C. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : UNE TRÈS LARGE APPROBATION DU PROJET DE LOI SOUS RÉSERVE DE QUELQUES AJUSTEMENTS
Votre commission des lois approuve sans réserves les objectifs poursuivis par ce projet de loi qui, fidèle à l'esprit de la loi pénitentiaire , permettra de redonner au juge les moyens d'une réponse pénale adaptée à la personnalité des auteurs d'infractions, seule à même de prévenir efficacement le renouvellement de celles-ci.
Elle a adopté 38 amendements , dont 28 de son rapporteur, un de Mme Catherine Tasca, cinq de Mme Esther Benbassa et quatre du Gouvernement visant à conforter l'ambition de ce projet de loi, première étape vers une redéfinition d'une politique plus juste et plus efficace.
Considérant que la référence à « l'efficacité des sanctions pénales » pouvait être ambiguë, elle a rétabli l'intitulé initial du projet de loi, tout en faisant figurer l'objectif d'individualisation, seul à même de prévenir la récidive, en premier.
1. Des modifications tendant à donner toute sa mesure à la nouvelle peine de contrainte pénale
a) La contrainte pénale, peine principale encourue pour certains délits
Aux articles 8 à 10 , votre commission approuve sans réserves la création d'une nouvelle peine de probation dite « de contrainte pénale », déconnectée de la peine d'emprisonnement et destinée à permettre un suivi personnalisé et soutenu du condamné en milieu ouvert. Il lui apparaît en effet, au vu des expériences mises en oeuvre avec succès dans les pays anglo-saxons, que la création d'une telle peine est seule à même de permettre d'agir sur les déterminants de la récidive et d'accompagner le condamné vers une sortie durable de la délinquance.
A cet égard, elle a regretté que le projet de loi n'aille pas au bout de la logique qui sous-tend la création de cette nouvelle peine et n'en fasse qu'une simple alternative à l'emprisonnement.
Alors que la nocivité des courtes d'emprisonnement est largement démontrée (voir supra ), elle a souhaité compléter le projet de loi d'un nouvel article 8 ter qui fait de la contrainte pénale une peine de référence, encourue à titre de peine principale pour une série de délits qui ne justifient pas, à ses yeux, le prononcé d'une peine d'emprisonnement .
Ainsi, entre l'amende et l'emprisonnement, la contrainte pénale constituerait désormais le troisième volet des peines principales applicables en matière délictuelle.
L'article 8 ter introduit par votre commission procède à cette modification pour les délits suivants : vol simple et recel de vol simple, filouterie, destructions, dégradations et détériorations ne présentant pas de danger pour les personnes commises sans circonstance aggravante, délit de fuite, sauf si ce délit accompagne un homicide involontaire ou des blessures involontaires, délit d'usage de stupéfiants, délit d'occupation des halls d'immeubles et délits prévus par le code de la route (à l'exclusion des délits d'homicide involontaire et de blessures involontaires réprimés par le code pénal et des faits commis dans des circonstances exposant autrui à un risque de mort ou de blessures graves).
Cette liste exclut les délits d'atteintes aux personnes (tout comme les atteintes aux biens commises avec violence) ainsi que les délits commis pour un motif discriminatoire .
Elle représente, d'après les données extraites du casier judiciaire, un « volume » d'environ 220 000 condamnations en 2012, soit près du tiers de l'ensemble des condamnations prononcées par les juridictions pénales (10 % si l'on excepte le contentieux routier), et un peu plus de 50 000 condamnations à un emprisonnement ferme ou avec sursis en 2012 (15 000 si l'on excepte le contentieux routier).
Une telle solution, préconisée par M. Dominique Raimbourg dans son rapport d'information intitulé « penser la peine autrement : propositions pour mettre fin à la surpopulation carcérale » 36 ( * ) , avait été écartée par le Gouvernement qui l'a considérée comme trop réductrice. En outre, la logique de la contrainte pénale, qui implique un suivi renforcé, adapté à la situation et à la personnalité de l'auteur, devrait conduire les magistrats à prononcer cette peine en considération de la personnalité de l'auteur et non nécessairement de la qualification juridique des faits commis.
La voie proposée par votre commission paraît toutefois la seule à même d'identifier clairement la contrainte pénale comme nouvelle peine de référence en matière correctionnelle.
En outre, un grand nombre d'auteurs de délits de faible gravité peuvent présenter un besoin de suivi socio-éducatif renforcé : ainsi les plus forts taux de récidive légale concernent-ils les délits de vol et de recel (17 % des condamnés pour ces délits en 2010 étaient en état de récidive légale) et de conduite en état alcoolique (16 %). Une étude réalisée par la direction de l'administration pénitentiaire a également montré que 45 % des réitérants et des récidivistes condamnés pour un délit en 2007 l'ont été pour un délit routier, 19 % pour un délit de vol ou de recel.
Afin de réserver la contrainte pénale aux personnes ayant réellement besoin d'un suivi socio-éducatif renforcé, ce nouvel article 8 ter propose de permettre à la juridiction, lorsqu'elle estime qu'une contrainte pénale ne se justifie pas, de prononcer, en plus ou à la place d'une peine d'amende , l'une des peines alternatives prévues en matière correctionnelle (stage de citoyenneté, mesures privatives ou restrictives de droit, TIG, sanction-réparation). La peine de confiscation serait également encourue de plein droit pour ces délits.
Ces dispositions complèteraient celles de l'article 8 tel que l'ont adopté les députés : aussi la contrainte pénale pourrait-elle également être prononcée, en alternative à l'emprisonnement, pour tout délit puni de cinq ans d'emprisonnement au plus (pour tout délit à compter du 1 er janvier 2017), lorsque la personnalité de l'auteur justifie un suivi renforcé en milieu ouvert.
Une évaluation réalisée dans quelques années permettra de dresser un bilan de l'application de cette nouvelle peine et, le cas échéant, d'envisager son extension à d'autres délits.
b) La sanction des manquements aux obligations résultant d'une contrainte pénale
L'ensemble des personnes entendues par votre rapporteur dans le cadre des auditions ont unanimement souligné le caractère excessivement complexe, peu lisible pour le condamné et fragile au regard du principe de légalité des délits et des peines du dispositif prévu par le projet de loi pour sanctionner la méconnaissance délibérée, par le condamné, des obligations résultant de la contrainte pénale.
Sur proposition de votre rapporteur, votre commission a simplifié ce dispositif et prévu, à la place, un système similaire à celui prévu en cas de non-respect d'un TIG ou de diverses peines complémentaires: ainsi, le fait, pour une personne condamnée à une peine de contrainte pénale, de se soustraire délibérément aux obligations ou interdictions résultant d'une peine de contrainte pénale serait un délit autonome , puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.
Dans un souci d'efficacité et de rapidité de la réponse pénale, votre commission a prévu que, dès lors que le condamné refuse sciemment de se conformer à ses obligations, le JAP transmettra au procureur de la République toute information utile lui permettant d'apprécier l'opportunité d'engager des poursuites à l'encontre de l'intéressé, et que le jugement de ce délit entrera dans les compétences du tribunal correctionnel statuant à juge unique.
c) Des aménagements à la marge
Votre commission a par ailleurs apporté plusieurs modifications à la marge au dispositif de mise en oeuvre de la contrainte pénale :
- elle a prévu que la juridiction de jugement disposerait des mêmes prérogatives que le JAP dans la fixation du contenu de la mesure ;
- elle a prévu que le JAP serait tenu de se prononcer dans un délai maximal de quatre mois après le jugement de condamnation ;
- enfin, tout en approuvant le renforcement du contradictoire dans la mise en oeuvre de la mesure, elle a allégé le dispositif, dans un souci d'efficience, en prévoyant la possibilité pour le parquet de se prononcer par réquisitions écrites plutôt que dans le cadre formel d'un débat contradictoire.
d) La suppression de la possibilité ouverte au JAP de convertir une courte peine d'emprisonnement en contrainte pénale
Enfin, votre commission a supprimé l'article 8 bis , qui visait à permettre au JAP de transformer une courte de peine de prison ferme en une peine de contrainte pénale.
En effet, sans être opposée par principe aux objectifs poursuivis par cet article, il lui a semblé que, dans un premier temps, de telles dispositions risquaient de brouiller l'identification de la nouvelle peine de contrainte pénale, ici conçue non comme une peine mais comme une modalité d'aménagement de la peine.
En outre, le dispositif proposé permettrait de cumuler la peine de contrainte pénale avec l'exécution, dans un second temps, d'un SME, ce qui risque d'accroître la confusion entre les deux dispositifs.
Votre commission a estimé plus raisonnable, sur ce point, d'attendre un premier bilan de mise en oeuvre de la contrainte pénale avant d'envisager une telle évolution du dispositif.
2. Un retour à l'équilibre de la loi pénitentiaire s'agissant du seuil permettant un aménagement de peines
A l'article 7 , votre commission des lois a supprimé les dispositions du projet de loi tendant à abaisser le seuil permettant aux personnes condamnées à un emprisonnement de bénéficier d'un aménagement de peine.
Elle a jugé qu'une telle restriction ne reposait sur aucune justification et que l'impératif de préparation de la réinsertion commandait que de tels aménagements - qui n'ont rien d'un « privilège » accordé à la personne condamnée - puissent être octroyés largement.
En outre, aux termes de l'étude d'impact, la modification proposée par le projet de loi entraînerait une hausse du nombre de peines non aménageables de l'ordre de 5 000 chaque année , ce qui soulève de réelles difficultés au regard de l'état de saturation des maisons d'arrêt 37 ( * ) .
Elle est donc revenue, sur ce point, au droit issu de la loi pénitentiaire , fixant à deux ans d'emprisonnement - un an pour les personnes condamnées en état de récidive légale - le quantum permettant de bénéficier d'un aménagement de peine ab initio .
Par cohérence, à l'article 7 ter , votre commission a rétabli les mêmes seuils (deux ans d'emprisonnement ou un an pour les personnes condamnées en état de récidive légale) pour l'octroi éventuel d'un aménagement de peine aux personnes condamnées détenues.
3. De nouvelles attributions excédant le cadre habituel des missions de la police et de la gendarmerie
Si votre commission partage pleinement l'objectif de plus étroite association des forces de police et de gendarmerie à la mise en oeuvre de la politique pénale, il lui a toutefois semblé que plusieurs dispositions introduites par les députés présentaient un caractère excessif et pourraient, sans doute, être valablement contestées devant le Conseil constitutionnel.
Ainsi, à l'article 15 , elle a, à l'initiative conjointe de votre rapporteur et de Mme Catherine Tasca, supprimé les dispositions autorisant le recours à des dispositifs de géolocalisation et d'interceptions de communication à l'encontre de personnes sortant de détention, quelle que soit la gravité de l'infraction commise, en dehors de tout cadre d'enquête et sans finalité énoncée.
Elle a également supprimé l'article 15 bis , sur proposition conjointe de votre rapporteur et de Mme Esther Benbassa, estimant que la possibilité de déléguer à un OPJ, au médiateur ou au délégué du procureur de la République l'initiative de la mise en oeuvre de mesures alternatives aux poursuites soulevait une difficulté sérieuse au regard du principe de séparation des pouvoirs.
Par ailleurs, estimant que la police judiciaire ne pouvait être assimilée à une autorité administrative comme une autre, elle a, à l'initiative de votre rapporteur et de Mme Esther Benbassa, supprimé l'article 15 ter , qui octroyait aux officiers de police judiciaire un pouvoir de transaction pénale pour un nombre important de délits.
Enfin, à l'article 15 quater , elle a supprimé les dispositions prévoyant la transmission à des autorités administratives d'informations couvertes par le secret de l'enquête ou de l'instruction.
4. Des précisions utiles
A l'article 6 , relatif à la suppression du caractère automatique du sursis simple, votre commission a adopté un amendement du Gouvernement précisant la procédure à suivre lorsque la juridiction de jugement n'a pas connaissance de l'existence d'un précédent sursis : dans ce cas, le procureur de la République pourrait saisir le tribunal correctionnel d'une requête motivée tendant à la révocation de ce dernier.
Dans un nouvel article 11 quater , introduit à l'initiative de Mme Esther Benbassa, votre commission a souhaité permettre au juge de l'application des peines de convertir une peine de jours-amende en peine de travail d'intérêt général (TIG), de même qu'il a actuellement la possibilité de convertir une peine de TIG en peine de jours-amende.
Dans un nouvel article 14 bis , également inséré à l'initiative de Mme Esther Benbassa, votre commission a complété, dans l'article 33 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, la définition du contenu de l'acte d'engagement signé par le chef d'établissement et la personne détenue pour encadrer les conditions de travail de celle-ci. Cet acte d'engagement devra ainsi désormais comporter la désignation du poste de travail, la durée du travail et les horaires applicables ainsi que les conditions particulières de travail justifiées par la détention.
À l'article 16 , votre commission a adopté un amendement du Gouvernement prévoyant la nécessité d'un accord exprès du condamné pour que le juge d'application des peines puisse prononcer une libération sous contrainte. En effet, dans sa décision n°2004-492 du 2 mars 2004 sur la loi Perben II, créant un mécanisme simplifié d'aménagement de peine, le Conseil constitutionnel avait rappelé que cette mesure ne pouvait intervenir qu'avec l'accord du condamné.
Enfin, à l'article 18 quater , qui institue une contribution de 10 % assise sur l'ensemble des amendes pénales et douanières prononcées ainsi que sur les sanctions financières infligées par plusieurs autorités administratives indépendantes afin de financer l'aide aux victimes, votre commission a prévu, dans un souci de sécurité juridique, que le montant de cette contribution serait en tout état de cause « plafonné » à 1 000 euros pour une personne physique, 5 000 euros pour une personne morale, afin d'écarter les risques de contestation de ce dispositif innovant sur le fondement du principe de proportionnalité. Elle a également exclu du champ du dispositif les infractions donnant déjà lieu à une majoration de 50 % et prévu que cette « sur-amende » bénéficierait, s'il y a lieu, de la diminution prévue par l'article 707-3 du code de procédure pénale en cas de paiement volontaire.
5. Des ajouts nécessaires
a) La nécessaire prise en compte de la situation des personnes atteintes de troubles mentaux
A l'initiative de votre rapporteur, votre commission a adopté un article 7 quinquies A tendant à introduire dans le projet de loi le dispositif de la proposition de loi relative à l'atténuation de responsabilité pénale applicable aux personnes atteintes d'un trouble mental ayant altéré leur discernement au moment des faits, que le Sénat avait adoptée à l'unanimité le 25 janvier 2011 38 ( * ) .
Faisant suite aux travaux de la mission d'information, commune à votre commission des lois et à la commission des affaires sociales, sur la prise en charge des personnes atteintes de troubles mentaux ayant commis des infractions, composée de Mme Christiane Demontès, de MM. Jean-René Lecerf et Gilbert Barbier et de votre rapporteur 39 ( * ) , cette proposition de loi reconnaît de manière explicite l'altération du discernement comme facteur d'atténuation de la peine , conformément à l'article 122-1 du code pénal, tout en renforçant les garanties concernant l'obligation de soins pendant et après la détention.
Visant ainsi à mieux individualiser la réponse judiciaire à la situation particulière des personnes atteintes de troubles mentaux ayant commis des infractions, son introduction dans le présent projet de loi est pleinement justifiée.
b) La suppression de la rétention de sûreté
Votre commission a également adopté, à l'initiative de votre rapporteur 40 ( * ) , un article 18 quater A ayant pour objet de supprimer la rétention de sûreté.
D'une part, le principe même d'une telle mesure , qui vise à maintenir l'enfermement de personnes à l'issue de leur détention au motif qu'elles restent dangereuses pour la société et indépendamment de la commission de nouvelles infractions, apparaît contestable . La décision du Conseil constitutionnel sur la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté, par son caractère très ambiguë (la rétention de sûreté y est interprétée comme une mesure sui generis , entre peine et mesure de sûreté), reflète cette incertitude sur la légitimité du dispositif au regard des principes du droit pénal.
D'autre part, alors que la surveillance de sûreté, également créée par la loi du 25 février 2008, concerne actuellement une quarantaine de personnes, la rétention de sûreté a été très peu mise en oeuvre et seules quelques décisions de cours d'assises ont prévu que des condamnés pourraient y être soumis à l'issue de leur peine.
Ainsi, l'amendement adopté par votre commission a pour effet de supprimer la possibilité de placer une personne en rétention de sûreté tout en conservant le dispositif de la surveillance de sûreté . Le non-respect des obligations liées à celle-ci ne se traduira plus par le placement en rétention de sûreté mais constituera désormais une infraction punie de sept ans d'emprisonnement.
c) La suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs
Enfin, à l'initiative de votre rapporteur, de Mme Cécile Cukierman et de Mme Esther Benbassa, votre commission a adopté un article 19 B ayant pour objet de supprimer les tribunaux correctionnels pour mineurs . Ces juridictions, créées par la loi n°2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, compétentes pour juger les mineurs âgés de plus de seize ans poursuivis pour des délits punis d'une peine d'emprisonnement d'au moins trois ans et commis en état de récidive légale, n'apportent en effet pas de réel bénéfice par rapport aux tribunaux pour enfants ; ils ne concernent, en outre, que quelques centaines de mineurs par an.
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En conclusion, votre commission des lois souhaite insister sur les conditions préalables indispensables à l'application effective des mesures proposées par le présent projet de loi.
La première a incontestablement trait aux moyens que le Gouvernement mettra à la disposition du ministère de la justice pour en permettre l'application.
D'ores et déjà, ce dernier a annoncé qu'afin, en particulier, de mettre en oeuvre la contrainte pénale, qui suppose un suivi plus soutenu de la personne condamnée, 1 000 personnels de SPIP seraient recrutés dans les trois années à venir . D'ores et déjà, 400 postes (300 postes de conseillers d'insertion et de probation et 100 postes « support ») ont été ouverts en loi de finances pour 2014. Compte tenu du temps de leur formation à l'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire (ENAP), ces personnels seront opérationnels à compter de septembre 2015.
La mise en oeuvre du projet de loi supposera également un renforcement de l'effectif des JAP , déjà fortement sollicités et dont les prérogatives sont élargies par le présent projet de loi. A cet égard, la loi de finances pour 2014 a prévu la création de 10 emplois de magistrats pour renforcer les conditions de mise en oeuvre de l'exécution des peines et de l'application des peines ; d'après le ministère de la justice, 47 autres créations d'emplois de magistrats seront nécessaires pour mettre en oeuvre la présente réforme. La création de ces nouveaux emplois devrait s'étaler sur les trois années à venir.
Votre commission sera particulièrement vigilante à ce que ces engagements du Gouvernement trouvent une traduction effective dans les prochains projets de loi de finances qui seront soumis au Parlement.
La seconde condition préalable indispensable à l'application du présent projet de loi est relative à la nécessaire rénovation des méthodes de travail des SPIP . Alors que ces personnels ont été ébranlés par l'évolution rapide des missions qui leur sont assignées, une modernisation des outils d'évaluation des personnes a été entreprise par la direction de l'administration pénitentiaire, en prenant pour appui les recommandations du Conseil de l'Europe en matière de probation 41 ( * ) . En tout état de cause, une amélioration qualitative du suivi des personnes en milieu ouvert, soutenue par une diminution du nombre de mesures confiées à chaque conseiller (l'objectif énoncé par le Gouvernement étant de parvenir à un ratio de 40 mesures par conseiller), sera indispensable pour renforcer la crédibilité des peines de milieu ouvert et ériger la probation en réelle alternative à l'emprisonnement.
Enfin, la troisième condition préalable indispensable à l'application du présent projet de loi a trait à l'évaluation des politiques publiques en matière de justice et de sécurité , dont plusieurs personnes entendues par votre rapporteur ont souligné le caractère encore trop lacunaire. Cet état de fait est pour une large part imputable aux imperfections des outils statistiques du ministère de l'intérieur et du ministère de la justice. Votre commission regrette à cet égard que le décret prévu par l'article 7 de la loi pénitentiaire, demandant notamment l'élaboration de données permettant d'évaluer la pertinence des différents modes de prise en charge en milieu fermé, n'ait à ce jour pas été publié. Elle forme le voeu que l'annonce, faite récemment par la garde des sceaux, d'une réforme de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) et de la création, auprès du ministère de la justice, d'un Observatoire de la récidive et de la désistance permettra d'améliorer sensiblement la connaissance et l'évaluation des politiques pénales.
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Au bénéfice de ces observations, votre commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.
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Ce rapport
peut être consulté à l'adresse suivante :
http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i0652.asp
.
* 37 Etude d'impact annexée au projet de loi, page 104.
* 38 Le dossier législatif de cette proposition de loi peut être consulté à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl09-649.html .
* 39 « Prison et troubles mentaux : comment remédier aux dérives du système français ? », rapport d'information n°434 (2009-2010) de M. Gilbert Barbier, Mme Christiane Demontès et MM. Jean-René Lecerf et Jean-Pierre Michel, mai 2010. Ce rapport peut être consulté à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/r09-434/r09-434.html .
* 40 Deux autres amendements, de Mme Éliane Assassi, Mme Cécile Cukierman et M. Christian Favier d'une part et de Mme Esther Benbassa d'autre part tendaient à supprimer la rétention de sûreté mais, contrairement à l'amendement de votre rapporteur, ils tendaient également à supprimer la surveillance de sûreté.
* 41 « Règles européennes relatives à la probation » adoptées par le comité des ministres du Conseil de l'Europe le 20 janvier 2010.