C. LES ARBITRAGES GOUVERNEMENTAUX

Lors de la clôture des travaux de concertation, le 26 février dernier, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a confirmé, sur la base des deux rapports de conclusion, que les mesures de niveau législatif, comme la création des Ad'AP, feront l'objet d'un projet de loi d'habilitation à légiférer par ordonnance, comme il l'avait annoncé dès le mois de septembre 2013 à l'occasion du CIH, et que les autres mesures, notamment celles issues du chantier « environnement normatif », seront mises en oeuvre au niveau réglementaire dans le même calendrier resserré que celui des textes d'application des dispositions prises par ordonnance.

1. La mise en place des Ad'AP
a) L'Ad'AP : un outil attractif et crédible pour l'ensemble des parties prenantes

Outil cohérent et opérationnel, l'Ad'AP est le fruit d'un véritable équilibre entre les attentes légitimes des uns et les difficultés à faire rencontrées par les autres .

Pour votre rapporteure, il n'est en effet pas imaginable de retrouver, dans quelques années, la même situation que celle que nous connaissons aujourd'hui. Il faut donc que l'Ad'AP soit attractif et crédible aux yeux de chacun.

Attractif et crédible, l'Ad'AP l'est tout d'abord pour les associations de personnes handicapées en ce qu'il garantit que les objectifs de mise en accessibilité seront tenus :

- les dossiers d'engagement à entrer dans une procédure d'Ad'AP devront être déposés avant le 31 décembre 2014, puis devront être validés par le préfet ;

- l'engagement dans un Ad'AP est irréversible : un dossier validé devra être mené à son terme ;

- en l'absence d'Ad'AP, le non-respect de l'échéance du 1 er janvier 2015 sera, sauf dérogation validée, toujours passible des sanctions pénales prévues par la loi de 2005 ;

- il n'y aura pas d'« année blanche » : la programmation des travaux sera échelonnée sur une, deux ou trois périodes (1 à 3 ans/ 3 à 6 ans/ 6 à 9 ans) et, dès la première année, l'amélioration de l'accessibilité devra être constatée ;

- des points de contrôle régulier jalonneront toute la procédure : à la fin de la première année, puis au terme de chaque période ;

- des sanctions financières graduées seront appliquées en cas de non-respect des engagements pris dans le cadre de l'agenda (mauvaise foi, retard, carence) ;

- dans le domaine des transports, des obligations assorties de sanctions seront fixées en termes d'une part, de formation des personnels et d'information des usagers en situation de handicap, d'autre part, d'accessibilité du parc de matériel roulant routier.

Attractif et crédible, l'Ad'AP l'est ensuite pour les gestionnaires d'ERP et de services de transport en ce qu'il constitue une solution adaptée et réaliste pour se mettre en conformité avec la loi de 2005 :

- l'élaboration d'un Ad'AP permettra de ne pas s'exposer aux sanctions pénales instaurées par la loi de 2005 et de poursuivre au-delà du 1 er janvier 2015, en toute sécurité juridique, les travaux de mise en accessibilité ;

- la procédure d'Ad'AP sera simplifiée pour les ERP de 5 e catégorie, qui constituent la grande majorité des ERP ;

- les dossiers d'Ad'AP pourront être déposés dans un délai d'un an suivant la publication de l'ordonnance, à condition que l'engagement ait été pris avant le 31 décembre 2014 ;

- l'obligation d'accessibilité des points d'arrêt et des gares fera l'objet d'une priorisation ;

- le droit au transport des enfants handicapés scolarisés est réaffirmé autour du projet personnalisé de scolarisation (PPS).

Au final, c'est bien une démarche d'équilibre, de pragmatisme et de confiance raisonnée , ainsi que votre rapporteure le recommandait dans « Réussir 2015 », qui a prévalu.

Non seulement l'échéance du 1 er janvier 2015 n'est pas abandonnée mais, en outre, de nouveaux moyens sont mis en oeuvre pour poursuivre la dynamique au-delà de cette date .

b) L'accompagnement des acteurs dans leur démarche d'accessibilité

Conscient que la mise en oeuvre des Ad'AP va nécessiter un important effort de communication et de pédagogie, tant auprès des professionnels, que des personnes handicapées et de leurs représentants, le Gouvernement a engagé trois actions complémentaires :

- 1 000 ambassadeurs de l'accessibilité seront recrutés, dès cette année, dans le cadre du service civique pour orienter les acteurs et faire connaître la réforme de l'accessibilité ;

- un accompagnement financier sera proposé par la Caisse des dépôts et consignations et la Banque publique d'investissement (Bpifrance) aux collectivités locales et aux entreprises pour leurs travaux d'accessibilité ;

- une campagne de communication , d'abord à destination des professionnels, puis à destination du grand public, sera lancée dans les prochaines semaines pour sensibiliser aux enjeux de l'accessibilité et expliquer le nouveau dispositif des Ad'AP.

2. L'évolution de l'environnement normatif

L'ensemble des propositions issues du volet « environnement normatif » de la concertation ont été retenues par le Gouvernement.

Parmi celles-ci :

Une simplification de la réglementation pour la rendre plus efficace

- Les contraintes du cadre bâti seront prises en compte pour déterminer les normes applicables aux ERP existants en prévoyant dans la réglementation des mesures d'assouplissement (par exemple, une largeur de 1,40 m pour les allées dites « structurantes » et une largeur au moins égale à 1,05 m au sol pour les allées dites « secondaires ») ;

- Des solutions techniques alternatives aux normes réglementaires seront autorisées à condition de la démonstration, par l'ERP existant, que les « solutions équivalentes » proposées offrent le même niveau de service, et de la validation par la commission départementale de sécurité et d'accessibilité (CCDSA) ;

- Dans les commerces , l'installation d'une rampe amovible sera autorisée, en dernier ressort ;

- Dans les hôtels , les normes des chambres non adaptées seront revues pour les rendre en priorité visitables (pour pouvoir ouvrir la porte et entrer dans la chambre), et dans les restaurants, des « sanitaires pour tous » séparés des autres seront autorisés ;

- Les restaurants seront dispensés de la mise en accessibilité des mezzanines aux personnes en fauteuil (à condition qu'elles représentent moins de 25% de la capacité du restaurant et que les prestations soient servies à l'identique dans l'espace principal) ;

- Dans le secteur du logement , les règles d'accessibilité seront simplifiées pour un bâtiment comprenant deux logements superposés et les modifications demandées par l'acquéreur d'un logement acheté sur plan seront rendues possibles, dès lors que les personnes en fauteuil roulant puissent leur rendre visite.

Une meilleure prise en compte de toutes les formes de handicap

- La formation au handicap des personnels chargés de l'accueil et de la sécurité sera généralisée ;

- A l'instar du registre de sécurité, un registre d'accessibilité devra être renseigné par tous les ERP (neufs et existants, toutes catégories) pour préciser les modalités d'accès aux prestations des personnes handicapées, tous handicaps confondus (ainsi que les dérogations obtenues, le détail de l'Ad'AP et les attestations de formation du personnel) ;

- La sécurité des déplacements sera renforcée en rendant détectable le cheminement extérieur des ERP à la canne ou au pied et en la rendant repérable visuellement ou de manière sonore (notamment en développant l'installation de bandes d'éveil de vigilance) ;

- L'adaptation des logements sera facilitée grâce à la prise en charge par les bailleurs sociaux de travaux simples pour aménager les toilettes, et à la mise à disposition de rampes d'accès aux balcons ;

- Le dispositif des chiens guides et d'assistance sera élargi aux titulaires de la carte de priorité (50-79% d'invalidité) qui pourront bénéficier du nouveau certificat national destiné à faciliter leur accès aux lieux publics ;

- L'installation de boucles d'induction magnétique (dispositif permettant aux personnes sourdes ou malentendantes appareillées de mieux percevoir les sons) sera prévue dans au moins une salle de réunion des bâtiments neufs et dans les banques d'accueil des ERP neufs de 1 ère et 2 e catégories. Ces éléments ainsi que la qualité des boucles et de leur installation seront pris en compte dans la réglementation ;

- Le sous-titrage devra être activé sur les téléviseurs dans les lieux publics et un mode d'emploi du sous-titrage sera disponible dans les chambres d'hôtel ;

- Le repérage dans l'espace sera facilité en mettant en évidence les numéros de bâtiments, d'étage, de portes palières des logements et chambres d'hôtel ;

- Les salles de cinéma seront équipées pour diffuser le sous-titrage et l'audio-description des films ;

- Dans les hôtels , la chambre adaptée sera attribuée au dernier client accueilli lorsque l'hôtel est complet, et du matériel portatif sera prévu pour équiper les chambres non adaptées et occupées par des clients sourds ou malentendants et aveugles ou malvoyants (par exemple, un réveil lumineux) ;

- Une longueur des places de stationnement réservées sera déterminée pour les nouveaux emplacements et les places adaptées des nouvelles copropriétés seront plus facilement mises à disposition des personnes handicapées.

L'amélioration du suivi de l'accessibilité

- Les dérogations pour raisons économiques seront limitées dans le temps afin de réexaminer ultérieurement l'évolution du cadre bâti (actuellement, ces dérogations sont accordées à titre définitif) ;

- La réglementation indiquera les besoins des usagers et les objectifs à atteindre en matière de qualité d'usage avant de préciser, le cas échéant, les moyens retenus ;

- Des études et négociations seront poursuivies pour faire évoluer la réglementation, notamment sur les espaces d'attente sécurisée (abri pour protéger les personnes handicapées en cas d'incendie car l'ascenseur ne peut pas fonctionner) - qui représentent un quart des investissements lors des travaux - et sur la qualité acoustique ;

- Les commissions consultatives départementales de sécurité et d'accessibilité (CCDSA) deviennent paritaires : les associations de personnes handicapées et les représentants du secteur des ERP seront à égalité dans les CCDSA. La nomination de suppléants sera autorisée et les demandes de dérogations devront désormais être examinées par les seules sous-commissions départementales devenues paritaires. Les CCDSA pourront également émettre des avis avec des prescriptions.

3. La promotion de l'accessibilité au sein de l'ensemble des politiques publiques

L'accessibilité ne se résumant pas au cadre bâti ou aux transports, un plan d'action plus large a été engagé par le Gouvernement pour garantir aux personnes handicapées le plein exercice de leur citoyenneté et leur autonomie dans la vie de tous les jours.

Plan d'action gouvernemental en faveur de l'accessibilité


Accès des personnes handicapées aux services publics , via la définition d'un référentiel d'accessibilité des services publics. Il donnera le mode d'emploi de l'accès aux démarches administratives, aux échanges avec les agents sur place et à distance, aux informations et aux démarches en ligne. Les travaux ont démarré en décembre 2013.


Lancement d'une expérimentation nationale de relais téléphonique , pour que le téléphone, outil incontournable de la vie quotidienne, ne soit plus un obstacle pour les personnes sourdes ou malentendantes et les personnes handicapées de la parole. Pour préparer le développement de l'accessibilité téléphonique au-delà de cette expérimentation, une mission parlementaire a été lancée.


• Signature d'un décret sur la labellisation des centres d'éducation des chiens guides et d'assistance , pour faciliter la circulation dans les lieux publics et améliorer la formation des chiens guides qui sont les yeux de leurs maîtres aveugles. Un nouveau certificat sera remis aux maîtres des chiens guides pour leur permettre d'accéder librement aux lieux publics avec leur chien. La procédure de labellisation des centres d'éducation est simplifiée et les critères de qualité de la formation sont renforcés.


• Renforcement de l' accessibilité du processus électoral , condition de l'exercice de la citoyenneté par les personnes handicapées avec la diffusion de trois nouveaux mémentos pratiques qui s'adressent aux candidats aux élections, aux médias audiovisuels et aux organisateurs de scrutin. Ces modes d'emploi ont été élaborés en concertation avec les associations. Une mission parlementaire a par ailleurs été lancée pour définir le niveau d'accessibilité attendu pour chaque type d'élection (politiques, professionnelles, étudiantes, parents d'élèves).


L'accès à l'information publique et gouvernementale comme condition de la citoyenneté des personnes handicapées. Depuis octobre 2013, les spots télévisés de communication publique sont systématiquement sous-titrés et audio-décrits . Un plan d'actions de la direction interministérielle des systèmes d'information et de communication est actuellement décliné pour rendre accessibles l'ensemble des sites internet du gouvernement et des services publics, avec le soutien du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans les fonctions publiques (FIPHFP). En juin 2013 a été lancée avec l'INPES (Institut national de prévention et d'éducation pour la santé) la diffusion de deux référentiels sur l'information des personnes sourdes ou malentendantes et des personnes aveugles ou malvoyantes. Un travail similaire sera engagé en 2014 pour les personnes handicapées mentales.


• Le développement de l'accessibilité des sites internet publics et privés, avec un groupe de travail interministériel sur l' accessibilité numérique qui a démarré ses travaux en février dernier.


• La promotion du Français facile à lire et à comprendre : le discours de politique générale du Premier ministre et plusieurs documents de la ministre déléguée en charge du handicap ont été retranscrits pour être accessibles aux personnes handicapées mentales. Le 21 février 2014, les directions de la communication des ministères ont été à leur tour sensibilisées à l'accessibilité de l'information.


L'accès aux livres, au cinéma et à la culture au sein notamment de la commission nationale culture et handicap. Lors de sa dernière réunion du 14 janvier 2014, l'objectif d'accessibilité des cinémas a été confirmé. Le Centre national du cinéma soutient désormais financièrement les producteurs de films français pour qu'ils rendent leurs films accessibles dès la post-production. Afin d'améliorer l'accès à la lecture, quel que soit le type de handicap, l'exception au droit d'auteur sera redéfinie et étendue à plusieurs handicaps. Pour développer l'accessibilité des programmes télévisés d'information en langue des signes française, un groupe de travail interministériel avec les chaînes de télévision et les associations a été mis en place. En mai 2013, une charte d'engagement sur l'accessibilité des festivals a été signée avec les organisateurs des Eurockéennes de Belfort. Cette charte sera étendue à d'autres festivals.


L'accès à la consommation , ce qui suppose que les produits de la vie courante soient conçus en tenant compte des spécificités de chaque handicap. Un groupe de travail « Handicaps et consommation » a été installé le 20 février 2014 en partenariat avec l'Institut national de la consommation (INC) et les associations représentatives de personnes handicapées. Appareils électro-ménagers, objets connectés, services commerciaux seront évalués et des recommandations seront étudiées avec les industriels et les distributeurs. La nouvelle mission relative au handicap sera intégrée dans la prochaine convention d'objectif et de performance de l'INC dont les services vont être rendus accessibles.

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