II. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ÉTAT »

A. APERÇU GÉNÉRAL : LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L'ÉTAT

Le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » est le principal instrument de la politique immobilière de l'État. Il vise à financer la modernisation du parc immobilier par le produit des cessions d'actifs, tout en contribuant au désendettement de l'État .

En recettes , le CAS fait apparaître le produit des cessions d'actifs immobiliers de l'État, ainsi que, de manière accessoire, des fonds de concours et des virements du budget général.

En dépenses , le CAS comprend deux programmes :

- le programme 721 retrace la contribution au désendettement de l'État, selon un taux de rétrocession fixé par l'article 61 de la loi de finances initiale pour 2011 à 25 % pour l'année 2013, contre 20 % pour 2012 et 30 % à partir de 2014.

- le programme 723 retrace les dépenses de restructuration immobilière de l'État, qu'il s'agisse de crédits d'investissement ou de fonctionnement.

Pour mémoire, d'autres opérations immobilières sont retracées dans le programme 309 « Entretien des bâtiments de l'État » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » (cf. supra ), qui finance les travaux d'entretien lourd incombant à l'État, et dans les programmes supports du budget général, propres à chaque ministère.

À titre indicatif, l'évaluation du patrimoine immobilier de l'État est de 63,7 milliards d'euros au 31 décembre 2012 112 ( * ) .

B. L'EXÉCUTION 2013 : DES RECETTES MAL ESTIMÉES, DES DÉPENSES MAL CONTRÔLÉES

1. Des recettes inférieures aux prévisions, qui témoignent d'une fiabilité insuffisante des estimations

Les produits de cessions immobilières effectivement encaissés atteignent seulement 391 millions d'euros en 2013 , contre 515 millions d'euros en 2012 et 598 millions d'euros en 2011. Ce montant, qui est le plus bas depuis la création du CAS, contraste fortement avec la prévision de 530 millions d'euros prévue en LFI .

D'après le rapport annuel de performances, « près de 1234 cessions » ont été réalisées en 2013 - vos rapporteurs spéciaux s'interrogeant sur le caractère « approximatif » de cette estimation. Au total, 5,13 milliards d'euros de cessions ont été réalisés depuis la création du CAS en 2005.

Produits des cessions immobilières de l'État

(en millions d'euros)

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Prévisions

600

439

500

600

1 400

900

400

500

530

470

Réalisations

634

798

820

395

475

502

598

515

391

Écart

+ 34

+ 359

+ 320

- 205

- 925

- 398

+ 198

+ 47

- 139

Source : Cour des comptes et PAP et RAP successifs
Les réalisations portent sur les montants effectivement encaissés à la fin de l'exercice

Ces faibles recettes au titre de l'année 2013 s'expliquent en partie par des facteurs conjoncturels , à savoir la relative atonie du marché de l'immobilier, qui a conduit au report d'importantes cessions (dont le groupe immobilier Bellechasse-Penthémont évalué à 77 millions d'euros), ainsi que les retards pris dans le programme « Duflot » de mobilisation du foncier public en faveur du logement 113 ( * ) .

Au-delà de ce problème, vos rapporteurs spéciaux réitèrent leurs inquiétudes quant au risque persistant d'une politique à courte vue . D'une part, la surévaluation des recettes peut aussi suggérer la vente de certains biens à un prix inférieur à leur valeur réelle, afin de réaliser des économies budgétaires immédiates - même si trop peu d'informations pertinentes sont disponibles pour juger du bien-fondé d'un prix de cession. D'autre part, vos rapporteurs spéciaux s'interrogent sur les fondements mêmes de la politique immobilière de l'État , qui semble parfois consister à vendre pour générer des recettes immédiates, quitte à supporter des charges locatives pérennes par la suite.

2. Une exécution 2013 en déficit

Conséquence des faibles recettes, le CAS a été exécuté en déficit de 164 millions d'euros (en CP), soit 406 millions d'euros de recettes 114 ( * ) et 570 millions d'euros de dépenses. Ce niveau est à comparer avec le déficit de 75 millions d'euros prévu en LFI pour 2013 ; il résulte de cet écart une diminution de la trésorerie accumulée sur le CAS.

Consommation des crédits du compte d'affectation spéciale
« Gestion du patrimoine immobilier de l'État »

(en euros)

Prévision LFI 2012

Conso.
2012

Prévision LFI 2013

Conso.
2013

Écart prévision
2013/2012

Écart
conso. 2013/2012

Programme 721

65 000 000

61 395 965

94,4%

82 500 000

76 106 405

92,3%

17 500 000

26,9%

14 710 440

24,0%

Programme 723

AE

348 000 000

336 233 743

96,6%

542 500 000

474 934 964

87,5%

194 500 000

55,9%

138 701 221

41,3%

CP

448 000 000

400 009 055

89,3 %

522 500 000

494 348 017

94,6%

74 500 000

16,6%

94 338 962

23,6%

TOTAL

AE

413 000 000

397 629 708

96,3%

625 000 000

551 041 369

88,2%

212 000 000

51,3%

153 411 661

38,6%

CP

513 000 000

461 405 020

89,9%

605 000 000

570 454 422

94,3%

92 000 000

17,9%

109 049 402

23,6%

Source : rapport annuel de performances 2013

3. Le programme 721 : une contribution insuffisante au désendettement de l'État

La part des recettes du CAS affectée au désendettement de l'État s'est élevée à 76,1 millions d'euros en 2013, au lieu des 82,5 millions d'euros prévus en LFI. Le taux de contribution au désendettement de l'État est donc de 17,8 %, au lieu des 25 % prévus (cf. supra ). Pour mémoire, il était de 12,4 % en 2012.

Cette situation s'explique par les exemptions de contribution au désendettement prévues au bénéfice des différents ministères : les immeubles du ministère de la défense ; les immeubles situés à l'étranger ; les biens des universités ayant demandé la dévolution de leur patrimoine immobilier ; les biens des établissements publics participant à l'opération d'intérêt national du plateau de Saclay.

Compte tenu du maintien de ces exemptions, de la montée en puissance des décotes « Duflot » et de la faiblesse de la demande sur le marché immobilier, vos rapporteurs spéciaux estiment que la capacité du CAS à contribuer au désendettement de l'État au niveau affiché est durablement menacée . Cela est d'autant plus préoccupant que le taux de contribution, fixé à 30 % pour 2014 à l'initiative de votre commission des finances, ne devrait être que de 17 % : de fait, seuls 80 millions d'euros sont prévus par la LFI 2014 au titre du programme 721.

4. Le programme 723 : des dépenses immobilières en hausse, mais mal contrôlées

Les dépenses immobilières imputées en 2013 sur le programme 723 s'élèvent à 474,9 millions d'euros en AE et 494,3 millions d'euros en CP, soit un taux de consommation des crédits de respectivement 87,5 % en AE et 94,6 % en CP. Les crédits d'investissement et les crédits de fonctionnement représentent chacun environ 48 % de ces dépenses.

Comme précédemment, vos rapporteurs spéciaux déplorent que l'emploi des crédits du programme 723 soit entaché de fortes irrégularités : les ministères, qui conservent la haute main sur la gestion des budgets opérationnels de programme (BOP) du programme, font parfois supporter à celui-ci des dépenses relevant de leurs ministères. En 2013, vos rapporteurs spéciaux relèvent particulièrement :

- l'imputation irrégulière sur le CAS de 180 millions d'euros votés pour la mission « Défense » (programme 212), en violation de l'autorisation législative. Ce n'est pas la première fois qu'une telle « bascule » se produit ;

- l'imputation complaisante de dépenses d'entretien immobilier relavant normalement du programme 309 (cf. supra ) ou des budgets ministériels, témoignant d'une conception pour le moins extensive de la vocation du CAS.

Vos rapporteurs spéciaux souhaitent donc un resserrement des contrôles sur les dépenses immobilières imputées au CAS , notamment par l'instauration d'un contrôle effectif et centralisé sous l'égide de France Domaine.


* 112 Source : questionnaire budgétaire.

* 113 Loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.

* 114 Aux recettes effectivement encaissées s'ajoutent les recettes prévues.

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