II. LE PROGRAMME 109 « AIDE À L'ACCÈS AU LOGEMENT » : LES AIDES PERSONNELLES AU LOGEMENT, UNE DÉPENSE DE GUICHET NON CONTENUE
Le programme 109 « Aide à l'accès au logement », qui a pour responsable le directeur général de l'aménagement, du logement et de la nature, regroupe quasi-exclusivement les crédits relatifs à la contribution de l'État au financement des aides personnelles au logement (99,9 %) .
Il couvre également les dotations affectées à l'information relative au logement et à l'accompagnement des publics en difficulté ainsi qu'à la sécurisation des risques locatifs.
Comme indiqué précédemment, le présent programme enregistre une hausse de 115 % entre 2014 et 2015, passant de 5,1 milliards d'euros à 11 milliards d'euros, en raison d'une modification de périmètre tendant principalement à « rebudgétiser » une partie du financement des dépenses d'aides personnalisées au logement jusqu'à présent assuré par la branche famille de la sécurité sociale 15 ( * ) .
Répartition des crédits par actions du programme
(AE=CP en milliers d'euros)
Actions |
Exécution 2013 |
LFI 2014 |
PLF 2015 |
Évolution
|
01 Aides personnelles |
5 144 015 |
5 087 688 |
10 967 854 |
116 % |
02 Information relative au logement et accompagnement des publics en difficulté |
7 638 |
8 094 |
8 000 |
- 1 % |
03 Garantie des risques locatifs |
9 430 |
9 000 |
9 300 |
3,34 % |
Source : commission des finances du Sénat
A. LA HAUSSE PERMANENTE DE DÉPENSES NON MAÎTRISÉES
1. L'augmentation des charges du FNAL qui se poursuit
Depuis de nombreuses années, les charges du FNAL , qui assure principalement le financement des aides personnalisées au logement (APL) et des allocations de logement à caractère social (ALS) 16 ( * ) , ne cessent d'augmenter , passant ainsi de 10,75 milliards d'euros en 2006 à 13,28 milliards d'euros en 2013, ce qui correspond à une augmentation de 23,5 % en sept ans . En 2013, 6,5 millions de personnes bénéficiaient des aides personnelles au logement.
Octroyées, sous conditions de ressources, à des personnes qui paient un loyer ou remboursent un prêt pour leur résidence principale, les aides personnelles au logement sont calculées en fonction de plusieurs paramètres : le montant du loyer ou de la mensualité du remboursement, la zone géographique où se situe le logement ainsi que les ressources et la charge de famille du bénéficiaire.
Ces dépenses de guichet sont, en principe, indexées sur l'indice de référence des loyers (IRL). Elles évoluent également en fonction de différents facteurs, en particulier le niveau de chômage et le contexte économique général, ainsi que le niveau d'augmentation des dépenses de logement et de revenu des ménages.
Les prévisions budgétaires sont ainsi dépassées chaque année depuis 2008.
Évolution des charges du FNAL entre 2006 et 2015
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances
En 2013, les dépenses du FNAL s'étaient ainsi élevées à 13,281 milliards d'euros alors que la loi de finances initiale prévoyait 12,905 milliards d'euros, soit un écart de 376 millions d'euros.
Pour 2014, la prévision budgétaire s'établit à 13,304 milliards d'euros, soit seulement 23 millions d'écart avec le montant des charges du FNAL en 2013, alors même que celui-ci est déjà détenteur d'une dette auprès des régimes sociaux équivalente à 78 millions d'euros au titre de l'année 2013.
Il est fort probable que l'exécution soit nettement au-delà de la prévision initiale, comme l'avait déjà noté la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire pour l'exercice 2013.
En 2015, le projet annuel de performances fait état d'une prévision de 13,825 milliards d'euros, correspondant à une hausse de 519 millions d'euros par rapport à celle de la loi de finances initiale pour 2014.
Afin de réaliser des économies sur ces dépenses de guichet par nature non maîtrisables dès lors que les paramètres et barèmes pour en profiter sont respectés par leurs bénéficiaires, le Gouvernement a proposé, dans le cadre du projet de loi de finances initiale pour 2014, de désindexer ces aides pour un an. Lors de l'examen de la mesure par le Parlement, la revalorisation annuelle des aides au logement a finalement été décalée du 1 er janvier au 1 er octobre 2014, stabilisant ainsi leur montant pour neuf mois, à conditions des foyers par ailleurs inchangées.
Lors de l'examen en juillet 2014 de la loi de finances rectificative pour 2014 17 ( * ) , le Gouvernement a, de nouveau, proposé de maintenir les aides au logement à leur montant actuel pour trois mois supplémentaires, sans indexation sur l'indice de référence des loyers, soit une indexation repoussée au 1 er janvier 2015. Toutefois, cette disposition a finalement été supprimée lors de son examen par l'Assemblée nationale.
2. Des mesures d'économies pour tenter de juguler à la marge ces dépenses
Pour 2015, le Gouvernement propose deux mesures d'économies.
Tout d'abord, l'article 52 du projet de loi de finances pour 2015, rattaché à la présente mission, prévoit de recentrer, à compter du 1 er janvier 2015, les aides personnelles au logement « accession » au profit des ménages rencontrant d'importantes difficultés financières . Leur attribution serait ainsi réservée aux cas où ces ménages connaîtraient une baisse de leurs ressources de plus de 30 % par rapport à celles dont ils disposaient au moment de la signature de leur prêt. Jusqu'à présent, ces aides sont versées aux ménages qui ont recours à des prêts conventionnés ou à des prêts d'accession sociale pour acquérir leur résidence principale et participent ainsi au plan de financement de l'acquisition des ménages. La modification proposée par l'article 52 transforme cette aide en mécanisme de garantie.
Après un large débat et la présentation de plusieurs amendements de suppression, l'Assemblée nationale a finalement décalé cette mesure au 1 er janvier 2016 afin de « laisser au secteur immobilier le temps de se relancer ».
Votre rapporteur spécial vous propose pour sa part de supprimer cet article 18 ( * ) . En effet, ces aides, même si elles comptent de moins en moins de bénéficiaires ces dernières années, permettent à des ménages de sécuriser leurs plans de financement et constituent, de ce fait, une condition essentielle leur permettant d'accéder à la propriété.
Leur recentrage correspond, en outre, à un très mauvais signal alors que le Gouvernement souhaite relancer la construction de logements. La fédération française des constructeurs de maisons individuelles (FFC) estime que la réforme des aides personnelles à l'accession pourrait détruire plus de 40 000 emplois. Le nombre de logements financés en 2015 pourrait être réduit de 10 000 à 23 000 selon les chiffres des professionnels du secteur.
Votre rapporteur spécial considère également que le maintien de cette mesure ne se justifie plus dans le projet de loi de finances pour 2015 dès lors que son application est reportée d'un an et que les députés ont décidé d'engager une réflexion sur le sujet.
Ensuite, le Gouvernement souhaite réviser les paramètres d'indexation de l'abattement forfaitaire pratiqué sur les revenus pris en compte pour le calcul des aides personnelles au logement versées en secteur locatif hors foyers.
Le forfait appliqué aux revenus pour le calcul
des aides personnelles au logement -
Le barème des aides personnelles au logement appliqué au secteur locatif hors foyers est construit de façon à ce que les allocataires dont les revenus annuels imposables sont inférieurs à un forfait, dit « R0 », bénéficient d'une aide au logement maximale , tandis que les ménages dont les revenus annuels imposables sont supérieurs à ce forfait bénéficient d'une aide plus faible. Ainsi, l'aide décroit plus les revenus augmentent au-delà du « R0 ». Un forfait « R0 » est prévu pour chaque type de foyer, selon sa composition familiale, son montant augmentant en fonction du nombre de personnes à charge. Au 1 er janvier 2014, le « R0 » appliqué au calcul de l'aide d'une personne isolée sans personne à charge est de 4 513 euros, tandis que le « R0 » appliqué au calcul de l'aide d'un ménage avec 3 personnes à charge est de 8 185 euros. Par construction du barème, les ménages allocataires des minima sociaux bénéficient de l'aide maximale puisque ces minima ne sont pas pris en compte dans les ressources retenues pour le calcul de l'aide personnelle au logement. Le « R0 » est actuellement calculé en fonction de la valeur du revenu de solidarité active (RSA) socle et de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF) en vigueur au 1 er janvier de l'année de référence des ressources prises en compte dans le calcul des aides (année n-2). Source : direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages |
Le Gouvernement souhaite ainsi que le forfait qui permet d'attribuer l'aide maximale aux ménages ayant des revenus qui lui sont inférieurs (forfait « R0 ») soit désormais indexé sur l'inflation de l'année n-2 (évolution de l'indice des prix à la consommation hors tabac). En effet, en retenant - comme c'est le cas actuellement - l'évolution de la valeur du RSA socle pour faire évoluer celle du R0, l'augmentation du montant des aides au logement versé serait mécaniquement beaucoup plus élevée au cours des prochaines années, compte tenu de la prévision de revalorisation du RSA de 10 % sur cinq ans en plus de l'inflation.
Selon les informations recueillies par votre rapporteur spécial, cette modification du régime d'indexation pourrait engendrer une économie de 68 millions d'euros pour l'État et de 19 millions d'euros pour la branche famille de la sécurité sociale en 2015 (en tenant compte de la « rebudgétisation » du financement du FNAL pour les APL).
Cette mesure d'économie a, par ailleurs, un « effet boule de neige » puisque l'économie réalisée chaque année poursuit ses effets sur les années suivantes ainsi que l'illustre le graphique suivant :
Source : direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages
Ainsi, le Gouvernement estime à 296 millions d'euros en 2016 et 456 millions d'euros en 2017 les économies réalisées au titre de cette mesure.
Impact global de la réforme des paramètres d'indexation du forfait « R0 » 19 ( * )
(en millions d'euros)
2015 |
2016 |
2017 |
|
Pour l'État |
68 |
231 |
356 |
Pour la branche famille de la sécurité sociale |
19 |
65 |
100 |
Total |
87 |
296 |
456 |
Source : direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages
Votre rapporteur spécial prend acte de cette mesure d'économie réalisée par voie réglementaire. Il considère qu'une réflexion plus globale sur l'efficacité, notamment sociale, des aides personnelles au logement ainsi que leurs modalités d'attribution et de contrôle devrait être menée. Une remise à plat du système serait certainement utile afin d'éviter que chaque année, des « mesurettes » soient prises afin d'endiguer la hausse de ces dépenses.
Votre rapporteur spécial considère également que les aides personnelles au logement sont susceptibles de contribuer au maintien de prix élevés pour des biens en location, tout particulièrement en zones tendues. Dans une analyse sur « l'impact des aides au logement sur le secteur locatif privé » 20 ( * ) , l'INSEE a mis en avant le fait qu'« un niveau plus élevé d'aides au logement pousserait à la hausse les loyers privés », principalement dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants. En revanche, elles n'auraient aucun impact sur la quantité et la qualité des logements proposés.
Plus globalement, c'est bien évidemment la lutte contre les effets de la crise et surtout le chômage qui permettra de voir ces dépenses, intimement liées au contexte économique, retrouver un niveau moins élevé.
* 15 Cf . A du I de la première partie du présent rapport.
* 16 La troisième aide au logement, l'allocation au logement à caractère familial (ALF), est financée par le fonds national des prestations familiales qui ne reçoit aucune contribution du budget de l'État.
* 17 Article 6 du projet de loi de finances rectificative pour 2014 examiné en juillet 2014 par le Sénat. Par ailleurs, la même mesure était prévue pour l'ALF dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour 2014 (article 9).
* 18 Cf. le commentaire de l'article 52.
* 19 En tenant compte de la « rebudgétisation » du financement du FNAL pour les APL.
* 20 INSEE, « L'impact des aides au logement sur le secteur locatif privé », étude de Céline Grislain-Letrémy et Corentin Trevien, publiée le 14 novembre 2014.