B. UN TEXTE QUI RESPONSABILISE LES ACTEURS CONCERNÉS ET MET L'ACCENT SUR LE SUIVI PÉDAGOGIQUE DU STAGIAIRE
1. Les dispositions de la proposition de loi
L'article 1 er constitue le coeur de la proposition de loi puisqu'il réécrit l'ensemble des dispositions du code de l'éducation relatives aux stages, les déplaçant de la troisième à la première partie de ce code, les complétant et établissant un régime unique pour les stages , qui ont lieu dans l'enseignement supérieur, et les périodes de formation en milieu professionnel suivies dans la voie professionnelle de l'enseignement secondaire.
Les articles L. 612-8 à L. 612-14 sont remplacés par les articles L. 124-1 à L. 124-20. Au-delà de ces questions de forme, plusieurs modifications de fond sont apportées :
- l'article L. 124-2 nouveau définit, pour la première fois, les missions de l'établissement d'enseignement envers le stagiaire. Il doit appuyer ses élèves ou étudiants dans leurs recherches d'un stage, définir dans la convention les compétences à acquérir ou à développer et désigner un enseignant référent , chargé de s'assurer du bon déroulement du stage et du respect de la convention ;
- à l'article L. 124-5 nouveau, la possibilité de déroger à la durée maximale de six mois pour un stage est supprimée : seule une période transitoire de deux ans à compter de la publication de la loi est maintenue, pour des formations fixées par décret ;
- l'article L. 124-7 nouveau reprend les dispositions figurant jusqu'à présent dans la partie réglementaire du code, à l'article D. 612-53, et qui font la liste des cas dans lesquels il est interdit de conclure une convention de stage (tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent, remplacement d'un salarié, etc.) ;
- l'article L. 124-8 nouveau pose le principe d'un quota maximal de stagiaires par entreprise , qui sera déterminé par décret en Conseil d'Etat ;
- les articles L. 124-9 et L. 124-10 nouveaux instituent un tuteur de stage , désigné par l'organisme d'accueil pour accueillir et accompagner le stagiaire et chargé du respect du volet pédagogique de la convention de stage. Un décret en Conseil d'Etat fixera le nombre maximum de stagiaires pouvant être suivis par un même tuteur ;
- l'article L. 124-13 nouveau reconnaît aux stagiaires le droit à un congé de maternité, de paternité ou d'adoption d'une durée équivalente à celui des salariés. Il permet plus généralement à la convention de stage de prévoir des congés et autorisations d'absence pour les stagiaires ;
- l'article L. 124-14 nouveau soumet les stagiaires aux règles applicables aux salariés en ce qui concerne la durée de présence dans la structure, la présence de nuit , le repos quotidien, hebdomadaire et les jours fériés ;
- l'article L. 124-15 nouveau permet au rectorat ou à l'établissement d'enseignement supérieur de valider une période de mise en situation professionnelle ou un stage interrompu en raison d'une maladie, d'un accident ou d'une grossesse, ou bien de reporter son terme en cas d'accord des parties ;
- l'article L. 124-17 nouveau confie à l'inspection du travail la mission de contrôler les infractions au quota maximal de stagiaires par entreprise ainsi qu'aux règles en matière de durée de travail et de droit au repos des stagiaires. Une amende administrative , d'un montant maximal de 2 000 euros par stagiaire concerné par un tel manquement ou de 4 000 euros en cas de récidive est instituée.
Enfin, la mission d'appui aux étudiants dans leur recherche de stage est confiée au bureau d'aide à l'insertion professionnelle de chaque université.
L'article 2 supprime le registre des conventions de stage et intègre les informations relatives aux stagiaires dans une partie spécifique du registre unique du personnel .
L'article 3 modifie, dans le code du travail, une référence rendue obsolète par l'article 1 er .
L'article 4 complète la liste des infractions constatées par les inspecteurs du travail en y ajoutant les manquements aux articles nouveaux du code de l'éducation relatifs aux conditions d'accueil et d'activité des stagiaires dans l'entreprise.
L'article 5 met en place une nouvelle procédure d'information du stagiaire, de l'établissement d'enseignement et des IRP de l'organisme d'accueil par l'agent de contrôle de l'inspection du travail lorsque celui-ci constate que les conditions d'emploi du stagiaire (poste occupé, droit au repos, durée de travail, etc.) ne sont pas conformes aux dispositions du code de l'éducation introduites par la présente proposition de loi.
Enfin, l'article 6 exonère d'impôt sur le revenu les gratifications reçues par les stagiaires , dans la limite du montant annuel du Smic, au même titre que les salaires versés aux apprentis. Son paragraphe II constitue le gage de la proposition de loi.
2. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale
La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a adopté 11 amendements sur le texte, certains étant de nature rédactionnelle ou de coordination juridique.
Elle a reconnu que les stages et périodes de formation en milieu professionnel visent à favoriser l'insertion professionnelle des jeunes. Elle a également confié aux établissements d'enseignement une mission d'accompagnement des élèves et étudiants dans leur recherche de stages, et non plus seulement d'appui. Enfin, elle a surtout rendu obligatoire la définition , dans la convention de stage, d'une possibilité de congés pour le stagiaire .
En séance plénière, l'Assemblée nationale a adopté 21 amendements sur les 117 qui avaient été déposés.
Sur proposition du Gouvernement , elle a :
- renvoyé à un décret le soin de définir le nombre de stagiaires qui pourront être suivis simultanément par un même enseignant référent et les modalités de ce suivi (art. L. 124-2) ;
- prévu qu'un accord d'entreprise puisse préciser les tâches confiées au tuteur ainsi que la valorisation de cette fonction ;
- précisé que le temps de présence des stagiaires ne peut pas excéder la durée de travail des salariés de l'organisme d'accueil ;
- permis que le stage ou la période de formation en milieu professionnel puisse être validé si le stagiaire l'a interrompu en accord avec son établissement car il devait effectuer des tâches non prévues par la convention de stage, ou si celle-ci a été rompue par l'organisme d'accueil ;
- levé le gage.
Sur proposition des députés du groupe SRC , elle a confié aux établissements d'enseignement la mission d'encourager la mobilité internationale des stagiaires, « notamment dans le cadre des programmes de l'Union européenne ». Elle a apporté une reconnaissance aux stages réalisés à l'étranger , qui devront faire l'objet d'un échange préalable entre l'établissement d'enseignement, le stagiaire et l'organisme d'accueil concernant leur déroulement et leur encadrement. Une « fiche d'information relative aux droits et devoirs du stagiaire dans le pays d'accueil » devra dans ce cas être annexée à la convention (art. L. 124-18 et L. 124-19 nouveaux). Elle a enfin mis sur un pied d'égalité les personnes en stage d'une durée de plus de deux mois et les salariés de l'organisme d'accueil en matière d'accès au restaurant d'entreprise ou aux titres-restaurant et de prise en charge des frais de transport .
A l'initiative des députés Fanélie Carrey-Comte, Pascal Cherki et Jean-Marc Germain, elle a interdit que des tâches dangereuses pour la santé ou la sécurité des stagiaires leur soient confiées.
Afin de tenir compte de la situation de certaines formations professionnelles, dans lesquelles des stages sont réalisés de manière discontinue, alternant présence en entreprise et formation, un amendement présenté par le député UMP Gérard Cherpion a été adopté concernant la mesure de la durée des stages ou périodes de formation en milieu professionnel. Elle se fera sur la base de la présence effective du stagiaire dans l'organisme d'accueil .
Sur proposition des députés du groupe GDR , l'Assemblée nationale a prévu qu'en cas de contentieux devant les prud'hommes concernant la requalification d'une convention de stage en contrat de travail , l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui dispose d'un délai d'un mois suivant sa saisine pour statuer au fond . Cette disposition figurait dans la proposition de loi examinée par le Sénat en 2007. Elle a également étendu les compétences de l'inspection du travail au contrôle des manquements aux différents cas d'interdiction de conclure une convention de stage.
Enfin, sur proposition du député Denys Robiliard , elle a inséré un article 7 qui porte sur la responsabilité de l'organisme d'accueil en cas d'accident du travail survenu à un stagiaire. La jurisprudence de la Cour de cassation ne permet pas à l'établissement d'enseignement de se retourner contre l'organisme d'accueil pour lui faire assumer les conséquences financières d'une faute inexcusable. En l'état actuel de la législation, seul l'établissement d'enseignement supporte cette responsabilité, sans possibilité d'action récursoire. Cet article additionnel vise à corriger cette situation, dès lors que la faute inexcusable de l'employeur est reconnue par la justice.
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Réunie le mercredi 16 avril 2014 sous la présidence de Mme Annie David, présidente, la commission a adopté 15 amendements présentés par son rapporteur puis la proposition de loi ainsi modifiée.