C. LE FINANCEMENT INTERMINISTÉRIEL DU SURCOÛT OPEX : UNE GARANTIE TRÈS IMPARFAITE

L'article 4 de la loi de programmation militaire 2014-2019, qui prévoit que « la dotation annuelle au titre des opérations extérieures est fixée à 450 millions d'euros », dispose, comme la loi de programmation militaire 2009-2014, qu' « en gestion, les surcoûts nets, hors titre 5 et nets des remboursements des organisations internationales, non couverts par cette dotation qui viendraient à être constatés sur le périmètre des opérations extérieures font l'objet d'un financement interministériel ».

Certains ont voulu croire que le financement interministériel prévu par la loi de programmation militaire constituait une protection claire et solide des crédits d'équipement de la défense, qui ne pourraient ainsi être ponctionnés pour couvrir le surcoût lié aux opérations militaires que la France conduit pour préserver sa sécurité et assumer ses responsabilités internationales.

Il faut pourtant relever que le mécanisme de solidarité interministérielle, qui finance également les besoins d'autres missions, met à contribution la mission « Défense », en principe à proportion de son poids dans le budget général. La Cour des comptes estime ainsi que la mission « Défense » finance 20 % du dépassement OPEX, soit environ 110 millions d'euros en 2013.

En réalité, cette disposition laisse une large latitude au Gouvernement pour faire peser sur la défense plus que sa part des dépenses imprévues nécessitant la mise en oeuvre du mécanisme de solidarité.

S'agissant des « 20 % de participation aux surcoûts du ministère de la défense », le ministre de la défense a ainsi expliqué à nos collègues députés de la commission de la défense nationale et des forces armée de l'Assemblée nationale « qu'il faudra discuter âprement ».

Ces discussions n'ont visiblement pas tourné en faveur du ministère de la défense : la mission « Défense », devrait, selon le projet de décret d'avance et le projet de loi de finances rectificative de fin d'année, assumer à elle seule plus de 30 % des annulations de crédits constituant le gage des dépenses financées de manière interministérielle.

Le programme 146 supporterait l'essentiel des annulations, s'élevant à 572 millions d'euros, alors qu'il a déjà subi 650 millions d'euros d'annulation de crédits en 2013. Le calendrier d'investissement de la loi de programmation militaire serait gravement remis en cause et le report de charge encore alourdi.

Ce mécanisme revient à mettre une partie du surcoût OPEX en auto-assurance, ce qui n'est pas conforme à l'intention ni à la lettre de la loi de programmation militaire. Il permet au Gouvernement de subvertir les fortes garanties dont législateur a voulu, dans un large consensus politique, entourer les ressources de la défense.

Il en résulte une situation paradoxale : le fait même que le contexte international et la dégradation sécuritaire imposent des interventions militaires sur des théâtres extérieurs contribue à dégrader les ressources que la France consacre à sa défense. Plus la France s'engage dans des opérations extérieures, plus elle rogne les moyens matériels et financiers de ses armées.

Cet engrenage, potentiellement désastreux, adresse un message d'une grande ambivalence à nos forces armées, nos alliés et nos ennemis.

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