EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
Sur le fond, votre commission a expliqué ci-dessus les raisons pour lesquelles elle estime que l'instauration légale d'une nouvelle journée commémorative ne lui semble pas judicieuse.
Sur la forme , la formulation retenue par l'article unique risquerait de prêter à confusion dans la mesure où il est écrit : "Le 21 septembre, Journée internationale de la paix décidée le 30 novembre 1981 en vertu de la résolution 36/67 de l'Assemblée générale des Nations unies ", alors que, comme nous l'avons vu ci-dessus, la résolution 36/67 de l'Assemblée générale de l'ONU du 30 novembre 1981 a effectivement décidé la création d'une "Journée internationale de la paix", mais l'a fixée au 3 ème mardi de septembre. C'est finalement la résolution 55/282 de l'AGNU du 7 septembre 2001 qui a décidé que cette Journée internationale de la paix serait célébrée chaque année le 21 septembre. Le texte comporte donc une légère ambiguïté, sans grande conséquence toutefois.
Réunie le 4 juin 2014, votre commission n'a pas adopté de texte sur la proposition de loi n° 231 (2013-2014) relative à l'instauration d'une journée des morts pour la paix et la liberté d'informer. En conséquence, et en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance sur le texte de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat. |
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le 4 juin 2014, sous la présidence de Jean-Louis Carrère, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Jeanny Lorgeoux et du texte proposé par la commission sur la proposition de loi n° 231 (2013-2014), présentée par Mme Leila Aïchi, relative à l'instauration d'une journée des morts pour la paix et la liberté d'informer.
À l'issue de la présentation du rapporteur, un débat s'est engagé.
M. Jean-Louis Carrère, président. - Un gentleman's agreement impose que les commissions ne touchent pas aux textes qui sont l'apanage des groupes politiques. Nous avons la possibilité d'adopter ou ne pas adopter le texte. L'amender ne serait pas conforme à la tradition sénatoriale.
Mme Leila Aïchi. - Cette proposition reprend le contenu d'un amendement déposé lors de l'examen de la loi sur le 11 novembre, et retiré pour préserver la cohérence du texte. Or il semblait important, malgré la profusion des commémorations, que l'hommage aux morts pour la paix fasse écho à l'hommage aux morts pour la nation. Pourquoi le choix du 21 septembre ? Parce que la journée de la paix se tient ce jour-là chaque année depuis 1981, à l'initiative de l'ONU. En vingt ans, de 1990 à 2011, l'armée française a perdu 620 soldats en opérations extérieures ; mais 700 travailleurs humanitaires sont morts en dix ans et 660 journalistes ont disparu entre 2008 et 2014, soit deux par semaine. L'adoption de cette loi aurait un écho important en cette année de centenaire de la Grande guerre, surtout émanant de la France.
M. Alain Néri. - Les journalistes et les travailleurs humanitaires paient un tribut extrêmement lourd. Cette proposition de loi ne doit pas être rejetée : cela signifierait que nous nous y opposons. C'est pourquoi la proposition de Jeanny Lorgeoux peut faire consensus. Est-ce une solution réglementaire ? Ce serait en tout cas une bonne sortie par le haut.
M. Jean-Louis Carrère, président. - Cela peut se faire.
M. Christian Cambon. - Les faits rapportés par Leila Aïchi nécessitent que l'on s'y attarde, mais sans lien avec la création d'une journée de commémoration supplémentaire. Comme les impôts, trop de publicité tue la publicité. Notons que l'association des journalistes de Défense est opposée à cette proposition. Nous ne pouvons pas mettre sur un pied d'égalité les journalistes et travailleurs humanitaires d'une part et les militaires chargés notamment de les protéger d'autre part. Si la proposition est maintenue en l'état, le groupe UMP s'y opposera.
M. Jean-Louis Carrère, président. - Voilà qui pourrait nous aider à faire preuve d'élégance : la commission n'adopte pas de texte, mais elle propose unanimement de faire cheminer cette demande auprès de la représentation permanente de l'ONU.
Mme Leila Aïchi. - Je ne vous cache pas mon étonnement. Le 24 janvier 2012, je n'ai accepté de retirer mon amendement que sur l'engagement du président de la commission d'accepter une proposition de loi allant dans le même sens.
M. Jean-Louis Carrère, président. - Allons ! Comment aurais-je pu prendre un tel engagement au nom de la commission ? Chacun de nous vote librement !
Mme Leila Aïchi. - C'est écrit dans le compte rendu de la séance publique. Sans engagement de votre part, pourquoi aurais-je retiré mon amendement ? Je m'interroge : cette attitude ne fait-elle pas écho à mon abstention sur le communiqué de presse de la semaine dernière ?
M. Jean-Louis Carrère, président. - Jamais je n'aurais pris la liberté de promettre une chose pareille : je connais les mécanismes parlementaires. Ai-je dit que nous étudierions une proposition de loi avec bienveillance ? Oui ! C'est pourquoi je propose une solution qui nous permette de faire cheminer votre idée, en la portant auprès des Nations unies.
M. Daniel Reiner. - Je n'ai pas souvenir de ce débat ; mais j'ai la certitude que le groupe socialiste n'aurait pas voté cet amendement. Soutenons la formule habile du président, approuvée par MM. Néri et Cambon, qui porte ce point à l'échelle qui lui convient : le niveau mondial, qui lui donnera un écho qu'il n'aurait pas seulement en France. Cette journée existe déjà : le 19 août, même si nous sommes tous en vacances. Nous aurons cette discussion en séance. J'anticipe le vote du groupe socialiste : il sera négatif.
M. Jacques Gautier. - S'il devait voter ici, le groupe UMP voterait contre, comme dans l'hémicycle. La proposition du rapporteur est une bonne porte de sortie. Madame Aïchi, vous ne pouvez pas raisonnablement comparer un chiffre mondial, celui des victimes journalistes ou humanitaires, et un chiffre purement national, celui des morts parmi les militaires français.
M. Pierre Bernard-Reymond. - Concrètement, que se passe-t-il en France le 21 septembre ? Que proposerez-vous à l'ONU : de consacrer à ce thème une journée de la paix ou de l'adopter définitivement ?
M. Robert del Picchia. - On devra bientôt se limiter à des demi-journées !
M. Jeanny Lorgeoux, rapporteur. - Nous proposerons dans un premier temps de consacrer la journée de la paix de l'année prochaine à ce thème. Si nous recevons un écho favorable à l'ONU, nous pourrons songer à une pérennisation.
Mme Nathalie Goulet. - Dans notre Haute Assemblée, proposer le retrait d'un amendement au profit du dépôt d'une proposition de loi est classique, voire banal. Il n'y a pas lieu d'en prendre ombrage. Je n'ai pas de mandat de l'UDI ; mais dans le meilleur des cas, elle s'abstiendrait. Il est préférable de nous rallier à la proposition du président et du rapporteur : sinon, il y a lieu de craindre une issue défavorable.
M. Jean-Louis Carrère, président. - Je propose que la commission n'adopte pas de texte - les groupes se prononceront en séance - mais demande à notre représentation permanente auprès des Nations unies de suggérer ce thème au Secrétaire général pour une prochaine journée. Les premiers contacts officieux auprès de la sous-direction des droits de l'homme sont encourageants - je ne dis pas pour autant que c'est acquis !
M. Gilbert Roger. - Je ne voterai pas ce texte.
La proposition de loi n'est pas adoptée.