B. UNE GOUVERNANCE QUI DEMEURE IMPARFAITE

La gestion du programme 723 a vocation à s'inscrire dans une logique interministérielle et régionalisée . Ainsi, le préfet de région est aujourd'hui appelé à jouer un rôle central dans la programmation et l'exécution des travaux. Il est assisté par le responsable régional de la politique immobilière de l'État (RRPIE), placé auprès du directeur régional des finances publiques (DRFiP).

Il est toutefois permis de s'interroger sur la portée réelle de ce nouveau schéma de gouvernance . D'une part, la coordination de la politique immobilière, qui fait intervenir plusieurs autorités différentes, se déroule encore largement au niveau départemental . D'autre part, et surtout, la gestion des crédits du programme 723 et plus généralement des dépenses immobilières de l'État demeure, dans les faits, largement ministérielle . La mutualisation des crédits reste trop souvent théorique, alors qu'elle est l'une des raisons de la création du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

C. L'OBJECTIF CONTRADICTOIRE DES CESSIONS « DUFLOT » ?

La loi « Duflot » du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement 31 ( * ) autorise l'État à céder des terrains de son domaine privé à un prix inférieur à leur valeur vénale, lorsque ces terrains sont en partie destinés à la construction de logements 32 ( * ) . Plus précisément, l'article 3 prévoit que « pour la part du programme destinée aux logements sociaux [...] , la décote ainsi consentie peut atteindre 100 % de la valeur vénale du terrain ». En d'autres termes, la cession peut aller jusqu'à la gratuité s'il s'agit de construire des logements sociaux .

D'après les informations transmises à vos rapporteurs spéciaux, près de 250 biens ont à ce jour été inscrits par les préfets de région sur les listes de biens à céder 33 ( * ) . La caserne de Reuilly, où 400 à 500 logements sociaux devraient être construits, a ainsi été cédée à la ville de Paris le 9 juillet 2013 pour 40 millions d'euros, la valeur vénale étant estimée à 64,5 millions d'euros. En 2014, sur la soixantaine de dossiers en cours d'instruction, seuls trois fonciers avaient fait l'objet d'un acte de cession définitif : la caserne Martin à Caen pour 3,1 millions d'euros (soit une décote de 28 %), un terrain de la ZAC Flaubert à Grenoble pour 1 million d'euros (soit une décote de 73 %), et l'ancien commissariat de Saint-Malo pour 120 000 euros (soit une décote de 85 %). De fait, le nombre très limité de cessions effectives témoigne des nombreux obstacles rencontrés par les cessions « Duflot » : complexité du financement, nécessité de dépollution ou risque d'inondation, conditions suspensives, recours des riverains etc.

Sans préjuger du bien-fondé de celle-ci, vos rapporteur spéciaux estiment que la politique de cessions décotées en faveur du logement social ne correspond pas à la vocation du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », qui est de moderniser le parc immobilier de l'État et de contribuer à son désendettement. Ces deux politiques correspondent à des objectifs différents, qui pourraient s'avérer contradictoires.

En cohérences avec les principes de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), il conviendrait que le montant de la « décote » consentie dans le cadre des cessions « Duflot » soit compensée par des crédits en provenance du budget général, et plus particulièrement du programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » de la mission « Egalite des territoires, logement et ville » .

Dans cet esprit, votre rapporteur spécial Michel Bouvard vous propose un amendement visant à minorer, d'un montant égal à la décote consentie, les dépenses immobilières affectées au ministère qui aura cédé les biens décotés . En conséquence, c'est bien le budget général qui assumera la charge budgétaire de la politique en faveur du logement social.


* 31 Loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.

* 32 Article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques.

* 33 Source : questionnaire budgétaire.

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