Rapport n° 586 (2014-2015) de M. Jean-Pierre GRAND , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 1er juillet 2015

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N° 586

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 1er juillet 2015

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et son Protocole de Kyoto concernant la vingt et unième session de la Conférence des Parties à la Convention - cadre des Nations unies sur les changements climatiques , la onzième session de la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au Protocole de Kyoto et les sessions des organes subsidiaires (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE) ,

Par M. Jean-Pierre GRAND,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Raffarin , président ; MM. Christian Cambon, Daniel Reiner, Jacques Gautier, Mmes Josette Durrieu, Michelle Demessine, MM. Xavier Pintat, Gilbert Roger, Robert Hue, Mme Leila Aïchi , vice-présidents ; M. André Trillard, Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Alain Néri , secrétaires ; MM. Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Pierre Charon, Robert del Picchia, Jean-Paul Emorine, Philippe Esnol, Hubert Falco, Bernard Fournier, Jean-Paul Fournier, Jacques Gillot, Mme Éliane Giraud, M. Gaëtan Gorce, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Gournac, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, M. Alain Joyandet, Mme Christiane Kammermann, M. Antoine Karam, Mme Bariza Khiari, MM. Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Jeanny Lorgeoux, Claude Malhuret, Jean-Pierre Masseret, Rachel Mazuir, Christian Namy, Claude Nougein, Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Cédric Perrin, Jean-Vincent Placé, Yves Pozzo di Borgo, Henri de Raincourt, Alex Türk .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

512 et 587 (2014-2015)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi du projet de loi n° 512 (2014-2015) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et son Protocole de Kyoto concernant la vingt et unième session de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, la onzième session de la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au Protocole de Kyoto et les sessions des organes subsidiaires, événement plus connu sous le nom de COP 21 ou Conférence Paris Climat 2015 .

Cet accord a été signé par le Secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et son Protocole de Kyoto à Bonn le 27 mars 2015, et par le Gouvernement français à Paris le 20 avril 2015.

Pour l'examen de ce projet de loi, la Conférence des Présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée prévue par l'article 47 decies du Règlement du Sénat.

Cet accord est de nature essentiellement technique : il définit les modalités pratiques d'organisation de la Conférence.

La France accueillera, en effet, du 30 novembre au 11 décembre 2015, la vingt et unième Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP 21). S'agissant d'une conférence des Nations unies, accueillie sur le territoire national, son organisation requiert l'établissement d'un cadre de relations entre le Gouvernement français et l'instance de l'Organisation des Nations unies (ONU) chargée du secrétariat des négociations climatiques.

Du côté du Gouvernement français, signataire de l'accord, la préparation de l'organisation de la Conférence de Paris a été confiée à un Secrétariat général 1 ( * ) , créé par le décret du 29 janvier 2015, qui dispose d'une équipe interministérielle d'une vingtaine de personnes. La négociation de l'accord climatique est confiée, par ailleurs, à Mme Laurence Tubiana, ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique, représentante spéciale pour la conférence Paris Climat 2015, auditionnée par votre Commission le 27 mai dernier.

Du côté de l'ONU, l'organe signataire est le Secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et son Protocole de Kyoto, organe de soutien administratif des négociations climatiques internationales 2 ( * ) , qui siège depuis 1996 à Bonn (Allemagne).

Le présent accord se fonde sur un accord type fourni par le Secrétariat de la CCNUCC. Il est de nature classique, du type des accords de siège 3 ( * ) . Son approbation est soumise à autorisation parlementaire en vertu de l'article 53 de la Constitution, car il contient des dispositions portant sur des matières législatives, notamment dans son article 10 relatif aux immunités et privilèges accordés aux participants à la Conférence . Ces dispositions constituent l'un des principaux enjeux de l'accord, alors que 40 000 participants environ sont attendus lors de la Conférence de Paris. L'accord comporte, en outre, des dispositions financières, matérielles, ainsi que relatives à la responsabilité des parties et au règlement des différends.

Votre Commission a adopté ce texte.

Abréviations retenues

Le présent accord : ci-après, l'accord ;

Conférence des Nations unies sur les changements climatiques de 2015 à Paris : ci-après, la Conférence ou la Conférence de Paris ou la COP 21 / CMP 11 (21 ème Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, 11 ème session de la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au Protocole de Kyoto) ;

Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques : ci-après la CCNUCC ou la Convention ;

Convention sur les privilèges et immunités des Nations unies du 13 février 1946 : ci-après, la Convention sur les privilèges et immunités ;

Gouvernement français : le Gouvernement ;

Protocole de Kyoto : le Protocole ;

Secrétariat de la CCNUCC : le Secrétariat ;

Secrétariat général chargé de la préparation et de l'organisation de la COP 21/CMP 11 : Le Secrétariat général.

PREMIÈRE PARTIE : UN ACCORD INDISPENSABLE À LA TENUE DE LA CONFÉRENCE DE PARIS

I. LES ENJEUX POLITIQUES DE LA CONFÉRENCE DE PARIS : VERS UN ACCORD UNIVERSEL SUR LE CLIMAT

La bonne compréhension des enjeux de la Conférence de Paris nécessite un retour sur l'historique des négociations climatiques, depuis la conclusion de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques en 1992.

A. RETOUR SUR L'HISTORIQUE DES NÉGOCIATIONS CLIMATIQUES

La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a été adoptée en 1992 au sommet de Rio de Janeiro. Elle est entrée en vigueur le 21 mars 1994 et a été ratifiée par 196 État parties . L'Union européenne est elle-même Partie à la Convention, en plus des 28 États membres. Son objectif est de stabiliser les émissions de gaz à effet de serre (GES) d'origine humaine dans l'atmosphère à un niveau qui empêche toute interférence dangereuse sur le climat.

La Conférence des Parties (COP) est l'organe suprême politique de la Convention. Elle se réunit chaque année pour faire le point sur l'application de la Convention et négocier de nouveaux engagements. Elle prend ses décisions à l'unanimité ou par consensus. La Conférence des Parties est couplée depuis 2005, année d'entrée en vigueur du Protocole de Kyoto 4 ( * ) , à la conférence annuelle des Parties au Protocole de Kyoto (CMP 5 ( * ) ).

Le Protocole de Kyoto est le premier accord international comportant des objectifs individuels, légalement contraignants, de réduction ou de limitation des émissions de gaz à effet de serre. Adopté lors de la troisième conférence des parties (COP 3), au Japon, le 11 décembre 1997, sur la base du deuxième rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur le climat (GIEC), il comporte, pour la période 2008-2012, un objectif global de réduction du total des émissions de gaz à effet de serre d'au moins 5 % par rapport à l'année 1990 pour les pays développés (ceux qui figurent à l'annexe I de la Convention) et des engagements chiffrés plus contraignants pour les pays développés qui les ont acceptés. L'Europe des 15 s'est alors engagée à réduire de 8 % ses émissions de gaz à effet de serre sur cette période. Le protocole de Kyoto prévoit des mécanismes de marché pour assurer la flexibilité du système. Trois mécanismes sont prévus : les permis d'émissions, le mécanisme de développement propre et la mise en oeuvre conjointe.

La COP 15 , qui s'est déroulée à Copenhague en 2009 , avait pour ambition de trouver un instrument juridique, contraignant et universel, pour succéder au Protocole de Kyoto. Cet objectif n'a, alors, pas été atteint. La conférence a marqué un recul, dans la mesure où elle a vu s'imposer une logique d'engagements volontaires individuels non juridiquement contraignants.

En 2011, la conférence de Durban (COP 17) est parvenue à un accord garantissant la poursuite du protocole de Kyoto et prévoyant la conclusion, au plus tard en 2015, d'un accord mondial sur les changements climatiques, qui entrerait en vigueur en 2020.

La conférence de Doha (COP 18) a, par la suite, validé le principe d'une deuxième période d'engagement. L'amendement dit de Doha au Protocole de Kyoto 6 ( * ) , adopté le 8 décembre 2012, engage les pays qui l'ont ratifié pour la période qui court du 1 er janvier 2013 au 31 décembre 2020. L'Union européenne, qui a dépassé l'objectif qui lui était fixé dans la première période du protocole de Kyoto, s'est engagée à réduire ses émissions de 20 % par rapport à 1990, ce qui correspond aux objectifs définis dans le Paquet Énergie-Climat 2020 7 ( * )

Plusieurs pays ont toutefois choisi de se fixer des objectifs hors Protocole pour la période 2013-2020. Il s'agit notamment du Canada , du Japon et de la Nouvelle-Zélande et de la Russie . Le Canada s'est retiré officiellement du protocole en décembre 2011. Le Japon, la Nouvelle-Zélande et la Russie restent membres du protocole, mais ne s'engagent pas sur la seconde période. Par ailleurs, les États-Unis n'ont jamais ratifié le protocole de Kyoto.

La deuxième période d'engagement du protocole, qui a débuté en 2013, ne couvre qu'un peu plus de 15 % des émissions mondiales de GES 8 ( * ) .

Le processus d'élaboration de l'accord mondial sur le climat qui devrait être adopté lors de la COP 21 de Paris a été lancé par le Sommet sur le climat, organisé par le Secrétaire général des Nations unies, à New York, le 23 septembre 2014.

Par ailleurs, en décembre 2014, la France s'est fortement mobilisée pour la COP 20 de Lima qui a consacré une étape déterminante pour aboutir à un accord à Paris en décembre 2015.

B. LES OBJECTIFS DE LA CONFÉRENCE DE PARIS

Chaque année, la Conférence des Parties se déroule par rotation dans un des pays des cinq groupes régionaux de l'ONU . Le choix du pays hôte se fait au sein de chaque groupe. En avril 2013, la candidature de la France a été endossée par le « Groupe des États d'Europe occidentale et autres ».

En novembre 2013 , à l'occasion de la COP 19 (Varsovie), au cours de laquelle un accord sur le financement de la lutte contre le changement climatique a été conclu, la France a été désignée présidente de la conférence de 2015 . Il a alors été décidé que tous les États devront communiquer leurs contributions en matière de réduction d'émissions avant la Conférence de Paris, afin qu'elles soient évaluées au premier semestre 2015. Ce processus est actuellement en cours, au travers des contributions prévues déterminées au niveau national (INDC 9 ( * ) ).

La Conférence dite « Paris Climat 2015 », ou COP21/CMP11, a un objectif très ambitieux : elle doit aboutir à l'adoption d'un premier accord universel, juridiquement contraignant, dans l'objectif de maintenir la température globale en deçà de 2°C . Cet accord doit prendre le relais du protocole de Kyoto, à compter de 2020 , tout en incluant les États-Unis et les grands États émergents dans la lutte contre les changements climatiques.

Comme indiqué dans l'étude d'impact du présent projet de loi : « L'enjeu est donc sans précédent et la COP 21 - CMP 11 sera l'une des plus grandes conférences internationales jamais organisées ».

La France souhaite également que l'accord de Paris permette des avancées sur le financement de la lutte contre le dérèglement climatique et que cette lutte soit moins envisagée comme un « fardeau » à partager que comme une opportunité de création d'emplois et de richesses. À ce titre, les initiatives sectorielles des différentes composantes de la société civile contribueront à l'élaboration d'un « agenda des solutions » qui viendra compléter les engagements des États.

II. LES PRINCIPAUX ENJEUX ORGANISATIONNELS POUR LE PAYS HÔTE

L'organisation d'un tel événement - qui se déroulera du 30 novembre au 11 décembre 2015 - comporte nécessairement des enjeux financiers et logistiques pour le pays hôte.

La responsabilité de la France est en effet double. Outre celle de faciliter les négociations, elle doit également accueillir les participants dans les meilleures conditions de travail, de transports et d'hébergement.

Deux aspects seront ici rapidement présentés. Il est toutefois nécessaire de préciser que ces aspects ne sont pas réglés par la présente convention, hormis s'agissant du partage des compétences en matière de sécurité, mais en constituent le contexte .

A. LE FINANCEMENT DE LA CONFÉRENCE DE PARIS

Afin de préciser les différents enjeux de l'organisation par la France de la COP 21, votre rapporteur a interrogé le Secrétariat général de la COP 21/CMP 11 sur le coût et les modalités de financement de cet événement.

Les éléments recueillis sont donnés ici à titre d'information, étant entendu que cette question n'est pas traitée par le présent accord , sauf marginalement, s'agissant des montants que le Gouvernement doit rembourser au Secrétariat, au titre des dépenses supplémentaires qu'entraîne la tenue de la Conférence à Paris plutôt qu'au siège du Secrétariat à Bonn. Ces dispositions seront évoquées ultérieurement.

1. Le financement budgétaire

Dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2015, le programme 341 (« Conférence Paris Climat 2015 ») de la Mission budgétaire « Action extérieure de l'État », ouvre 179 M€ d'autorisations d'engagement pour la préparation et le suivi de la conférence (20,5 M€), son organisation (151 M€) et l'accueil des délégations étrangères (7,5 M€). Les crédits de paiement demandés s'élèvent à 43,5 M€, l'essentiel des factures devant être réglé en 2016.

Le coût de l'organisation de la COP 21, qui représente 84,4 % des crédits du programme, inclut les frais de location et d'aménagement du site du parc des expositions du Bourget (160 000 m2 d'espaces couverts à aménager), soit 64,3 millions d'euros , les frais de fonctionnement de ces espaces pendant toute la durée de la conférence (informatique, audiovisuel, télécommunications, sécurité), soit 79,5 millions d'euros , ainsi que le coût des transports individuels et collectifs, qui seront renforcés.

Le budget prévu pour l'ensemble des exercices 2015 et 2016 pourrait s'élever à 187 millions d'euros.

Dans le cadre fixé par la Convention, la marge du pays hôte est étroite. D'après les informations recueillies, le coût élevé de la Conférence de Paris - environ le double du coût de la Conférence de Copenhague en 2009 - s'expliquerait par plusieurs facteurs :

- le nombre de participants attendus qui est plus important, par exemple, que lors de la COP 15 de Copenhague ;

- la place importante donnée à la société civile, sur le site de la Conférence, à travers la mise en place des « espaces Générations climat » ;

- la surface de la zone de conférence qui est importante pour éviter de reproduire des difficultés connues lors de précédentes conférences ;

- la volonté d'organiser un événement aussi exemplaire que possible en matière de développement durable.

2. Le financement hors crédits budgétaires

Le ministère des affaires étrangères et du développement international s'est donné pour objectif de couvrir 20 % du coût d'organisation de la COP 21 - soit environ 34 millions d'euros - par des contributions de mécènes (privés) et de partenaires (publics).

D'après les informations fournies, la campagne de recherche de mécénats a permis à ce jour de réunir 2,5 millions d'euros de contributions financières et 13 millions d'euros de contributions en nature, évaluées sur la base de leur coût de revient 10 ( * ) . Ce total intermédiaire de 15,5 millions d'euros, à la date du 12 juin 2015, correspond à près de la moitié de l'objectif poursuivi.

D'après les informations transmises à votre rapporteur, « le SG COP 21 veille à s'assurer que les partenariats sont conclus avec des entreprises ayant une image compatible avec la COP 21, ce qui a conduit à ne pas retenir un certain nombre de donateurs potentiels ».

Les mécénats (avec des partenaires privés) et partenariats (avec des partenaires publics) sont formalisés par des conventions , qui permettent aux mécènes ou partenaires de bénéficier du statut de partenaires officiels de la COP 21. La liste de ces mécènes et partenaires est publiée sur le site internet de la COP 21 11 ( * ) .

S'agissant des contributions financières, elles sont versées sur un fonds de concours rattaché au programme 341, susceptible de permettre l'annulation de crédits en loi de règlement. S'agissant des contributions en nature, leur effet d'éviction sur la dépense publique est variable. Les contributions issus des mécénats et partenariats pourraient aussi servir à contenir une dérive des coûts. Il a en effet été indiqué à votre rapporteur que « compte tenu de l'incertitude actuelle sur le coût de l'organisation de la COP 21 et des facteurs de dérive que représentent par exemple la révision à la hausse des surfaces à aménager, il serait imprudent de prévoir avant la fin de l'exercice 2015 une réduction des crédits du programme 341 au risque de remettre en question la sincérité et la soutenabilité de la budgétisation du programme ».

B. LA SÉCURITÉ DE LA CONFÉRENCE DE PARIS

L'organisation de la sécurité de la Conférence est un autre volet essentiel de l'organisation de cet événement. Le pays hôte est en effet responsable de la sécurité, sauf dans les locaux de la zone de Conférence, dite « zone bleue », sous responsabilité de l'ONU.

1. Les enjeux de sécurité

La Conférence de Paris devrait rassembler environ 40 000 participants .

Ce chiffre inclut tant la fréquentation du centre de conférence, estimée à environ 20 000 participants accrédités par l'ONU, dont 3 000 journalistes internationaux, que la fréquentation des « espaces Générations climat », destinés à un public plus large, qui devraient rassembler également environ 20 000 personnes.

Par ailleurs, les initiatives de la société civile seront nombreuses, non seulement dans la zone de conférence, mais aussi à l'extérieur des de ses locaux, dans les « espaces Générations climat », et, plus généralement, ailleurs en Ile-de-France et en France.

Par conséquent, un dispositif de sécurité renforcée sera mis en place. Le coût de ce dispositif, en cours d'évaluation, viendra s'ajouter au coût financier de la Conférence, tel que budgété dans le programme 341.

2. Un dispositif renforcé

L' article 9 de l'accord détermine l'articulation des compétences entre la France et l'ONU en matière de sécurité.

La zone de conférence , ou « zone bleue », qui dispose d'un statut d'inviolabilité, sera sous responsabilité du département de la sûreté et de la sécurité des Nations unies , dont le chef fait office de coordinateur chargé de la sécurité de la manifestation. Les autorités françaises n'y interviendront que sur demande.

À l'extérieur des locaux de la Conférence , la sécurité relève de la responsabilité du Gouvernement , sous l'autorité d'un Haut fonctionnaire chargé de la sécurité et de la sûreté. Un arrangement technique, annexé à l'accord, traite des modalités de coopération en matière de sécurité entre les deux Parties, afin de faciliter la préparation et l'exécution d'un Plan opérationnel de sécurité et de sûreté ad hoc .

Le périmètre autour des locaux de la Conférence dépend, en temps normal, de la Police aux Frontières, sous l'autorité du Préfet de Seine-Saint-Denis. Un décret qui permet l'extension des compétences de certaines directions de la Préfecture de police sur l'aérodrome pour la durée de l'événement est prévu afin d'assurer une meilleure cohésion de la gestion des événements et des effectifs des forces de l'ordre tant au Bourget qu'à Paris.

Le dispositif de sécurité sera organisé en trois zones . Dans la zone 1, la plus sensible, tout entrant fera l'objet d'une détection électromagnétique et les véhicules subiront un contrôle de déminage. Dans le périmètre de la zone 2, l'objectif sera d'assurer la liberté et la sécurité d'accès au site. Dans le périmètre de la zone 3, l'objectif sera de déceler tout rassemblement ou mouvement suspects.

Le nombre d'unités de forces mobiles mises à disposition de la Préfecture de police pour la gestion de l'ordre public dans le cadre de la COP 21 a été validé par le ministère de l'Intérieur.

Le dispositif de sécurité intègre différents volets (notamment gestion de l'ordre public et de la circulation, sécurisation des transports ferroviaires), ainsi qu'un concours de l'autorité militaire pour la prise en compte des points sensibles (eau, gaz, télécommunications...), en cours de finalisation, afin de concentrer la disponibilité des forces de police sur la mission de gestion de rétablissement de l'ordre public, tout en maintenant le niveau d'efficacité du plan Vigipirate.

DEUXIÈME PARTIE : UN ACCORD CLASSIQUE NÉGOCIÉ POUR PRÉSERVER LES INTÉRÊTS FRANÇAIS

L'accord soumis à votre commission est fondé sur un accord type , fourni par le Secrétariat de la CCNUCC, remanié à l'issue d'un processus de négociation avec la France. L'accord comprend seize articles et douze annexes. Ses stipulations sont classiques, s'agissant notamment de l'article 10 relatif aux privilèges et immunités.

La négociation entre le Secrétariat et le Gouvernement a porté, pour l'essentiel, sur les points suivants :

- la question des privilèges et immunités (article 10) ;

- les questions financières (article 11) ;

- les questions de responsabilité (article 12 de l'accord).

L'accord comprend :

- des dispositions techniques destinées à préciser les modalités de l'organisation de la COP 21 ;

- des dispositions plus spécifiquement destinées à définir le rôle de chacune des Parties ;

- des dispositions relatives aux privilèges et immunités de chaque catégorie de participants.

I. DES DISPOSITIONS TECHNIQUES ORGANISATIONNELLES

Ces dispositions concernent l'organisation de la Conférence et appellent, pour plusieurs d'entre elles, peu de commentaires. Celles relatives au transport, à l'hébergement et à l'impact écologique de la Conférence méritent néanmoins quelques explications.

A. DES MESURES D'ORGANISATION DIVERSES

L'article 1 est relatif à la date (du 30 novembre au 11 décembre 2015) et au lieu (Parc des expositions du Bourget) de la Conférence. Il précise aussi les dates des réunions d'avant-session (du 24 au 29 novembre 2015) et celles des réunions dites « connues » : réunion du Conseil exécutif du Mécanisme pour un développement propre 12 ( * ) , réunion du Forum des Autorités nationales désignées 13 ( * ) et manifestations relevant de l'initiative « Pour une dynamique du changement » 14 ( * ) . Les dépenses afférentes aux réunions connues sont remboursées au Gouvernement par le Secrétariat, qui les finance intégralement, de même que les réunions non encore connues.

L'article 2 désigne les personnes habilitées à participer à la Conférence : représentant des Parties à la Convention et au Protocole, représentants des États observateurs, représentants de l'ONU et des organisations ayant le statut d'observateurs, autres personnes invitées par le Secrétariat. Il précise que les séances publiques de la Conférence et l'accès aux sessions seront ouverts aux représentants accrédités des médias.

L'article 3 dresse une liste des locaux, matériels, installations et services que le Gouvernement devra fournir. L'article 5 concerne les installations médicales que le Gouvernement est tenu de prévoir.

L'article 7 prévoit les règles applicables aux communications, documents d'information et sites internet dans le cadre de la Conférence (signalétique...).

L'article 8 prévoit la désignation d'un fonctionnaire de liaison entre le Gouvernement et le Secrétariat, ainsi que le recrutement par le Gouvernement et la mise à disposition de personnel pendant la durée de la Conférence.

B. L'HÉBERGEMENT ET LES TRANSPORTS

L'article 6 stipule qu'un hébergement approprié, à des tarifs raisonnables, ainsi que des moyens de transport adéquats doivent être proposés pendant la durée de la Conférence.

D'après les informations transmises par le Secrétariat général de la COP 21, afin de garantir l'existence d'hébergements à tarifs raisonnables , une agence (la société B-network) a été chargée de pré-réserver et de négocier les prix de chambres d'hôtels de toutes catégories à Paris et à proximité du site de la Conférence. Un dispositif spécifique s'adressant aux délégations des pays avec les moyens les plus limités, éligibles à une prise en charge financière par le fonds de participation de la CCNUCC, est en cours de finalisation.

Par ailleurs, un dispositif complet de transport sera mis en place pour permettre à l'ensemble des participants de se rendre sur le site de la COP 21, en s'appuyant essentiellement sur les transports en commun , tout en évitant, autant que possible, les nuisances pour les résidents des zones concernées.

Le dispositif de transport

Ce dispositif s'appuie :

« - sur le réseau de transport public existant: des pass navigo toutes zones valables pour une durée de 2 ou 3 semaines seront remis gratuitement à l'ensemble des participants accrédités pour faciliter leurs déplacements sur l'ensemble du réseau francilien. En partenariat avec le STIF et en s'appuyant sur les services de la RATP et de la SNCF, le service de transport public sera également renforcé : augmentation du nombre d'arrêts du RER B à la station Le Bourget, mise en place de navettes entre la gare du RER B du Bourget et le parc des expositions d'une part et entre la station Fort d'Aubervilliers et le parc des expositions du Bourget d'autre part. Un service d'accueil et d'orientation spécifique des voyageurs sera également mis en place par la RATP et la SNCF ;

- sur des lignes d'autocars complémentaires aux transports publics qui seront réservées aux personnes accréditées sur les lignes suivantes : 2 lignes fonctionnant 24h/24 entre le Bourget et les bassins hôteliers de la zone Roissy-Charles de Gaulle, 3 lignes fonctionnant de 21h à 7h entre Le Bourget et Paris ;

- sur un dispositif de transport à la demande grâce à la flotte de 200 véhicules électriques avec chauffeurs proposés par Renault-Nissan dans le cadre d'un mécénat ;

- sur les services complémentaires de taxis et VTC (payants) ;

Les délégations qui le souhaitent ont bien sûr la possibilité de louer des véhicules privatifs pour leurs besoins ;

Des véhicules seront par ailleurs fournis au secrétariat de la CCNUCC pour répondre à leurs besoins, conformément à l'annexe VIII, via des prestataires titulaires de marchés publics ou via des mécènes. ».

Source : Réponses du Secrétariat Général au questionnaire de votre rapporteur.

C. UNE EXEMPLARITÉ ÉCOLOGIQUE

La COP 21 se veut exemplaire en matière de développement durable. Un processus de certification de l'événement , conformément à la norme ISO 20121 15 ( * ) , est actuellement en cours. Cette norme, qui comporte également des aspects sociaux et économiques, fournit un cadre permettant d'intégrer des objectifs de développement durable dans le contexte d'activités événementielles.

Les contrats d'achats comporte des exigences telles que la réduction de la consommation de matériaux neufs et des ressources naturelles, une amélioration de la gestion des déchets et la mise en place d'une « charte de l'alimentation responsable et engagée dans le respect des attentes des consommateurs et du développement durable » 16 ( * ) .

L'article 4 de l'accord prévoit que les espaces, locaux, équipements et services de la Conférence sont climatiquement neutres .

À cette fin, le gouvernement doit réduire et compenser les émissions de gaz à effet de serre liées à l'événement. Pour ce faire, un marché public a été conclu avec la société Eco-Act, qui sera chargée de calculer le bilan des émissions de gaz à effet de serre lié à l'accueil de la Conférence. La méthodologie employée par cette société s'appuie sur les données de l'ADEME 17 ( * ) . Eco-Act fournira un plan de réduction de l'empreinte carbone de la Conférence.

Le sujet de la compensation de cette empreinte carbone ne sera traité qu'à l'issue de la Conférence, début 2016, au regard du bilan carbone de l'événement.

Principaux leviers de réduction de l'empreinte carbone de la Conférence

« La réduction de l'empreinte carbone de la Conférence reposera sur des actions dans les domaines suivants :

- favoriser l'usage des transports en commun et la mise à disposition de véhicules électriques ;

- mettre en place une restauration responsable répondant à une charte contraignante et luttant contre le gaspillage alimentaire ;

- privilégier les énergies vertes quand cela est techniquement et financièrement possible ;

- appliquer un plan de réduction de la consommation de papier durant la Conférence. Il est convenu d'utiliser le procédé « paper on demand » de l'ONU (impression des documents uniquement à la demande après exploration du besoin du demandeur), d'utiliser du papier recyclé et une filière de proximité de recyclage (usine à 102kms du site de la Conférence) ;

- mettre en place un plan de gestion des déchets basé sur les principes de l'économie circulaire, ceci permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre. »

Source : réponses du Secrétariat général au questionnaire de votre rapporteur

II. DES DISPOSITIONS DÉFINISSANT LE RÔLE DE CHAQUE PARTIE

La question du partage des responsabilités entre le Gouvernement et le Secrétariat de la CCNUCC dans le domaine de la sécurité a été précédemment évoquée .

Nous reviendrons ici sur les dispositions financières de l'accord et sur celles concernant la responsabilité et les actions en justice .

A. LES DISPOSITIONS FINANCIÈRES

L'article 11 prévoit que le Gouvernement devra verser, en 2015, un budget prévisionnel de 6 millions d'euros au Secrétariat de la CCNUCC, correspondant au surcoût engendré par le fait d'organiser la Conférence au Bourget plutôt qu'au siège du Secrétariat à Bonn.

Ce budget se décompose ainsi :

- 3 millions d'euros de frais afférents aux déplacements, missions techniques, expédition de matériel et indemnités des fonctionnaires de l'ONU participant ou préparant la Conférence ;

- 3 millions d'euros de frais d'hébergement des fonctionnaires de l'ONU et des sous-traitants officiels.

Un rapport financier sera remis au Gouvernement par le Secrétariat, avant le 31 août 2016 afin de constater un éventuel écart entre ces montants prévisionnels et les dépenses effectives.

Ce volet financier de l'accord a fait l'objet d'une négociation entre le Gouvernement et le Secrétariat. D'après les informations communiquées, cette négociation a permis de réduire de près d'un million d'euros le montant du budget à verser au Secrétariat de la CCNUCC. Les négociateurs français ont, par ailleurs, obtenu que ce budget soit versé en euros plutôt qu'en dollars, ce qui a permis d'annuler tout risque financier lié aux fluctuations du taux de change EUR/USD.

B. LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX ACTIONS EN JUSTICE

L'article 12 traite des questions de responsabilité. L'ONU considère qu'il appartient aux États parties à la Convention sur les privilèges et immunités des Nations unies de 1946 de faire valoir les immunités de l'ONU devant leurs juridictions nationales en lieu et place de celle-ci. La section 29 de ladite convention stipule, par ailleurs, que l'ONU doit prévoir des modes de règlement appropriés pour les différends en matière de contrats ou autres différends de droit privé.

En conséquence, l'accord type sur lequel se fonde le présent accord prévoit, de façon ambiguë, que « le Gouvernement est responsable à l'égard de toutes actions » dirigées contre le Secrétariat, l'ONU ou ses fonctionnaires, découlant de préjudices survenus dans les locaux ou du fait des moyens de transport fournis par le Gouvernement, ou encore découlant de l'emploi de personnel fourni par le Gouvernement. Cette formulation n'établit pas clairement s'il y a création d'un régime de responsabilité ou d'un régime procédural.

Afin de préciser la portée de cette formulation, sur le plan de la responsabilité, et sur le plan procédural, une version de compromis du texte de l'accord type a finalement été retenue, prévoyant qu' « il incombe au Gouvernement de traiter toute action, réclamation, ou autre demande à l'encontre du Secrétariat, de l'ONU ou de leurs fonctionnaires, découlant (...) ». « Le Gouvernement garantit et met hors de cause l'ONU et le Secrétariat ainsi que tous leurs fonctionnaires pour toute action, réclamation ou autre demande de ce type. »

L'article 13 stipule que le règlement des différends qui pourraient survenir entre le Gouvernement et le Secrétariat s'opère par voie d'arbitrage.

III. LES PRIVILÈGES ET IMMUNITÉS ACCORDÉS AUX PARTICIPANTS

Le régime des privilèges et immunités est fondé sur la Convention sur les privilèges et immunités des Nations unies du 13 février 1946 , à laquelle la France est partie. Cette convention s'applique mutatis mutandis tant à la Conférence elle-même qu'aux réunions d'avant-session et aux réunions dites connues ou non connues.

A. LES IMMUNITÉS

L'article 10 du présent accord précise le régime des immunités.

1. Principes

Les représentants des Parties à la Convention et au Protocole , ainsi que les représentants des États observateurs , jouissent des privilèges et immunités prévus à l'article IV de la Convention sur les privilèges et immunités.

Dispositions de l'article IV de la Convention sur les privilèges et immunités des Nations unies, s'agissant des Représentants des Membres

Ces immunités sont notamment les suivantes :

« - Immunité d'arrestation personnelle ou de détention et de saisie de leurs bagages personnels et en ce qui concerne les actes accomplis par eux en leur qualité de représentants (y compris leurs paroles et écrits), immunité de toute juridiction 18 ( * ) ;

- Inviolabilité de tous papiers et documents ; (...)

- exemption pour eux-mêmes et pour leurs conjoints à l'égard de toutes mesures restrictives relatives à l'immigration, de toutes formalités d'enregistrement des étrangers (...) ;

- les mêmes immunités et facilités en ce qui concerne leurs bagages personnels que celles accordées aux agents diplomatiques (...) ;

- tels autres privilèges, immunités et facilités non incompatibles avec ce qui précède dont jouissent les agents diplomatiques (...). »

« Les privilèges et immunités sont accordées aux représentants des Membres non à leur avantage personnel, mais dans le but d'assurer en toute indépendance l'exercice de leurs fonctions en rapport avec l'Organisation. Par conséquent, un Membre a non seulement le droit, mais le devoir de lever l'immunité de son représentant dans tous les cas où, à son avis, l'immunité empêcherait que justice soit faite et où elle peut être levée sans nuire au but pour lequel l'immunité est accordée. ».

Les fonctionnaires de l'ONU jouissent, quant à eux, des privilèges et immunités prévus aux articles V et VII de la Convention sur les privilèges et immunités. Les experts en mission pour les Nations unies jouissent des privilèges et immunités prévus aux articles VI et VII de cette même convention.

Les représentants des institutions spécialisées des Nations unies jouissent des privilèges et immunités prévus par la Convention sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées du 21 novembre 1947 , à laquelle la France est également Partie.

Ces immunités sont accordées dans le même esprit que celles, précédemment évoquées, s'agissant des représentants des Parties. Elles concernent les actes accomplis dans l'exercice des fonctions, dans l'intérêt de celles-ci et ne doivent pas être considérées comme un avantage accordé à titre personnel.

S'agissant des représentants de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), le Gouvernement leur accorde les privilèges et immunités prévus par l'article XV du Statut de l'AIEA.

Les autres participants ( représentants des organisations ayant le statut d'observateur, autres personnes invitées par le Secrétariat ) jouissent de l'immunité de juridiction en ce qui concerne les propos tenus oralement ou par écrit et les actes accomplis par eux en rapport avec leur participation aux réunions. Ces immunités sont levées si elles sont susceptibles d'entraver le cours de la justice.

D'après les informations recueillies, « les organisations bénéficiant du statut d'observateur sont des organisations intergouvernementales - par exemple l'OCDE - mais aussi des organisations non gouvernementales. Au total, 1598 ONG et 99 organisations intergouvernementales sont admises en tant qu'observateurs aux sessions de la Conférence des Parties. En particulier, les ONG représentant un large éventail d'intérêts divers, et embrassent des représentants des groupes environnementaux, du monde des affaires et de l'industrie, du monde de la recherche, de la jeunesse, des collectivités et gouvernements locaux, des syndicats, des femmes, des organisations LGBTI, des peuples autochtones et du secteur de l'agriculture ».

S'agissant des « autres personnes invitées », « Il semble, en outre, qu'il n'existe pas de liste officielle de ces « personnes invitées » par le Secrétariat, dans la mesure où ces personnes sont directement intégrées à leurs délégations d'origine dans les listes officielles des participants aux Conférences. » 19 ( * )

Observateurs et personnes invitées

« L'Organisation des Nations unies, les institutions spécialisées des Nations unies et l'Agence internationale de l'énergie atomique ainsi que tous États membres d'une de ces organisations ou observateurs auprès d'une de ces organisations qui ne sont pas Parties à la Convention peuvent être représentés aux sessions de la Conférence des Parties en tant qu'observateurs. Tout organe ou organisme national ou international, gouvernemental ou non gouvernemental compétent dans les domaines visés par la Convention, qui a fait savoir au secrétariat qu'il souhaite être représenté à une session de la Conférence des Parties en qualité d'observateur, peut y être admis (...) »

(Article 7 de la CCNUCC)

Enfin, le personnel technique jouit également de l'immunité de juridiction, en ce qui concerne les propos tenus oralement ou par écrit et les actes accomplis dans l'exercice de fonctions officielles.

2. Limites

Comme évoqué précédemment, l'article 10 (paragraphes 5, 6 et 7) accorde des immunités, au-delà de ce que prévoit la Convention sur les privilèges et immunités, aux représentants d'organismes observateurs et autres personnes invitées par le Secrétariat, ainsi qu'au personnel technique .

Or le nombre de ces personnes invitées est susceptible d'être très important, puisque jusqu'à 20 000 représentants de la société civile sont attendus à Paris.

L'immunité prévue est néanmoins limitée aux propos tenus oralement ou par écrit et aux actes accomplis par eux en rapport avec leur participation aux réunions.

À la demande du Gouvernement, trois paragraphes ont été ajoutés à l'article 10, afin de préserver les intérêts français, et de limiter la portée des immunités à ce qui est strictement nécessaire au bon déroulement de la Conférence de Paris.

Ces paragraphes stipulent que :

- les privilèges et immunités sont « accordés exclusivement pour assurer le bon déroulement de la Conférence » ;

- une coopération est établie en vue notamment « d'éviter tout abus » auquel pourraient donner lieu ces privilèges et immunités ;

- comme évoqué, les immunités accordées aux représentants des organisations ayant le statut d'observateur et autres personnes invitées « sont levées dans tous les cas où elles seraient susceptibles d'entraver le cours de la justice » . Cette formulation large - non restreinte à des cas limitativement énumérés - laisse la possibilité aux autorités françaises d'apprécier les éventuels contentieux dans lesquels une demande de levée d'immunité est nécessaire, puis de communiquer cette demande au Secrétariat de la CCNUCC. La levée d'immunité ne doit toutefois pas « porter atteinte aux intérêts du Secrétariat », c'est-à-dire ne pas faire entrave à son fonctionnement dans le cadre de la Conférence.

3. La question des visas

Le paragraphe 11 de l'article 10 traite de la question de l'entrée sur le territoire français des participants à la COP 21.

Il dispose que « toutes les personnes visées à l'article 2 » (c'est-à-dire les représentants des Parties, des États observateurs, de l'ONU, des organisations ayant le statut d'observateur et autres personnes invitées) et « qui ont été invitées par le Secrétariat », et bénéficient donc d'une accréditation , « ont le droit d'entrer sur le territoire de la République et d'en sortir (...) ».

À ce titre, des visas gratuits de court séjour sont délivrés, et « des dispositions sont également prises pour veiller à ce que des visas pour la durée des réunions (...) soient délivrés à l'aéroport, à leur arrivée, aux personnes qui n'ont pas pu les obtenir avant leur arrivée ».

S'il ne dispose pas d'une accréditation officielle délivrée par les Nations unies pour la COP 21/CMP 11, le demandeur, se présentant au poste consulaire français de son pays de résidence, doit présenter les garanties habituellement demandées à l'appui d'une demande de visa de court séjour (ressources, hébergement, assurance médicale). Ce visa est alors payant.

B. LES PRIVILÈGES FISCAUX

L'article 10 exonère de droits et taxes pour l'importation provisoire de tout matériel nécessaire aux réunions et pour l'achat par le Secrétariat de biens et services en rapport avec la Conférence. Une exonération de taxe sur la valeur ajoutée pour les achats de biens et services effectués à titre officiel est introduite, sous réserve du dépassement d'un seuil minimal d'achats (150 €).

Ces dispositions sont classiques et conformes au droit de l'Union européenne 20 ( * ) .

CONCLUSION GÉNÉRALE

Le présent accord est nécessaire à la tenue, en fin d'année à Paris, de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques ou COP 21/CMP 11.

Il est formulé de façon classique, s'agissant de l'organisation d'un tel événement. Ses dispositions sont de nature essentiellement techniques. Il ne nécessite, en outre, aucune modification ni mesure d'application en droit français.

La négociation entre le Gouvernement et le Secrétariat de la CCNUCC a permis de préciser la portée des immunités des participants non couverts par les conventions internationales existantes, afin de limiter ces immunités à ce qui est strictement nécessaire pour permettre le déroulement de la Conférence, éviter tout abus et en permettre la levée, au cas où cette immunité entraverait le cours de la justice.

Au bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter le projet de loi n° 512 (2014-2015) autorisant l'approbation de l'accord conclu entre le Gouvernement français et le Secrétariat de la CCNUCC concernant l'organisation de la COP 21/CMP 11.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 1 er juillet 2015 sous la présidence de M. Christian Cambon, vice-président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Pierre Grand, rapporteur, sur le projet de loi n° 512 (2014-2015) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et son Protocole de Kyoto concernant la vingt et unième session de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, la onzième session de la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au Protocole de Kyoto et les sessions des organes subsidiaires.

M. Jean-Pierre Grand . - Cet accord fixe le cadre des relations entre la France et l'ONU, pour l'organisation, en fin d'année, au parc des Expositions du Bourget, de la vingt et unième Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, dite COP 21 ou Conférence Paris Climat 2015.

Je reviendrai rapidement sur le contexte et les enjeux de l'organisation de cet événement, avant d'évoquer les différents aspects de cet accord technique.

Les enjeux diplomatiques de cette conférence sont bien connus : il s'agit d'obtenir le premier accord universel, juridiquement contraignant, en vue de maintenir la hausse de la température globale en deçà de +2°C. Cet accord a vocation à prendre le relais du protocole de Kyoto, à compter de 2020.

Pour le pays hôte, la France, la Conférence de Paris comporte des enjeux financiers, logistiques et de sécurité. Dans un contexte international dégradé et alors que la France est une cible du terrorisme, nous devons déployer un dispositif de sécurité maximal à la hauteur de cet événement diplomatique international. Il s'agira d'accueillir environ 40 000 participants, officiels et non officiels, car il y aura de nombreux représentants de la société civile, et de leur assurer des conditions adéquates de transport, d'hébergement et de sécurité.

Bien que cet accord n'en fasse pas mention, il convient de rappeler qu'un budget de 179 millions d'euros a été ouvert en loi de finances en vue de la COP 21, et que le ministère des affaires étrangères s'est donné pour objectif de couvrir environ 20 % du coût total de l'événement grâce à des contributions, financières ou en nature, de mécènes et de partenaires. À ce jour, 15,5 millions d'euros ont été récoltés, ce qui représente la moitié de l'objectif poursuivi. Un début de polémique a eu lieu concernant les entreprises partenaires dont certaines ne seraient pas, selon certaines ONG, compatibles avec les objectifs de la COP 21. Pour ma part, je pense qu'il faut se féliciter de ce cofinancement et ne pas mésestimer les efforts des co-financeurs en la matière.

Par ailleurs, je souhaiterais dire quelques mots de la sécurité et de son organisation.

L'accord stipule, à ce sujet, que la zone de conférence du Bourget est une « zone bleue », sous responsabilité du département de la sûreté et de la sécurité des Nations unies. À l'extérieur des locaux de la Conférence, en revanche, c'est bien sûr le Gouvernement français qui sera chargé de la sécurité de l'événement.

Les enjeux sont réels, dans le contexte de menace actuel, et dans la mesure où 20 000 participants de la société civile sont attendus, au cours de multiples événements incluant des Marches et manifestations.

Le dispositif de sécurité reposera sur une extension par décret des compétences de la Préfecture de police sur le site du Bourget. Trois périmètres de sécurité seront définis autour de la zone de conférence. Le dispositif inclura des volets relatifs à la gestion de la circulation et à la sécurisation des transports ferroviaires. Un concours de l'autorité militaire est prévu pour la protection des points sensibles des réseaux d'eau, d'énergie et de télécommunications.

Comme vous le savez, juste avant le segment ministériel de cette conférence, le volet parlementaire sera conclu le dimanche 6 décembre 2015, au Sénat, avec l'adoption d'une déclaration des Parlements du monde sous l'égide de l'Union interparlementaire. Notre collègue Robert del Picchia est particulièrement impliqué dans la préparation de ce volet. Au sein de notre commission, un groupe de travail composé de Leila Aïchi, Cédric Perrin et Eliane Giraud, nourrira les réflexions sous l'angle géostratégique. Notre collègue Jérôme Bignon coordonne l'ensemble des initiatives prises au sein du Sénat. Il est important que l'institution sénatoriale soit mobilisée et prenne toute sa part au débat. Le réchauffement climatique a aussi un impact sur les collectivités locales que nous représentons.

J'en viens maintenant plus précisément à l'accord lui-même.

Il dresse la liste des prestations matérielles attendues du Gouvernement français et exige que la Conférence soit climatiquement neutre. Des mesures sont actuellement prises pour réduire et compenser les émissions de gaz à effet de serre qui résulteront de l'événement.

L'accord prévoit, par ailleurs, le versement d'un budget de six millions d'euros par le Gouvernement au Secrétariat de la Convention-cadre sur les changements climatiques. Cette somme correspond au surcoût engendré par le fait d'organiser la Conférence au Bourget plutôt qu'à Bonn, où siège ce Secrétariat. La négociation a permis de faire baisser ce montant, régularisable, d'environ un million d'euros.

L'accord traite, par ailleurs, classiquement, des questions de responsabilité, et du règlement des différends entre les parties.

Mais l'aspect probablement le plus sensible est celui des privilèges et immunités, qui inclut la question des visas pour l'entrée sur le territoire français en vue de participer à la Conférence.

Ces privilèges et immunités sont fondés sur plusieurs conventions internationales existantes, dont la Convention sur les privilèges et immunités des Nations unies du 13 février 1946.

En vertu de ces conventions, les États Parties, les fonctionnaires de l'ONU, les représentants des institutions spécialisées des Nations unies bénéficient d'une immunité de juridiction et de diverses facilités, notamment pour l'entrée sur le territoire français.

La question des immunités se pose surtout pour les nombreux représentants attendus de la société civile, ainsi que pour le personnel technique mis à disposition par le Gouvernement.

Il faut distinguer les personnes accréditées, c'est-à-dire officiellement invitées par le Secrétariat de la Convention-cadre, et les autres.

Pour les participants non accrédités, ce sont des dispositions de droit commun qui s'appliqueront. Ils ne bénéficient pas d'immunité et devront obtenir un visa payant de court séjour auprès du poste consulaire du pays de résidence, sur présentation de justificatifs de ressources, d'hébergement et d'assurance médicale.

La situation est différente pour les personnes accréditées, notamment le personnel mis à disposition par le gouvernement, les représentants d'organisations ayant le statut d'observateur et les autres personnes invitées par le Secrétariat de la Convention-cadre. Ces accréditations seront nombreuses puisque près de 1600 ONG ont un statut d'observateur.

Ces personnes accréditées bénéficieront d'une immunité de juridiction en ce qui concerne les propos et actes accomplis en rapport avec leur participation aux réunions. Elles disposeront par ailleurs de facilités d'entrée sur le territoire, notamment la gratuité du visa de court séjour et un allègement des formalités.

Sur cette question des immunités, la partie française à l'accord a obtenu que soient insérées trois clauses anti-abus.

Il s'agit :

- d'une clause stipulant que les privilèges et immunités « sont accordées exclusivement pour assurer le bon déroulement de la Conférence » ;

- d'une clause prévoyant l'établissement d'une coopération entre les parties en vue « d'éviter tout abus » ;

- et, enfin, d'une disposition permettant la levée de l'immunité « dans tous les cas où elle serait susceptible d'entraver le cours de la justice ».

Les privilèges fiscaux, enfin, sont classiques pour ce type d'événement : il s'agit d'une exonération de droits et taxes pour l'importation de matériel et d'une exonération de TVA pour les achats de biens et services à titre officiel, dès lors que leur montant est supérieur à 150 euros.

En conclusion, vous le voyez, cet accord comporte des dispositions logistiques et matérielles nécessaires et inhérentes à l'organisation de la Conférence de Paris. Sa rédaction est classique. L'accord ne comporte pas d'éléments diplomatiques et juridiques innovants et ne nécessite aucune modification du droit français.

De façon pragmatique, pour le Sénat, et notre Commission, la ratification de cet accord doit être dissociée du sujet de fond et des enjeux de la COP 21, sur lesquels il y aura beaucoup à dire. La Chine a rendu hier sa contribution nationale ; je ne doute pas que notre commission y sera très attentive.

La Conférence des présidents a demandé, à juste titre, l'examen de ce projet de loi en procédure simplifiée.

Je vous propose, par conséquent, d'autoriser l'approbation de cet accord en adoptant ce projet de loi.

M. Robert del Picchia. - Cet accord est bien entendu absolument nécessaire.

Des questions se poseront dans la perspective du sommet parlementaire qui doit se dérouler les 5 et 6 décembre 2015 à l'Assemblée nationale et au Sénat. Tous les parlementaires étrangers, y compris ceux figurant sur des listes de personnes sanctionnées, pourront-ils venir librement en France ?

L'Union interparlementaire obéit à un principe d'universalité, qui bloque actuellement la tenue de réunions dans l'Union européenne, en raison de mesures prises à l'encontre de certains parlementaires étrangers. Nous cherchons des solutions.

M. Christian Cambon . - Merci de soulever cette question qui mérite un examen attentif.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte, à l'unanimité, le rapport ainsi que le projet de loi précité


* 1 Ce Secrétariat général est chargé « de la négociation et de la mise en oeuvre des arrangements entre la République française et le secrétariat de la CCNUCC concernant l'accueil par la France de la COP 21/CMP11 ». Il a été créé par le décret n° 2015-78 du 29 janvier 2015. Équipe interministérielle d'une vingtaine de personnes détachées des ministères en charge des Affaires étrangères, de l'Écologie et de l'Intérieur, il est dirigé par M. Pierre Henri Guignard, ambassadeur, secrétaire général chargé de la préparation et de l'organisation de la COP 21.

* 2 Constitué d'environ 500 personnes, ce Secrétariat est dirigé par Mme Christiana Figueres, Secrétaire exécutive.

* 3 Un accord de siège est un accord qu'une organisation internationale conclut avec l'État qui l'accueille sur son territoire.

* 4 Le Protocole de Kyoto a été adopté le 11 décembre 1997 par la COP 3 réunie au Japon. Il est entré en vigueur le 16 février 2005 et a été ratifié par 192 Parties. Les États-Unis ne l'ont pas ratifié.

* 5 Conference of the Parties serving as the meeting of the Parties to the Kyoto Protocol (CMP).

* 6 Rapport n° 168 (2014-2015) de Mme Leila AÏCHI, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 10 décembre 2014.

* 7 le 24 octobre 2014, le Conseil européen a conclu un accord visant, à l'horizon 2030, à réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre, à améliorer de 27 % l'efficacité énergétique et à avoir une part d'énergie renouvelable d'au moins 27 %.

* 8 Outre l'Union européenne et ses 28 États membres, seuls l'Australie, la Biélorussie, l'Islande, le Kazakhstan, le Lichtenstein, Monaco, la Norvège, la Suisse et l'Ukraine ont pris des engagements chiffrés pour la deuxième période dans le cadre de l'amendement de Doha.

* 9 Intended nationally determined contributions.

* 10 Leur coût commercial peut être beaucoup plus élevé.

* 11 http://www.cop21.gouv.fr/fr

* 12 Mécanisme du Protocole de Kyoto, sous l'autorité de la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au Protocole de Kyoto (CMP), par lequel les pays industrialisés financent des projets qui réduisent ou évitent des émissions dans des pays en développement, en contrepartie de « crédits » pouvant être utilisés pour atteindre leurs propres objectifs d'émissions (annexe IX).

* 13 Il s'agit des autorités nationales désignées, dans le cadre du Mécanisme de développement propre précité (annexe X).

* 14 Initiative du Secrétariat de la CCNUCC, lancée en 2011, dont le but est d'offrir une tribune publique permettant de mettre en évidence des actions de grande ampleur qui ont d'ores et déjà des effets sur le terrain (annexe XI).

* 15 Systèmes de management responsable appliqués à l'activité événementielle-Exigences et recommandations de mise en oeuvre (2012)

* 16 Étude d'impact du présent projet de loi.

* 17 Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.

* 18 Les personnes bénéficiant d'une immunité de juridiction ne peuvent être traduites devant une juridiction quelle qu'elle soit. Les immunités sont des questions préliminaires qui doivent être tranchées dans les meilleurs délais par les tribunaux. Si elles trouvent à jouer, l'action judiciaire ne peut être poursuivie.

* 19 Réponses du Secrétariat général au questionnaire de votre rapporteur.

* 20 Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (article 151).

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