LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale, les amendements n° 884 et n° 886, adoptés, ont minoré de 4 euros par hectolitre le remboursement de taxe intérieure de consommation sur le gazole (TICPE) dont bénéficient les transporteurs routiers de marchandises.
En conséquence, a été adopté l'amendement n° 832 du Gouvernement qui diminue de 332 millions d'euros les remboursements et dégrèvements de TICPE sur le programme 200 « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État » .
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 4 novembre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de Mme. Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale, sur la mission « Remboursements et dégrèvements ».
Mme Marie-France Beaufils , rapporteure spéciale . - Avec 99,3 milliards d'euros de crédits en 2015, soit 26 % des recettes fiscales brutes, la mission « Remboursements et dégrèvements » constitue un volet important de notre politique fiscale, même si ce montant est en diminution par rapport à la loi de finances initiale pour 2014.
La mission retrace des dépenses découlant de dispositifs réduisant l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés, la TVA ainsi que les principaux impôts locaux. Ses indicateurs de performance révèlent les difficultés rencontrées par un nombre croissant de contribuables : le léger allongement du délai de traitement des réclamations contentieuses relatives à l'impôt sur le revenu et à la taxe d'habitation résulterait, selon la direction générale des finances publiques (DGFiP), de la hausse du nombre des recours gracieux, les mêmes agents ayant à traiter les recours gracieux et contentieux. Cela pose évidemment la question de l'évolution de leurs effectifs.
Je regrette, comme chaque année, que les documents budgétaires soient aussi peu étoffés. Malgré ma demande, nous ignorons combien de ménages bénéficient d'exonérations et dégrèvements d'impôts locaux - un chiffre cependant nécessaire pour apprécier l'impact de la politique fiscale nationale sur la vie de nos concitoyens.
Les remboursements et dégrèvements liés aux impôts d'État devraient s'élever à 87,7 milliards d'euros en 2015, soit environ 90 % des crédits de la mission. Leur baisse de 2,9 milliards par rapport aux prévisions de la loi de finances pour 2014 est en trompe-l'oeil : la comparaison des crédits prévus pour 2015 à leur estimation révisée pour 2014, qui s'appuie sur l'exécution du premier semestre 2014, montre qu'ils augmenteraient plutôt d'environ 4 milliards d'euros en 2015. Si ce différentiel est moins inquiétant que pour une autre mission, puisque les crédits de cette mission reposent sur des prévisions, toujours appelées à évoluer, cet écart important rend d'autant plus nécessaire de présenter l'estimation révisée dans l'ensemble des documents budgétaires et d'expliquer les écarts à la prévision.
L'augmentation prévue pour 2015 prolonge la tendance observée depuis le début des années 2000 : trois observations peuvent être faites à ce sujet. Premièrement, les politiques fiscales s'appuient de plus en plus sur des mécanismes d'exonération ou de crédit d'impôt, peu pilotables par l'État d'une année sur l'autre, et peu lisibles pour le citoyen.
Deuxièmement, cette hausse profite avant tout aux entreprises : même lorsque les remboursements et dégrèvements liés à la TVA sont retranchés du montant qui leur est destiné, les remboursements et dégrèvements en direction des entreprises restent bien supérieurs aux transferts vers les ménages et ils connaissent également une évolution beaucoup plus dynamique (+ 46,9 % entre 2012 et 2015 contre - 1,5 %).
Enfin, si les remboursements et dégrèvements liés à la mécanique de l'impôt (72 % des crédits du programme), consistant principalement en remboursements d'impôt sur les sociétés et de TVA, sont relativement stables, ceux qui relèvent d'une politique publique (14 % des crédits du programme) augmentent fortement depuis 2013 avec la montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), retracée dans la mission « Économie ». Les remboursements et dégrèvements liés à la gestion de l'impôt (13 % des crédits du programme) devraient quant à eux augmenter légèrement du fait de l'augmentation du remboursement de sommes indûment perçues dans le cadre de la condamnation de la France dans les contentieux « Précompte » et « OPCVM ».
Si les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux (environ 11 milliards d'euros) sont relativement stables depuis la suppression de la taxe professionnelle en 2011, cette stabilité recouvre en 2015 deux mouvements de sens contraire mais de faible ampleur (environ 200 millions d'euros) : une augmentation du coût du plafonnement de la taxe d'habitation en fonction du revenu fiscal de référence, ainsi qu'une diminution du dégrèvement transitoire et une diminution anticipée des restitutions de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Quant aux impôts « ménages », je regrette que l'expérimentation de la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation n'ait toujours pas été initiée : l'on ne connaît toujours pas les départements pilotes.
Je remarque que l'évolution de la CVAE varie selon les secteurs d'activité : la contribution du secteur des activités financières et d'assurance a particulièrement diminué entre 2010 et 2012. Serait-ce le résultat de comportements d'optimisation ?
Je soutiens enfin le projet de la DGFiP et des associations d'élus favorisant la transmission aux collectivités territoriales des données relatives aux recettes fiscales, la prévisibilité de la CVAE étant de la plus grande importance pour nos collectivités.
M. Michel Bouvard . - Les admissions en non-valeur de nos impôts locaux progresse de quarante millions d'euros, soit de 9,88 %. Les services fiscaux assurant les encaissements manifesteraient-ils une moindre appétence pour le recouvrement de la fiscalité locale, ou bien cette progression est-elle liée à la conjoncture économique ?
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je soutiens la proposition de la rapporteure spéciale d'une coopération avec la DGFiP sur la prévisibilité de la CVAE. Cet impôt, résultant de réforme de la taxe professionnelle, avait été très compliqué à mettre en place ; le Sénat avait souhaité la territorialisation de l'impôt reposant pour moitié sur les effectifs, sur la surface pour l'autre moitié. Aujourd'hui, nous rencontrons énormément de difficultés à obtenir les données précises entreprise par entreprise. Il est quasiment impossible aux élus locaux, auxquels l'on oppose le secret fiscal, de détecter des comportements d'optimisation, des erreurs, voire des fraudes...
Mme Marie-France Beaufils , rapporteure spéciale . - Le montant des admissions en non-valeur était aussi important en exécution en 2013 que celui prévu pour 2015. Nous attendons encore le montant d'exécution pour 2014. Cela nous aiderait de disposer des éléments d'approche révisée, mais les impôts locaux sont acquittés plus tardivement que les autres... Sans doute devrons-nous attendre ces chiffres jusqu'au début de l'année prochaine.
Une meilleure connaissance du nombre d'emplois au niveau local est évidemment nécessaire pour contrôler le recouvrement de la CVAE. Une mission de l'Inspection générale des finances a présenté un premier travail sur cette question au Comité des finances locales. Espérons qu'en joignant nos voix à la sienne, nous serons mieux entendus et nous surmonterons l'objection du secret fiscal.
Mme Michèle André , présidente . - Quelle est votre préconisation, madame la rapporteure ?
Mme Marie-France Beaufils , rapporteure spéciale . - Les crédits de cette mission étant évaluatifs, la commission peut les voter. Pour ma part, mon profond désaccord avec le CICE me conduira à m'abstenir.
À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».
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Réunie à nouveau le jeudi 20 novembre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a décidé de confirmer sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».