B. LA MISE EN oeUVRE DE LA RESPONSABILITÉ OBJECTIVE
Votre rapporteur a rappelé que le régime de droit commun de la responsabilité des transporteurs de passagers par mer, applicable en France, est celui fixé par un règlement communautaire qui reprend les stipulations de la Convention d'Athènes, telle que modifiée par le Protocole de 2002.
La présente ratification ne pose donc pas de problème d'articulation juridique . ( Cf. Figure n°2)
Figure n° 2 : Conséquences de l'entrée en vigueur de la Convention d'Athènes 2002 avec le règlement (CE) n° 392/2009 du 23 avril 2009 relatif à la responsabilité des transporteurs de passagers par mer en cas d'accident
L'articulation entre la Convention d'Athènes et le règlement (CE) n° 392/2009 du 23 avril 2009 relatif à la responsabilité des transporteurs de passagers par mer en cas d'accident ne pose pas de problème particulier, ce règlement incorporant dans le droit de l'Union européenne la Convention d'Athènes. Il étend les dispositions de la convention au cabotage maritime national à bord de navires des classes A et B5 au sens de la directive 98/18/CE du 17 mars 1998 établissant des règles et normes de sécurité pour les navires à passagers (exemples : la desserte de la Corse, la desserte des Iles Atlantique). Il confère un caractère contraignant aux lignes directrices de l'OMI sur le risque de guerre et introduit plusieurs dispositions favorables aux passagers non prévues par la Convention d'Athènes, relatives en particulier à l'indemnisation en cas de perte ou dommages occasionnés à des équipements de mobilité utilisés par des passagers à mobilité réduite, au versement d'avances, ainsi qu'à l'information des passagers sur leurs droits. Il est en vigueur depuis le 31 décembre 2012. Le cadre juridique établissant les droits des passagers et mis en place par ce règlement a été complété par l'adoption du règlement (UE) n°1177/2010 du 24 novembre 2010 concernant les droits des passagers voyageant par mer ou par voie de navigation intérieure. |
Source : Extrait de l'étude d'impact jointe au projet de loi
1. De la faute prouvée à l'absence de faute, en passant par la faute présumée
L'article 4 33 ( * ) du Protocole détermine les différents régimes de responsabilité, objective ou pour faute. Ceux-ci dépendent du fait générateur (événement maritime ou accident individuel) et du dommage (dommage corporel ou matériel).
En cas de préjudice résultant de la mort ou de lésions corporelles d'un passager, causé par un événement maritime , le transporteur est strictement responsable, même sans faute , dans la limite de 250 000 unités de compte 34 ( * ) ( Cf. infra ).
Cette responsabilité dite « objective 35 ( * ) » introduite par le Protocole, constitue une avancée majeure en termes de réparation des victimes et de leurs ayants-droits.
Le transporteur ne peut s'en exonérer que s'il prouve que l'événement résulte d'un acte de guerre 36 ( * ) , d'un phénomène naturel exceptionnel, inévitable et irrésistible, d'un tiers qui a agi ou omis d'agir délibérément dans l'intention de causer l'événement ou encore de la faute exclusive de la victime.
Au-delà des 250 000 unités de compte, le fondement de la responsabilité est celui de la faute présumée . En d'autres termes, le transporteur est responsable, à moins qu'il ne prouve que l'événement générateur du préjudice est survenu, sans faute ou négligence de sa part.
En cas de préjudice résultant de la mort ou de lésions corporelles d'un passager, non causé par un événement maritime , le régime de la responsabilité pour faute prouvée s'applique. Le transporteur est responsable si le fait générateur du préjudice résulte de sa faute ou de sa négligence. La charge de la preuve repose sur le demandeur.
Quant au préjudice résultant de la perte ou de dommages 37 ( * ) survenus aux bagages de cabine 38 ( * ) , le régime est celui, d'une part, de la responsabilité présumée, en cas d'événement maritime et, d'autre part, de la responsabilité prouvée, dans les autres cas. S'agissant des bagages autres que les bagages de cabine, c'est le régime de la responsabilité présumée qui s'applique dans tous les cas.
Cependant, l'article 5 de la Convention exonère le transporteur de toute responsabilité, en cas de perte ou de dommages survenus à des « biens de valeurs » 39 ( * ) , à moins que ces derniers n'aient été confiés à sa garde.
Par ailleurs, l'article 6 de la Convention stipule que la responsabilité du transporteur est, selon l'espèce , atténuée ou écartée, en raison de la faute ou de la négligence du passager , s'il est établi que le dommage corporel ou matériel est directement ou indirectement dû à la faute ou la négligence du passager.
Cette exonération connaît une limite de principe énoncée au nouvel article 18 de la Convention 40 ( * ) qui qualifie de nulle et non avenue « toute stipulation contractuelle, [...] tendant à exonérer toute personne responsable en vertu de la présente Convention de sa responsabilité envers le passager ou à établir une limite de responsabilité inférieure à celle fixée par la présente Convention, sauf celle prévue au paragraphe 4 de l'article 8, ou à renverser le fardeau de la preuve qui incombe au transporteur ou au transporteur substitué [...] »
Enfin, l'article 16 de la Convention fixe à deux ans le délai de prescription 41 ( * ) de toute action en réparation du préjudice résultant de la mort ou de lésions corporelles d'un passager, ou de la perte ou de dommages survenus aux bagages.
2. L'obligation de s'assurer, le corollaire de l'extension du champ de la responsabilité
Une avancée majeure apportée par le Protocole réside dans l'obligation de souscrire une assurance afin de couvrir la responsabilité pour dommages aux passagers et aux bagages , conformément à l'article 5 42 ( * ) .
Elle vise le transporteur dont le navire est immatriculé dans un Etat Partie , autorisé à transporter plus de douze personnes . La limite de l'assurance obligatoire ne peut être inférieure au seuil des 250 000 unités de compte par passager pour un même événement.
Un certificat attestant la validité de l'assurance , conforme au modèle figurant à l'annexe de la Convention, est alors délivré. Les Directions interrégionales de la mer et le guichet unique du registre international français (RIF), seront chargés de cette délivrance. Le nombre des navires français concernés est d'environ vingt-cinq.
Cette obligation de détenir un certificat d'assurance impose aux Etats parties de non seulement interdire l'exploitation des navires battant leur pavillon qui n'en seraient pas munis, mais également de s'assurer que tout navire faisant escale dans un de leurs ports dispose bien de ce certificat 43 ( * ) .
* 33 L'article 4 modifié l'article 3 de la Convention.
* 34 Le droit de tirage spécial est défini par le Fonds monétaire international. Sa valeur est fixé au 16 janvier 2014 à 1,12531 euros.
* 35 La responsabilité sans faute est qualifiée d'objective en droit civil.
* 36 Une réserve française définit précisément ce que recoure ce risque.
* 37 Conformément à l'article 15 de la Convention, le passager doit notifier au transporteur la perte ou les dommages survenus à ses bagages, sous peine d'être présumé avoir reçu ses bagages en bon état.
* 38 Il s'agit des bagages que le passager a dans sa cabine ou en sa possession, sous sa garde ou son contrôle.
* 39 Cette expression désigne « des espèces, des titres négociables, de l'or, de l'argenterie, de la joaillerie, des bijoux, des objets d'art ou d'autres biens de valeur ».
* 40 Article modifié par l'article 12 du Protocole.
* 41 L'article 9 du Protocole amende l'article 16 de la Convention quant aux modalités de calcul du délai de deux ans.
* 42 L'article 5 du Protocole insère un nouvel article 4 bis à la Convention.
* 43 Cf. paragraphe 13 du nouvel article 4 bis de la Convention.