il financé ?
De manière plus prospective, 170 millions d'euros supplémentaires pourraient être consacrés aux contrats aidés en 2015. Pourriez-vous nous confirmer cette information ? À quelles actions précises sera consacrée cette enveloppe et comment sera-t-elle financée ?
Mme Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle . - Le CIE starter repose sur la même base juridique que le CUI-CIE. Il vise à majorer le taux d'aide pour les entreprises employant un jeune rencontrant des difficultés. En moyenne, le taux normal s'élève, je le rappelle à 30,7 %. Dans le cadre du CIE starter, ce taux sera porté à 45 %. Ce dispositif doit bénéficier aux jeunes diplômés issus des quartiers de la politique de la ville ou aux jeunes rencontrant des difficultés particulières. Il est donc complémentaire aux emplois d'avenir, qui sont destinés aux jeunes sans qualification.
La dépense au titre de ce nouveau dispositif est estimée à 10 millions d'euros en 2015. Elle s'ajoutera à celle destinée au financement des 100 000 contrats aidés supplémentaires déjà prévus pour 2015, dont 70 000 CUI-CAE et 30 000 emplois d'avenir. Comme vous le rappeliez, cette dépense supplémentaire n'était pas inscrite en loi de finances pour 2015. Elle sera donc financée par les mécanismes traditionnels de « dégel » de la réserve de précaution ou de décret d'avance.
M. François Patriat , rapporteur spécial de la mission « Travail et emploi » - Enfin, ma dernière série de questions porte sur le contrat de génération. La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale a facilité l'accès à l'aide pour les entreprises de 50 à 299 salariés qui ne sont plus soumises à l'obligation de négociation préalable. Par ailleurs, le décret du 12 septembre 2014 a porté le montant de l'aide versée à 8 000 euros pour les entreprises qui recrutent un jeune de moins de 26 ans en CDI et embauchent, simultanément un salarié d'au moins 55 ans. Ces mesures se sont-elles traduites par une accélération du nombre de contrats signés ?
S'agissant du volet collectif, pourriez-vous nous indiquer combien d'accords et plans ont été conclus ainsi que leur contenu ?
Enfin, pourriez-vous nous indiquer le nombre de pénalités prononcées par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) à l'encontre d'entreprises employant plus de 300 salariés non couvertes par un accord collectif ou un plan d'action intergénérationnel ?
Mme Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle . - La mesure à laquelle vous faites référence, qui était prévue par la loi du 5 mars 2014, vise à ouvrir le dispositif du contrat de génération afin qu'il soit plus favorable à l'emploi des jeunes comme des séniors. L'aide du contrat de génération est ainsi doublée lorsqu'une entreprise recrute simultanément un jeune et un sénior. Je ne dispose pas de chiffres sur le nombre de recrutements qui ont eu lieu dans ce cadre. Au niveau agrégé, le ministère a recensé 45 000 demandes d'aides et 38 500 contrats en cours, à la fin du mois de mai 2015. Ces chiffres sont inférieurs aux estimations du Gouvernement, qui prévoyait la conclusion de 40 000 contrats en 2014, alors que 20 000 seulement ont été signés. Cet écart est dû à une difficulté de prévision initiale, qui reposait sur une hypothèse plus optimiste de reprise économique.
S'agissant de votre question sur le nombre d'accords, toutes les grandes entreprises sont désormais couvertes par des accords, qu'ils soient spécifiques sur le contrat de génération ou plus globaux, et il n'y a pas eu, à ma connaissance, de pénalités prononcées.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Lors de l'examen de la loi de finances pour 2015, le Sénat a adopté plusieurs amendements visant notamment à diminuer le nombre de contrats aidés dans le secteur non-marchand tout en préservant les crédits destinés aux contrats aidés dans le secteur marchand. Le Sénat a en effet considéré, d'une part, que le taux d'insertion dans l'emploi des contrats dans le secteur marchand était plus élevé et, d'autre part, que les employeurs publics, en particulier les collectivités territoriales, avaient atteint leurs limites en termes de recrutements de contrats aidés.
Ne pensez-vous pas que, dans un contexte de réduction du budget des collectivités territoriales, le programme de stabilité prévoyant une baisse supplémentaire de leurs dépenses de 1,2 milliard d'euros, celles-ci auront de plus en plus de difficultés à s'engager dans ce type de contrats ?
Par ailleurs, pourriez-vous nous indiquer pourquoi le ministère est encore réticent à avoir davantage recours aux contrats aidés dans le secteur marchand alors que ceux-ci ont de meilleurs résultats en matière d'accès à l'emploi durable ?
Mme Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle . - Je souhaiterais tout d'abord rappeler que l'enveloppe de contrats aidés dans le secteur marchand pour 2014, qui s'élevait en loi de finances initiale à 40 000, a été portée en cours d'année à 50 000. Par ailleurs, 80 000 contrats de ce type sont programmés pour 2015. Le Gouvernement a donc suivi votre raisonnement en faisant le choix de doubler le nombre de CUI-CIE entre les deux lois de finances.
S'agissant des contrats aidés dans le secteur non marchand, la budgétisation était en effet élevée. En 2014, après débasage lié au basculement d'une partie de la dotation vers l'aide au poste des chantiers d'insertion, 300 000 contrats ont ainsi été conclus.
Il me semble néanmoins nécessaire de s'intéresser à l'intégralité de l'effort consenti en faveur de l'insertion, qu'il s'agisse de l'insertion par l'activité économique comme des contrats aidés pris en charge par les collectivités territoriales et certaines associations. Nous nous trouvons en effet dans une situation paradoxale où les structures d'insertion par l'activité économique, je pense notamment aux chantiers d'insertion et aux entreprises d'insertion, souhaiteraient une augmentation du nombre d'aides au poste, alors que, dans le même temps, les collectivités territoriales ou les associations semblent atteindre les limites de leurs capacités en matière de recrutements de contrats aidés.
C'est la raison pour laquelle, le ministère souhaite développer une fongibilité entre ces deux secteurs. Un basculement de crédits destinés aux contrats aidés vers l'insertion par l'activité économique a eu lieu pour la première fois en 2014. Cela devrait aussi être le cas en 2015. Concrètement, les DIRECCTE, sous l'autorité des préfets, pourront, en fonction des situations locales, privilégier le recours à des contrats aidés ou à des aides au poste. Je rappelle d'ailleurs que les structures d'insertion par l'activité économique sont des employeurs dits « de transition », dont le métier est précisément d'accompagner ce type de personnes.
Enfin, s'agissant de l'impact sur l'emploi de ces dispositifs, les taux d'insertion dans l'emploi six mois après la sortie d'un contrat aidé sont, en effet, plus élevés dans le secteur marchand que dans le secteur non-marchand : 68 % pour les CIE contre 48 % pour les CAE. Je souhaiterais néanmoins apporter deux précisions. Tout d'abord, si le CIE permet de « contourner la file d'attente », il n'est pas à l'origine de la décision d'embaucher, l'effet déclencheur de ce dispositif étant, en réalité, relativement faible. A contrario , les contrats aidés dans le secteur non marchand constituent des créations nettes d'activité. Ils permettent en outre à des personnes souvent éloignées de l'emploi de renouer avec le marché du travail. En effet, pour les chômeurs de longue durée, plus l'expérience professionnelle est ancienne, plus le recrutement est difficile, quelle que soit d'ailleurs la nature du recruteur. Dès lors, même si la création d'emploi n'est pas pérenne, il convient de conserver ces opportunités pour maintenir l'employabilité.
M. Michel Forissier . - Mes collègues ont déjà abordé les aspects budgétaires et comptables. Je souhaiterais, pour ma part, poser une question d'ordre général, relative à l'esprit du système. Je vous l'ai déjà indiqué lors d'une précédente audition, je suis, pour ma part, favorable à un contrat unique d'insertion pour renforcer la lisibilité de ce dispositif.
Par ailleurs, l'effort consenti dans le secteur marchand est logique dans la mesure où les taux d'insertion sont plus élevés.
S'agissant du recours aux contrats aidés par les collectivités territoriales, il me semblerait préférable que les recrutements répondent à un besoin réel et non au « plaisir de faire du contrat », comme cela est parfois le cas.
Sur la question de la formation de ces personnes, nous gagnerions à adopter une approche plus globale. J'ai conduit une délégation sénatoriale en Allemagne et en Autriche en avril dernier et nous avons été surpris de la grande cohérence des actions menées en faveur de la formation dans ces deux États pourtant fédéraux. Cela contraste avec la situation en France, pays de tradition jacobine, où il n'existe pas de pilotage homogène et cohérent de la formation dans l'ensemble des régions.
Enfin, je rejoins mes collègues sur la nécessité pour les parlementaires de pouvoir s'appuyer sur des indicateurs de performance renseignés chaque année. Il n'est, en effet, pas normal le budget soit voté alors que les résultats de l'année précédente ne sont pas connus. De ce point de vue, l'État devrait respecter les mêmes contraintes que celles qu'il impose aux collectivités.
Mme Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle . - Il me semble important de différencier le suivi budgétaire, qui est déjà effectué par le ministère, et l'analyse de l'efficacité. Sur ce dernier aspect, le déploiement de la déclaration sociale nominative devrait permettre un meilleur suivi des parcours des bénéficiaires de contrats aidés.
S'agissant de l'utilisation des contrats aidés par les collectivités territoriales, les deux approches existent. Certaines considèrent ces contrats comme une forme de pré-recrutement. D'autres les perçoivent davantage comme un appui à un parcours professionnel individuel. Cette utilisation est en outre variable selon le type de contrats. Les collectivités privilégient plutôt le recours aux emplois d'avenir lorsqu'elles envisagent un recrutement pérenne.
D'une manière générale, le sujet de formation des personnes en insertion ne me semble pas suffisamment traité. Les efforts consentis par le CNFPT sont, à cet égard, encourageants, mais les moyens consacrés demeurent limités. Le financement de la formation pour ce type de personnes, qui ne sont pas des demandeurs d'emploi et qui n'ont donc pas accès à la formation des demandeurs d'emploi, mais dont les besoins sont supérieurs à ceux des autres salariés, est un vrai sujet.
Cette question devrait être abordée dans le cadre de la gouvernance nationale quadripartite, qui rassemble l'État, les organisations syndicales et patronales, et les régions, afin de parvenir à une meilleure articulation entre les fonds destinés à la formation des demandeurs d'emplois et ceux destinés à la formation des salariés.
M. Michel Bouvard . - Je partage les observations de François Patriat : nous ne pouvons-nous satisfaire de l'absence de documentation sur un certain nombre d'indicateurs depuis maintenant trois ans. Ce n'est ni l'esprit, ni la lettre de la LOLF. Nous savons, certes, que la DARES est performante. Mais ce qui m'inquiète le plus, c'est sans doute l'indication du rapport annuel de performance selon laquelle l'indicateur relatif au contrat unique d'insertion ne serait pas pertinent : un commentaire précise que « sans comparaison avec les individus témoins, l'indicateur ne constitue pas une mesure d'efficacité du passage en contrat aidé ». Dans ce cas, quels sont les travaux entrepris pour obtenir un indicateur qui soit non seulement renseigné mais aussi judicieux ?
J'aimerais aussi connaître la part des crédits du fonds social européen (FSE) dans l'action menée par l'État. Nous ne disposons pas, au travers des documents budgétaires, d'éléments sur ce sujet. Quelle évolution connaissent-ils ? Quel est le taux de mobilisation ?
Il est fait état, dans le rapport annuel de performance, de consommations de crédits imputées par erreur sur l'action 01 « Amélioration de l'efficacité du service public de l'emploi » dans l'applicatif Chorus : s'agit-il d'une simple erreur technique ou est-ce un problème qui porte sur le système lui-même ?
Je m'interroge également quant aux contrats d'insertion par l'activité : initialement, ils ont été créés pour favoriser le retour à l'emploi des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA). Les départements et Pôle Emploi étaient ainsi responsables de la mise en oeuvre de ces contrats. En 2014, l'enveloppe allouée à ce dispositif, d'environ 3,5 millions d'euros, n'a pas du tout été consommée : aucun département, aucune structure de Pôle emploi n'a fait de demande. Cela signifie-t-il que ce dispositif est abandonné ? Sait-on pourquoi ?
Enfin, j'aimerais savoir quand est prévue la signature du contrat d'objectifs et de moyens de l'Agence de services et de paiement (ASP) et si les observations et recommandations de la Cour des comptes seront prises en compte.
M. Philippe Dallier . - J'aimerais souligner les difficultés que peuvent rencontrer les collectivités territoriales dans la mise en oeuvre des contrats aidés. Il existait, il y a une petite dizaine d'années, un accord-cadre avec l'Unédic, qui permettait aux collectivités d'adhérer au régime d'assurance chômage pour la seule prise en charge de l'indemnisation des anciens bénéficiaires de contrats aidés. Ce dispositif, qui est arrivé à échéance au 31 décembre 2007 et qui n'a pas été reconduit ensuite, avait, certes, un coût, mais cela permettait aux collectivités territoriales, qui sont normalement leur propre assureur en matière d'indemnisation du chômage, d'accepter de prendre en charge et de donner leur chance à des personnes en difficulté, ce qu'elles ont arrêté de faire. Face au coût de l'assurance chômage pendant un ou deux ans, les avantages procurés pendant la période du contrat aidé n'apparaissent pas suffisants pour emporter la décision. En effet, aujourd'hui, le risque de devoir payer, à la suite d'un contrat aidé, un voire deux ans de chômage, est trop élevé pour que les collectivités territoriales acceptent de le prendre. En tant que maire, je sais que nous avions à une époque, dans ma commune, jusqu'à trente contrats aidés ! Ces recrutements étaient, pour certains, liés à l'anticipation de départs en retraite, mais il s'agissait aussi d'essayer de former des publics en difficulté et de leur remettre le pied à l'étrier. Aujourd'hui, nous n'en avons plus un seul, dans un souci de limiter les risques financiers qui en découlent. L'État nous demande de faire des économies, notamment en matière de dépenses de personnel : nous ne pouvons pas être schizophrènes ! Je veux bien jouer le jeu en matière de formation, mais la collectivité territoriale ne peut assumer seule le risque financier.
Avez-vous évoqué, dans le cadre de vos travaux, la possibilité de revenir à un système comparable à ce qui existait auparavant ? Le sujet est-il sur la table ? Dispose-t-on d'une évaluation des coûts que cela impliquerait ? Il me semble qu'une telle solution conduirait à une plus forte implication des collectivités territoriales sur ces dispositifs.
M. Serge Dassault . - Vous nous avez expliqué que les emplois d'avenir concernent des jeunes sans qualification. Il me semble essentiel de se demander pourquoi ces personnes sortent du système scolaire sans qualification. L'éducation nationale ne fonctionne pas correctement, et au lieu d'essayer d'améliorer son organisation, on supprime peu à peu toute forme de sélection, de note, d'examen...
La formation professionnelle des jeunes est la clé de leur intégration sur le marché du travail. Sans elle, les contrats aidés ne servent à rien !
M. Antoine Lefèvre . - Je voudrais faire remonter quelques informations et questions du terrain. Après un an, subsistent beaucoup d'incompréhensions, auprès des partenaires, autour de la réforme intervenue dans le domaine des contrats d'insertion. Les DIRECCTE ont souvent des difficultés à répondre à nos interrogations. La période transitoire a été un peu compliquée, puisque les informations ne sont parfois arrivées qu'après la signature des contrats... On sent que la réforme n'est pas encore tout à fait « digérée ».
En outre, je m'interroge quant aux difficultés administratives de gestion des dispositifs, notamment du fait du logiciel de paiement de l'ASP : la différenciation du suivi entre contrat unique d'insertion (CUI) et CDD d'insertion (CDDI) par l'ASP complexifie considérablement la gestion de ces contrats et conduit à des problèmes de suivi des remboursements.
Une piste consisterait peut-être à mutualiser un certain nombre d'outils entre les maisons départementales de l'emploi et de la formation et Pôle emploi, notamment en termes de base de données d'offres, de profils de candidats, de subventions... La création d'une plate-forme départementale serait judicieuse pour aider les petites communes, qui ne disposent pas de l'expertise nécessaire pour utiliser, seules, le dispositif.
M. Maurice Vincent . - La meilleure gestion possible des financements doit bien entendu être recherchée et il faut garantir l'efficacité des contrats aidés. Mais leur effet positif ne doit pas seulement être apprécié en termes d'emploi et d'insertion sur le marché du travail. Il faut aussi tenir compte des effets psychologiques majeurs qui découlent de ces contrats : comme j'ai pu le constater sur le terrain, il est très important de « mettre le pied à l'étrier » de personnes en difficulté. Il faut tenir compte de tous les avantages et de tous les inconvénients du dispositif. Ces dépenses peuvent, certes, paraître lourdes pour les collectivités, mais en intégrant tous les bénéfices du dispositif, elles me semblent pleinement justifiées.
Mme Michèle André , présidente . - J'aimerais savoir si vous suivez plus particulièrement les personnes handicapées. En période de crise économique et de chômage élevé, celles-ci sont encore davantage fragilisées. En 2011 déjà, la Cour des comptes recommandait de porter une attention particulière à ces publics. Comment s'organise et se matérialise votre suivi sur ces questions ?
Mme Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle . - S'agissant des indicateurs, il est en effet important de poursuivre nos efforts en vue de renseigner plus rapidement et de façon plus précise les données concernées, par exemple sur le nombre de personnes qui rentrent dans les parcours, tout en les renforçant par des enquêtes réalisées par la DARES.
En ce qui concerne le Fonds social européen (FSE), il me paraîtrait pertinent de rendre compte dans les documents budgétaires de l'usage des crédits communautaires qui en sont issus. Il est vrai qu'actuellement, les systèmes sont relativement segmentés. Au sein de la DGEFP, nous nous efforçons de faire en sorte que les équipes qui mobilisent des crédits européens travaillent de concert avec les équipes chargées des dispositifs classiques. On essaie aussi d'adopter cette démarche au niveau des DIRECCTE, sachant que le FSE est désormais géré, pour un tiers des crédits, par les régions. On pourrait donc tout à fait introduire des innovations dans les prochains documents budgétaires, en y ajoutant au moins quelques éléments de contexte et des données macroéconomiques sur la place du FSE.
S'agissant de l'erreur d'affectation dans Chorus, je ne suis pas capable de vous répondre maintenant, mais je pourrai vous apporter une réponse plus précise par écrit.
Monsieur Bouvard, vous avez évoqué les contrats d'insertion - je pense que vous faites allusion à des dispositifs en extinction, datant d'avant le contrat unique d'insertion, qui existent encore dans les DOM.
Je voudrais également attirer votre attention sur un sujet qui pourrait s'avérer rapidement préoccupant, et qui concerne les partenariats avec les conseils départementaux en matière de contrats aidés. En effet, comme vous le savez, les textes prévoient que l'État signe une convention avec chacun des conseils départementaux, qui précise une cible d'entrée dans les dispositifs de contrats aidés des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA). Cette disposition permet un co-financement de ces contrats, lequel mobilise l'allocation qui aurait été versée au bénéficiaire du RSA s'il n'était pas en contrat aidé. De mémoire, le taux doit être à 80 % de l'allocation versée à cette occasion.
Cette contractualisation existe pour les contrats aidés ; elle devrait aussi exister pour les structures d'insertion par l'activité économique. Or, on se heurte à des difficultés, certains conseils départementaux ne souhaitant pas contractualiser, ou bien sur des volumes très faibles. Alors que le taux de co-contractualisation devrait être de 15 % à 20 % pour les contrats aidés, il oscille plutôt entre 5 % et 10 %. Toutes choses égales par ailleurs, cette situation renchérit le coût de prise en charge des contrats aidés pour l'État et contribue au dépassement de l'enveloppe en cours d'exercice budgétaire.
Pour des raisons presque éthiques, nous ne souhaitons pas bloquer l'entrée des bénéficiaires du RSA dans tous les dispositifs d'insertion. Je me refuse absolument à le faire, car on ne peut évidemment pas répercuter sur les publics en difficulté les problèmes de contractualisation existant entre l'État et les conseils départementaux.
En conséquence, le nombre réel de bénéficiaires du RSA dans les contrats aidés ou dans l'insertion par l'activité économique est supérieur à celui qui est affiché dans les contractualisations entre les conseils départementaux et État.
Par exemple, si l'on décide, au niveau d'un département, que le conseil départemental financera 100 contrats aidés, on ne va pas pour autant renvoyer la 101 e personne, que l'on intégrera de fait dans les dispositifs. Or, il est évident que l'écart croissant entre le nombre de personnes qui bénéficient des contrats aidés ou de l'insertion par l'activité économique et la contractualisation sous-jacente financière entre le conseil départemental et l'État finira par nous poser une vraie difficulté.
À cet égard, je voudrais insister sur un progrès acquis sur la période précédente, qui me paraît très important, et qui concerne le nouveau mode de contractualisation entre Pôle Emploi et les départements sur les modalités d'accompagnement.
En effet, Pôle emploi a accepté d'internaliser, avec des crédits du FSE, la prise en charge professionnelle renforcée des bénéficiaires du RSA. Nous sommes ici en amont de la prescription des contrats. Pôle Emploi requiert simplement des départements, en retour, qu'ils s'engagent sur l'accompagnement et la prise en charge sociale, qu'il s'agisse des bénéficiaires du RSA ou des autres publics en difficulté.
Ce mécanisme, dénommé accompagnement global, est proposé par Pôle emploi à tous les départements, dont environ un sur deux y a actuellement souscrit. Cette démarche constitue une véritable avancée dans la mesure où, auparavant, l'opérateur facturait aux départements l'accompagnement professionnel renforcé.
En ce qui concerne le contrat de performance de l'ASP, il devrait être examiné lors du conseil d'administration de cette dernière fin juin ou début juillet.
La question relative au financement de l'assurance-chômage des personnes en contrats aidés n'est pas revenue récemment sur la table, mais je comprends qu'elle constitue une difficulté et un sujet de préoccupation. Il est vrai que l'on demande désormais à chaque collectivité d'être son propre assureur ou de contractualiser avec Pôle Emploi pour qu'il joue le rôle d'assureur, moyennant un coût. Cette question pourrait donc être reposée à la suite de votre intervention.
En réponse aux questions de Serge Dassault, je peux vous indiquer que nous travaillons de plus en plus en partenariat avec l'éducation nationale pour effectuer la meilleure prise en charge précoce possible des jeunes. Nous avons ainsi systématisé les plateformes de lutte contre le décrochage, action qui nous permet, dans la France entière, d'identifier tous les jeunes qui quittent en cours ou en fin d'année le système scolaire sans qualification, à travers une gestion des données entre l'éducation nationale et le service public de l'emploi - à commencer par les missions locales. Nous sommes donc capables de faire des propositions à tous les jeunes en situation de décrochage. L'éducation nationale a par ailleurs mis en place un droit au retour à la formation initiale sous statut scolaire.
En outre, le Gouvernement a mis en place un conseil national école-entreprise actuellement présidé par Pierre Ferracci. Cet organe, qui regroupe à la fois des entrepreneurs et des personnels de l'éducation nationale, travaille à une meilleure connaissance du monde de l'entreprise dans le cadre des parcours des jeunes et des scolaires, à travers la multiplication d'expériences innovantes du type « mini entrepreneurs ». Nous structurons donc du mieux que nous le pouvons des passerelles avec l'éducation nationale.
En ce qui concerne la réforme de l'insertion par l'activité économique (IAE), il est vrai que l'année de transition a été une année difficile en matière de contractualisation avec les structures. La situation me paraît meilleure cette année que l'an dernier. Nous étudions cela très attentivement dans le cadre du comité de suivi de la réforme, présidé par la sénatrice Christiane Demontès. On se heurte toutefois à un problème de système d'information. En effet, tout cela est gêré par l'ASP dans deux systèmes d'information distincts, mais la refonte du système d'information de l'IAE est en cours et devrait être livrée début 2016.
Enfin, en réponse à la remarque de Maurice Vincent, il est vrai que le fait de donner une opportunité aux jeunes par les emplois d'avenir change assez fondamentalement leur manière d'évoluer par la suite, et l'on a des retours qualitatifs extrêmement positifs à cet égard.
S'agissant des personnes en situation de handicap, nous faisons preuve d'une grande vigilance au niveau des indicateurs de pilotage des différents types de contrats aidés : nous suivons ainsi à la fois les volumes d'entrée mais aussi la situation qualitative. Nous nous efforçons de ne pas piloter ces dispositifs que par les chiffres, mais également en prenant en compte des éléments qualitatifs, tels que la durée. En effet, il est plus facile de réaliser 300 000 contrats aidés de six mois que 300 000 contrats aidés de douze mois. Nous suivons aussi les personnes issues des quartiers prioritaires de la politique de la ville, pour nous assurer que les personnes les plus fragiles ne sont pas évincées des dispositifs au moment où l'on mène un effort particulier.
Enfin, nous développons peu à peu les postes en entreprises adaptées et nous veillons à faire en sorte que l'on consomme bien 100 % des enveloppes budgétaires, notamment en mettant en place une sorte de bourse aux postes entre les régions et les départements. Ainsi, si l'on constate que, dans une région, les postes ne peuvent pas être consommés, cela permet de les réallouer dans les régions qui en ont besoin.