III. UN PROJET DE LOI D'HABILITATION POUR METTRE EN PLACE LES AGENDAS D'ACCESSIBILITÉ PROGRAMMÉE ET ADAPTER CERTAINES DISPOSITIONS DE LA LOI DE 2005
A. LE RECOURS AUX ORDONNANCES
1. Une méthode suscitant traditionnellement la réticence du Parlement...
En application de l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnance pendant un délai limité, des mesures qui relèvent normalement du domaine de la loi. Il s'agit d'une autorisation - dite habilitation législative - dont le Gouvernement ne doit pas abuser.
En effet, bien que strictement encadrée par le Constitution, la procédure de recours aux ordonnances restreint de facto les prérogatives du Parlement. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs rappelé, dans sa jurisprudence, qu'une habilitation ne peut être d'origine parlementaire, ce qui limite nécessairement la capacité d'initiative du législateur lorsqu'un projet de loi d'habilitation lui est soumis.
2. ... mais justifiée par l'urgence et la technicité du dossier de l'accessibilité
Si le recours aux ordonnances ne saurait être un mode habituel d'élaboration de la loi, il est cependant justifié dans des domaines précisément circonscrits, comme celui de l'accessibilité .
Votre rapporteure y voit quatre raisons :
- premièrement, l'urgence de la situation . A quelques mois de l'échéance du 1 er janvier 2015, seules les ordonnances permettent de rester dans les temps : les Ad'AP doivent être rapidement opérationnels afin de permettre aux acteurs concernés de faire part, avant le 31 décembre 2014, de leur intention de recourir à ce nouvel outil. A défaut, ce sont les sanctions pénales prévues par la loi de 2005 qui s'appliqueront ;
- deuxièmement, la technicité du sujet . La concertation l'a montré, l'accessibilité est un dossier d'une grande complexité, sur lequel il est très difficile de trouver un équilibre entre les positions des uns et des autres. Les participants y sont parvenus, mais la confiance mutuelle demeure fragile ;
- troisièmement, le risque d'atteinte à la loi de 2005 . Plusieurs initiatives passées l'ont malheureusement démontré, la tentation peut être grande de revenir sur les acquis de ce texte ;
- quatrièmement, l'approbation unanime du monde associatif qui voit, dans cette méthode, le seul moyen de mettre rapidement en place les outils nécessaires à la poursuite de la dynamique en cours.
B. LE CONTENU DES HABILITATIONS DEMANDÉES PAR LE GOUVERNEMENT
Le présent projet de loi d'habilitation se compose de quatre articles.
L' article 1 er habilite le Gouvernement à créer, pour les ERP, le nouveau dispositif des Ad'AP .
Au-delà du contenu de l'agenda, l'ordonnance définira les procédures applicables à son dépôt, à sa validation et au suivi de l'avancement des travaux prévus. Elle précisera également les délais de réalisation des actions de mise en accessibilité et le régime des sanctions administratives encourues en cas de non-respect des engagements pris.
L'article 1 er permet également d'adapter, sur la base des recommandations de la concertation, certaines obligations législatives prévues par la loi de 2005 en matière d'accessibilité des ERP et des bâtiments d'habitation.
L' article 2 habilite le Gouvernement à instituer, pour les services de transport public de voyageurs (routier et ferroviaire), un dispositif comparable à celui de l'Ad'AP pour les ERP : le schéma directeur d'accessibilité - agenda d'accessibilité programmée ou SDA/Ad'AP .
Sur le modèle de l'article 1 er , l'ordonnance définira l'ensemble des procédures applicables au SDA/Ad'AP (contenu, dépôt, validation, suivi, délais, sanctions, etc.).
Prenant appui sur les conclusions de la concertation, l'article 2 prévoit aussi une habilitation pour adapter les exigences incombant aux services de transport public de voyageurs en matière de points d'arrêt et d'accessibilité du matériel roulant.
L' article 3 habilite le Gouvernement à prendre diverses mesures relevant du domaine de la loi et correspondant aux préconisations de la concertation , parmi lesquelles :
- l'assouplissement, pour les petites communes, de l'obligation, posée par la loi de 2005, d'élaborer un plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics (Pave) ;
- l'autorisation plus large des chiens guides d'aveugle et les chiens d'assistance des personnes handicapées dans les transports et les lieux publics ;
- l'élargissement de la composition et des missions des commissions communales et intercommunales pour l'accessibilité aux personnes handicapées, ainsi que le changement de leur dénomination ;
- la création d'un fonds dédié à l'accompagnement de l'accessibilité universelle, dont les ressources proviendront des sanctions financières prononcées dans le cadre des Ad'AP et des SDA/Ad'AP ;
- l'adaptation à l'outre-mer de certaines des mesures prévues aux articles 1 er à 3.
Enfin, l' article 4 fixe à cinq mois , suivant la publication de la loi, le délai dans lequel les ordonnances devront être prises par le Gouvernement . Il fixe également à cinq mois , à compter de la publication de chaque ordonnance, le délai de dépôt du projet de loi de ratification correspondant .
Le Gouvernement a d'ores et déjà fait part de son intention de publier les ordonnances au début de l'été.