B. UNE DOTATION POUR 2015 SANS AUCUN DOUTE INSUFFISANTE

Depuis de nombreuses années, le programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » connaît une sous-budgétisation chronique, comme l'illustre le graphique ci-dessous :

Évolution des crédits du programme 177 entre 2008 et 2015

* Jusqu'à la loi de finances initiale pour 2012, le programme 177 couvrait les dépenses liées à l'aide alimentaire (qui représentait 22,8 millions d'euros en LFI 2012) transférée à compter de la LFI 2013 vers le programme 304 « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales » qui relève de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

** Pour 2014, l'exécution budgétaire constitue une prévision, compte tenu des crédits ouverts ou prévus de l'être dans le cadre des décrets d'avance et du projet de loi de finances rectificative pour 2014 actuellement en cours d'examen par le Parlement.

Source : commission des finances du Sénat

En 2013, la loi de finances initiale avait prévu un rebasage de 17 millions d'euros et pourtant, après que la réserve de précaution a été intégralement dégelée (73 millions d'euros), deux décrets d'avance du 27 septembre 2013 et du 28 novembre 2013 ont dû procéder à l'ouverture de respectivement 107 et 87 millions d'euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement. Ces crédits devaient permettre à la fois de financer le plan de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale ainsi que l'hébergement d'urgence dont les besoins exprimés s'avéraient bien supérieurs à la prévision.

De même, le Gouvernement a déjà ouvert 56 millions d'euros en 2014 , par un décret d'avance du 7 octobre 13 ( * ) , afin de couvrir les dépenses d'hébergement d'urgence, après que la réserve de précaution a été intégralement dégelée et que des redéploiements interne ont été effectués, avec notamment 51,6 millions d'euros issus des dotations initialement allouées à l'aide au logement temporaire (ALT 1 et ALT 2). Pourtant, plus de 92 millions d'euros supplémentaires avaient été alloués au programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » en loi de finances initiale pour 2014.

Un décret d'avance dont le projet a été transmis à la commission des finances du Sénat prévoit d'ouvrir de nouveau 54 millions d'euros au titre de l'hébergement d'urgence (nuitées hôtelières). Par ailleurs, le projet de loi de finances rectificative pour 2014, déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 12 novembre dernier, prévoit lui-même l'ouverture de 43,8 millions d'euros afin de couvrir les dépenses liées à l'allocation de logement temporaire dont la dotation initiale a été redéployée au profit de l'hébergement d'urgence en cours d'année.

Comme pour les années passées, l'essentiel des besoins supplémentaires concernent l'hébergement d'urgence dont les crédits initialement alloués sont insuffisants.

Pour 2015, il semble peu probable que l'enveloppe attribuée au programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » soit suffisante, même si ce dernier bénéficie une nouvelle fois de 59,6 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2014 .

En effet, avec 1,375 milliard d'euros, le programme ne dispose déjà pas de crédits à la hauteur de l'exécution enregistrée en 2013 (1,396 milliard d'euros à périmètre constant 14 ( * ) ). Il est également 100 millions d'euros en deçà des crédits ouverts pour 2014, en tenant compte des décrets d'avance et du projet de loi de finances rectificative de fin d'année.

La ligne consacrée à l'hébergement d'urgence semble, de toute évidence, également sous-évaluée, avec 389 millions d'euros prévus pour une exécution en 2013 de 410 millions d'euros .

Or il est peu probable que l'année 2015 connaisse moins de dépenses d'hébergement d'urgence que les années passées , compte tenu du contexte économique difficile que connait la France, du taux de chômage élevé depuis plusieurs années et du nombre croissant de demandeurs d'asile. Il est notamment à craindre que les chômeurs en fin de droit soient plus nombreux, conduisant à des situations de mal logement voire à de nouvelles populations de sans abris.

La direction générale de la cohésion sociale a toutefois estimé que la réforme annoncée du droit d'asile devrait permettre de désengorger pour partie l'hébergement d'urgence . Selon elle, en raccourcissant les délais d'instruction, l'administration devrait être en mesure de procéder plus aisément à des reconduites à la frontière, les personnes concernées n'ayant pas eu le temps de s'installer durablement sur le territoire français (scolarisation des enfants...). En outre, le Gouvernement espère que cette réforme réduira le nombre de demandeurs d'asile dont le flux a augmenté de 15 % entre 2011 et 2013 mais semble se réduire légèrement en 2014.

Votre rapporteur spécial entend cet argument qui ne saurait, pour autant, être retenu pour espérer une baisse de la dépense pour l'année 2015 , le projet de loi relatif à la réforme de l'asile n'en étant qu'au début de son examen par le Parlement.

En outre, la réforme du droit d'asile pourrait au contraire conduire à l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile dans les centres d'hébergement d'urgence relevant du programme 177. En effet, étant déboutés plus vite, ils feront alors appel à l'hébergement de droit commun et ne pourront plus bénéficier des places qui leur sont spécifiquement réservées dans les centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA).


* 13 Décret n° 2014-1142 du 7 octobre 2014 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.

* 14 C'est-à-dire hors action 04 « Rapatriés ».

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