SECTION 3 - ACCÈS DES MILITAIRES À LA FONCTION PUBLIQUE
Article 14 - Dispositifs de reclassement dans la fonction publique
Cet article tend à modifier les dispositifs d'accès des militaires à la fonction publique civile qui figurent aux articles L. 4139-1 à L. 4139-4 du code de la défense.
? Le I modifie plusieurs articles du chapitre IX du titre III du livre 1 er de la partie 4 du code de la défense.
* Le 1° tend à apporter deux modifications à l'article L. 4139-1 qui concerne l'accès à l'une des fonctions publiques ou à la magistrature par concour s ainsi que le recrutement sans concours dans les corps et cadres d'emplois de la catégorie C :
- l'une, formelle, vise à compléter le deuxième alinéa de cet article afin de préciser les conditions de reclassement d'un militaire admis à un recrutement sans concours pour un poste de catégorie C (situation visée par le premier alinéa dans sa rédaction actuelle), seules les conditions de reclassement d'un militaire lauréat d'un concours étant mentionnées dans la rédaction actuelle ;
- l'autre ajoute, après le deuxième alinéa, une nouvelle disposition tendant à préciser qu'un ancien militaire radié des cadres dès sa réussite à un concours bénéficie des mêmes conditions de reclassement dans son corps (ou cadre d'emploi) d'accueil que le militaire ayant bénéficié d'un détachement durant le stage préalable à sa titularisation en tant que fonctionnaire civil.
Sous réserve de satisfaire aux conditions énoncées par le premier alinéa de l'article L.4139-1 (avoir informé sa hiérarchie de son intention de se présenter au concours, avoir effectué au moins quatre ans de services militaires, ne pas faire l'objet d'un lien avec le service), le militaire ayant réussi un concours peut effectuer le stage préalable à la titularisation en position de détachement, ce qui lui permet d'être réintégré en cas de non titularisation. Tel n'est en revanche pas le cas du militaire ne remplissant pas ces conditions, qui est radié des cadres dès sa nomination dans le corps d'accueil.
Le second alinéa de l'article L. 4139-1 énonce que le militaire lauréat de concours de la fonction publique est reclassé dans des conditions équivalentes à celles prévues pour un fonctionnaire, par le statut particulier de ce corps, précisées par décret en Conseil d'Etat.
Cette disposition semble apparemment concerner aussi bien les militaires bénéficiant d'un détachement que les militaires radiés des cadres dès leur nomination.
Elle manque néanmoins de précision. En effet, elle prévoit que le militaire lauréat de concours est "titularisé et reclassé dans les conditions [...] précisées par décret en Conseil d'Etat". Le reclassement opéré sur le fondement de ces conditions doit donc intervenir lors de la titularisation et non pas dès la nomination. Or, lors de leur titularisation, ces militaires, radiés des cadres depuis leur nomination, ne sont plus juridiquement des militaires mais des anciens militaires. Le deuxième alinéa de l'article L. 4139-1 ne mentionnant que la situation des militaires (toujours présents dans les cadres), pourrait ne pas s'appliquer aux anciens militaires radiés des cadres lors de leur nomination.
Dans un souci de clarification et d'unification des dispositions relatives aux conditions de classement des militaires nommés dans les corps et cadres d'emplois de fonctionnaires à la suite de leur réussite à un concours, la modification apportée vise à préciser que les militaires radiés des cadres de l'armée dès leur nomination dans leur corps d'accueil bénéficient, comme ceux en position de détachement, des mêmes mesures réglementaires de reclassement prises en application de l'article L-4139-1 du code de la défense.
* Le 2 e tend à modifier l'article L. 4139-2 du code de la défense qui offre aux militaires remplissant les conditions requises la possibilité d'occuper des emplois au sein des trois fonctions publiques correspondant à leurs qualifications, en bénéficiant pendant un an d'un détachement avant d'être éventuellement intégré ou titularisé dans le corps ou le cadre d'emplois correspondant ( procédure dite de détachement-intégration).
Les dispositions en vigueur constituent désormais un I, qui est complété par deux nouveaux alinéas.
Le premier (II) prévoit que le militaire servant en vertu d'un contrat voit son contrat prorogé jusqu'à la fin de son détachement et de son renouvellement éventuel, y compris au-delà de la limite de durée des services fixée au II de l'article L.4139-16 du code de la défense. Cette disposition vise à permettre de prolonger le contrat d'un militaire quand celui-ci arrive à terme avant la fin du détachement préalable à une titularisation dans la fonction publique. Il s'agit ici de donner un fondement législatif à une disposition déjà prévue par des textes réglementaires.
Le second (III) tend à ouvrir le dispositif aux militaires servant à titre de non-nationaux , c'est-à-dire ceux relevant de la Légion étrangère, sauf en ce qui concerne les emplois dits de souveraineté (« dont les attributions soit ne sont pas séparables de l'exercice de la souveraineté, soit comportent une participation directe ou indirecte à l'exercice de prérogatives de puissance publique »). Une quarantaine de cas par an pourraient être concernés.
De nouvelles dispositions réglementaires d'application seront prises qui auront pour effet d'alléger les conditions minimales d'ancienneté et de supprimer les conditions maximales d'ancienneté prévues aux articles D. 4139-11 à D. 4139-13, d'apporter des précisions rédactionnelles afin d'améliorer la lisibilité des dispositions règlementaires relatives à la reconversion des militaires, et de permettre à la commission nationale d'orientation et d'intégration (CNOI) de statuer avec une célérité accrue sur les candidatures de militaires par une simplification de ses modalités de composition et de délibération (R. 4139-21 et R.4139-22).
* Le 3° vise à compléter l'article L. 4139-4 qui porte sur le détachement dont peuvent bénéficier les militaires lauréats d'un concours d'accès à la fonction publique ou admis à un recrutement sans concours en vue d'effectuer le stage préalable à leur titularisation. Il prévoit que le temps passé en position de détachement est désormais pris en compte comme une période de services militaires effectifs pour la liquidation de la pension (sauf pour l'attribution de la bonification prévue au i de l'article L.12 du code des pensions civiles et militaires).
* Le 4° est une disposition de coordination tendant à modifier l'article L.4139-14 du code de la défense qui énumère les situations dans lesquelles intervient une cessation d'office de l'état militaire.
Selon le droit en vigueur, conformément au 8° de cet article, la radiation des cadres pour un militaire ayant réussi un concours mais ne bénéficiant pas du détachement intervient « dès la réussite au concours ». La modification proposée tend à remplacer cette formulation par celle de « nomination dans un corps ou cadre d'emplois de fonctionnaires ». Cette rédaction permet de prendre en compte les militaires recrutés sans concours dans un corps de catégorie C et ne pouvant bénéficie d'un détachement.
? Le II est une disposition transitoire tendant à prévoir que les articles L. 4139-1, L. 4139-2, L. 4139-4 et L. 4139-14 du code de la défense demeurent applicables dans leur rédaction antérieure à la promulgation de la présente loi aux militaires placés en position de détachement en application de ces articles avant la promulgation de la présente loi.
? Le III est une disposition visant à prévoir l'application des articles L. 4139-1, L.4139-2, L.4139-4 et L.4139-14 à Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et aux Terres australes et antarctiques françaises.
Lors de la codification du code de la défense, le choix a été fait de mentionner expressément les dispositions applicables aux collectivités ultramarines régies par l'article 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises. Ainsi, les articles L. 4331-1, L. 4341-1, L. 4351-1, L. 4361-1, L. 4371-1 du code de la défense régissent l'applicabilité des dispositions du statut général des militaires dans les îles de Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle Calédonie, et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
Le III de l'article 14 du projet de loi modifie ces dispositions d'applicabilité afin de rendre les modifications, apportées par le projet aux articles L. 4139-1, L. 4139-2, L. 4139-4, et L. 4139-14, expressément applicables aux collectivités ultra-marines, par le biais de la méthode dite « du compteur ».
Ainsi, il est inséré dans chacun de ces articles d'applicabilité, un alinéa prévoyant que « les dispositions des articles L. 4139-1, L. 4139-2, L. 4139-4, et L. 4139-14 sont applicables dans leur rédaction résultant de la loi n°... du ... actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense ».
Sur cet article, l'Assemblée nationale a adopté trois amendements rédactionnels.
Votre commission a adopté un amendement rédactionnel COM-26 et un amendement de coordination COM-16 destiné à tenir compte de l'évolution récente du statut de Mayotte, devenue département d'outre-mer et pour laquelle les articles précités du code de la défense sont désormais d'application directe.
Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article 15 - Accès des militaires aux concours internes des fonctions publiques
Cet article vise à introduire dans les lois régissant les trois fonctions publiques une disposition autorisant l'accès des militaires aux concours internes .
Selon le droit en vigueur en effet, les conditions d'accès des militaires aux concours des différentes fonctions publiques sont définies par les statuts particuliers des différents corps (327 corps en tout dans la fonction publique d'Etat) qui restreignent voire interdisent aux militaires de se présenter aux concours internes. De fait, seule une minorité de statuts particuliers permet aux militaires de se porter candidats aux concours d'accès des corps et cadres d'emplois qu'ils réglementent.
Ceci explique sans doute le faible succès rencontré par cette voie d'accès à la fonction publique qui a permis 71 reclassements en 2013 sur un total de 2135 (soit 3,32 %).
Il est proposé de prendre une mesure législative d'ordre général ayant pour effet de neutraliser les dispositions en vigueur des statuts particuliers et permettre aux militaires de se porter candidats à l'ensemble des concours internes d'accès aux corps et cadres d'emplois civils.
Le projet de loi modifie en conséquence les lois statutaires de chacune des trois fonctions publiques : l'article 19 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, l'article 36 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriales et l'article 29 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.
Les statuts particuliers des corps et cadres d'emplois, majoritaires, qui ne sont pas accessibles aux militaires par concours interne devront être modifiés en conséquence afin de se mettre en conformité avec cette disposition. Il s'agira notamment de déterminer les conditions dans lesquelles les services militaires sont pris en compte au titre de l'ancienneté de services exigée des candidats à ces concours.
L'Assemblée nationale a adopté cet article sans le modifier.
Votre commission a adopté cet article sans modification.
Article 16 - (articles L.395 et L.401 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre) - Accès aux emplois réservés des conjoints de grands invalides
Cet article vise à apporter deux modifications au régime des emplois réservés, qui fait l'objet du chapitre IV du titre III du livre III du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Ces modifications visent à :
- ouvrir les emplois réservés aux conjoints , partenaires liés par un pacte civil de solidarité (PACS) ou concubins de militaires se trouvant dans l'incapacité permanente de travailler à la suite d'une blessure contractée en opération extérieure ;
- prévoir que s'agissant des gendarmes candidats aux emplois réservés dans la fonction publique, c'est le ministre de l'intérieur qui les inscrit sur la liste d'aptitude .
? Selon l'article L393 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, le recrutement par la voie des emplois réservés constitue une « obligation nationale » à laquelle concourent l'Etat, les collectivités territoriales et la fonction publique hospitalière.
Ce dispositif permet de recruter sans concours, de manière dérogatoire, les personnes bénéficiaires énumérées à la section 1 du chapitre IV ( articles L.394 à L.398 ) de ce code :
- les pensionnés de guerre civils et militaires et les personnes assimilées, leur conjoint survivant, leurs orphelins et leurs enfants ainsi que les enfants des anciens membres des formations supplétives (ces bénéficiaires étant prioritaires sur tout recrutement) ;
- les militaires en activité depuis au moins quatre ans (à l'exception des officiers de carrière et des militaires commissionnés) après agrément de leur DRH de gestion (article L. 4139-3 CD) ;
- les militaires rayés des contrôles depuis moins de trois ans et comptant au moins quatre ans de services.
Il convient de noter que le dispositif des emplois réservés permet uniquement l'accès aux corps et cadres d'emplois des catégories B et C de la fonction publique.
La procédure d'accès, qui fait l'objet de la section 2 du chapitre IV (articles L.399 à L.407) consiste à inscrire les candidats sur des listes d'aptitude pour une durée déterminée, selon l'ordre de priorité défini par l'article L.393 et sous réserve de la reconnaissance de leurs qualifications et acquis de l'expérience professionnelle. Lors des recrutements, l'autorité compétente s'efforce de prendre en compte les candidats inscrits sur ces listes.
Conformément au 1° a) de l'article L.395 de ce code, les emplois réservés sont déjà accessibles sans conditions d'âge ni de délai aux conjoints, partenaires liés par un PACS ou concubins des personnes mentionnées à l'article L.394 et décédées ou disparues dans les circonstances visées par cet article.
? La disposition figurant au 1° du présent article 16 vise à en ouvrir le bénéfice aux conjoints de militaires invalides de guerre titulaires d'une pension d'invalidité « ouvrant droit à l'une des allocations spéciales prévues à l'article L.31 », c'est-à-dire les grands invalides titulaires d'une pension d'invalidité égale ou supérieure à 85 %.
Il s'agit d'une mesure de solidarité nationale en faveur des conjoints de militaires encore vivants mais qui ne sont plus en capacité de travailler et donc de prétendre occuper les emplois réservés auxquels ils ont droit en vertu du 1°) de l'article L.394 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. La situation visée est essentiellement celle de militaires blessés en opérations extérieures (OPEX).
Le nombre de personnes susceptibles d'utiliser ce nouveau dispositif est estimé à quelques centaines.
En ce qui concerne le 2° de cet article , il vise à compléter l'article L401 du code précité afin de préciser que c'est le ministre de l'intérieur qui inscrit les gendarmes sur la liste d'aptitude.
L'Assemblée nationale a adopté cet article sans le modifier.
Votre commission a adopté cet article sans modification.