EXPOSÉ GÉNÉRAL
I. L'ACCESSIBILITÉ : LE RENDEZ-VOUS MANQUÉ DE 2015
A. L'AMBITIEUX CHANTIER DE L'ACCESSIBILITÉ
1. L'accessibilité universelle, une révolution sociétale
La question de l'accessibilité a pris corps dans le débat public lors de l'examen de la loi du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées . Celle-ci affichait déjà des objectifs ambitieux et posait, de façon réaliste, le principe d'une mise en oeuvre progressive de l'accessibilité, tant en matière de cadre bâti que de transport.
Toutefois, la définition même de l'accessibilité souffrait d'emblée d'une vision très restrictive, puisqu'elle demeurait limitée à la question du handicap moteur, et notamment à la question des cheminements en fauteuil roulant.
La traduction concrète des principes affichés par cette loi fondatrice n'a été que tardivement réalisée : la définition précise des obligations d'accessibilité a été renvoyée à des décrets qui ont prévu, faute de « garde-fou » dans la loi, un nombre important d'exceptions et de dérogations. En outre, des délais importants ont été nécessaires pour leur élaboration : ainsi, s'agissant du cadre bâti, leur publication s'est échelonnée jusqu'en 1999 !
Concernant les transports, la loi d'orientation du 30 décembre 1982 sur les transports intérieurs n'a fait de l'accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite qu'un « objectif » parmi d'autres pouvant, le cas échéant, conduire à l'adoption de « mesures particulières » .
Pendant toutes ces années, les personnes handicapées ont donc continué à vivre un véritable parcours du combattant pour se déplacer dans la Cité. Il a fallu attendre la loi de 2005 pour donner une véritable impulsion au chantier de l'accessibilité.
Conformément à la nouvelle définition du handicap, la loi du 11 février 2005 rénove la notion d'accessibilité en l'étendant :
- à tous les types de handicap (mental, sensoriel, psychique, cognitif, polyhandicap...), alors que les textes antérieurs envisageaient l'accessibilité presque exclusivement sous l'angle des personnes à mobilité réduite ;
- à tous les domaines de la vie en société : la chaîne de déplacement (cadre bâti, voirie, espaces publics, transport), la citoyenneté, l'école, les services publics, les loisirs...
On parle désormais d' accessibilité universelle , pour désigner le processus visant à éliminer toutes les barrières qui peuvent limiter une personne dans l'accomplissement de ses activités quotidiennes . Cette démarche considère non seulement les besoins des personnes ayant une déficience (motrice, intellectuelle, visuelle, sensorielle, auditive, liée à la parole ou autres), mais également ceux de toute personne pouvant être confrontée à des situations de handicap, qu'elles soient temporaires (à la suite d'un accident ou d'une maladie) ou durables (dépendance liée à l'âge).
Comme aiment à le rappeler les associations, l'accessibilité universelle, c'est « l'accès de tous à tout » . Au regard de l'allongement de la durée de la vie, cette approche transversale représente un enjeu considérable pour les décennies à venir .
2. Les objectifs fixés par la loi de 2005
La loi de 2005 est assurément une loi ambitieuse et innovante . De fait, l'obligation d'accessibilité s'applique à l'ensemble des lieux publics, à nombre d'espaces privés, à tous les transports publics ainsi qu'à la voirie. Pour la première fois, des objectifs et des dates sont précisément définis et un corpus juridique complet est établi, assorti de sanctions administratives et pénales.
a) L'accessibilité du cadre bâti en 2015
L'article 41 de la loi fixe un principe général d'accessibilité du cadre bâti, dix ans après la publication de celle-ci , dont le champ est largement défini : il s'impose aux locaux d'habitation (à l'exception des travaux réalisés par les propriétaires pour leur propre usage), aux établissements recevant du public (ERP), aux installations ouvertes au public (IOP) et aux lieux de travail.
Les ERP
Tous les ERP, qu'ils soient neufs ou existants, doivent être accessibles aux personnes handicapées, quel que soit leur handicap . L'obligation d'accessibilité porte à la fois sur l'extérieur et l'intérieur du bâtiment.
Aucune dérogation n'est possible pour les ERP neufs, depuis que dans sa décision du 21 juillet 2009, le Conseil d'Etat a supprimé les dérogations initialement prévues, dans la mesure où « le législateur n'avait pas entendu permettre au pouvoir réglementaire d'ouvrir des possibilités de dérogations en ce qui concerne les constructions neuves » .
En revanche, pour les ERP existants, le préfet peut accorder des dérogations dans les cas suivants :
- en cas d'impossibilité technique résultant de l'environnement du bâtiment, et notamment des caractéristiques du terrain, de la présence de constructions existantes ou de contraintes liées au classement de la zone de construction ;
- pour des motifs liés à la conservation du patrimoine architectural, en cas de création d'un ERP par changement de destination dans un bâtiment ou une partie de bâtiment classé ou inscrit au titre des monuments historiques ;
- si les travaux d'accessibilité sont susceptibles d'avoir des conséquences excessives sur l'activité de l'établissement.
La loi confie à la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité (CCDSA), présidée par le préfet, l'examen de tous les projets de construction, de modification et d'aménagement des ERP et toutes les demandes de dérogation aux règles d'accessibilité.
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Les bâtiments d'habitation
Les logements et leurs abords doivent être construits et aménagés de façon à être accessibles aux personnes handicapées, quel que soit leur handicap , c'est-à-dire qu'elles doivent pouvoir y circuler sans danger et avec la plus grande autonomie possible. Ces obligations s'imposent même si les logements ne comptent pas de personnes handicapées parmi leurs habitants, afin de permettre, d'une part, à des personnes handicapées de s'y installer dans le futur, d'autre part, à des visiteurs handicapés d'y venir.
Ces obligations dépendent de la nature du logement (collectif ou individuel), mais aussi de son caractère neuf ou déjà existant :
- les immeubles d'habitation neufs doivent être accessibles. Les obligations concernent tous les logements, les parties communes, l'accès et les abords des bâtiments ;
- s'agissant des maisons individuelles neuves, seules celles destinées à être louées doivent respecter les règles d'accessibilité ;
- les bâtiments d'habitation existants sont soumis à l'obligation d'accessibilité uniquement s'ils font l'objet de travaux consistant à créer de nouvelles surfaces ou de nouveaux volumes.
Depuis la décision du Conseil d'Etat précitée, les dérogations ne sont plus admises pour les bâtiments d'habitation collective neufs et les maisons individuelles neuves destinées à la location.
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Un contrôle et des sanctions
renforcés
En application de l'article 41 de la loi, le contrôle du respect des règles d'accessibilité est assuré par l'obligation pour les maîtres d'ouvrage de remettre à l'autorité ayant délivré le permis, à l'issue des travaux, une attestation de conformité aux règles d'accessibilité établie par un contrôleur satisfaisant à des critères de compétence et d'indépendance. En cas de non-production de cette attestation, le remboursement des subventions publiques accordées pour des travaux de mise en accessibilité peut être exigé.
L'article 43 prévoit, quant à lui, que pour « les utilisateurs du sol, les bénéficiaires des travaux, les architectes, les entrepreneurs ou toute autre personne responsable de l'exécution de travaux » , la méconnaissance des obligations imposées en matière d'accessibilité est punie d'une amende de 45 000 euros, portée à 75 000 euros et doublée d'une peine de six mois d'emprisonnement en cas de récidive. Ces peines sont également applicables en cas d'inexécution des travaux dans les délais prescrits.
Cet article précise également que, tout comme les personnes physiques, les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables d'infractions aux règles d'accessibilité .
Ces dispositions ont été codifiées à l'article L. 152-4 du code de la construction et de l'habitation .
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Une formation obligatoire à
l'accessibilité des professionnels du cadre bâti
Ces objectifs ambitieux constituent un défi pour l'ensemble des propriétaires et exploitants, confrontés non seulement au coût des travaux, mais aussi à la complexité des normes et à la rareté des professionnels pouvant les conseiller dans leurs travaux de mise en accessibilité.
Anticipant ces difficultés, la loi a prévu, à son article 41, l'intégration obligatoire de la formation à l'accessibilité dans la formation initiale des architectes et professionnels du cadre bâti.
b) L'accessibilité des transports et de la voirie
L'article 45 est consacré au développement de l'accessibilité de la chaîne de déplacement. Son ambition réside dans la définition large retenue de la chaîne de déplacement (cadre bâti, voirie, aménagement des espaces publics, système de transport et intermodalité) et dans son objectif d'accessibilité de l'ensemble des services publics de transport collectif, dix ans après la publication de la loi .
La mise en accessibilité des transports et de la voirie s'appuie sur de nouveaux outils de planification et de programmation créés par la loi :
- les autorités organisatrices des transports (AOT) au sens de la loi du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs doivent définir un schéma directeur d'accessibilité des services dont elles ont la responsabilité dans les trois ans suivant la publication de la loi. Cette obligation s'impose aux différentes AOT : autorités organisatrices des transports publics urbains, syndicat des transports d'Île-de-France, autorités responsables de l'organisation des transports départementaux et régionaux, Etat pour ce qui concerne notamment les services ferroviaires d'intérêt national ;
- pour chaque commune, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale (Epci) doit établir, d'ici le 22 décembre 2009, un plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics (Pave), intégré au plan de déplacements urbains lorsqu'il existe, fixant des dispositions susceptibles de rendre accessibles aux personnes handicapées les circulations piétonnes et les aires automobiles.
Ces nouvelles obligations doivent bénéficier à toutes les personnes en situation de handicap et, plus largement, à l'ensemble des usagers (femmes enceintes, personnes avec poussette, personnes âgées, etc.) en contribuant à l'amélioration du confort et de la sécurité de tous.
c) La création de commissions communales pour l'accessibilité
La loi prévoit la création de commissions communales et intercommunales pour l'accessibilité aux personnes handicapées (CCAPH-CIAPH) dans les communes de 5 000 habitants et plus, ainsi que dans les Epci compétents en matière de transport et d'aménagement du territoire, dont la population est supérieure ou égale à 5 000 habitants.
Ces commissions, qui associent les représentants des collectivités concernées, les associations d'usagers et les associations de personnes handicapées, ont le double rôle de constituer des observatoires locaux et de mettre en cohérence toutes les initiatives locales, qu'elles soient publiques ou privées.
Elles sont notamment chargées d'établir, à l'attention du conseil municipal, un diagnostic de l'accessibilité du cadre bâti, de la voirie, des espaces publics et des transports, et de formuler des propositions d'amélioration.