D. LES SOUTIENS AUX EXPLOITATIONS AGRICOLES, UNE POLITIQUE PUBLIQUE CONFRONTÉE À DES DÉFIS QU'ELLE NE RELÈVE PAS
« L'appui au renouvellement à la modernisation des exploitations agricoles » - action n° 3 - est dotée de 177 millions d'euros de CP, soit une baisse considérable (- 48,8 millions d'euros).
L'action vise à soutenir l'installation agricole à travers des dispositifs favorisant la reprise des exploitations ou leur création, mais aussi à contribuer à la modernisation des entreprises agricoles, avec la perspective principale d'en améliorer la compétitivité.
La baisse des dotations est le reflet d'une série d'évolutions structurelles :
- l'augmentation du cofinancement communautaire de la dotation aux jeunes agriculteurs (DJA) de 50 % à 80 % (économie de 39 millions d'euros) ;
- la disparition du Fonds d'incitation et de communication à l'installation en agriculture (FICIA) au profit d'une affectation de la taxe foncière sur les plus-values sur les ventes de terrains agricoles rendus constructibles.
- à l'inverse, dans le cadre du « plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles » (PCAE) l'engagement de l'État est porté à 56 millions d'euros (en AE). Le plan de compétitivité mobiliserait au total 200 millions d'euros, tous financeurs confondus, avec une contribution importante du FEADER (63 % dans les régions de transition, 53 % dans les autres régions). Il se substituerait aux interventions réalisées dans le cadre du plan de modernisation des bâtiments d'élevage (PMBE), du plan végétal pour l'environnement (PVE) et du plan de performance énergétique (PPE). Il correspond à un engagement pris par le Président de la République au sommet de l'élevage de 2013.
Les annonces du sommet de l'élevage de Cournon Première priorité : soutenir l'élevage - Utilisation à plein de la faculté du couplage des aides ; - Création d'une prime à la vache laitière et d'une aide à l'engraissement ; - Mise en place d'aides d'encouragement à la production nationale de protéines végétales. Deuxième priorité : accompagner les agriculteurs des territoires fragiles - Revalorisation de l'ICHN dans les zones défavorisées ; - Fusion de la prime herbagère avec l'ICHN à compter de 2015 ; - Relèvement du plafond de l'ICHN (75 ha). Troisième priorité : accompagner la modernisation des entreprises agricoles - Objectif de 6 000 installations de jeunes agriculteurs avec la réservation d'une enveloppe de 1 % des aides directes ; - Amélioration des instruments de prévention et de gestion des risques ; - Plan pour la compétitivité et l'adaptation des exploitations avec constitution d'un fonds de modernisation affecté prioritairement aux bâtiments d'élevage ; - Favoriser le « bio » avec un objectif de doublement des surfaces. Quatrième priorité : mieux répartir les aides - Promouvoir la convergence du revenu aidé ; - Promouvoir l'harmonisation fiscale et sociale en Europe avec notamment l'adoption d'un salaire minimum dans les pays européens et l'alignement des normes sanitaires ; - Surdotation des 52 premiers hectares des exploitations (objectif de 20 % à l'horizon 2018). |
La réussite du plan dépendra largement de ses détails d'exécution.
Alors que 200 millions d'euros devaient lui être consacrés chaque année, le PCAE semble tarder à réunir les moyens annoncés.
Pour l'heure, les CP ne suivent pas les AE, un écart de l'ordre de 11,3 millions est constaté (20 % des AE budgétés pour 2015).
L'existence d'une pluralité de financements, qui n'est pas inédite, en particulier dans le secteur agricole, n'est pas un bon présage, d'autant plus que la France semble peiner à mobiliser son enveloppe européenne.
Par ailleurs, il peut exister une certaine ambiguïté sur le sens des interventions financées au titre du programme qui associe des objectifs multiples - la compétitivité, le verdissement de la production, l'adaptation à des évolutions des structures du marché... -.
Ainsi, par exemple, même si l'élevage paraît promu au rang de priorité, les bénéficiaires du plan restent à déterminer avec précision les axes évoqués ne permettant pas de conclure sur le sens effectivement attribué à l'objectif de compétitivité.
Au total, les orientations du plan paraissent destinées davantage à la compensation des handicaps subis par les exploitations en difficulté que marquées par l'objectif de reconquête des parts de marché dans les échanges internationaux.
Cette option n'est pas en soi condamnable mais elle n'est pas équivalente à une restauration de la compétitivité extérieure qui compte sur des initiatives européennes pour le moins incertaines, comme l'harmonisation sociale et fiscale ou encore celle des normes .
Enfin, il faut bien reconnaître que les termes de la compétitivité agricole dépassent de beaucoup la seule composante des coûts unitaires des exploitations et renvoient à des effets d'échelle mais aussi à des paramètres monétaires ou de compétitivité hors coût auxquels il faudrait accorder toute l'attention qu'ils méritent.
À cet égard, le débat sur la « ferme aux mille vaches » (500 en réalité) illustre une certaine confusion ainsi que la regrettable tendance à une perte d'autorité du droit.
Votre rapporteur spécial souhaite que le Gouvernement clarifie l'état d'avancement de la mise en oeuvre du PCAE, engagement fort du Président de la République.
Au-delà, il regrette que les négociations sur la nouvelle PAC n'ait pas été l'occasion de l'harmonisation de laquelle le Président de la République se réclame et que des progrès substantiels ne soient pas intervenus pour ordonner les relations commerciales agricoles de l'Union européenne avec les reste du monde alors que plane toujours la menace d'une dérégulation complète. À ce propos, il convient de rappeler qu'au vu des perspectives alimentaires de la planète, combinées avec celles portant sur les productions agricoles, l'Europe peut devenir une réponse aux défis alimentaires, à la condition qu'elle s'y prépare vraiment .