EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Une décision de justice est revêtue de l'autorité de la chose jugée dès lors que toutes les voies de recours ont été mises en oeuvre ou que le délai pour exercer ces voies de recours est épuisé. Il en va de la nécessité d'assurer la sécurité juridique et, plus largement, la paix sociale. La décision pénale devenue définitive devient ainsi l'expression de la « vérité judiciaire ». Cette autorité de la chose jugée est particulièrement forte en matière criminelle, le jury populaire étant réputé infaillible.
Toutefois, il arrive que, postérieurement à un jugement passé en autorité de chose jugée, un fait nouveau ou un élément inconnu au jour du procès apparaissent qui laisse penser qu'une erreur a été commise par la cour d'assises ou par le tribunal correctionnel et que cette erreur a eu pour effet la condamnation d'un innocent.
Cette erreur judiciaire constitue une injustice qui frappe et scandalise à la fois le condamné et la société toute entière, aussi attachée soit-elle par ailleurs à une certaine sévérité dans l'exercice de la justice.
Dès lors, il est indispensable qu'une procédure exceptionnelle et solennelle permette de réexaminer une décision de justice dans le cas où il existe des présomptions très fortes qu'elle résulte d'une erreur de fait. Cette procédure doit cependant être étroitement encadrée afin que l'atteinte inévitable à la chose jugée qui en résulte soit dûment cantonnée.
Une telle procédure existe en France depuis plusieurs siècles et a déjà connu plusieurs réformes qui ont progressivement accru les possibilités de révision. La présente proposition de loi, déposée par Alain Tourret et plusieurs de ses collègues députés à la suite d'un travail d'information très approfondi, prolonge cette tendance à une ouverture plus grande mais apporte également des améliorations importantes en matière de composition de la cour de révision, de déroulement de la procédure et de renforcement des droits des parties.
I. LA RÉVISION DES CONDAMNATIONS PÉNALES : UNE PROCÉDURE EXCEPTIONNELLE PROGRESSIVEMENT ÉLARGIE
A. LA REMISE EN CAUSE DE LA CHOSE JUGÉE : UNE POSSIBILITÉ ANCIENNE MAIS ÉTROITEMENT ENCADRÉE
En France, une telle procédure de révision des condamnations pénales existe depuis très longtemps - l'ordonnance criminelle du 26 août 1670 permettait d'obtenir de Conseil du roi des « lettres de révision » - mais elle n'a longtemps été ouverte que dans des hypothèses très exceptionnelles. Par la suite, l'ancien code d'instruction criminelle autorise le pourvoi en révision uniquement en matière criminelle et en limite l'ouverture aux trois premiers cas, très précisément définis, qui sont toujours ceux de la loi actuelle, à l'exclusion de l'apparition d'un « fait nouveau » ou d'un « élément inconnu ».
Cependant, progressivement, la jurisprudence de la cour de cassation a permis un élargissement progressif du champ d'application de la requête en révision. À la suite de cette jurisprudence, des lois successives ont ouvert la possibilité de demander la révision en matière correctionnelle (loi du 28 juin 1867) puis, surtout, ont introduit un nouveau cas d'ouverture permettant en principe de couvrir tous les cas d'erreurs judiciaires : découverte d'un fait nouveau de nature à établir l'innocence du condamné (loi du 8 juin 1895) .
Le code de procédure pénale (art. 622 à 626) a ensuite repris pour l'essentiel les dispositions des articles 443 à 447 du code d'instruction criminelle, restées quasiment inchangées jusqu'à la réforme de 1989.