B. LE FINANCEMENT TOUJOURS INCERTAIN DE L'ANAH

Le financement de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) est assuré par des crédits extrabudgétaires, sa principale ressource résultant des mises aux enchères des quotas carbone. Si le produit de cette recette affectée à l'ANAH est plafonné à 590 millions d'euros par an en vertu de l'article 43 de la loi de finances pour 2013, le montant effectivement perçu, compte tenu du marché européen des quotas carbone, s'avère bien plus bas . Ainsi, l'Agence n'a reçu que 219 millions d'euros en 2013 et ne devrait obtenir que 220 millions d'euros en 2014.

Selon les informations fournies à votre rapporteur spécial, 273 millions d'euros seraient prévus pour 2015, cette recette attendue reposant sur une évolution du cours du quota carbone estimée à 7 euros la tonne et sur la vente de 39 millions de tonnes.

Compte tenu du caractère incertain de cette ressource, qui repose sur un marché par nature fluctuant, d'autres ressources sont affectées à l'ANAH afin de sécuriser son financement .

Une fraction du produit de la taxe sur les logements vacants lui est ainsi attribuée, dont le plafond passe de 21 millions d'euros (19,1 millions d'euros déduction faite des frais de gestion) à 51 millions d'euros (46,4 millions d'euros hors frais de gestion) en vertu du présent projet de loi de finances pour 2015.

Une recette annuelle de 50 millions d'euros est également attendue de la contribution des fournisseurs d'énergie , en cours de négociation pour la période 2014-2017 dans le cadre du programme « Habiter mieux » et des certificats d'économie d'énergie.

Les remboursements de subventions par les bénéficiaires des aides correspondent également à une ressource qui devrait, comme en 2014, correspondre à 6 millions d'euros.

L e Gouvernement souhaiterait par ailleurs attribuer 50 millions d'euros issus d'une contribution exceptionnelle d'Action logement pour 2015 . Au même titre que pour le FNAL, cette somme viendrait en déduction du 1,2 milliard d'euros qu'Action logement s'engagerait à verser au titre du financement des politiques publiques du logement. En conséquence, les sommes investies pour la mise en oeuvre du programme national de rénovation urbaine (PNRU) et le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) s'en trouveraient minorées d'un montant équivalent, malgré l'importance des décaissements que l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) devra couvrir .

Comme indiqué précédemment, le projet de convention pluriannuelle prévoyant les modalités de la participation d'Action logement au financement des politiques publiques du logement pour la période 2015-2019 vient d'être approuvé par le conseil de surveillance de l'UESL-Action logement. La convention devrait être signée très prochainement.

Le Gouvernement justifie notamment la participation d'Action logement au financement de l'ANAH par le fait que, d'une part, la distribution des aides à la réhabilitation de logements profite pour partie à des salariés du secteur assujetti et, d'autre part, par le fait que l'Agence contribue au financement de la rénovation urbaine, en coordination avec l'ANRU (notamment au titre des copropriétés en difficulté).

Contrairement à ce qui avait été acté en 2012, Action logement devrait donc financer l'ANAH en sus du FNAL en 2015. L'inconstance du Gouvernement dans ses choix de financement met en évidence le « bricolage » auquel il est contraint pour pallier l'impasse budgétaire dans laquelle il se trouve .

Enfin, l'Agence pourrait se voir attribuer une contribution de 40 millions d'euros en 2015 de la part de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) au titre des actions qu'elle mène dans le cadre de l'adaptation des logements à la dépendance.

Votre rapporteur spécial prend acte des mesures prises par le Gouvernement afin de pallier les fluctuations à la baisse des recettes issues de la vente des quotas carbone. Il s'interroge toutefois sur la soutenabilité à terme d'un financement reposant sur une ressource si incertaine pour une agence ayant un rôle essentiel dans la lutte contre l'habitat indigne et dégradé et, plus largement, la rénovation énergétique des logements privés .

La situation financière de l'ANAH doit faire l'objet d'un suivi attentif. Compte tenu de la moindre recette finalement perçue au titre des quotas carbone, l'Agence a, en effet, dû prélever 86,7 millions d'euros sur son fonds de roulement en 2013 . Ainsi, au 31 décembre 2013, le fonds de roulement de l'ANAH s'élevait à 223,58 millions d'euros et sa trésorerie à 225,4 millions d'euros.

De même, en 2014, compte tenu du manque de moyens financiers , une circulaire a été adressée le 9 juillet aux préfets et aux collectivités territoriales délégataires des « aides à la pierre » afin que les demandes de subvention des propriétaires occupants modestes pour des travaux de rénovation énergétique ne soient plus traitées cette année . Les demandes restant prioritaires concerneraient ainsi celles des propriétaires occupants très modestes ainsi que celles relevant du traitement de l'habitat indigne ou très dégradé ou encore de travaux d'adaptation à la perte d'autonomie ou liée au handicap.

Les propriétaires dont les demandes ne seraient pas prises en compte seraient invités à attendre l'année prochaine ou à s'orienter vers d'autres dispositifs d'aide à la rénovation thermique.

La situation dans laquelle s'est retrouvée l'ANAH cette année met en évidence l'inadaptation de ses modalités de financement face aux objectifs ambitieux qui lui sont attribués. La montée en puissance du programme « Habiter mieux », dont l'objectif est fixé à 50 000 logements traités pour 2015, ne peut être pleinement assurée compte tenu de la faiblesse de ses recettes.

Ainsi, lors de l'audition conjointe organisée par la commission des finances le 16 avril 2014 sur l'articulation des aides à la rénovation thermique des logements privés 31 ( * ) , notre collègue Claude Dilain, en sa qualité de président du conseil d'administration de l'ANAH, a mis en évidence la montée en puissance du programme « Habiter mieux » et son impact budgétaire : « Certes, à ses débuts, le programme « Habiter mieux » a été lent à démarrer, mais, depuis 2013, on constate une grande augmentation des dépôts des dossiers, qui devrait encore s'accélérer en 2014. Je vais donner quelques exemples parlants concernant les départements. Entre 2012 et 2013, on a pu constater des hausses de dépôts de dossiers de + 269 % en Haute-Saône, + 229 % dans la Mayenne et dans le Vaucluse, + 266 % dans l'Aube, + 257 % dans le Lot, ou encore, + 312 % dans le Loiret. En outre, on constate que, sur le premier trimestre de 2014, le nombre de dossiers a été multiplié par quatre par rapport au premier semestre de 2013. Je voulais insister sur ces chiffres, afin de mettre en perspective le succès grandissant des politiques conduites par l'ANAH, évolution qu'il faut bien garder en tête lorsque l'on évoque la question budgétaire » .

Il convient d'ailleurs de noter que le Fonds d'aide à la rénovation thermique (FART), qui finance une partie du programme « Habiter mieux » dans le cadre du premier programme d'investissement d'avenir (PIA1) devrait lui-même bénéficier d'une enveloppe supplémentaire afin de couvrir les besoins plus importants qu'attendus. En effet, 230 millions d'euros étaient ainsi déjà engagés à fin juin 2014 sur la dotation totale de 365 millions d'euros initialement prévue.

Lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2015, le Sénat a adopté deux amendements identiques tendant à augmenter de 40 millions d'euros le plafond de la fraction de la taxe sur les logements vacants affectée à l'ANAH afin de conforter son financement pour 2015 32 ( * ) . À cette occasion, notre collègue Claude Dilain a indiqué qu'en 2014, le programme « Habiter mieux » allait effectivement dépasser son objectif de 38 000 logements, en atteignant 50 000 dossiers traités. Indiquant que 12 000 dossiers restaient toutefois en stock, il a estimé que l'ANAH pourrait, en 2015, faire « non sans mal, 45 000 logements mais dont il faut soustraire les 12 000. Ces travaux sont réalisés exclusivement par des entreprises locales, souvent des artisans. Pour 500 millions d'euros de subvention, l'ANAH déclenche pour 1,5 milliard de travaux ; ce sont 27 000 emplois maintenus ou créés. »

Pour 2015, la capacité d'engagement de l'ANAH prévue dans le projet annuel de performances s'établit à 502 millions d'euros (hors frais de structure pour lesquels sont prévus 20 millions d'euros), comme en 2014, et est ainsi répartie :

Capacité d'engagement de l'ANAH pour 2015

Type d'intervention

Objectif
(en nombre de logements traités)

Montant
(en millions d'euros)

Propriétaires bailleurs

4 450

73

Habitat indigne, dégradé et rénovation thermique

4 450

73

dont lutte contre l'habitat indigne

450

9

dont logements très dégradés

1 900

41

dont logements moyennement dégradés

1 100

11

dont rénovation thermique

1 000

12

Propriétaires occupants modestes

53 600

331

Habitat indigne et dégradé

2 600

41

dont lutte contre l'habitat indigne

1 500

20

dont logements très dégradés

1 100

21

Autonomie, rénovation thermiques et autres actions

51 000

290

dont autonomie

15 000

49

dont rénovation thermique

36 000

241

Copropriétés

15 000

48

Lutte contre l'habitat indigne et logements très dégradés

6 000

32

Syndicats et interventions spécifiques

9 000

16

Humanisation des centres d'hébergement

8

Résorption de l'habitat insalubre

12

Ingénierie

30

Capacité totale d'engagement (hors frais de structure)

73 050

502

Source : commission des finances d'après le projet annuel de performances pour 2015

Les aides de l'ANAH devraient se concentrer prioritairement sur les aides versées aux propriétaires occupants modestes , avec 53 600 logements traités et 331 millions d'euros prévus, dont 241 millions d'euros au titre de la rénovation thermique des logements des propriétaires occupants modestes.


* 31 Cf. le compte-rendu de l'audition conjointe organisée le 16 avril 2014 par la commission des finances du Sénat, sur les dispositifs d'aide à la rénovation énergétique des logements privés, suite au référé de la Cour des comptes sur la gestion de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH).

* 32 En contrepartie de cette hausse de plafond, celui des cessions de quotas carbone a été passé de 590 millions d'euros à 550 millions d'euros, les recettes réellement enregistrées étant, en réalité, bien moins élevées.

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