Section 2 - Procédures de l'Autorité de la concurrence

Article 59 bis (art. L. 430-2, L. 430-3, L. 430-4, L. 430-5, L. 430-7, L. 430-7-1, L. 430-8, L. 461-3 et L. 954-2 du code de commerce) - Modernisation des procédures suivies par l'Autorité de la concurrence en matière d'autorisation des opérations de concentration économique

Objet : cet article vise à clarifier et adapter certains aspects ponctuels de la procédure suivie par l'Autorité de la concurrence en matière de contrôle et d'autorisation des opérations de concentration économique.

En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a approuvé l'ensemble des clarifications apportées par le Sénat à l'article 59 bis du projet de loi, en y ajoutant deux modifications rédactionnelles ponctuelles, à l'initiative des rapporteurs et du Gouvernement.

Elle est toutefois revenue sur la suppression, votée par le Sénat en première lecture, de la faculté qui serait accordée au président de l'Autorité de la concurrence de décider seul de la révision des décisions prises par l'Autorité de manière collégiale en matière d'autorisation des opérations de concentration économique.

Votre rapporteur admet que, sans doute dans de nombreux cas, ces décisions de révision ne portent en pratique que sur des aspects mineurs (allongement de délais pour réaliser des engagements, conséquences à tirer de changements de circonstances extérieurs à l'entreprise...), à la demande le plus souvent de l'entreprise concernée par l'opération. La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale ne se limite pas, néanmoins, à ces cas de figure, mais accorde au président un pouvoir général de révision, sans distinction, qui pourrait lui permettre de remettre en cause de façon substantielle une décision prise par l'Autorité. Une révision peut parfois porter sur des aspects importants susceptibles de remettre en cause la décision initiale.

Dans ces conditions, il ne serait pas envisageable que le président soit juridiquement en mesure de réviser seul et sans restriction une décision prise collégialement par l'Autorité. Aussi votre commission a-t-elle adopté, à l'initiative de son rapporteur, un amendement ( COM-295 ) supprimant cette disposition, dans la continuité de la position adoptée en première lecture.

Votre commission spéciale a adopté cet article ainsi modifié.

Article 59 ter (art. L. 450-3 du code de commerce) - Accès de l'Autorité de la concurrence aux factures détaillées des opérateurs téléphoniques dans le cadre des enquêtes de concurrence

Objet : cet article vise à permettre à l'Autorité de la concurrence d'accéder aux factures détaillées fournies par les opérateurs de communications électroniques, pour obtenir des preuves dans le cadre de ses enquêtes sur des pratiques anticoncurrentielles.

En première lecture, le Sénat ne s'était pas opposé à ce que l'Autorité de la concurrence dispose désormais, au titre de ses pouvoirs d'enquête, par analogie avec l'Autorité des marchés financiers, de la possibilité d'accès aux factures détaillées fournies par les opérateurs téléphoniques (« fadettes »), dans le cadre de ses enquêtes sur des pratiques anticoncurrentielles. Pour autant, il avait modifié la codification de cette disposition, dans le code de commerce, préférant créer un nouvel article plutôt que de compléter l'article L. 450-3, pour éviter tout effet juridique imprévu en raison de renvois entre articles de codes.

En effet, l'article L. 450-3 du code de commerce traite de certains pouvoirs d'enquête attribués aux agents de l'Autorité de la concurrence, en vue de constater les infractions au droit de la concurrence (accès aux locaux professionnels, droit de communication de tout document professionnel...). Or, à l'article L. 141-1 du code de la consommation, qui traite des pouvoirs d'enquête des agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), il existe un renvoi à l'article L. 450-3 du code de commerce. Ainsi, les agents de la DGCCRF disposent, entre autres, des mêmes prérogatives de l'article L. 450-3 pour constater les manquements au code de la consommation.

En conséquence, si l'on attribue à l'Autorité de la concurrence la possibilité d'accéder aux factures téléphoniques détaillées en le mentionnant à l'article L. 450-3 précité, on la donnerait également, automatiquement, aux agents de la DGCCRF pour l'exercice de leurs missions.

Si l'Autorité de la concurrence et l'Autorité des marchés financiers sont des autorités administratives indépendantes, présentant des garanties procédurales de nature quasi juridictionnelle, il n'en va pas de même de la DGCCRF, administration centrale placée sous l'autorité du ministre chargé de l'économie. Or à aucun moment le Gouvernement n'a expressément indiqué qu'il souhaitait faire également bénéficier les agents de la DGCCRF de cette possibilité d'accéder aux « fadettes ».

Dans ces conditions, conformément à la position adoptée par le Sénat en première lecture, votre commission, à l'initiative de son rapporteur, a adopté un amendement ( COM-296 ) visant à attribuer cette prérogative à la seule Autorité de la concurrence, par la création d'un nouvel article au sein du code de commerce.

Au surplus, attribuer cette prérogative aux agents de la DGCCRF, pour rechercher les manquements au code de la consommation, semble excessif et peu pertinent, alors que cela se justifie davantage pour l'Autorité de la concurrence, s'agissant des infractions au droit de la concurrence, compte tenu des conditions de commission de ces infractions. À cet égard, votre rapporteur s'interroge sur la constitutionnalité de cette disposition, en raison de la disproportion entre l'atteinte à la vie privée qui en résulterait et l'objectif de constatation des infractions au droit de la consommation.

Par ailleurs, en nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du Gouvernement, une disposition additionnelle à l'article 59 ter du projet de loi, apportant des compléments aux pouvoirs d'enquête des agents de l'Autorité de la concurrence, applicable par renvoi aux agents de la DGCCRF, dont la relation directe avec les dispositions restant en discussion n'est pas manifeste selon votre rapporteur. Votre commission n'a pas retenu cette disposition additionnelle, qui apparaît en contradiction avec la règle dite de l'entonnoir en nouvelle lecture.

Votre commission spéciale a adopté cet article ainsi modifié.

Article 59 quinquies A (art. L. 464-2 du code de commerce) - Encadrement de la fixation par l'Autorité de la concurrence des sanctions pécuniaires prononcées en cas de pratique anticoncurrentielle

Objet : supprimé par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, cet article visait à encadrer la fixation par l'Autorité de la concurrence des sanctions pécuniaires infligées en cas de pratique anticoncurrentielle.

Issu d'un amendement adopté en première lecture par le Sénat, contre l'avis de votre commission et du Gouvernement, à l'initiative de notre collègue Jean Bizet, l'article 59 quinquies A a été supprimé par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Cet article concerne le montant des sanctions pécuniaires que peut infliger l'Autorité de la concurrence en cas de pratique anticoncurrentielle, en particulier en cas d'entente sur un marché, pratique la plus fréquemment sanctionnée. Actuellement, l'article L. 464-2 du code de commerce dispose :

« Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. »

L'amendement adopté par le Sénat en première lecture précisait que l'Autorité de la concurrence devait s'assurer que « la sanction infligée ne mette pas irrémédiablement en danger la viabilité économique de l'entreprise concernée et ne conduise pas à priver ses actifs de toute valeur ».

Le débat sur le montant des amendes prononcées par l'Autorité est récurrent, certains le jugeant parfois disproportionné et excessif. Il lui est arrivé, en effet, d'infliger des amendes de plusieurs dizaines voire centaines de millions d'euros dans des affaires de cartel.

Votre rapporteur admet que le montant des amendes prononcées, en particulier en cas d'entente portant atteinte à la concurrence, ainsi que le montre le tableau ci-après, peut être très lourd, au point dans certains cas très particuliers de fragiliser financièrement de petites entreprises ayant participé à la commission de l'infraction, comme des situations récentes ont pu l'illustrer.

Évolution du montant des sanctions pécuniaires des pratiques anticoncurrentielles
(en millions d'euros)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Nombre de décisions prononçant des sanctions pécuniaires

24

16

15

12

8

13

10

Montant total des sanctions pécuniaires

221,0

631,3

206,6

442,5

419,8

540,5

160,5

Source : Autorité de la concurrence.

Cependant, l'article L. 464-2 du code de commerce, dans sa rédaction actuelle, prévoit déjà une individualisation de la sanction prononcée et la prise en compte de la situation de l'entreprise sanctionnée. Ainsi, en droit, l'Autorité de la concurrence est déjà en mesure de tenir compte de la capacité de l'entreprise à s'acquitter de l'amende sans menacer sa pérennité.

En outre, il apparaît légitime à votre rapporteur que, dans le cas d'une infraction continue sur une très longue période, l'Autorité prenne en compte le profit indûment retiré grâce à l'infraction sur toute la période. En effet, quand bien même elle aurait duré très longtemps, la faute ne saurait être lucrative.

Dans ces conditions, votre rapporteur n'a pas proposé de revenir sur la suppression de cet article.

Votre commission spéciale a maintenu la suppression de cet article.

Article 59 quinquies (art. L. 464-2 du code de commerce) - Substitution d'une procédure de transaction à l'actuelle procédure de non-contestation de griefs devant l'Autorité de la concurrence

Objet : cet article vise à remplacer l'actuelle procédure de non-contestation de griefs par une procédure de transaction plus efficace, permettant au rapporteur général de l'Autorité de la concurrence de fixer le montant maximal de la sanction pécuniaire encourue, dans le cadre des enquêtes sur des pratiques anticoncurrentielles.

En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a retenu l'essentiel des modifications apportées par le Sénat à l'article 59 quinquies du projet de loi en première lecture. Toutefois, elle n'a pas retenu la possibilité de transiger sur une partie seulement des griefs notifiés par l'Autorité de la concurrence dans le cadre d'une enquête sur une pratique anticoncurrentielle.

En cas de transaction partielle, le gain de temps n'existerait plus, en effet, dès lors que la procédure normale devrait toujours s'appliquer pour une partie des griefs. Selon votre rapporteur, l'Autorité de la concurrence ne semble pas désireuse d'une telle possibilité de transaction partielle, qu'elle n'envisagerait pas d'utiliser si elle en disposait. Dans ces conditions, votre rapporteur n'a pas souhaité proposer de revenir sur ce point.

Votre commission spéciale a adopté cet article sans modification.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page