B. UN SURCOÛT OPEX LOURDEMENT SOUS-ÉVALUÉ
Le montant des surcoûts OPEX pour l'année 2014 est estimé à 1 127 millions d'euros, alors que la provision inscrite en loi de finances initiale s'élevait à 450 millions d'euros.
Surcoûts OPEX par opération de 2008 à 2014
(en millions d'euros)
Zone |
Théâtre |
Opération |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 (6) |
2012 |
2013 |
2014 (7) |
Europe |
Kosovo |
TRIDENT |
103,4 |
81,8 |
64,7 |
47,3 |
39,9 |
33,5 |
19,3 |
Bosnie |
ASTREE |
5,2 |
2,4 |
0,1 |
/ |
/ |
2,2 |
2,4 |
|
Afrique |
Libye |
HARMATTAN |
/ |
/ |
/ |
368,5 |
/ |
/ |
/ |
RCI |
LICORNE (1) |
107,6 |
72,7 |
65,9 |
64,0 |
63,1 |
60,7 |
62,3 |
|
Tchad |
EUFOR TCHAD |
109,8 |
68,0 |
0,3 |
/ |
/ |
/ |
/ |
|
EPERVIER (2) |
93,2 |
111,9 |
84,6 |
97,4 |
115,5 |
105,6 |
189,7 |
||
Sahel |
SERVAL (2) (3) |
/ |
/ |
/ |
/ |
/ |
641,7 |
293,6 |
|
EUTM MALI |
/ |
/ |
/ |
/ |
/ |
8,2 |
6,4 |
||
République
|
BOALI |
13,3 |
11,1 |
11,5 |
12,6 |
14,3 |
27,5 |
/ |
|
SANGARIS (4) |
/ |
/ |
/ |
/ |
/ |
/ |
233,7 |
||
EUFOR RCA |
/ |
/ |
/ |
/ |
/ |
/ |
15,1 |
||
Océan Indien |
ATALANTE (5) |
/ |
21,0 |
41,5 |
29,4 |
30,1 |
19,3 |
13,9 |
|
Asie |
Liban |
DAMAN |
81,4 |
90,3 |
83,3 |
78,6 |
76,3 |
56,5 |
57,4 |
Afghanistan |
PAMIR HERACLES EPIDOTE |
292,4 |
387,2 |
482,7 |
518,3 |
485,3 |
249,6 |
132,7 |
|
Autres |
HAITI |
/ |
/ |
5,6 |
0,7 |
/ |
/ |
/ |
|
autres opérations |
24,0 |
24,1 |
20,0 |
29,7 |
48,9 |
45,4 |
92,5 |
||
Total |
830,3 |
870,5 |
860,1 |
1 246,5 |
873,4 |
1 250,2 |
1 119,0 |
(1) LICORNE + CALAO/ONUCI + CORYMBE
(2) Les opération EPERVIER et SERVAL, regroupées sur le plan opérationnel (opération BARKHANE) depuis le 1 er août 2014 restent suivies séparément sur le plan financier durant toute l'année 2014.
(3) SERVAL + MISMA/MINUSMA
(4) SANGARIS + MISCA/MINUSCA
(5) ATALANTA (opération de l'UE) y compris le volet français de l'opération consistant à fournir des équipes de protection embarquées (EPE) à certains navires.
(6) Il s'agit des surcoûts en AE ; l'écart de 76 millions d'euros avec les CP (1 171 millions d'euros) résulte du paiement prévu en 2012 du reste des livraisons de munitions destinées à reconstituer le stock tiré en Lybie.
(7) A cette prévision de surcoût s'ajoute la perte de recettes hospitalières du service de santé des armées en raison du niveau important de projection en OPEX des équipes chirurgicales. Cette perte est évaluée à 8,5 millions d'euros pour 2014.
Source : ministère de la défense
La provision pour surcoûts OPEX est dépassée presque chaque année, même si des efforts ont été faits pour une meilleure budgétisation. Ainsi, en 2013, la provision prévue en loi de finances initiale aurait couvert le surcoût OPEX si la France n'avait pas été conduite à intervenir au Mali dans le cadre de l'opération Serval.
Cette insuffisance chronique pose problème au regard du principe de sincérité budgétaire.
L'insincérité de la provision prévue dans le projet de loi de finances pour 2015 est d'ailleurs flagrante. Le montant inscrit, pour conforme qu'il soit à la loi de programmation militaire 2014-2019, ne suffira pas pour financer les opérations en cours qui se poursuivront l'année prochaine.
Questionné par votre rapporteur spécial au sujet de la prévision des surcoûts OPEX pour 2015, le ministère de la défense a simplement répondu qu'il était « prématuré d'établir une estimation des surcoûts, les orientations pour les OPEX devant être arrêtées au cours du dernier trimestre 2014 ».
De fait, la dotation inscrite à l'action 6 « Surcoûts liés aux opérations extérieures » du programme 178 dans le projet de loi de finance 2015 s'élève à 450 millions d'euros, conformément à la loi de programmation militaire 2014-2019, alors même que plusieurs opérations ont été déclenchées depuis l'adoption de ce texte.
Le ministère explique ainsi qu' « après une année 2014 de transition, l'évolution du dispositif militaire stationné à l'étranger traduit la mise en cohérence du dispositif de financement des OPEX avec les orientations du Livre blanc ».
Ainsi, « au-delà des aléas inévitables inhérents aux OPEX », se poursuivra la mise en oeuvre des « mesures permettant de s'inscrire dans la dotation prévue dans la LPM à travers :
« - le désengagement des forces françaises de certaines opérations extérieures : finalisation du désengagement d'Afghanistan, fin de l'opération au Kosovo en juin 2014 et de l'opération Licorne en République de Côte d'Ivoire le 1 er janvier 2015, fermeture du centre médico-chirurgical en Jordanie en décembre 2013, réduction de notre participation à l'opération Atalante de lutte contre la piraterie dans la Corne de l'Afrique ;
« - le réaménagement de nos forces pré-positionnées en Afrique qui est en cours, avec une baisse des effectifs au Gabon et à Djibouti, et la création d'une base opérationnelle avancée en Côte d'Ivoire. »
De toute évidence, ce montant sera à nouveau dépassé en 2015. En effet, une partie « des aléas inévitables inhérents aux OPEX » sont en réalité des certitudes, en particulier la poursuite des opérations dans la bande sahélo-saharienne, en République Centrafricaine et en Irak.
D'ailleurs, le ministère de la défense ne manque pas de rappeler qu' « en tout état de cause, et conformément à l'article 4 de la LPM, les surcoûts excédant la dotation de 450 millions d'euros, hors titre 5 et nets des remboursements des organisations internationales, feront l'objet d'une demande de financement interministériel ».
Or cette garantie n'a qu'une valeur relative. S'il est vrai qu'il est dans l'intérêt du ministère de la défense de minimiser le surcoût OPEX au sein de l'enveloppe constante que représente son budget, le « financement interministériel » d'un éventuel dépassement est loin d'être indolore pour la mission « Défense ».