Rapport n° 458 (2013-2014) de M. Jean-Pierre GODEFROY , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 16 avril 2014
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LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES
SOCIALES
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AVANT-PROPOS
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EXPOSÉ GÉNÉRAL
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I. LA CONSTRUCTION PROGRESSIVE DU STATUT DU
STAGIAIRE ET DU RÉGIME JURIDIQUE DES STAGES ET DES PÉRIODES DE
FORMATION EN MILIEU PROFESSIONNEL
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II. UNE PROPOSITION DE LOI POUR RECENTRER LES
STAGES AUTOUR DE LEUR CARACTÈRE PÉDAGOGIQUE ET AMÉLIORER
LA PROTECTION DES STAGIAIRES
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I. LA CONSTRUCTION PROGRESSIVE DU STATUT DU
STAGIAIRE ET DU RÉGIME JURIDIQUE DES STAGES ET DES PÉRIODES DE
FORMATION EN MILIEU PROFESSIONNEL
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EXAMEN DES ARTICLES
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Article 1er (art. L. 124-1 à L. 124-20
[nouveaux] et L. 612-8 à L. 612-14 du code de l'éducation, art.
L. 351-17 du code de la sécurité sociale, art. L. 1454-5
[nouveau] et L. 6241-8-1 du code du travail, art. L. 4381-1 du code de la
santé publique) - Encadrement du recours aux stages et définition
du statut du stagiaire
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Article 2 (art. L. 1221-13 du code du travail) -
Inscription des stagiaires dans le registre unique du personnel
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Article 3 (art. L. 1221-24 du code du travail) -
Coordination juridique
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Article 4 (art. L. 8112-2 du code du travail) -
Extension de la compétence de l'inspection du travail au contrôle
des manquements à la législation sur les stages
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Article 5 (art. L. 8223-1-1 [nouveau] du code du
travail) - Information du stagiaire, de l'établissement d'enseignement
et des institutions représentatives du personnel sur les infractions
à la législation sur les stages constatées par
l'inspection du travail
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Article 6 (art. 81 bis du code
général des impôts) - Exonération de la
gratification versée aux stagiaires de l'impôt sur le
revenu
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Article 7 (art. L. 452-4 du code de la
sécurité sociale) - Responsabilité de l'organisme
d'accueil en cas d'accident ou de maladie lié à un stage
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Article 1er (art. L. 124-1 à L. 124-20
[nouveaux] et L. 612-8 à L. 612-14 du code de l'éducation, art.
L. 351-17 du code de la sécurité sociale, art. L. 1454-5
[nouveau] et L. 6241-8-1 du code du travail, art. L. 4381-1 du code de la
santé publique) - Encadrement du recours aux stages et définition
du statut du stagiaire
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TRAVAUX DE LA COMMISSION
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LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
N° 458
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014
Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 avril 2014 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE après engagement de la procédure accélérée, tendant au développement , à l' encadrement des stages et à l' amélioration du statut des stagiaires ,
Par M. Jean-Pierre GODEFROY,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Yves Daudigny , rapporteur général ; M. Jacky Le Menn, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Alain Milon, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Gilbert Barbier, Mme Catherine Deroche , vice-présidents ; Mmes Claire-Lise Campion, Aline Archimbaud, MM. Marc Laménie, Jean-Noël Cardoux, Mme Chantal Jouanno , secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Françoise Boog, Patricia Bordas, Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mmes Muguette Dini, Anne Emery-Dumas, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Mme Samia Ghali, M. Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, MM. Louis Pinton, Hervé Poher, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. François Vendasi, Michel Vergoz, Dominique Watrin . |
Voir le(s) numéro(s) :
Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : |
1701 , 1792 et T.A. 310 |
|
Sénat : |
396 et 459 (2013-2014) |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALESRéunie le mercredi 16 avril 2014 sous la présidence de Mme Annie David, présidente, la commission des affaires sociales a examiné le rapport de M. Jean-Pierre Godefroy sur la proposition de loi n° 396 (2013-2014) tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires. Après avoir rappelé qu'une série de mesures législatives et réglementaires se sont succédé depuis 2006 pour conférer des droits aux stagiaires et que le stage constitue d'abord un outil pédagogique qui s'inscrit dans un cursus de formation , le rapporteur a déploré les dérives nombreuses qui sont constatées quotidiennement et qui tendent à faire du stagiaire un salarié à part entière, sauf en ce qui concerne la rémunération. Il a ensuite présenté les avancées de cette proposition de loi, dont l'article 1 er procède à la recodification des dispositions relatives aux stages et aux périodes de formation en milieu professionnel de l'enseignement secondaire dans une partie dédiée du code de l'éducation pour améliorer leur clarté . Surtout, il reconnaît de nouveaux droits aux stagiaires , notamment en matière de conditions de travail et de congés . Il responsabilise les établissements d'enseignement et les organismes d'accueil des stagiaires en instituant un quota maximal de stagiaires par organisme et une obligation de tutorat. Il confie à l'inspection du travail la mission de lutter contre les abus , qu'elle pourra sanctionner d'une amende administrative. D'autres mesures d'importance sont contenues dans ce texte, notamment l'inscription des stagiaires au registre unique du personnel (article 2) et l'exonération de la gratification versée aux stagiaires de l'impôt sur le revenu (article 6). Au terme d'un long débat, la commission a adopté 15 amendements de son rapporteur. Au-delà de propositions d'ordre rédactionnel ou assurant une coordination juridique, elle a limité le temps de travail des stagiaires à la durée légale hebdomadaire de travail, soit 35 heures , considérant nécessaire de rappeler par ce biais que les stagiaires ne sont pas des salariés mais bien des élèves ou étudiants en formation. Elle a ensuite adopté la proposition de loi dans la rédaction résultant de ses travaux. |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Il y a plus de sept ans, en février 2007, le Sénat rejetait la proposition de loi visant à organiser le recours aux stages déposée en mai 2006 par votre rapporteur et les membres du groupe socialiste de l'époque. L'examen aujourd'hui par notre assemblée de la proposition de loi de la députée Chaynesse Khirouni (SRC, Meurthe-et-Moselle) tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires est l'occasion de revenir sur cette erreur de jugement et démontre, si le besoin s'en faisait encore sentir, que cette question pourtant abordée à plusieurs reprises par le législateur est loin d'être réglée.
Le système scolaire et universitaire français se caractérise par la place croissante qu'il accorde aux stages, périodes de mise en situation en milieu professionnel s'inscrivant dans un cursus de formation et requises pour obtenir un diplôme. Distincte d'un contrat de travail, la convention de stage rassemble trois acteurs - l'élève, l'établissement d'enseignement et l'organisme d'accueil - afin de garantir le caractère pédagogique de cet exercice devenu un passage fortement recommandé pour favoriser l'insertion professionnelle. Les exemples de détournement de ce dispositif par des structures publiques ou privées et d'abus au détriment des jeunes sont pourtant légion.
La construction progressive d'un statut du stagiaire , afin d'apporter une réponse à la précarité dans laquelle se trouvent de nombreux jeunes en stage et de mettre un terme aux détournements de la réglementation communément constatés, n'a jusqu'à présent pas abouti à un équilibre satisfaisant entre le soutien au développement des stages et la protection des stagiaires, au détriment de ces derniers. Face à des situations inacceptables, qui ont un effet délétère sur la jeunesse, le maintien du statu quo n'était pas envisageable. C'est la raison pour laquelle François Hollande s'est engagé, lors de la campagne présidentielle de 2012, à encadrer les stages pour empêcher les abus .
La présente proposition de loi traduit cette promesse en insistant sur plusieurs points essentiels. Ainsi, la responsabilisation des établissements d'enseignement dans l'accompagnement et le suivi de leurs élèves en stage est pour la première fois mise au coeur du dispositif. Pour faire disparaître les excès les plus inacceptables, un nombre maximal de stagiaires par organisme d'accueil sera fixé par décret. Les droits sociaux des stagiaires sont précisés quant à leur durée de travail et étendus en matière de congés et d'accès aux tickets-restaurant et à la prise en charge de leurs frais de transport. Enfin, l'inspection du travail est chargée du contrôle de l'application de ces règles et peut sanctionner tout manquement d'une amende administrative .
La très forte croissance du nombre de stagiaires, qui est passé de 600 000 en 2007 à 1,6 million par an en 2012, a donné tort à tous ceux qui prédisaient, au fil des années, un tarissement de l'offre de stages proportionnel aux nouveaux droits reconnus aux stagiaires. Avec ce texte, il ne s'agit pas de dénoncer, par un amalgame peu judicieux, les comportements de l'ensemble des organismes accueillant des stagiaires mais de répondre à une attente forte de la jeunesse , qui se trouve dans une situation de fragilité économique particulièrement inquiétante à cause de la persistance d'un chômage élevé et d'une croissance économique faible.
Le législateur prend enfin ses responsabilités en garantissant l'effectivité des droits des stagiaires. A d'autres maintenant, que ce soit les acteurs économiques ou les établissements d'enseignement, de prendre les leurs.
EXPOSÉ GÉNÉRAL
I. LA CONSTRUCTION PROGRESSIVE DU STATUT DU STAGIAIRE ET DU RÉGIME JURIDIQUE DES STAGES ET DES PÉRIODES DE FORMATION EN MILIEU PROFESSIONNEL
A. LA FORMATION EN MILIEU PROFESSIONNEL, PRATIQUE AU CoeUR DES CURSUS DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR MAIS AUSSI SECONDAIRE
1. Les stages de l'enseignement supérieur
Pratique traditionnelle de mise en situation professionnelle et de découverte d'une activité en cours de scolarité, les stages ont connu un fort développement à partir du milieu des années 2000 , dans le cadre de la réforme de l'organisation des études supérieures (processus de Bologne et mise en place du système LMD) et de la professionnalisation des enseignements.
Dans le même temps sont apparus des mouvements, comme le collectif Génération précaire 1 ( * ) , qui dénoncent les abus auxquels donnent lieu ces stages et l'exploitation des stagiaires qui, pour certains, exercent parfois les mêmes fonctions que des salariés sans les mêmes droits ni la même compensation financière.
Le Conseil économique, social et environnemental 2 ( * ) (Cese) a estimé qu'il y avait eu, en 2012, un million de stages de plus qu'en 2006. La mesure précise de cette évolution est rendue difficile par le caractère lacunaire des données statistiques disponibles et par la multiplicité des situations dans lesquelles un stage peut être réalisé. Leur très forte croissance, que le Cese expliquait également par la montée du chômage des jeunes et leurs difficultés d'insertion sur le marché du travail, n'en reste pas moins indéniable.
Selon le ministère de l'enseignement supérieur, durant l'année universitaire 2011-2012, 32 % des étudiants inscrits à l'université ont suivi un stage 3 ( * ) . Cela représente environ 500 000 d'entre eux, ce chiffre ne prenant pas en compte les élèves des écoles d'ingénieurs ou de commerce ou des organismes de formation privés. La proportion de stagiaires progresse avec l'avancée dans les cursus, tandis que 63 % des stages durent au moins deux mois . Quasiment absents dans les premières années de la licence, les stages sont au contraire la norme pour clore les cursus les plus professionnalisants : 84 % des inscrits en troisième année de licence professionnelle en ont réalisé un, comme 91 % des élèves de deuxième année de DUT et 93 % de ceux de troisième année de formation d'ingénieur.
Tableau n°
1
: Proportion
d'étudiants à l'université ayant fait un stage
en
2011-2012, selon le cursus
Source
:
ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement
supérieur et de la recherche, enquête sur les stages
2. Les périodes de formation en milieu professionnel de l'enseignement secondaire
Afin de permettre à leurs élèves d'acquérir des compétences professionnelles en situation réelle de production, les cursus de la voie professionnelle de l'enseignement secondaire comportent des périodes de formation en milieu professionnel (PFMP) obligatoires , évaluées et dont la réalisation conditionne l'obtention du diplôme.
En règle générale les PFMP représentent, pour les CAP 4 ( * ) , 14 semaines réparties sur deux ans et pour les baccalauréats professionnels 5 ( * ) 22 semaines réparties sur trois ans . Selon les informations recueillies par votre rapporteur lors de ses auditions, cela équivaut, au total, à 24 millions de journées par an , ou 37 jours par élève. Environ 650 000 jeunes sont concernés, 125 000 au titre du CAP et 525 000 au titre du bac pro. Ces PFMP sont réalisées sous la responsabilité de l'équipe pédagogique de l'établissement d'enseignement, qui assure leur suivi notamment par des visites sur le lieu de stage.
Dans l'enseignement agricole , qui compte plus de 150 000 élèves et où les formations dans leur grande majorité à finalité professionnelle, les PFMP sont également très répandues et peuvent débuter dès 14 ans. Elles atteignent 16 semaines sur deux ans dans les cursus de bac pro. Toutefois, au sein des maisons familiales rurales (MFR), établissements privés sous contrat qui proposent des formations en alternance construites autour d'un « rythme approprié » 6 ( * ) entre enseignements théoriques et pratiques, les PFMP peuvent représenter jusqu'à 40 semaines sur deux ans.
B. UNE SÉDIMENTATION DE MESURES APPELANT À ÊTRE CLARIFIÉE
C'est à partir du milieu des années 2000 que la nécessité d'un encadrement législatif et réglementaire des stages est apparue indispensable. Il s'est construit en plusieurs étapes, entre 2006 et 2013, cherchant à concilier la définition d'un statut protecteur du stagiaire et le développement d'une offre de stages insérés dans les cursus pédagogiques en direction des élèves et des étudiants.
L'article 9 de la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances 7 ( * ) constitue la première tentative de réglementation des stages. Il a :
- conditionné tout stage à la signature d'une convention entre le stagiaire, l'entreprise d'accueil et l'établissement d'enseignement ;
- fixé à six mois la durée maximale des stages, « à l'exception de ceux qui sont intégrés dans un cursus pédagogique » ;
- rendu obligatoire le versement par l'entreprise d'une gratification pour les stages d'une durée supérieure à trois mois consécutifs.
L'article 10 de cette même loi a institué une exonération de charges sociales pour les gratifications dont le montant est fixé au minimum légal.
Le pouvoir réglementaire est venu en préciser les modalités d'application. Le décret du 29 août 2006 8 ( * ) a défini les clauses obligatoires des conventions de stage (définition des activités du stagiaire, durée du stage, horaires de présence dans l'entreprise, gratification, etc.) et a imposé que leur soit annexé la « charte des stages étudiants en entreprise », signée le 26 avril 2006 sous l'égide du Gouvernement par les organisations représentatives des employeurs (Medef, CGPME, UPA, UNAPL), certains syndicats étudiants (Fage, Uni, PDE) et les représentants des établissements d'enseignement supérieur (Conférence des présidents d'université (CPU), des grandes écoles (CGE) et des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs (CDEFI)).
Il a également posé le principe selon lequel aucune convention de stage ne peut être conclue pour « remplacer un salarié en cas d'absence, de suspension de son contrat de travail ou de licenciement, pour exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent, pour faire face à un accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ou pour occuper un emploi saisonnier ».
Le décret du 31 janvier 2008 9 ( * ) a quant à lui établi le régime de la gratification versée aux stagiaires, qui n'a pas le caractère d'un salaire. Sauf si une convention de branche ou un accord professionnel étendu s'applique, son montant est de 12,5 % du plafond horaire de la sécurité sociale 10 ( * ) . Elle est due à compter du premier jour du premier mois de stage et est versée mensuellement. Ce même décret a demandé aux entreprises de tenir une liste des conventions de stage qu'elles ont conclues et a étendu l'ensemble de ces règles aux stages réalisés dans des associations, des entreprises publiques et des établissements publics à caractère industriel et commercial (Epic).
La
proposition de loi
du groupe socialiste
visant à organiser
Déposée le 18 mai 2006 , la proposition de loi (PPL) dont votre rapporteur était l'auteur proposait d'insérer dans le code de l'éducation, et par parallélisme dans le code du travail, les dispositions relatives à l'encadrement des stages et de renforcer la protection des stagiaires. La PPL fixait ainsi leur rémunération minimale à 50 % du Smic pour tout stage d'une durée supérieure à un mois . Elle améliorait la prise en compte des arrêts maladie et prévoyait la prise en charge des frais de transport, d'hébergement et de restauration par l'organisme d'accueil. Elle associait davantage les établissements d'enseignement au suivi des stages, en particulier pour prévenir les ruptures. En cas de recrutement à l'issue du stage, elle déduisait sa durée de la période d'essai et la prenait en compte dans le calcul de l'ancienneté. Elle définissait également l'abus de stage , puni de 1 500 euros d'amende, comme le recours à un stagiaire pour, notamment, remplacer un salarié absent ou occuper un emploi permanent 11 ( * ) ou bien comme le fait de recruter en stage un diplômé qui aurait vocation, par sa formation, à occuper ce poste de travail en tant que salarié à part entière. Elle visait enfin à offrir aux stagiaires la même protection qu'aux salariés en matière d'accidents du travail et de santé au travail, prévoyant ainsi que l'organisme d'accueil souscrive une assurance en responsabilité civile pour les dommages occasionnés par le stagiaire, et instituait une information des institutions représentatives du personnel (IRP) sur la politique de l'entreprise en matière de stages. |
L'accord national interprofessionnel (Ani) du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail constitue la première prise en compte des stagiaires par les partenaires sociaux puisqu'il propose, à son article 3, qu'en cas d'embauche à la fin d'un stage « intégré à un cursus pédagogique réalisé lors de la dernière année d'études » sa durée soit prise en compte dans la période d'essai, sans que cela puisse la réduire de plus de moitié, sauf accord collectif plus favorable. L'article 2 de la loi du 25 juin 2008 12 ( * ) a introduit cette disposition à l'article L. 1221-24 du code du travail.
Le décret du 21 juillet 2009 13 ( * ) a défini les règles relatives aux stages réalisés dans les administrations de l'Etat et dans ses établissements publics , hormis les Epic déjà pris en compte par le décret du 31 janvier 2008. Il transpose les règles applicables dans le secteur privé (convention de stage obligatoire, modalités de versement et montant minimal de la gratification, etc.) tout en prévoyant la possibilité d'une prise en charge des frais de transport et de déplacement au même titre que les autres agents publics. Toutefois, contrairement au droit alors en vigueur pour les entreprises, la gratification est rendue obligatoire pour les stages d'une durée minimale de deux mois et non de trois mois.
La prime à l'embauche de jeunes stagiaires Dans le cadre du plan d'urgence pour l'emploi des jeunes mis en place en 2009 par le gouvernement Fillon, une prime à l'embauche des stagiaires avait été instituée 14 ( * ) au bénéfice des employeurs recrutant en CDI un jeune de moins de 26 ans ayant effectué un stage d'au moins deux mois dans leur organisme. Initialement réservée aux embauches effectuées entre le 24 avril 2009 et le 30 septembre 2009 , elle a été prolongée 15 ( * ) jusqu'au 30 juin 2010 . Cette prime, d'un montant de 3 000 euros , était versée en deux temps : une première moitié dans le mois suivant la demande, une seconde moitié dès lors que le contrat du jeune avait duré plus de six mois. En étaient exclus les employeurs en retard dans leurs obligations en matière de sécurité sociale, qu'elles soient déclaratives ou de paiement, ainsi que ceux ayant procédé à un licenciement économique, sur le poste concerné, moins de six mois avant l'embauche en CDI du stagiaire. La Dares a procédé à l'évaluation 16 ( * ) de cette mesure, qui a concerné 7 245 personnes pour un coût de 20 millions d'euros . Plus de la moitié des embauches ont eu lieu dans le secteur des services aux entreprises, notamment le conseil sous toutes ses formes (gestion, informatique, etc.). Ce sont les jeunes au niveau de formation le plus élevé qui en ont bénéficié : 85 % d'entre eux avaient au moins un bac + 3 et 60 % étaient en troisième cycle ou en école d'ingénieur. Les stages longs ont été privilégiés, tandis que les femmes ont été défavorisées ( 37 % du total) en raison des secteurs concernés. Au final, le recrutement s'est parfois fait sur des postes pour lesquels le jeune était trop qualifié . Surtout, ce dispositif a très peu concerné les filières professionnelles courtes (IUT, etc.) et l'enseignement secondaire. Il est donc permis de s'interroger sur l'effet d'aubaine qu'elle a pu susciter. |
C'est la loi du 24 novembre 2009 17 ( * ) qui, en modifiant la loi de 2006, abaisse le seuil de gratification à deux mois pour les entreprises . Elle a également interdit, à la suite de l'adoption d'un amendement sénatorial, les stages se situant en dehors d'un cursus pédagogique.
Le décret du 25 août 2010 18 ( * ) en a tiré les conséquences et a défini les conditions dans lesquelles un stage peut être considéré comme intégré à un cursus pédagogique : ses finalités et ses modalités doivent être définies dans l'organisation de la formation et l'étudiant doit en faire une restitution évaluée par l'établissement. Sont également acceptés, dès lors qu'ils respectent ces deux conditions, les années de césure et les stages réalisés dans le cadre de formations de réorientation ou de formations complémentaires visant à favoriser l'insertion professionnelle.
Les partenaires sociaux se sont à nouveau saisis de la question des stages lors la négociation sur l'emploi des jeunes qu'ils ont conduite au premier semestre 2011. Celle-ci s'est traduite par quatre Ani, dont l'Ani du 7 juin 2011 sur l'accès des jeunes aux formations en alternance et aux stages en entreprise . Rappelant les principes généraux des stages, c'est-à-dire leur insertion dans un cursus pédagogique et leur différence par rapport aux postes de travail permanents de l'entreprise, il vise à améliorer leur qualité et la situation des stagiaires dans leur structure d'accueil.
La loi du 28 juillet 2011 19 ( * ) en a assuré la transposition législative. Elle a regroupé dans le code de l'éducation les dispositions relatives aux stages et a institué, comme le recommandait l'Ani :
- une période de carence entre deux stages dans un même poste égale au tiers de la durée du stage précédent ;
- une durée maximale de stage de six mois par an pour une personne dans une même entreprise ;
- l'accès des stagiaires aux activités sociales et culturelles du comité d'entreprise ;
- l'information du comité d'entreprise, une fois par trimestre, sur le nombre de stagiaires accueillis dans l'entreprise et les conditions de leur accueil ;
- un registre des conventions de stage dans chaque entreprise, distinct du registre unique du personnel.
Cette loi a également étendu l'obligation de gratification aux stages d'une durée de deux mois non consécutifs au cours d'une même année et a rendu plus favorables les règles relatives à la prise en compte, en cas d'embauche, de la durée du stage dans la période d'essai et dans l'ancienneté. Le stage peut être déduit de la période d'essai, dans la limite de la moitié de celle-ci, si le recrutement intervient dans les trois mois suivant l'issue du stage. Par ailleurs, lorsque cette embauche est effectuée dans un emploi en correspondance avec les activités qui avaient été confiées au stagiaire, la durée du stage est déduite intégralement de la période d'essai. Enfin, la durée de tout stage de plus de deux mois est prise en compte pour l'ouverture et le calcul des droits liés à l'ancienneté.
La loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche (ESR) du 22 juillet 2013 20 ( * ) a, pour la première fois, apporté une définition du stage : il s'agit d'une « période temporaire de mise en situation en milieu professionnel au cours de laquelle l'étudiant acquiert des compétences professionnelles qui mettent en oeuvre les acquis de sa formation en vue de l'obtention d'un diplôme ou d'une certification » (art. L. 612-8 du code de l'éducation). Elle a institué un volume pédagogique minimal de formation, qui doit accompagner le stage et être fixé par décret. Elle a également étendu l'obligation de gratification des stages de plus de deux mois à toutes les personnes publiques , collectivités territoriales comprises.
Ce texte a également reconnu aux stagiaires la même protection qu'aux salariés en matière de harcèlement moral ou sexuel et dans l'exercice de leurs droits et libertés dans l'organisme qui les accueille. Il a confirmé que les stages réalisés dans le cadre des formations sanitaires conduisant aux carrières d'auxiliaire médical (infirmier, kinésithérapeute, pédicure-podologue, orthophoniste, etc.) sont exonérés de l'obligation de gratification 21 ( * ) . Il a également prévu une évaluation par les étudiants de la qualité de leur accueil en stage. Enfin, il a limité les dérogations à la durée maximale de six mois , la limitant à des formations fixées par décret « compte tenu des spécificités des professions nécessitant une durée de pratique supérieure auxquelles préparent ces formations ».
A la suite de l'adoption de cette loi, le décret du 19 août 2013 22 ( * ) a codifié, aux articles D. 612-48 à D. 612-60 du code de l'éducation, les dispositions réglementaires relatives aux stages en entreprise ou dans les administrations issues des décrets de 2006, 2008, 2009 et 2010 précités.
Enfin, la récente réforme des retraites 23 ( * ) a ouvert aux étudiants la possibilité d'obtenir la prise en compte de deux trimestres de stage au titre de leur durée d'assurance vieillesse . Ils devront pour cela verser des cotisations, qui pourront être échelonnées. La demande devra être faite dans un délai de deux ans. Un décret doit encore venir en définir les modalités d'application.
C. DES INITIATIVES EUROPÉENNES EN RETARD PAR RAPPORT AU CADRE FRANÇAIS
Dans le cadre de la stratégie Europe 2020 , dont l'un des objectifs est d'atteindre, à l'horizon 2020, un taux d'emploi des 20-64 ans de 75 %, la Commission européenne a proposé en décembre 2012 la mise en place d'une garantie pour la jeunesse , afin que tout jeune européen de moins de 25 ans se voie proposer, dans les quatre mois suivant sa sortie du système éducatif ou la perte de son emploi, un emploi de qualité, une formation continue, un apprentissage ou un stage.
Adoptée par le Conseil de l'Union européenne sous la forme d'une recommandation le 22 avril 2013 24 ( * ) , la garantie pour la jeunesse s'accompagne d'une réflexion sur la qualité des stages , aboutissement d'un processus enclenché à la fin des années 2000.
Les recommandations en droit communautaire Contrairement au règlement, à la directive ou à la décision, la recommandation n'est pas un acte juridique contraignant directement applicable, ou que les Etats membres devraient transposer en droit interne. Il n'est donc pas soumis à la procédure législative ordinaire Il s'agit d'un acte du Conseil de l'Union européenne 25 ( * ) , pris le plus souvent sur proposition de la Commission en application de l'article 292 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) qui, comme le précise l'article 288 de ce même traité, « ne lie pas ». Le but est plutôt, par ce biais, de fixer un cadre indicatif général et d'inciter les Etats membres à s'y conformer , tout en tenant compte du fait que les différences d'approche entre eux peuvent être très importantes. |
Après avoir lancé en décembre 2012 une consultation des partenaires sociaux européens, qui ont décidé de ne pas entrer en négociation sur ce sujet, la Commission a soumis au Conseil en décembre 2013 une proposition de recommandation relative à un cadre de qualité pour les stages . Elle a été adoptée par le conseil emploi, politique sociale, santé et consommateurs lors de sa réunion du 10 mars 2014 26 ( * ) .
Aujourd'hui le chômage des moins de 25 ans atteint 23,4 % en 2013 dans l'UE, contre 10,8 % pour l'ensemble de la population 27 ( * ) . De plus, cette initiative intervient alors qu'une enquête Eurobaromètre sur la qualité des stages dans l'UE 28 ( * ) , effectuée en mai 2013 et dont les résultats ont été publiés en novembre de la même année, a permis d'obtenir pour la première fois un constat objectif sur la situation des stages en Europe. Cette étude a mis en lumière le fait qu'ils sont très répandus, puisque 46 % des personnes interrogées ont déclaré en avoir réalisé au moins un , mais aussi les insuffisances de leur encadrement.
Ainsi, 59 % des stagiaires n'ont pas été rémunérés lors de leur dernier stage, tandis que 35 % des stages ne sont pas encadrés par une convention ou un contrat écrit signé avec l'organisme d'accueil.
Parmi ceux ayant bénéficié d'une gratification, 53 % ont estimé qu'elle était insuffisante pour assurer leur subsistance, alors que 80 % des stagiaires ont jugé que leurs conditions de travail, par exemple la durée ou la charge de travail, étaient équivalentes à celles des salariés de l'organisme.
Le cadre de qualité pour les stages, reconnaissant que l'apport pédagogique de certains stages est déficient ou que d'autres viennent désormais se substituer à des emplois, vise donc à améliorer les conditions de travail et d'apprentissage des stagiaires . Conscient que de nombreux fournisseurs de stages « peuvent se servir des stagiaires comme d'une main d'oeuvre bon marché, voire non rémunérée », le Conseil invite ainsi, pour y remédier, à rendre obligatoire la signature d'une convention de stage établissant « les objectifs d'apprentissage, des conditions de travail correctes, les droits et obligations des parties et une durée de stage raisonnable ».
Le système français est bien évidemment déjà conforme à cette recommandation, puisque la convention y est indispensable pour conclure un stage depuis 2006. A cet égard, ce n'est pas le seul point où la France est particulièrement en avance par rapport à l'harmonisation proposée par l'UE .
En effet, la recommandation précise que les « stages pratiques qui relèvent d'un cursus de l'enseignement formel » sont exclus de son champ d'application. Il y a là une contradiction essentielle avec le modèle français qui interdit, à juste titre, tout stage réalisé en dehors d'un cursus de l'enseignement secondaire ou supérieur . Le stage constituant l'une des étapes de la formation, il est avant tout un outil pédagogique qui doit s'inscrire dans la préparation d'un diplôme au sein d'un établissement d'enseignement. Une fois celle-ci achevée, le stage ne saurait être une modalité d'insertion professionnelle des diplômés pour pourvoir des postes de travail permanents dans quelque organisme que ce soit.
Il y a lieu de se féliciter que les institutions européennes se soient saisies de la question des stages pour améliorer leur qualité à travers l'UE et protéger davantage les droits des stagiaires. D'importants progrès peuvent être accomplis, certains pays n'offrant aucun cadre juridique spécifique aux stages. En revanche, la France dispose sans doute de la réglementation la plus avancée , fondée sur une définition pédagogique du stage, qui combine un socle protecteur du statut du stagiaire et la reconnaissance du rôle essentiel de l'organisme d'accueil pour la réussite du stage.
La portée de cette recommandation pour notre pays est donc limitée, puisque nous nous conformons déjà à la très grande majorité de ses dispositions. Il n'est en revanche pas question d'autoriser les stages en dehors des cursus de formation , ce qui marquerait un retour en arrière de près de dix ans. La présente proposition de loi veille au contraire à lutter contre les dérives constatées en la matière en confirmant l'institution d'une durée minimale de formation en établissement accompagnant un stage. Il appartient au Gouvernement de présenter le système français à nos partenaires européens et à en promouvoir la diffusion, au bénéfice de toute la jeunesse de l'UE.
II. UNE PROPOSITION DE LOI POUR RECENTRER LES STAGES AUTOUR DE LEUR CARACTÈRE PÉDAGOGIQUE ET AMÉLIORER LA PROTECTION DES STAGIAIRES
A. DES STAGES DEVENUS, DANS CERTAINS SECTEURS, UN SUBSTITUT AU SALARIAT
Tous les secteurs de l'économie française sont concernés par les stages, et des stagiaires sont accueillis quelle que soit la taille des entreprises. Dans leur grande majorité ce sont périodes enrichissantes, sur un plan pédagogique mais aussi relationnel et humain , pour les stagiaires comme pour les organismes d'accueil. Ils apportent une expérience professionnelle qui est un atout pour l'obtention d'un diplôme et l'entrée sur le marché du travail. Ils bénéficient également à la structure qui reçoit des stagiaires, la poussant parfois à se remettre en question pour assurer, dans les meilleures conditions, une transmission efficace des compétences .
Pourtant, les abus sont suffisamment loin d'être négligeables pour qu'ils aient, depuis maintenant près d'une décennie, un écho médiatique très fort. L'hétérogénéité de la qualité des stages s'explique par la diversité des situations professionnelles et personnelles rencontrées, ainsi que les niveaux variables de formation des stagiaires. Elle est également le symptôme d'un insuffisant suivi pédagogique par certains établissements d'enseignement, et des difficultés croissantes que rencontrent les jeunes diplômés pour trouver un premier emploi. Elle est aussi la conséquence de stratégies mises au point par les entreprises, sous diverses formes, pour « exploiter » les stagiaires.
Devenu un véritable mode de recrutement de jeunes travailleurs, le recours au stage tend à se substituer, dans certains secteurs, à l'emploi salarié . Les conséquences sont doubles : d'abord la précarisation des jeunes qui enchaînent des stages sans véritable perspective d'une stabilisation de leur situation professionnelle, puis l'exclusion progressive du marché du travail de salariés peu qualifiés dont les tâches sont confiées à des stagiaires. Les emplois destinés aux jeunes diplômés disparaissent alors que les entreprises, lorsqu'elles recrutent véritablement, exigent une expérience professionnelle qu'il est déraisonnable d'attendre d'une personne à peine sortie de formation.
Il n'existe pas de justification pédagogique au fait que certaines entreprises aient autant de stagiaires que de salariés ou que certaines entreprises du Cac 40 comptent près de 30 % de stagiaires. Dans des secteurs comme l'édition, la communication, la publicité, la culture ou encore l'humanitaire, les témoignages sur des structures ou des services fonctionnant principalement grâce à des stagiaires qui, souvent, ne bénéficient que du niveau minimal de gratification et qui occupent des postes permanents s'accumulent. Certains employeurs vont même jusqu'à refuser de conclure des conventions de stage d'une durée supérieure à deux mois pour éviter d'avoir à verser la gratification. Parfois même, le stagiaire doit former son successeur.
Alors qu'il a vocation à s'inscrire, en particulier à la fin d'un cursus, dans un processus de pré-recrutement , le stage est loin d'aboutir systématiquement, ou même régulièrement, à une embauche. Selon l'enquête Eurobaromètre précitée, seulement 27 % des stagiaires se sont vu proposer un contrat de travail à l'issue de leur stage.
De trop nombreux employeurs utilisent les stages pour disposer à moindre coût d'une main d'oeuvre qui, en fin de cursus de l'enseignement supérieur, est particulièrement qualifiée . D'autres négligent leur rôle d'encadrement du stagiaire, le laissant sans instructions particulières et limitant ainsi l'apport pédagogique du stage.
Ils prennent le risque d'une condamnation pour travail dissimulé , ainsi que l'a jugé la Cour de cassation 29 ( * ) dans une affaire où 86 stagiaires, recrutés pour des vendanges, ont « réalisé une prestation de travail non qualifié, sans bénéficier d'une formation, au profit de la société, sous le contrôle de ses salariés et moyennant une rémunération indirecte ». Il s'agit toutefois d'un cas extrême , où le recours à un contrat de travail aurait dû paraître évident et dans lequel l'absence de formation ainsi que le travail non qualifié demandé distinguent clairement cette situation d'un stage.
Un stagiaire peut également demander la requalification de sa convention de stage en contrat de travail devant le conseil de prud'hommes, en particulier s'il établit la démonstration que son stage correspond en réalité à l'un des cas de recours interdits par la réglementation (exécution d'une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent, remplacement d'un salarié absent, etc.). La Cour de cassation a également confirmé 30 ( * ) l'analyse d'une cour d'appel ayant reconnu l'existence d'un contrat de travail lorsque les tâches effectuées « dépassaient largement » les travaux confiés à un stagiaire et que la rémunération versée était disproportionnée par rapport aux gratifications habituellement versées aux stagiaires.
En se basant sur un faisceau d'indices , en particulier sur la nature des tâches effectuées , la formation fournie ou l'encadrement pédagogique réalisé ainsi que l'existence d'un lien de subordination avec l'employeur, la juridiction prononce, le cas échéant, la requalification. Ce lien de subordination caractérise, aux yeux de la Cour de cassation, le salariat. Elle l'a défini par quatre critères cumulatifs 31 ( * ) : l'exécution d'un travail sous l'autorité de l'employeur et le pouvoir de celui-ci de donner des ordres, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner tout manquement.
Néanmoins, la réalité des stages, notamment leur faible durée et la nécessité, pour le stagiaire, de valider cette expérience professionnelle pour obtenir son diplôme, fait que le volume de contentieux en la matière est très faible et la jurisprudence limitée. La technicité de cette question et le coût que représente le recours à un avocat découragent la majorité de ceux qui subissent ce salariat déguisé. La vulnérabilité des stagiaires ne les incite pas à faire entendre leur voix, ni à faire valoir leurs droits.
A l'heure actuelle, les pouvoirs publics ne peuvent que constater cet état de fait, sans véritables outils à leur disposition pour y remédier. Une réponse législative globale est nécessaire, qui mette en place un cadre juridique stable pour encadrer les stages et permettre que leur développement se poursuive , au bénéfice des jeunes comme des entreprises et sans se faire au détriment de l'emploi salarié. Tel est l'esprit de la présente proposition de loi.
B. UN TEXTE QUI RESPONSABILISE LES ACTEURS CONCERNÉS ET MET L'ACCENT SUR LE SUIVI PÉDAGOGIQUE DU STAGIAIRE
1. Les dispositions de la proposition de loi
L'article 1 er constitue le coeur de la proposition de loi puisqu'il réécrit l'ensemble des dispositions du code de l'éducation relatives aux stages, les déplaçant de la troisième à la première partie de ce code, les complétant et établissant un régime unique pour les stages , qui ont lieu dans l'enseignement supérieur, et les périodes de formation en milieu professionnel suivies dans la voie professionnelle de l'enseignement secondaire.
Les articles L. 612-8 à L. 612-14 sont remplacés par les articles L. 124-1 à L. 124-20. Au-delà de ces questions de forme, plusieurs modifications de fond sont apportées :
- l'article L. 124-2 nouveau définit, pour la première fois, les missions de l'établissement d'enseignement envers le stagiaire. Il doit appuyer ses élèves ou étudiants dans leurs recherches d'un stage, définir dans la convention les compétences à acquérir ou à développer et désigner un enseignant référent , chargé de s'assurer du bon déroulement du stage et du respect de la convention ;
- à l'article L. 124-5 nouveau, la possibilité de déroger à la durée maximale de six mois pour un stage est supprimée : seule une période transitoire de deux ans à compter de la publication de la loi est maintenue, pour des formations fixées par décret ;
- l'article L. 124-7 nouveau reprend les dispositions figurant jusqu'à présent dans la partie réglementaire du code, à l'article D. 612-53, et qui font la liste des cas dans lesquels il est interdit de conclure une convention de stage (tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent, remplacement d'un salarié, etc.) ;
- l'article L. 124-8 nouveau pose le principe d'un quota maximal de stagiaires par entreprise , qui sera déterminé par décret en Conseil d'Etat ;
- les articles L. 124-9 et L. 124-10 nouveaux instituent un tuteur de stage , désigné par l'organisme d'accueil pour accueillir et accompagner le stagiaire et chargé du respect du volet pédagogique de la convention de stage. Un décret en Conseil d'Etat fixera le nombre maximum de stagiaires pouvant être suivis par un même tuteur ;
- l'article L. 124-13 nouveau reconnaît aux stagiaires le droit à un congé de maternité, de paternité ou d'adoption d'une durée équivalente à celui des salariés. Il permet plus généralement à la convention de stage de prévoir des congés et autorisations d'absence pour les stagiaires ;
- l'article L. 124-14 nouveau soumet les stagiaires aux règles applicables aux salariés en ce qui concerne la durée de présence dans la structure, la présence de nuit , le repos quotidien, hebdomadaire et les jours fériés ;
- l'article L. 124-15 nouveau permet au rectorat ou à l'établissement d'enseignement supérieur de valider une période de mise en situation professionnelle ou un stage interrompu en raison d'une maladie, d'un accident ou d'une grossesse, ou bien de reporter son terme en cas d'accord des parties ;
- l'article L. 124-17 nouveau confie à l'inspection du travail la mission de contrôler les infractions au quota maximal de stagiaires par entreprise ainsi qu'aux règles en matière de durée de travail et de droit au repos des stagiaires. Une amende administrative , d'un montant maximal de 2 000 euros par stagiaire concerné par un tel manquement ou de 4 000 euros en cas de récidive est instituée.
Enfin, la mission d'appui aux étudiants dans leur recherche de stage est confiée au bureau d'aide à l'insertion professionnelle de chaque université.
L'article 2 supprime le registre des conventions de stage et intègre les informations relatives aux stagiaires dans une partie spécifique du registre unique du personnel .
L'article 3 modifie, dans le code du travail, une référence rendue obsolète par l'article 1 er .
L'article 4 complète la liste des infractions constatées par les inspecteurs du travail en y ajoutant les manquements aux articles nouveaux du code de l'éducation relatifs aux conditions d'accueil et d'activité des stagiaires dans l'entreprise.
L'article 5 met en place une nouvelle procédure d'information du stagiaire, de l'établissement d'enseignement et des IRP de l'organisme d'accueil par l'agent de contrôle de l'inspection du travail lorsque celui-ci constate que les conditions d'emploi du stagiaire (poste occupé, droit au repos, durée de travail, etc.) ne sont pas conformes aux dispositions du code de l'éducation introduites par la présente proposition de loi.
Enfin, l'article 6 exonère d'impôt sur le revenu les gratifications reçues par les stagiaires , dans la limite du montant annuel du Smic, au même titre que les salaires versés aux apprentis. Son paragraphe II constitue le gage de la proposition de loi.
2. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale
La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a adopté 11 amendements sur le texte, certains étant de nature rédactionnelle ou de coordination juridique.
Elle a reconnu que les stages et périodes de formation en milieu professionnel visent à favoriser l'insertion professionnelle des jeunes. Elle a également confié aux établissements d'enseignement une mission d'accompagnement des élèves et étudiants dans leur recherche de stages, et non plus seulement d'appui. Enfin, elle a surtout rendu obligatoire la définition , dans la convention de stage, d'une possibilité de congés pour le stagiaire .
En séance plénière, l'Assemblée nationale a adopté 21 amendements sur les 117 qui avaient été déposés.
Sur proposition du Gouvernement , elle a :
- renvoyé à un décret le soin de définir le nombre de stagiaires qui pourront être suivis simultanément par un même enseignant référent et les modalités de ce suivi (art. L. 124-2) ;
- prévu qu'un accord d'entreprise puisse préciser les tâches confiées au tuteur ainsi que la valorisation de cette fonction ;
- précisé que le temps de présence des stagiaires ne peut pas excéder la durée de travail des salariés de l'organisme d'accueil ;
- permis que le stage ou la période de formation en milieu professionnel puisse être validé si le stagiaire l'a interrompu en accord avec son établissement car il devait effectuer des tâches non prévues par la convention de stage, ou si celle-ci a été rompue par l'organisme d'accueil ;
- levé le gage.
Sur proposition des députés du groupe SRC , elle a confié aux établissements d'enseignement la mission d'encourager la mobilité internationale des stagiaires, « notamment dans le cadre des programmes de l'Union européenne ». Elle a apporté une reconnaissance aux stages réalisés à l'étranger , qui devront faire l'objet d'un échange préalable entre l'établissement d'enseignement, le stagiaire et l'organisme d'accueil concernant leur déroulement et leur encadrement. Une « fiche d'information relative aux droits et devoirs du stagiaire dans le pays d'accueil » devra dans ce cas être annexée à la convention (art. L. 124-18 et L. 124-19 nouveaux). Elle a enfin mis sur un pied d'égalité les personnes en stage d'une durée de plus de deux mois et les salariés de l'organisme d'accueil en matière d'accès au restaurant d'entreprise ou aux titres-restaurant et de prise en charge des frais de transport .
A l'initiative des députés Fanélie Carrey-Comte, Pascal Cherki et Jean-Marc Germain, elle a interdit que des tâches dangereuses pour la santé ou la sécurité des stagiaires leur soient confiées.
Afin de tenir compte de la situation de certaines formations professionnelles, dans lesquelles des stages sont réalisés de manière discontinue, alternant présence en entreprise et formation, un amendement présenté par le député UMP Gérard Cherpion a été adopté concernant la mesure de la durée des stages ou périodes de formation en milieu professionnel. Elle se fera sur la base de la présence effective du stagiaire dans l'organisme d'accueil .
Sur proposition des députés du groupe GDR , l'Assemblée nationale a prévu qu'en cas de contentieux devant les prud'hommes concernant la requalification d'une convention de stage en contrat de travail , l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui dispose d'un délai d'un mois suivant sa saisine pour statuer au fond . Cette disposition figurait dans la proposition de loi examinée par le Sénat en 2007. Elle a également étendu les compétences de l'inspection du travail au contrôle des manquements aux différents cas d'interdiction de conclure une convention de stage.
Enfin, sur proposition du député Denys Robiliard , elle a inséré un article 7 qui porte sur la responsabilité de l'organisme d'accueil en cas d'accident du travail survenu à un stagiaire. La jurisprudence de la Cour de cassation ne permet pas à l'établissement d'enseignement de se retourner contre l'organisme d'accueil pour lui faire assumer les conséquences financières d'une faute inexcusable. En l'état actuel de la législation, seul l'établissement d'enseignement supporte cette responsabilité, sans possibilité d'action récursoire. Cet article additionnel vise à corriger cette situation, dès lors que la faute inexcusable de l'employeur est reconnue par la justice.
*
* *
Réunie le mercredi 16 avril 2014 sous la présidence de Mme Annie David, présidente, la commission a adopté 15 amendements présentés par son rapporteur puis la proposition de loi ainsi modifiée.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er (art. L. 124-1 à L. 124-20 [nouveaux] et L. 612-8 à L. 612-14 du code de l'éducation, art. L. 351-17 du code de la sécurité sociale, art. L. 1454-5 [nouveau] et L. 6241-8-1 du code du travail, art. L. 4381-1 du code de la santé publique) - Encadrement du recours aux stages et définition du statut du stagiaire
Objet : Cet article unifie, dans une partie spécifique du code de l'éducation, l'encadrement des stages de l'enseignement supérieur et des périodes de formation en milieu professionnel (PFMP) de l'enseignement secondaire, qui faisaient jusqu'à présent l'objet de dispositions distinctes. Il met l'accent sur les obligations des établissements d'enseignement, instaure un nombre maximal de stagiaires par entreprise et renforce les droits des stagiaires en matière de congés et de conditions de travail. L'inspection du travail est chargée d'en contrôler l'application et peut sanctionner d'une amende administrative les manquements qu'elle constate.
I - Le dispositif proposé
1. L'organisation juridique de l'encadrement des stages
En l'état actuel du droit, le cadre législatif des stages, dont la première pierre a été posée par la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances 32 ( * ) , figure aux articles L. 612-8 à L. 612-14 du code de l'éducation 33 ( * ) , récemment modifiés par la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche (ESR) 34 ( * ) .
Ses mesures d'application, issues de plusieurs décrets datant de 2006 35 ( * ) , 2008 36 ( * ) , 2009 37 ( * ) et 2010 38 ( * ) , ont également été regroupées au sein du même code, à ses articles D. 612-48 à D. 612-60, par un décret du 19 août 2013 39 ( * ) .
Inscrites dans la partie du code de l'éducation relative aux enseignements supérieurs, ces dispositions concernent avant tout les stages réalisés dans le cadre des formations post-baccalauréat. Toutefois, elles s'appliquent également aux périodes de formation en milieu professionnel (PFMP), hors alternance, de la voie professionnelle de l'enseignement secondaire ou agricole qui en remplissent les mêmes critères. Ces dernières ne bénéficient pas aujourd'hui d'un cadre législatif distinct mais sont régies par des arrêtés et des circulaires des ministres chargés de l'éducation nationale et de l'agriculture.
Les principes généraux , communs à tous les types de stages et de PFMP, quel que soit le niveau d'études, sont les suivants :
- la formalisation obligatoire de la relation contractuelle tripartite entre le stagiaire, l'organisme d'accueil et l'établissement d'enseignement par le biais d'une convention de stage (article L. 612-8) ;
- l'inscription obligatoire du stage dans le cadre d'un cursus de formation (article L. 612-8) ;
- une durée maximale de six mois (article L. 612-9) ;
- l'obligation de verser au stagiaire une gratification mensuelle 40 ( * ) pour tout stage ou PFMP d'une durée d'au moins deux mois (article L. 612-11) ;
- l'interdiction de faire appel à un stagiaire pour occuper un poste de travail permanent ou remplacer un salarié absent (article D. 612-53).
Dans ce contexte, l'article 1 er de la proposition de loi répond à un double objectif : la clarification des règles relatives aux stages et aux PFMP en les fondant en un régime unique, placé dans la partie du code de l'éducation relative aux principes généraux de l'éducation, et la reconnaissance de droits nouveaux pour les stagiaires, qui s'accompagnent de mécanismes de contrôle renforcés. Un titre nouveau du code leur est consacré, composé de seize articles (L. 124-1 à L. 124-16).
2. La définition du stage
L'article L. 124-1 nouveau du code de l'éducation constitue le socle du cadre commun mis en place par cette proposition de loi pour les stages et les périodes de formation en milieu professionnel. Dans le cadre de l'enseignement supérieur pour les premiers et de l'enseignement scolaire pour les secondes, ils font partie des modalités de formation en alternance. Il est d'ailleurs rappelé que les PFMP sont obligatoires dans les cursus de la voie professionnelle du secondaire, qui mènent à un certificat d'aptitude professionnelle (CAP), à un brevet d'étude professionnelle (BEP) ou à un baccalauréat professionnel.
Reprenant le premier alinéa de l'article L. 612-8 du code de l'éducation, cet article L. 124-1 nouveau précise son champ d'application . Ainsi, les simples périodes d'observation en entreprise ou les visites d'information organisées par des enseignants auxquelles les élèves sont susceptibles de participer en sont exclues , tout comme les stages relevant de la formation professionnelle tout au long de la vie que peuvent suivre des salariés ou des demandeurs d'emploi.
En dehors de ces deux exceptions, une convention doit être signée entre le stagiaire, l'organisme d'accueil et l'établissement d'enseignement . Son contenu ne peut pas être librement déterminé par les parties, puisque le pouvoir réglementaire est chargé d'en déterminer les mentions obligatoires 41 ( * ) .
La définition des stages ou, par analogie, des PFMP, introduite par la loi ESR de 2013 au quatrième alinéa de l'article L. 612-8 est également conservée. Il s'agit bien de « périodes temporaires de mise en situation en milieu professionnel au cours desquelles l'élève ou l'étudiant acquiert des compétences professionnelles et met en oeuvre les acquis de sa formation en vue de l'obtention d'un diplôme ou d'une certification ». Un stage a lieu avant la délivrance du diplôme recherché et ne peut donc pas débuter une fois les études achevées . Au contraire, le stagiaire n'est pas un salarié à part entière mais bien une personne en formation qui doit remplir des missions conformes au projet pédagogique que son établissement a défini, que l'organisme d'accueil a approuvées et qui sont formalisées dans la convention de stage.
Les clauses obligatoires des conventions de stage Aujourd'hui, l'article D. 612-50 du code de l'éducation dresse la liste des clauses qui doivent être obligatoirement intégrées à toute convention de stage. Ce sont : - la définition des activités confiées au stagiaire en fonction de ses objectifs de formation ; - les dates de début et de fin du stage ; - la durée hebdomadaire maximale de présence du stagiaire dans l'entreprise et sa présence, le cas échéant, la nuit, le dimanche ou un jour férié ; - le montant de la gratification et les modalités de son versement ; - la liste des avantages offerts par l'entreprise au stagiaire (restauration, hébergement, remboursement des frais, etc.) ; - le régime de protection sociale dont bénéficie le stagiaire, sa protection en cas d'accident du travail et les conditions de couverture de sa responsabilité civile ; - les conditions dans lesquelles les deux responsables du stage, l'un représentant l'établissement d'enseignement et l'autre l'entreprise, assurent l'encadrement du stagiaire ; - les conditions de délivrance d'une attestation de stage et les modalités de validation du stage pour l'obtention du diplôme ; - les modalités de suspension et de résiliation du stage ; - les conditions dans lesquelles le stagiaire est autorisé à s'absenter ; - les clauses du règlement intérieur de l'entreprise applicables au stagiaire, lorsqu'il existe. |
3. Le renforcement du rôle des établissements d'enseignement
Pour la première fois, l'article L. 124-2 nouveau définit les missions des établissements d'enseignement à l'égard de leurs élèves ou étudiants en stage, que ce soit en amont, dans la construction du projet de stage, ensuite dans l'élaboration de la convention , ou dans le suivi pédagogique du stagiaire lors du déroulement du stage. Jusqu'à présent, la réflexion sur la place des établissements dans l'accès aux stages n'avait jamais fait l'objet d'une telle formalisation dans la loi, bien qu'elle se vérifie très largement dans les faits.
En premier lieu ( 1° ), les établissements doivent appuyer leurs élèves ou étudiants dans leur recherche d'une PFMP ou d'un stage correspondant à leur cursus mais également à leurs aspirations. Dans le même temps, ils deviennent les garants de l'égal accès de tous à ces temps de formation en milieu professionnel.
En second lieu ( 2° ), c'est au niveau de la convention de stage qu'ils doivent agir. Par ce biais, et en collaboration avec l'organisme d'accueil et le stagiaire, il leur appartient de définir les compétences à acquérir ou développer lors du stage et de préciser son articulation avec le reste du cursus de formation.
Enfin ( 3° ), chaque stagiaire est désormais accompagné par un enseignant référent , membre de l'équipe pédagogique de l'établissement, à qui est confiée la tâche d'assurer le suivi du stage, de s'assurer de son bon déroulement et de veiller au respect de la convention de stage.
4. Le rappel du caractère pédagogique du stage et de sa durée limitée
Un stage ou une PFMP fait partie intégrante d'un cursus pédagogique. C'est ce que rappelle l'article L. 124-3 nouveau, qui est identique au troisième alinéa de l'article L. 612-8 actuel. Comme le prévoit cet article depuis la loi ESR, un volume pédagogique minimal de formation en établissement doit accompagner tout stage , que ce soit avant ou après celui-ci, dans le but de lutter contre les organismes qui vendent à des jeunes des conventions de stage sans leur offrir une quelconque formation . Un décret doit définir le nombre d'heures de formation qui sera requis ainsi que les modalités de l'encadrement réalisé par l'établissement et l'organisme d'accueil, qui seront ensuite déclinées dans la convention de stage.
Dans le même sens, la loi ESR avait également introduit un article L. 612-14 demandant à chaque personne ayant achevé un stage d'en faire l'évaluation , auprès du service de leur établissement chargé de l'insertion professionnelle, du point de vue de la qualité de l'accueil dont elle a bénéficié. Cet article devient l'article L. 124-4 nouveau.
Depuis la loi « Cherpion » du 28 juillet 2011 42 ( * ) , la durée maximale des stages est de six mois , fixée par l'article L. 612-9. Les exceptions prévues , en cas d'année de césure ou pour les cursus pluriannuels de l'enseignement supérieur, n'ont jamais connu de décret d'application , fragilisant la portée de ce plafond. Avec la loi ESR, le législateur a fait le choix de confier au pouvoir réglementaire la rédaction d'une liste limitative de formations pouvant contenir des stages de plus de six mois « compte tenu des spécificités des professions nécessitant une durée de pratique supérieure » auxquelles elles préparent. Le décret concerné n'a pas été publié.
Au final, l'article L. 124-5 nouveau confirme le caractère universel de la durée de six mois et institue une durée transitoire de deux ans pendant laquelle certaines formations, dont un décret établira la liste, peuvent déroger à cette règle. Le but est de leur laisser une période d'adaptation durant laquelle modifier leur maquette pédagogique en conséquence.
5. L'institution d'un quota maximal de stagiaires par entreprise et d'un tutorat en leur sein pour lutter contre les abus
Le stagiaire n'est pas un salarié . Pour cette raison, il ne touche pas une rémunération mais une gratification , dès lors que son stage ou sa PFMP dure plus de deux mois consécutifs ou si, dans l'année, il passe plus de deux mois en stage dans le même organisme. Sur ce point, les règles de l'article L. 612-11 sont reprises par l'article L. 124-6 nouveau sans être modifiées, que ce soit concernant le montant de la gratification ou la durée de stage à partir de laquelle elle est exigible. Il convient bien de noter que, comme dans le droit existant, cette obligation est applicable également aux PFMP . Néanmoins, l'exception instituée par la loi HPST 43 ( * ) à l'article L. 4381-1 du code de la santé publique est maintenue : les stages inclus dans la formation des professionnels de santé et des auxiliaires médicaux (infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, ergothérapeutes, etc.) ne sont pas soumis à l'obligation de gratification .
La signature d'une convention de stage ne saurait être un moyen, pour l'organisme d'accueil, de contourner le droit du travail et les règles et de négliger le caractère pédagogique du stage. Pour cette raison, l'article D. 612-53 a interdit le recours au stage dans plusieurs cas de figure. L'article L. 124-7 nouveau les inscrit dans la loi.
Ainsi,
le principe général reste
l'interdiction de recruter un stagiaire dans le seul but d'exécuter une
tâche régulière correspondant à un poste de travail
permanent de l'organisme
. Un stage ne peut pas non plus être
organisé pour faire face à un
accroissement temporaire de
l'activité
, pour occuper un
emploi saisonnier
ou pour
remplacer un salarié absent
ou dont le contrat
de travail a été suspendu (par exemple en raison d'un
congé de maternité). Ces trois dernières situations sont
celles où il peut être fait appel à un salarié en
contrat à durée déterminée
(CDD)
ou en
contrat de travail temporaire
, en application des
articles L. 1242-2 et
L. 1251-6 du code du travail.
Avec l'article L. 124-8 nouveau, un encadrement quantitatif des stages est mis en place au niveau de chaque structure susceptible d'accueillir des stagiaires. Elles seront astreintes au respect d'un nombre maximal de conventions de stage en cours de validité . Ce quota, qui doit être déterminé par décret , est mesuré sur une base hebdomadaire mais exclut les stages qui ont été prolongés à la suite d'une interruption liée à la santé ou à la situation de famille du stagiaire.
Les articles L. 124-9 et L. 124-10 nouveaux concernent l'encadrement du stagiaire dans l'organisme d'accueil et l'implication de celui-ci dans la réalisation des objectifs pédagogiques du stage. Sur le modèle des contrats d'apprentissage et de professionnalisation, la désignation d'un tuteur, chargé de l'accueil et de l'accompagnement du stagiaire, est rendue obligatoire (art. L. 124-9). Afin de garantir qu'il assure un réel suivi du stagiaire, il lui sera interdit d'assurer le tutorat d'un nombre de stagiaires supérieur à un plafond fixé par décret. A titre de comparaison, un maître d'apprentissage ne peut former que deux apprentis simultanément (art. R. 6223-6 du code du travail).
Enfin, l'article L. 124-11 nouveau est issu de l'article L. 612-10 et préserve le délai de carence entre deux stages sur un même poste créé par la loi « Cherpion ». D'une durée égale au tiers du stage précédent , il ne trouve toutefois pas à s'appliquer lorsque la convention de stage a été rompu prématurément à l'initiative du stagiaire.
6. La reconnaissance des droits sociaux du stagiaire dans son organisme d'accueil et la prise en compte de l'impact des interruptions de stages sur le déroulement du cursus de formation
S'il ne doit pas être assimilé à un salarié, le stagiaire est présent dans l'organisme d'accueil durant toute la durée de son stage et est donc soumis à l'autorité de l'employeur et de certains de ses employés. Il est intégré à une structure où les relations humaines peuvent être complexes, voire conflictuelles. La loi ESR avait reconnu, à l'article L. 612-8, que les stagiaires bénéficient des mêmes protections que les salariés en matière de prohibition des discriminations , du harcèlement moral et du harcèlement sexuel en leur rendant applicables les articles du code du travail concernés 44 ( * ) . Avec cette proposition de loi, cet article devient l'article L. 124-12 nouveau.
L'article 1 er étend les droits sociaux du stagiaire en les rapprochant des principes fondamentaux du droit du travail en matière de parentalité. L'article L. 124-13 nouveau leur octroie le droit à un congé de maternité et aux autorisations d'absence d'ordre médical qui sont liées à la grossesse 45 ( * ) , au congé de paternité et d'accueil de l'enfant 46 ( * ) et au congé d'adoption , qu'il soit international 47 ( * ) ou non 48 ( * ) . De manière plus générale, et pour la première fois, la loi mentionne la possibilité pour le stagiaire de bénéficier de congés et d'autorisations d'absence , dans la limite de la durée du stage, dès lors que la convention de stage le prévoit.
L'article L. 124-14 nouveau clarifie ensuite la réglementation de la durée de travail du stagiaire , qui jusqu'à présent relevait uniquement de la convention de stage. Les règles applicables aux salariés de l'organisme d'accueil sont donc étendues aux stagiaires en ce qui concerne les durées maximales, quotidienne et hebdomadaire, de présence, le travail de nuit et les repos (quotidien, hebdomadaire et jours fériés). En conséquence, un décompte des durées de présence du stagiaire doit être établi par la structure au sein de laquelle il est en stage, selon des modalités qu'elle est libre de définir.
Afin de tenir compte des stages ou PFMP interrompus pour cause de maladie, d'accident ou de parentalité (grossesse, paternité, adoption), l'article L. 124-15 nouveau offre la possibilité au rectorat, pour les PFMP, ou à l'établissement d'enseignement supérieur, pour les stages, de les valider même s'ils n'ont pas atteint la durée requise par le cursus de formation. La loi s'appuie ici sur les pratiques jusqu'à présent observées, au cas par cas et sans être universelles, dans certains rectorats ou établissements. Si les parties à la convention de stage trouvent un accord, le report de la fin du stage ou de la PFMP est également rendu possible.
Enfin, depuis la loi « Cherpion », les stagiaires ont accès aux activités sociales et culturelles gérées par le comité d'entreprise de l'organisme d'accueil dans les mêmes conditions que ses salariés. Figurant à l'article L. 612-12, cette disposition devient l'article L. 124-16 nouveau.
7. Le contrôle des manquements à cette réglementation par l'inspection du travail et leur sanction par une amende administrative
L'encadrement global des stages mis en place par l'article 1 er de la proposition de loi s'accompagne d'un mécanisme de contrôle par l'inspection du travail pour en assurer le respect et l'effectivité .
L'article L. 124-17 nouveau confie aux inspecteurs et aux contrôleurs du travail la mission de vérifier que les organismes entrant dans leur champ de compétence se conforment au quota maximal de stagiaires qu'ils peuvent accueillir ainsi qu'aux dispositions relatives à la durée du travail et aux temps de repos des stagiaires.
Pour sanctionner les manquements à ces règles, il institue une amende administrative dont le plafond est fixé à 2 000 euros par stagiaire concerné et est porté à 4 000 euros si une nouvelle infraction est constatée dans un délai d'un an suivant la première amende.
Prononcée par l'autorité administrative, c'est-à-dire le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), cette amende se prescrit dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle le manquement a été commis. Elle est recouvrée selon les mêmes modalités que les créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine, c'est-à-dire par l'émission d'un titre exécutoire .
L'article 1 er de la proposition de loi se clôt, au 11° , par une modification de l'article L. 611-5 du code de l'éducation afin de compléter les missions des bureaux d'aide à l'insertion professionnelle des étudiants (BAIP) des universités. Ils sont notamment chargés de diffuser des offres de stages, de conseiller les étudiants sur leur insertion professionnelle et de les aider dans leur recherche d'un premier emploi. Par un renvoi à l'article L. 124-2 nouveau créé également par le présent article 1 er , leur rôle d'appui en direction des étudiants souhaitant faire un stage est renforcé .
Enfin, les articles L. 612-8 et L. 612-13 du même code sont abrogés, le premier car son contenu a été repris par les articles L. 124-1, L. 124-3, L. 124-7 et L. 124-12 nouveaux et le second car sa thématique, les modalités de recensement des stagiaires dans l'entreprise, est traitée par l'article 2 de la proposition de loi.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a adopté deux amendements présentés conjointement par les membres du groupe SRC et sa rapporteure, la députée Chaynesse Khirouni, l'un précisant que l'objectif d'un stage ou d'une PFMP n'est pas seulement d'acquérir un diplôme ou une certification mais également de favoriser l'insertion professionnelle du stagiaire, et l'autre chargeant l'établissement d'enseignement « d'accompagner », et non plus uniquement « d'appuyer », ses élèves à la recherche d'un stage.
Elle a également, sur proposition des députés du groupe RRDP Thierry Braillard et Dominique Orliac, rendu obligatoire la possibilité pour un stagiaire de bénéficier de congés . Un amendement de sa rapporteure a limité cette disposition aux stages de plus de deux mois.
Lors de l'examen du texte en séance plénière, des modifications plus importantes ont été apportées. Sur proposition du Gouvernement, l'Assemblée nationale a :
- renvoyé à un décret le soin de définir le nombre maximal de stagiaires pouvant être suivis simultanément par un même enseignant référent ainsi que les modalités de ce suivi ;
- prévu qu'un accord d'entreprise puisse préciser les tâches confiées au tuteur ainsi que les conditions de l'éventuelle valorisation de cette fonction ;
- précisé que le temps de présence du stagiaire ne doit pas excéder le temps de travail des salariés de l'organisme d'accueil ;
- autorisé la validation d'un stage interrompu avec l'accord de l'établissement d'enseignement en raison du non-respect des tâches prévues par la convention de stage, ou qui n'a pu parvenir à son terme à la suite de la rupture de celle-ci par l'organisme d'accueil.
Par un amendement de la rapporteure, elle a rappelé que la gratification , pour les stages de plus de deux mois, doit bien être versée à compter du premier jour du premier mois de stage , et non à partir du début du troisième mois. Les membres du groupe SRC ont quant à eux complété les missions des établissements d'enseignement au soutien à la mobilité internationale des stagiaires. Ils ont également, pour les stages et PFMP de plus de deux mois, ouvert aux stagiaires le bénéfice de titres-restaurant et la prise en charge des frais de transport dans les mêmes conditions que les salariés de l'organisme d'accueil. Un amendement des députés Fanélie Carrey-Conte, Pascal Cherki et Jean-Marc Germain, sous-amendé par le Gouvernement, a posé le principe de l'interdiction de confier aux stagiaires des tâches dangereuses pour leur santé ou leur sécurité.
Un volet supplémentaire consacré aux stages et PFMP réalisés à l'étranger a été ajouté à cet article sur proposition du député Philip Cordery, rapporteur de la commission des affaires européennes. Il institue un dialogue préalable sur le déroulement et l'encadrement du stage ou de la PFMP entre le stagiaire, l'établissement d'enseignement et l'organisme d'accueil. La base en est la convention de stage, bien que le stagiaire se trouve dans les faits soumis au droit du pays dans lequel il se rend. Par ailleurs, une fiche d'information sur les « droits et devoirs du stagiaire dans le pays d'accueil » devra être annexée à toute convention relative à un stage à l'étranger. Un décret doit en définir les modalités de mise en oeuvre.
Par un amendement présenté par le député UMP Gérard Cherpion et plusieurs de ses collègues, le mode de calcul de la durée d'un stage ou d'une PFMP a été détaillé : il se fait au prorata de la durée effectivement passée dans l'organisme d'accueil , sans prendre en compte les éventuelles périodes passées dans l'établissement d'enseignement, afin de tenir compte des formations où l'alternance, sur plusieurs mois, entre stage et formation est commune.
Enfin, par un amendement des députés du groupe GDR, un nouvel article du code du travail a été inséré à cet article 1 er afin d'accélérer l'examen, devant le conseil de prud'hommes, des demandes de requalification d'une convention de stage en contrat de travail. Saisi directement, le bureau de jugement devra statuer dans un délai d'un mois . Le passage préalable devant le bureau de conciliation est supprimé, comme c'est le cas pour les demandes de requalification de CDD en CDI.
III - Le texte adopté par la commission
Après dix années de forte croissance du nombre de stagiaires, qui se sont accompagnées de tentatives successives du législateur et du pouvoir réglementaire de mettre en place un encadrement juridique des stages, cet article 1 er , qui constitue le coeur de la proposition de loi, fixe enfin le cadre clair et cohérent attendu aussi bien par les jeunes que par les établissements d'enseignement et les organismes publics ou privés susceptibles d'accueillir des stagiaires.
La sédimentation des lois et des décrets qui se sont succédé ont donné naissance à une réglementation peu intelligible . La création d'un régime unique pour les enseignements secondaire et supérieur , bâti à partir du droit existant, a vocation à la simplifier et à permettre aux premiers intéressés, les stagiaires eux-mêmes, de mieux connaître leurs droits.
Votre rapporteur se félicite que le caractère pédagogique du stage soit réaffirmé dès le début de l'article. L'obligation de réaliser un stage dans le cadre d'un cursus pédagogique exclut de fait ceux réalisés une fois les études achevées. Diverses formes de contournement de ce principe ont été mises en place par des structures vendant des conventions de stage à des étudiants connaissant souvent des difficultés d'insertion professionnelle sans assurer la moindre formation. Désormais, la mise en place d'un volume pédagogique minimal de formation en établissement accompagnant un stage devrait mettre un terme à ces comportements frauduleux . Selon les informations recueillies par votre rapporteur, ce volume devrait se situer entre 150 et 200 heures par an .
La responsabilisation des établissements d'enseignement était indispensable. Cet article, en énonçant pour la première fois dans la loi leurs missions et leurs engagements envers leurs élèves ou étudiants, constitue donc une avancée très importante. Elle est d'ailleurs le corollaire du postulat pédagogique qui sous-tend le stage. A l'heure actuelle, la situation sur ce point est très inégale , l'implication de certains établissements d'enseignement supérieur se limitant à la signature d'une convention-type, sans qu'un suivi particulier soit organisé, alors que dans le secondaire les lycées professionnels ou agricoles ont une longue tradition de collaboration avec les entreprises de leur bassin économique pour faciliter le développement des PFMP.
La désignation d'un enseignant référent pour chaque stagiaire, pratique commune dans l'enseignement secondaire, constitue une innovation pour de nombreux établissements d'enseignement supérieur . Il s'agit d'une mesure nécessaire, qui s'inscrit dans le nouveau cadre national des formations , fixé par un arrêté du 22 janvier 2014 49 ( * ) . Le cahier des charges des stages qui y est annexé précise ainsi que « chaque étudiant doit bénéficier d'un tuteur/encadrant de référence au sein de l'équipe pédagogique chargé de l'encadrer, d'organiser son suivi pédagogique avec l'entreprise et de faire des points d'étape réguliers avec lui ».
Le nombre maximal de stagiaires suivis par un même enseignant, dont la détermination a été renvoyée par le texte adopté par l'Assemblée nationale à un décret, doit nécessairement, aux yeux de votre rapporteur, tenir compte des différences qui existent entre les niveaux d'études et les moyens inégaux des établissements . C'est pour cette raison que sur sa proposition la commission des affaires sociales a adopté un amendement confiant au conseil d'administration de chaque établissement le soin de fixer ce plafond , dans le respect d'un cadre national général fixé par décret. Sur ce point, l'autonomie pédagogique doit pouvoir s'exprimer , tout en veillant à ce que de trop fortes différences n'apparaissent pas entre établissements comparables.
L'extinction des dérogations à la durée maximale de six mois par stage, dont certains prédisent qu'elle nuira à certaines formations, est au contraire l'un des éléments essentiels du recentrage des stages sur leur objet avant tout pédagogique et de la lutte contre les abus qui font de ces stages longs un substitut au salariat.
Il est vrai que dans l'enseignement supérieur, et en particulier dans les écoles de commerce, les années de césure se développent et sont valorisées dans les cursus, ce qui est moins le cas dans les écoles d'ingénieur. Cette interruption d'un an de la scolarité a pour but d'acquérir une expérience nouvelle , mais celle-ci n'a pas forcément à être professionnelle : elle peut tout aussi bien être associative ou humanitaire. De plus, la césure implique la rupture temporaire des liens avec l'établissement d'enseignement , n'étant pas à proprement parler intégrée à un cursus mais se situant en marge de celui-ci. Dans ce contexte, le stage est-il véritablement la forme juridique appropriée ? Ne faudrait-il pas privilégier le CDD ou, pour les expériences professionnelles à l'étranger, le volontariat international en entreprise (VIE) ? Sans bouleverser l'équilibre des formations qui y ont recours, l'année de césure peut tout à fait, dans le respect des dispositions de cette proposition de loi, comporter deux stages de six mois maximum chacun : l'expérience professionnelle acquise par l'étudiant en sera dans ce cas renforcée, facilitant sans doute son insertion sur le marché du travail.
Il n'en reste pas moins que la maquette pédagogique de certains diplômes d'Etat du secteur social prévoit à l'heure actuelle des durées de stage supérieures à six mois . Une période transitoire de deux ans , qui semble être un délai amplement suffisant pour que le ministère chargé des affaires sociales procède à la mise en conformité de ces cursus de formation, leur est donc ouverte pendant laquelle cette durée maximale ne sera pas applicable. Selon les informations communiquées à votre rapporteur par le ministère de l'enseignement supérieur, figureront sur la liste des formations en bénéficiant, qui doit être fixé par décret, les diplômes d'Etat :
- d'assistant de service social (DEASS) ;
- de conseiller en économie sociale familiale (DECESF) ;
- d'éducateur de jeunes enfants (DEEJA) ;
- d'éducateur spécialisé (DEES) ;
- d'éducateur technique spécialisé (DEETS).
Toute autre dérogation à cette règle n'apparait pas justifiée. Il est regrettable que le décret d'application de la loi « Cherpion » de 2011, qui la première avait prévu des dérogations encadrées à cette durée de six mois, n'ait jamais été pris, lui donnant jusqu'à présent un caractère virtuel . La responsabilisation de tous les acteurs et la lutte contre les abus qui, au final, pénalisent surtout les stagiaires, passent par la fixation d'un plafond unique pour tous les stages .
Dans le même esprit, l'institution d'un quota de stagiaires par entreprise répond aux dérives constatées ces dernières années . Il n'est pas acceptable que des entreprises aient plus de stagiaires que de salariés ou que certaines entreprises du Cac 40 comptent dans leurs rangs près de 30 % de stagiaires. Néanmoins, il ne faut pas nier la diversité des situations rencontrées selon la taille des entreprises et des secteurs d'activité, plusieurs étant réputés pour un recours abusif aux stagiaires. Il est certain que la rédaction du décret définissant ce nombre maximal n'est pas un exercice aisé, car l'application uniforme d'un seuil, tel les 10 % de l'effectif communément évoqués, exclut de fait les petites entreprises et n'est donc pas acceptable . Il faut les traiter différemment des grands groupes, et prendre en compte la situation spécifique des start-ups.
Selon les indications reçues par votre rapporteur, le Gouvernement devrait se diriger vers une telle solution, selon un paramétrage qui reste à préciser. En dessous d'une certaine taille, sans doute entre 20 et 50 salariés, le nombre maximal de stagiaires ne s'exprimerait pas en pourcentage de l'effectif total mais en valeur absolue.
Par ailleurs, la possibilité d'accueillir des stagiaires est liée à la capacité de l'organisme à disposer de tuteurs qualifiés en nombre suffisant . Alors qu' il ne semble pas possible , si la transmission des savoirs et des compétences doit pouvoir se réaliser dans de bonnes conditions, que chaque tuteur puisse encadrer plus de cinq stagiaires , une régulation du nombre de stagiaires au sein d'une même structure peut également s'opérer grâce au renforcement du suivi pédagogique du stage.
Votre rapporteur salue également l'application aux stagiaires, par l'Assemblée nationale, d'un régime identique à celui des salariés de l'organisme d'accueil en matière de restauration collective, de titres-restaurant et de prise en charge des frais de transport.
Tout en regrettant que cette proposition de loi ne fasse pas directement évoluer la gratification versée aux stagiaires , soit en la revalorisant, soit en l'étendant aux stages de l'enseignement supérieur d'une durée de plus d'un mois, cette mesure a nécessairement pour effet de diminuer un poste important de dépense lié à l'activité professionnelle. Les sommes ainsi économisées par le stagiaire doivent lui permettre, s'il ne dispose pas d'autres ressources ou d'un soutien financier de la part de sa famille, d'assurer sa subsistance . Le fait que de nombreux stagiaires doivent mettre un terme à une activité salariée pour suivre un stage ou sont, dans certains cas, forcés de cumuler les deux est trop souvent occulté. Leur précarité est réelle et cette mesure constitue un pas, certes insuffisant, vers sa régression.
Charger l'inspection du travail de lutter contre les abus et de contrôler les aspects professionnels du stage et les conditions de présence du stagiaire dans son organisme d'accueil est de nature à limiter les dérives trop souvent constatées et à rendre effectifs les droits des stagiaires.
Il est vain de fixer un cadre juridique construit autour de plusieurs obligations s'il ne s'accompagne d'aucun mécanisme permettant d'en assurer le respect. L'instauration d'une amende administrative , dont le montant n'est pas disproportionné mais peut devenir, si plusieurs stagiaires dans la structure sont concernés, un facteur de modification des comportements , garantit la célérité de la sanction, dans le respect du principe du contradictoire. Quant aux arguments de ceux qui y voient une contrainte supplémentaire pour les organismes d'accueil, en particulier pour les entreprises, ils semblent sous-entendre que ces dernières se trouveront majoritairement en infraction. Or il est évident que tous ceux qui ont un comportement vertueux envers leurs stagiaires , et loin de les « exploiter » les font participer à leur activité en vue de leur transmettre des compétences, ne pourront que s'en satisfaire . Au contraire, ceux qui voient dans les stagiaires une main d'oeuvre bon marché et corvéable à merci cesseront de les percevoir comme un avantage compétitif mais devront assumer les conséquences de leur comportement.
Dans ce contexte, la commission des affaires sociales a adopté, sur proposition de votre rapporteur, 11 amendements à l'article 1 er . Si certains sont uniquement rédactionnels ou répondent à un souci de cohérence juridique, d'autres modifient le fond du texte au bénéfice de tous les acteurs concernés. En plus des nouvelles modalités de fixation du nombre maximal de stagiaires par enseignant référent déjà mentionnées, la commission a également étendu le champ de compétence de l'inspection du travail au contrôle du respect, par l'organisme d'accueil, de l'obligation qui est la sienne de désigner un tuteur pour chaque stagiaire.
Surtout, afin de rappeler que les stagiaires n'occupent pas un emploi permanent de l'entreprise , ne sont pas des salariés et ne sont donc pas placés sous le même lien de subordination avec l'employeur que ces derniers, la commission a limité la durée de travail des stagiaires à la durée légale hebdomadaire, soit 35 heures . Ils n'ont pas à faire d'heures supplémentaires, pour lesquelles ils ne seraient d'ailleurs pas indemnisés. De plus, il est permis de s'interroger sur la portée pédagogique, dans le cadre d'un stage visant à l'acquisition d'un diplôme, de telles heures supplémentaires. Certains stagiaires ont besoin de garder l'emploi qu'ils occupaient avant le stage et qui les maintient en dehors de la grande précarité. Il est essentiel de leur en laisser la possibilité.
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article 2 (art. L. 1221-13 du code du travail) - Inscription des stagiaires dans le registre unique du personnel
Objet : Cet article propose de faire figurer les stagiaires dans le registre unique du personnel de l'organisme d'accueil.
I - Le dispositif proposé
Dans toute entreprise ou structure employant des salariés, un registre unique du personnel (RUP) doit être tenu (article L. 1221-13 du code du travail). Dans ce document figurent de façon indélébile les noms et prénoms de tous les salariés de l'établissement, dans l'ordre des embauches, ainsi qu'une liste d'indications complémentaires fixée par l'article D. 1221-23 du même code, notamment la nationalité, la date de naissance, le sexe, l'emploi ou la qualification. Les délégués du personnel ainsi que les agents de contrôle de l'inspection du travail et des Urssaf ont accès à ce document.
Depuis le décret du 31 janvier 2008 précité 50 ( * ) , les entreprises doivent disposer d'une liste des conventions de stage qu'elles concluent. Ce document a pris la forme, avec la loi « Cherpion » du 28 juillet 2011, d'un registre des conventions de stage qui est codifié à l'article L. 612-13 du code de l'éducation et qui est distinct du RUP. Cet article prévoyait qu'un décret devait en déterminer les modalités d'application, notamment les mentions devant y être intégrées. Il n'a jamais été pris.
L'article 2 de la proposition de loi rompt avec cette organisation en intégrant les stagiaires au RUP.
Son 1° supprime, à l'article L. 1221-13 du code du travail, la mention du registre des conventions de stage puisque l'article L. 612-13 du code de l'éducation est abrogé par l'article 1 er du présent texte.
Son 2° complète ce même article du code du travail en prévoyant que les noms et prénoms des stagiaires accueillis dans l'organisme signataire de la convention devront être inscrits, dans l'ordre de leur arrivée, au sein d'une partie spécifique du RUP.
Son 3° permet au pouvoir réglementaire de définir les indications complémentaires spécifiques aux stagiaires qui devront accompagner les mentions obligatoires inscrites dans la loi à l'alinéa précédent.
L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.
II - Le texte adopté par la commission
Votre rapporteur est satisfait de la disparition de la dichotomie entre le registre unique du personnel et le registre des conventions de stage, qui faute de mesure d'application était souvent un document lacunaire . Les stagiaires participent à l'activité de leur organisme d'accueil, il est donc logique qu'un suivi précis de leur présence soit réalisé dans des conditions comparables à celles des salariés. Par ce biais, l'information des délégués du personnel sur l'accueil de stagiaires dans l'entreprise s'en trouve renforcée , ce qui doit leur permettre de réagir aux abus qu'ils pourraient constater. Enfin, l'inspection du travail, dont la mission envers les stagiaires est renforcée par l'article 1 er , trouvera dans ce document qu'elle consulte à chaque fois qu'elle se rend dans une entreprise certaines des données nécessaires à son contrôle, en particulier pour s'assurer du respect du nombre maximal de stagiaires par organisme.
Cela n'a toutefois aucun effet sur le décompte des effectifs de l'organisme , dont les modalités sont fixées par l'article L. 1111-2 du code du travail, et n'entraine donc aucun franchissement de seuil . Les stagiaires n'étant pas titulaires d'un contrat de travail, ils ne sont pas pris en compte dans le calcul des effectifs.
Sur proposition de votre rapporteur, la commission des affaires sociales a adopté un amendement de précision rédactionnelle afin que le stagiaire soit bien inscrit dans le RUP de l'établissement , qui peut dans le cas des plus grandes entreprises ne pas correspondre à la structure ayant signé la convention de stage.
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article 3 (art. L. 1221-24 du code du travail) - Coordination juridique
Objet : Cet article tire la conséquence de la recodification des dispositions relatives aux stages en modifiant une référence figurant dans le code du travail.
Selon l'article L. 1221-24 du code du travail, la durée d'un stage réalisé lors de la dernière année d'études et suivi d'une embauche doit être déduite de la durée de la période d'essai, celle-ci ne pouvant être réduite de plus de la moitié sauf si cette embauche est effectuée dans un emploi « en correspondance avec les activités qui avaient été confiées au stagiaire ».
Il est également précisé que pour tout stage d'une durée supérieure à deux mois « au sens de l'article L. 612-11 du code de l'éducation », c'est-à-dire ayant donné lieu au versement d'une gratification, sa durée est prise en compte, en cas d'embauche, pour l'ouverture et le calcul des droits liés à l'ancienneté.
L'article 1 er de la proposition de loi procède à la recodification des dispositions du code de l'éducation relatives aux stages, celles-ci passant des articles L. 612-8 à L. 612-14 aux articles L. 124-1 à L. 124-20. En conséquence, le présent article 3 modifie la référence figurant à l'article L. 1221-24 du code du travail, l'article L. 612-11 étant devenu l'article L. 124-6.
L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification
La commission a adopté cet article sans modification.
Article 4 (art. L. 8112-2 du code du travail) - Extension de la compétence de l'inspection du travail au contrôle des manquements à la législation sur les stages
Objet : Cet article modifie l'article du code du travail relatif aux compétences de l'inspection du travail, en lien avec ses nouvelles missions en matière de contrôle de la réglementation relative aux stages instituées par l'article 1 er .
I - Le dispositif proposé
En application de l'article L. 8112-1 du code du travail, les inspecteurs du travail disposent d'une compétence générale pour veiller à l'application des dispositions du code du travail.
A côté de ce cadre qui leur est inhérent, ils ont également des compétences d'attribution , pour contrôler la mise en oeuvre et constater les infractions relatives à d'autres mesures législatives, dont la liste figure à l'article L. 8112-2. Il en va ainsi pour les discriminations et le harcèlement sexuel ou moral, qui sont punis par le code pénal, ou encore l'aide à l'entrée et au séjour irréguliers sur le territoire français, qui relèvent du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
A la suite des modifications apportées par l'article 1 er à l'encadrement juridique des stages et au statut du stagiaire, l'article 4 de la proposition de loi confie à l'inspection du travail la mission de constater les manquements :
- au nombre maximal de stagiaires par organisme d'accueil (art. L. 124-8 nouveau du code de l'éducation) ;
- au nombre maximal de stagiaires par tuteur (art. L. 124-10) ;
- au droit du stagiaire à un congé de maternité, parental ou d'adoption et à bénéficier de congés ou d'autorisations d'absence (art. L. 124-13) ;
- à la réglementation relative à la durée de travail et à la présence du stagiaire dans l'organisme d'accueil (art. L. 124-14).
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
En séance plénière, sur proposition des députés du groupe GDR, l'Assemblée nationale a étendu la compétence de l'inspection du travail au contrôle du respect des interdictions de conclure une convention de stage posées par l'article L. 124-7 nouveau, c'est-à-dire l'utilisation du stage pour pourvoir un poste de travail permanent de l'organisme ou encore pour remplacer un salarié absent.
III - Le texte adopté par la commission
Votre rapporteur se félicite que l'inspection du travail devienne compétente pour contrôler l'application du nouveau cadre juridique des stages. Alors que les stagiaires n'avaient pas d'autre interlocuteur que leur établissement d'enseignement vers qui se tourner si leurs conditions de travail ne correspondaient pas aux engagements de l'organisme les accueillant, un nouveau canal est ouvert pour mettre fin aux dérives les plus préoccupantes et garantir le bon déroulement, sur le plan aussi bien pédagogique que social, du stage ou de la période de formation en milieu professionnel.
Sur proposition de votre rapporteur, la commission a adopté un amendement chargeant l'inspection du travail de veiller au respect de l'obligation qui est faite à l'organisme d'accueil de désigner un tuteur pour chaque stagiaire (art. L. 124-9).
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article 5 (art. L. 8223-1-1 [nouveau] du code du travail) - Information du stagiaire, de l'établissement d'enseignement et des institutions représentatives du personnel sur les infractions à la législation sur les stages constatées par l'inspection du travail
Objet : Cet article créé une procédure d'information, par l'inspection du travail, du stagiaire, de son établissement d'enseignement et des institutions représentatives du personnel de l'organisme d'accueil lorsqu'un manquement aux règles relatives à l'emploi des stagiaires est constaté.
I - Le dispositif proposé
L'article 5 de la proposition de loi insère dans le code du travail, au sein de son titre consacré au travail dissimulé, un article L. 8223-1-1 nouveau qui vise à informer les différents acteurs du stage des infractions à l'encadrement de l'emploi des stagiaires constatées par l'inspection du travail.
Tout en respectant les prérogatives des agents de contrôle, qui décident des suites à donner à leurs travaux et peuvent dresser des procès-verbaux, et leur indépendance, reconnue par la convention n° 81 de l'Organisation internationale du travail (OIT), cet article leur demande d'informer le stagiaire, son établissement d'enseignement ainsi que les institutions représentatives du personnel (IRP) de l'organisme d'accueil lorsqu'ils découvrent :
- que le poste de travail occupé par le stagiaire n'aurait pas dû lui être confié car il entre dans le champ des interdictions posées par l'article L. 124-7 nouveau du code de l'éducation ;
- que les droits du stagiaire à des congés et en matière de temps de travail ne sont pas respectés (art. L. 124-13 et L. 124-14).
Les modalités de mise en oeuvre de cet article doivent être définies par décret.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale n'a adopté qu'un amendement rédactionnel à cet article.
III - Le texte adopté par la commission
Sans empiéter sur le principe de l'indépendance de l'inspection du travail, cet article s'inscrit dans le processus de responsabilisation des principaux acteurs d'un stage face aux abus qui sont relevés. A l'heure actuelle, les établissements d'enseignement ne sont parfois pas informés des cas de stages qui ne se déroulent pas conformément à la convention de stage, les stagiaires préférant taire les difficultés de peur de ne pas obtenir leur diplôme ou se confiant à un enseignant sans que l'information ne remonte aux instances de l'établissement.
Les IRP, quant à elles, font rarement du traitement des stagiaires l'une de leurs préoccupations majeures, par manque d'outils de suivi et de connaissance de leur situation mais également parce qu'élues par les salariés, elles sont avant tout chargées de les défendre et d'assurer la prise en compte, par l'employeur, de leurs intérêts. Le stagiaire, enfin, n'est pas toujours conscient de ses droits ni du fait que ses conditions d'emploi ne sont pas conformes à la loi.
Cette nouvelle procédure, fondée sur les constats de l'inspection du travail, permet de corriger ces insuffisances . Ayant connaissance des organismes coutumiers du contournement de la législation relative aux stages, les établissements d'enseignement pourront mettre en garde leurs élèves et inviter ces structures à modifier leur comportement, sous peine de rompre leurs relations avec elles ou de refuser de signer des conventions de stage les concernant. Les IRP pourront agir au sein de l'entreprise pour que les griefs soulevés par l'inspection du travail soient corrigés. Le stagiaire pourra, le cas échéant, utiliser les observations des agents de contrôle à l'appui d'une demande de requalification de sa convention de stage en contrat de travail à durée indéterminée devant le conseil de prud'hommes.
La commission, sur proposition de votre rapporteur, a étendu cette obligation d'information aux cas où l'inspection du travail découvre que l'organisme d'accueil emploie un nombre de stagiaires supérieur au plafond autorisé par l'article L. 124-8 nouveau du code de l'éducation.
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article 6 (art. 81 bis du code général des impôts) - Exonération de la gratification versée aux stagiaires de l'impôt sur le revenu
Objet : Par cet article, la gratification versée à un stagiaire est exonérée de l'impôt sur le revenu.
I - Le dispositif proposé
L'article 81 bis du code général des impôts (CGI) exonère de l'impôt sur le revenu les salaires versés aux apprentis, dans la limite d'un plafond fixé au montant annuel du Smic. De nombreux apprentis étant encore mineurs ou ne constituant pas un foyer fiscal autonome, il précise que cette exonération s'applique à l'apprenti personnellement imposable ou au contribuable qui l'a à sa charge.
En son I , l'article 6 de la proposition de loi complète cet article du CGI afin de mettre en place un régime similaire pour les gratifications versées aux stagiaires . Que ce soit dans le cadre d'une période de formation en milieu professionnel de l'enseignement secondaire ou d'un stage de l'enseignement supérieur, une gratification mensuelle est obligatoire dès le premier jour lorsque la durée est supérieure à deux mois. Son montant minimal est de 12,5 % du plafond de la sécurité sociale, soit en 2014 436,05 euros par mois. L'exonération d'impôt sur le revenu porte, comme pour l'apprentissage, sur la tranche inférieure au montant annuel du Smic, c'est-à-dire un montant brut de 17 344,60 euros au 1 er janvier 2014.
Le II de l'article constitue le gage de cette mesure, compensant la perte de recettes pour l'Etat qu'elle entraîne par une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs. Il vise à assurer le respect de l'article 40 de la Constitution, qui interdit de diminuer une ressource publique sans prévoir sa compensation.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale n'a adopté en commission qu'un amendement rédactionnel à cet article, avant que le Gouvernement ne lève le gage en séance plénière et supprime le II.
III - Le texte adopté par la commission
Votre rapporteur se félicite de cette mesure, dont l'impact financier est notable dans les familles dont les revenus sont modestes mais qui sont imposables et dont l'un des membres est en PFMP ou en stage. Il s'agit d'un gain de pouvoir d'achat appréciable, alors que ce texte ne prévoit malheureusement pas la revalorisation du niveau de la gratification perçue par le stagiaire.
De même, pour les stagiaires imposables qui ont pu précédemment avoir une activité salariée ou même en avoir une en parallèle de leur stage, cette exonération est de nature à atténuer quelque peu les difficultés financières du quotidien . A l'heure du pacte de responsabilité, ce geste envers la jeunesse est pleinement dans l'esprit du pacte de solidarité qui, selon le Président de la République, va l'accompagner.
La commission a adopté cet article sans modification.
Article 7 (art. L. 452-4 du code de la sécurité sociale) - Responsabilité de l'organisme d'accueil en cas d'accident ou de maladie lié à un stage
Objet : Cet article, ajouté en séance publique par l'Assemblée nationale à la suite de l'adoption d'un amendement du député Denys Robiliard, vise à permettre à l'établissement d'enseignement d'exercer une action récursoire contre l'organisme d'accueil du stagiaire en cas de mise en cause de sa responsabilité à la suite d'un accident survenu à ce dernier et causé par une faute inexcusable de cet organisme.
I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale
1. La responsabilité unique de l'établissement d'enseignement en cas de faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail d'un stagiaire
En application du b. du 2° de l'article L. 412-8 du code de la sécurité sociale, les élèves en période de formation en milieu professionnel (PFMP) et les étudiants en stage entrent dans le champ d'application du régime des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) pour les accidents survenus « par le fait ou à l'occasion » du stage.
Toutefois, le stagiaire n'est pas lié par un contrat de travail à la structure au sein de laquelle il fait son stage et n'est pas un salarié à part entière, mais bien un élève ou un étudiant en formation en vue d'acquérir une certification ou un diplôme. Il reste donc, pendant la durée du stage, sous la responsabilité de l'établissement d'enseignement , dans le cadre fixé par la convention de stage.
En cas d'accident du travail lors du stage ou du développement d'une maladie professionnelle du fait de celui-ci, le stagiaire qui en est victime peut intenter une action en reconnaissance de faute inexcusable pour obtenir, au-delà de sa prise en charge par le régime AT-MP, une réparation complémentaire du préjudice subi. Toutefois, la faute inexcusable d'un employeur envers son salarié est caractérisée par la Cour de cassation comme le manquement à son obligation de sécurité de résultat 51 ( * ) quand, conscient d'un danger, il n'a pas pris les mesures de protection nécessaires. Cette obligation étant fondée sur le contrat de travail, elle n'est pas applicable aux stagiaires ou transposable à la relation entre l'établissement d'enseignement et le stagiaire.
C'est donc la faute inexcusable de l'établissement d'enseignement, responsable du stagiaire et considéré comme son employeur, que le juge peut être amené à reconnaître à la demande du stagiaire. Qui plus est, en vertu d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation 52 ( * ) , l'établissement ne dispose pas d'une action récursoire contre l'auteur de la faute inexcusable, c'est-à-dire l'organisme d'accueil , car elle n'est pas prévue par la loi.
Plus récemment, la Cour de cassation a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité soulevée par un établissement d'enseignement se trouvant dans cette situation. Elle a jugé 53 ( * ) qu'il ne s'agissait pas d'une question nouvelle, mais surtout qu'elle ne présentait pas un caractère sérieux. Selon cet arrêt, comme le stagiaire n'est pas lié par un lien de subordination à l'établissement d'enseignement et qu'il n'a pas l'obligation d'effectuer un travail au profit de l'entreprise, cette dernière « ne peut être tenue de garantir l'établissement d'enseignement des conséquences de l'accident dont [le] stagiaire a été victime ».
2. Instituer un partage des responsabilités avec l'organisme d'accueil du stagiaire
L'article 7 de la proposition de loi complète l'article L. 452-4 du code de la sécurité sociale, qui porte sur le contentieux de reconnaissance de la faute inexcusable d'un employeur, afin de préciser la procédure lorsqu'un élève ou un étudiant décide d'invoquer la faute inexcusable de l'établissement d'enseignement à la suite d'un accident ou d'une maladie survenu par le fait ou à l'occasion du stage. La logique qui prévalait jusqu'à présent n'est pas modifiée, c'est-à-dire que le stagiaire ne pourra pas viser directement l'organisme d'accueil dans son recours .
Néanmoins, le présent article prévoit que l'établissement d'enseignement concerné devra désormais obligatoirement appeler en la cause l'organisme d'accueil , c'est-à-dire le rendre partie au procès. Le but est de faire valoir son droit à être garanti et qu'ainsi, le cas échéant, l'organisme d'accueil soit substitué à l'établissement d'enseignement pour la prise en charge de la réparation financière décidée par le tribunal. En conséquence, c'est dans la même instance qu'il devra être statué sur la demande du requérant ainsi que sur la garantie des conséquences financières de l'éventuelle reconnaissance de la faute inexcusable , à laquelle l'organisme d'accueil pourra être amené à contribuer, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Il convient de noter que ce régime spécifique est calqué sur celui en vigueur pour les intérimaires (art. L. 241-5-1 du même code), afin d'appeler la responsabilité de l'entreprise utilisatrice en cas d'accident du travail et ne pas faire reposer l'intégralité du poids de l'indemnisation sur l'entreprise de travail temporaire, qui ne peut surveiller l'activité de ses employés ni leurs conditions de travail au quotidien là où ils sont mis à disposition.
II - Le texte adopté par la commission
Votre rapporteur partage pleinement l'objectif d'une reconnaissance de la responsabilité financière de l'organisme d'accueil si sa faute inexcusable est reconnue par le tribunal des affaires de sécurité sociale. Il est vrai que le stagiaire n'est pas un salarié à part entière, mais ce stage l'expose bien, par sa participation à l'activité professionnelle de l'organisme, au risque de subir un accident du travail ou de contracter une maladie professionnelle imputable au travail réalisé.
A l'inverse, exonérer complètement les établissements d'enseignement de toute responsabilité pour les accidents survenus à leurs élèves ou étudiants en stage serait contraire à l'esprit de cette proposition de loi , qui par plusieurs des dispositions de ses articles 1 er et 5 vise à les responsabiliser. Ainsi, si un élève ou étudiant est victime d'un accident durant un stage alors que l'inspection du travail a déjà relevé des manquements à la réglementation dans l'organisme d'accueil et en a informé l'établissement d'enseignement en application de la nouvelle procédure prévue à l'article 5, il est certain que sa responsabilité doit pouvoir être engagée.
De manière générale, il n'est pas souhaitable de remettre en cause le principe selon lequel les établissements d'enseignement sont responsables de leurs élèves , qu'ils soient en formation dans leurs murs ou en stage. Néanmoins, il est nécessaire de mettre fin à la situation anormale qui règne à l'heure actuelle en raison de la jurisprudence stricte de la Cour de cassation afin de permettre à l'établissement d'engager une action récursoire et de se retourner contre l'organisme d'accueil si la faute inexcusable de celui-ci est reconnue . Faire contribuer équitablement ces deux acteurs à l'indemnisation du préjudice subi dans de telles circonstances par le stagiaire correspond bien au double aspect d'approfondissement pédagogique et de découverte professionnelle qui caractérise les stages.
Sur proposition de votre rapporteur, la commission a adopté un amendement afin de mentionner à cet article, au même titre que les stages, les périodes de formation en milieu professionnel.
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
TRAVAUX DE LA COMMISSION
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Réunie le mercredi 16 avril 2014, sous la présidence de Mme Annie David, présidente, la commission examine le rapport de M. Jean-Pierre Godefroy sur la proposition de loi n° 396 (2013-2014) tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur . - En février 2007, je rapportais devant notre commission la proposition de loi visant à organiser le recours aux stages, que j'avais déposée en mai 2006 avec mes collègues du groupe socialiste. Elle fut rejetée, mais après un long débat qui avait soulevé bien des interrogations. La problématique de l'encadrement des stages était alors nouvelle et liée à la prise de conscience de la nécessité de définir un statut du stagiaire pour mettre un terme aux abus dont les médias se faisaient alors l'écho.
Le collectif « Génération précaire », qui s'est fait connaître par ses actions coup de poing contre les structures ayant un recours manifestement abusif aux stagiaires et par son engagement contre leur précarité, est ainsi né en septembre 2005, suivi d'autres structures associatives. C'est ensuite en mars 2006, dans la loi pour l'égalité des chances, que les premières règles furent posées, avec en particulier l'obligation de gratification des stages de plus de trois mois.
La reconnaissance de ce phénomène donna lieu à une succession de mesures législatives et réglementaires dont la sédimentation, au fil des années, a conféré des droits nouveaux aux stagiaires mais créé de la confusion parmi les acteurs concernés. Comme un stage est toujours inscrit dans un cursus scolaire ou universitaire, il est construit autour d'une relation tripartite entre le stagiaire, l'établissement d'enseignement et la structure d'accueil, qui est formalisée par la convention de stage. Au moins dix textes ayant apporté des modifications au régime juridique des stages entre 2006 et 2013, il n'est pas étonnant que le droit en vigueur soit parfois difficile à appréhender.
L'un des objets de cette proposition de loi, déposée à l'assemblée nationale le 14 janvier dernier par la députée Chaynesse Khirouni, est de rassembler ces dispositions dans une partie dédiée du code de l'éducation pour améliorer leur intelligibilité. Elle ne remet aucunement en cause l'avancée majeure qu'a constitué l'accord national interprofessionnel (ANI) du 7 juin 2011 sur l'accès des jeunes aux formations en alternance et aux stages en entreprise, signé par les partenaires sociaux à l'unanimité. La loi dite « Cherpion » du 28 juillet 2011 en a réalisé la transposition législative, confirmant notamment le principe d'une durée maximale de six mois par stage.
La loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche (ESR) a pour la première fois défini le stage comme une « période temporaire de mise en situation en milieu professionnel au cours de laquelle l'étudiant acquiert des compétences professionnelles qui mettent en oeuvre les acquis de sa formation en vue de l'obtention d'un diplôme ou d'une certification ». Elle a également étendu l'obligation de gratification, abaissée en 2009 aux stages de plus de deux mois, à tous les employeurs publics, collectivités territoriales comprises.
Cette proposition de loi poursuit le travail engagé l'an dernier par la loi ESR et concrétise l'engagement de campagne n° 39 du Président de la République. Elle est le reflet de l'évolution des stages depuis le milieu des années 2000, conséquence de la réforme de l'enseignement supérieur et de la professionnalisation croissante des enseignements.
En 2007, lorsque j'ai présenté ma proposition de loi, le nombre de stagiaires était évalué à 600 000. En 2012, le Conseil économique, social et environnemental donnait le chiffre de 1,6 million. La précision de ces estimations n'est pas absolue, car la multiplicité des situations dans lesquelles les stages peuvent être réalisés rend leur recensement très complexe. Elles mettent néanmoins en lumière un phénomène indéniable : la très forte croissance du nombre de stagiaires. Celle-ci appelle une réponse législative globale, qui mette en place un cadre juridique stable pour encadrer les stages et permettre que leur développement se poursuive au bénéfice des jeunes comme des entreprises et sans se faire au détriment de l'emploi salarié.
Ce texte comporte sept articles. L'article 1 er établit un régime juridique unique pour les périodes de formation en milieu professionnel (PFMP) des élèves de la voie professionnelle de l'enseignement secondaire et les stages de l'enseignement supérieur. Il évite tout amalgame entre le stagiaire, dont les missions sont définies en fonction d'un projet pédagogique, et le salarié.
Pour la première fois, les missions de l'établissement d'enseignement envers le stagiaire sont clairement énoncées, avec un rôle d'appui et d'accompagnement du jeune dans la recherche du stage puis de définition, dans la convention, de ses objectifs et des compétences à acquérir. Cette responsabilisation des établissements est indispensable et constitue le corollaire de la réaffirmation du caractère pédagogique du stage. Actuellement, sauf exception, l'implication des établissements d'enseignement supérieur dans ce processus se limite bien souvent à la signature d'une convention-type, sans autre forme de suivi. Ce n'est pas le cas dans le secondaire, où les lycées professionnels travaillent en parfaite collaboration avec les entreprises de leur bassin économique et leurs élèves pour garantir la cohérence des périodes en milieu professionnel.
En complément, il est proposé de rendre obligatoire la désignation, pour chaque stage, d'un enseignant référent pour en assurer l'encadrement pédagogique et être à même de jouer le rôle de médiateur en cas de difficultés entre le stagiaire et son organisme d'accueil. Sur ce point, plusieurs questions se posent, comme le nombre d'élèves qu'un enseignant pourra suivre et le contenu précis de cette tâche nouvelle. Il appartient au pouvoir réglementaire de répondre à ces questions, mais il semble nécessaire de faire des distinctions selon les niveaux d'étude et de mettre à profit tous les moyens de communication électroniques.
Le texte confirme par ailleurs l'obligation, pour un stage, d'être accompagné d'un volume pédagogique minimal de formation en établissement durant l'année scolaire, avant ou après sa réalisation. Il s'agit de lutter contre les officines qui disposent à peine d'une boîte aux lettres mais vendent des conventions de stage à des étudiants sans fournir la moindre formation.
Cette proposition de loi marque également l'extinction des dérogations à la durée maximale de six mois pour un stage. Pendant une durée de deux ans, certaines formations conduisant à des diplômes d'Etat dans le domaine médico-social continueront à en bénéficier, afin de leur laisser le temps de faire évoluer leur maquette pédagogique. Les exceptions à cette règle devaient être limitées, en application de la loi « Cherpion », par un décret. Elles ont finalement été très nombreuses, le décret en question n'ayant jamais été pris. Aujourd'hui, la loi reprend le dessus car il est difficile de concevoir les apports pédagogiques d'un stage de huit mois par rapport à un stage de six mois. En revanche, il est très facile d'imaginer comment un stage d'un an peut permettre d'éviter d'embaucher un salarié.
Les règles en matière de gratification restent les mêmes, c'est-à-dire qu'elle est obligatoire pour tout stage de plus de deux mois, et ce dès le premier jour du premier mois et non à compter du troisième mois. De même, les cas d'interdiction de conclure une convention de stage ne sont pas modifiés. Un stagiaire ne peut donc être recruté pour exécuter des tâches correspondant à un poste de travail permanent de l'entreprise, pour faire face à un accroissement temporaire d'activité, pour un emploi saisonnier ou pour remplacer un salarié absent.
Un nombre maximal de stagiaires par entreprise va être institué par décret. C'est un signal fort envoyé à la jeunesse ainsi qu'aux secteurs d'activité qui ont abusivement recours aux stagiaires. Certains regretteront ce renvoi au pouvoir réglementaire, requis par la souplesse nécessaire à l'application de cette mesure. La ministre précisera sans doute les intentions du Gouvernement en séance, mais il semble évident qu'il faudra traiter les plus petites entreprises différemment des grands groupes, et prendre en compte la situation spécifique des start-up. Cela n'enlève rien à la pertinence de cette mesure : est-il vraiment acceptable qu'une entreprise puisse avoir autant de stagiaires que de salariés ou que certaines entreprises du Cac 40 comptent près de 30 % de stagiaires ?
Sur le modèle de ce qui se pratique déjà couramment pour les périodes de formation en milieu professionnel des élèves des lycées professionnels, la désignation d'un tuteur au sein de l'entreprise est rendue obligatoire. Avec la généralisation de cette fonction, qui pourra être précisée et valorisée par accord d'entreprise, il s'agit de responsabiliser l'entreprise et de garantir la transmission des savoirs et des compétences et le respect de la convention de stage. Il n'est pas question qu'un même salarié puisse être le tuteur d'un nombre trop important de stagiaires : un décret fixera un nombre maximal qui s'inspirera sans doute du droit en vigueur pour l'apprentissage.
La seconde partie de ce long article 1 er porte sur les droits du stagiaire dans son organisme d'accueil. Il est tout d'abord rappelé qu'il est, dans les mêmes conditions que le salarié, protégé contre les discriminations et le harcèlement sexuel ou moral. La proposition de loi lui accorde le droit à un congé de maternité, de paternité ou d'adoption, permettant de reporter le cas échéant le terme du stage. Surtout, ce texte reconnaît pour la première fois aux stagiaires de plus de deux mois un droit à congés, qui devra figurer dans la convention de stage. Il leur fait également bénéficier, sur un pied d'égalité avec les salariés, de titres-restaurant et de la prise en charge des frais de transport.
Des règles claires relatives aux conditions de travail des stagiaires, et en particulier à la durée de travail qui leur est applicable, sont pour la première fois inscrites dans la loi. Elles suivent, en matière de présence de nuit, de repos et de temps de travail, celles applicables aux salariés de l'organisme d'accueil et, ce qui peut sembler évident, ne pourront pas les dépasser.
Il est vain de fixer un cadre juridique construit autour de plusieurs obligations s'il ne s'accompagne d'aucun mécanisme de contrôle. C'est pourquoi ce texte confie à l'inspection du travail la mission de lutter contre les abus et de s'assurer du respect des dispositions relatives au nombre maximal de stagiaires par entreprise et aux conditions de travail. En cas de manquement, les entreprises en infraction seront passibles d'une amende administrative qui pourra atteindre 2 000 euros par stagiaire concerné ou 4 000 en cas de récidive. L'Assemblée nationale a utilement complété cet article en reprenant une mesure, qui figurait dans la proposition de loi que je vous avais présentée en 2007, concernant le contentieux de la requalification d'un stage en contrat de travail. Saisi d'une telle demande, le bureau de jugement du conseil de prud'hommes devra statuer au fond dans un délai d'un mois. Le passage préalable devant le bureau de conciliation est supprimé, comme c'est le cas pour la requalification d'un CDD en CDI.
L'article 2 de la proposition de loi prévoit que les stagiaires seront désormais mentionnés dans une partie spécifique du registre unique du personnel, alors qu'ils figuraient jusqu'à présent dans un registre distinct. Sans que cela n'ait d'influence sur la comptabilisation des effectifs de l'entreprise, cette mesure a une portée symbolique forte aux yeux des organisations étudiantes. Elle permettra aussi aux institutions représentatives du personnel (IRP) de disposer d'informations supplémentaires sur l'accueil de stagiaires par l'entreprise. L'article 5 prévoit l'information de l'établissement d'enseignement, du stagiaire et des IRP par l'inspection du travail lorsqu'elle constate un manquement à la réglementation. L'article 6 exonère de l'impôt sur le revenu la gratification versée aux stagiaires, dans la limite du Smic, comme c'est déjà le cas pour la rémunération perçue par les apprentis.
Aujourd'hui, la moindre recherche sur Internet donne accès à des sites vendant des conventions de stage. Face à de telles escroqueries, nous ne pouvons rester inactifs. De même, dans certains secteurs, le recours abusif aux stages, outre qu'il les détourne de leur finalité pédagogique, dessert les entreprises vertueuses en les soumettant à une concurrence par les coûts faussée. Il n'en reste pas moins que l'expérience pédagogique et professionnelle que constitue un stage est un atout pour pénétrer sur le marché du travail.
Cette proposition de loi recentre les stages sur leur principe fondamental, celui d'un outil de formation ancré dans un cursus dont il est une composante à part entière. Je ne crois pas que l'adoption de ce texte aboutira à un tarissement de l'offre de stages. Au contraire, c'est bien le phénomène inverse qui a été observé depuis 2006 et a accompagné la construction progressive du statut de stagiaire. A l'heure où certains se demandent s'il n'y a pas trop de stages, il faut surtout se donner les moyens de garantir des stages de qualité. Cette proposition de loi constitue un réel progrès en la matière en impliquant les établissements d'enseignement dès la définition du projet de stage.
Le Président de la République déclarait récemment que le pacte de responsabilité allait être accompagné d'un pacte de solidarité. Cette initiative parlementaire correspond parfaitement à l'esprit de cette annonce. La précarité est le lot commun de la très grande majorité des stagiaires. Le témoignage récent d'une jeune femme, qui a eu une large couverture médiatique, sur cette génération d'« affamés » qui n'a connu que la crise économique et enchaîne les stages faute de perspectives d'embauche confirme ce diagnostic.
Sept ans après vous avoir présenté ma proposition de loi, je regrette que les termes du débat aient si peu évolué mais je suis heureux que, par ce texte, notre société prenne enfin ses responsabilités envers tous ces jeunes en garantissant l'effectivité de leurs droits. A d'autres, entreprises ou établissements d'enseignement, de prendre les leurs !
M. Ronan Kerdraon . - Je salue le travail de Jean-Pierre Godefroy, qui a joué un rôle précurseur, puisqu'il travaille sur les stages depuis 2007. Il a fait preuve de persévérance sur un dossier dont l'importance est évidente lorsqu'on entend les propos de M. Gattaz, qui s'apprête à nous refaire le coup du CPE ou du Smic jeune pour permettre aux jeunes de rentrer sur le marché du travail ce qui me semble scandaleux.
Ce texte prend acte d'un certain nombre de constats : l'explosion du nombre de stagiaires, la très grande diversité des stages qui génèrent souvent une forte précarité, voire même une forte dépendance vis-à-vis de l'organisme d'accueil.
Je retiendrai un certain nombre d'éléments. Tout d'abord le fait que, pour la première fois, on détermine précisément ce qu'est un stage dans le cadre d'un cursus universitaire ou professionnel.
Je suis satisfait de voir aussi que, grâce à une définition rigoureuse de la gratification, on évite la confusion entre ce qu'est un stagiaire et ce qu'est un salarié, confusion qui transparaît dans certaines pratiques. Notre rapporteur a très bien mis en évidence le rôle parfois douteux d'organismes de formation qui profitent du système, ce qui appelle les sanctions prévues par le texte.
Je suis heureux que l'on puisse déterminer la durée maximale d'un stage, afin qu'il n'y ait pas de confusion avec le CDD ou avec les emplois saisonniers.
Il reste encore du travail à faire en matière de législation européenne : l'insatisfaction de nombre de jeunes Français qui vont faire des stages à l'étranger est réelle. Ce sera un sujet de travail pour les années qui viennent.
M. Gilbert Barbier . - Le rapporteur a clarifié la situation en nous présentant les lois qui se sont succédé depuis 2006. Mais il n'a pas présenté la face cachée de cette proposition de loi, qui pose problème dans une période où nous savons, en tant qu'élus, que les jeunes ont de réelles difficultés à trouver des stages. A force d'accumuler les contraintes pesant sur les employeurs, on a dissuadé les entreprises d'avoir recours à des stagiaires. Je pense en particulier aux petites entreprises et aux entreprises agricoles, qui jouent pourtant un rôle très important dans la formation professionnelle.
Ce texte concerne conjointement les élèves et les étudiants, alors qu'il conviendrait de les distinguer. Pour certains élèves, les mesures proposées poseront de véritables difficultés. Ainsi pour les formations agricoles, la limitation de la durée des stages à six mois, assortie d'une période de carence, constitue un vrai problème. Les établissements scolaires qui placent ces stagiaires auront beaucoup de difficultés à trouver des employeurs. Il en va de même pour la question de la gratification. Un stage effectué par un élève avant l'âge du bac constitue plus une contrainte qu'un bénéfice pour l'employeur. On ne peut nier qu'il existe des abus, mais on s'apprête à sanctionner tout le monde. Le résultat sera qu'il y aura moins de stages.
Le rôle nouveau confié à l'inspecteur du travail, ainsi que les dispositions relatives aux prud'hommes inspirent beaucoup de craintes aux employeurs, qui risquent de renoncer à prendre des stagiaires. Bien sûr, il y a des entreprises qui commettent des abus, mais pour la plupart d'entre elles, ces mesures sont autant d'épées de Damoclès !
Il y a aussi, comme vous le savez, des cas particuliers parmi les étudiants. La limitation des stages à six mois posera des problèmes pour certaines formations, les études de psychologie, par exemple. Votre volonté de supprimer les possibilités actuelles de dérogation aggravera leurs difficultés à trouver un stage.
Dans cette période difficile où les entreprises ont d'autres soucis que de prendre des stagiaires, même s'il fallait toiletter la législation, on aurait pu le faire à moindre frais et sans alourdir les contraintes qui pèsent sur les entreprises.
M. Alain Milon . - Je tiens tout d'abord à faire une remarque sur la forme : les délais impartis pour examiner et amender ce texte sont insuffisants : la date limite de dépôt des amendements est fixée au lundi 28 avril à 11 heures, alors que la semaine prochaine les travaux parlementaires sont suspendus ! Quant au fond, il y a dans cette proposition de loi beaucoup de points positifs, dont certains avaient d'ailleurs déjà été actés sous la législature précédente. D'autres sont contestables : il en va ainsi du quota maximum de stagiaires par entreprise qui va être fixé par décret, et de la suppression de la possibilité de dérogation à la durée maximale de six mois par stage. Ce dernier point posera particulièrement problème pour l'année de césure, que les étudiants des écoles de commerce utilisent souvent pour faire un long stage à l'étranger.
Ce texte tend en outre à aligner le droit des stagiaires sur celui des salariés. On peut être d'accord avec l'octroi de ces droits, mais on ne peut, sur le plan symbolique, accepter l'assimilation avec les salariés. Une amende de 2 000 euros est prévue pour les entreprises en cas d'infraction : c'est un nouveau signe de défiance à l'égard des entreprises. Le groupe UMP, en séance, pourra approuver certains points de ce texte, mais il ne le votera pas. Nous ne le voterons pas non plus en commission.
Mme Laurence Cohen . - Cette proposition de loi va dans le bon sens. L'exposé de Jean-Pierre Godefroy nous a donné des éléments très riches, et les amendements qu'il défend sont de nature à renforcer le dispositif. Nous avons tous été témoins, en tant qu'élus, tant des abus commis que de l'explosion du nombre des stagiaires : ils sont aujourd'hui 1 600 000, contre 600 000 en 2006. L'encadrement de la durée des stages est un point positif, de même que les droits nouveaux accordés aux stagiaires. Mais on peut encore améliorer ce texte, comme nous nous efforcerons de le faire en séance : il nous semble par exemple important de porter le seuil minimum de gratification à 50 % du Smic, ou encore de prévoir la validation automatique d'un trimestre de retraite pour 50 jours de stage. Quoi qu'il en soit, nous voterons ce texte.
M. René-Paul Savary . - Je note une incohérence : vous nous dites que le stagiaire ne doit pas être considéré comme un salarié, parce que ce serait une exploitation du stage au bénéfice de l'entreprise, mais que d'un autre côté il doit avoir les droits du salarié. Il faudrait savoir...
Vous augmentez les obligations des employeurs, puisqu'un stagiaire doit désormais avoir non seulement un tuteur, mais aussi un référent, bénéficier d'un volume pédagogique minimal, être inscrit au registre unique du personnel... Autant de contraintes supplémentaires, assorties de pénalités, qui risquent de dissuader les entreprises et les collectivités de prendre des stagiaires.
J'ai l'occasion, en tant que président de conseil général, d'en recruter dans mes services ; mais en cette période de raréfaction de l'argent public, je ne suis plus sûr de pouvoir le faire, surtout si leur encadrement vient s'ajouter aux tâches de mon personnel déjà sous tension.
Deuxièmement, qu'en est-il de l'adaptation de ces dispositions aux études de médecine générale ? La désertification médicale des milieux ruraux ouvre aujourd'hui de belles possibilités d'y faire des stages, qui peuvent conduire à l'implantation de ces futurs médecins. Si vous allez vers des contraintes supplémentaires, les médecins généralistes seront-ils toujours disposés à accueillir des stagiaires ? Là encore, on voit bien les limites des dispositifs trop contraignants.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Je rejoins plusieurs des interventions précédentes. Au point de vue du droit du travail, il paraît logique d'encadrer le stagiaire. On rassemble d'ailleurs ici des textes qui étaient empilés dans le droit du travail, plutôt que l'on ne crée des droits nouveaux. Il n'y aurait rien à y redire, si ce n'était que nous sommes dans un système économique où l'on trouve des petites comme des grandes entreprises et des secteurs qui offrent plus ou moins de stages. Il serait donc intéressant de connaître précisément la répartition des stagiaires. Je suis à peu près persuadé que beaucoup des grandes entreprises, qui en prennent souvent, respectent parfaitement le droit. Restent les petites entreprises, qui sont majoritaires en France et sont fréquemment sollicitées par les jeunes en quête d'un stage.
Il conviendrait donc d'en avoir une meilleure connaissance, et d'être plus souple dans l'application du droit relatif aux conditions de travail. Que penser, par exemple, de l'obligation faite aux entreprises agricoles accueillant des stagiaires d'avoir deux vestiaires, dont l'un destiné aux jeunes femmes ?
Mais, sur le fond, la proposition de loi recentre bien les stages sur leur principe fondamental. Il s'agit d'un outil de formation, encadré par les droits des différentes parties concernées qui conditionnent sa réussite. Nous nous abstiendrons donc aujourd'hui, mais nous nous prononcerons lors de l'examen du texte en séance.
M. Gérard Roche . - Tout médicament a des effets bénéfiques et des effets indésirables. Nous travaillons ici sur le droit des stagiaires, certainement bénéfique, mais nous allons nuire au droit aux stages ; or c'est bien celui-ci qui constitue le problème principal auquel nous sommes quotidiennement confrontés. En confortant le droit des stagiaires, l'effet indésirable sera qu'il y aura moins de stages, et de plus en plus de jeunes viendront nous solliciter en disant qu'ils n'en ont pas trouvé.
M. Yves Daudigny, rapporteur général . - Je félicite Jean-Pierre Godefroy pour l'ensemble de ses travaux dans ce domaine, pour sa persévérance et pour la clarté du texte qu'il nous a présenté. Ce n'est pas un texte de sanction, mais un élément de cohérence et de réaffirmation de principes qui ne doivent pas être oubliés dans ce difficile sujet des stages.
Personne ne nie les difficultés des entreprises, ni le poids parfois excessif de l'administration, pas plus que la réticence de beaucoup d'entreprises à accepter des stagiaires. Mais, dans le même temps, ces mêmes entreprises nous font part à juste titre de difficultés de recrutement. Or le stage consiste justement à mettre des jeunes en situation de travail dans une entreprise et à faciliter à terme leur embauche.
Il y a trop de cas où le stage est en réalité un CDD. J'ai l'exemple tout récent encore d'une jeune femme d'origine étrangère, de très haut niveau de qualification, engagée dans le cadre d'un stage dans une entreprise du CAC 40. Elle était susceptible dès les premiers jours de fournir un apport réel au travail de l'entreprise. On lui a laissé espérer un recrutement, mais au terme de son stage on lui a proposé un poste à... Moscou. Cette jeune personne est d'origine russe, cette proposition n'était donc pas absurde ; mais elle est mariée en France. Il faut lutter contre ces faux stages, trop souvent utilisés pour contourner le droit du travail et le Smic. Ou alors il faut modifier la législation, comme M. Gattaz le demande. Pour toutes ces raisons, je suis très favorable à ce texte.
Mme Catherine Génisson . - Un stagiaire n'est pas toujours une charge, il apporte du sang neuf à l'entreprise. Cela méritait d'être dit.
Mme Aline Archimbaud . - Nous soutenons entièrement cette proposition de loi, et nous la voterons. Dans ce contexte de crise sociale extrêmement grave, il faut maintenir une démarche équilibrée et mettre fin aux abus, qui sont nombreux. Je connais des jeunes diplômés d'écoles d'ingénieurs, mais qui vivent en Seine-Saint-Denis et ont parfois des noms à consonance étrangère : tout ce qu'on leur propose est d'enchaîner les stages, en leur faisant miroiter une embauche.
Former les jeunes, les aider en leur mettant le pied à l'étrier, c'est une mission qui nous incombe à tous. Je rejoins ce que vient de dire Catherine Génisson : ces stagiaires ne doivent pas être présentés comme une charge. En les aidant, nous contribuerons à ce qu'il y ait en France des jeunes en situation de répondre aux demandes des entreprises, qui cherchent justement des personnels et des cadres qualifiés. Cette loi va donc dans le sens de l'intérêt de tout le monde.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur . - Ronan Kerdraon m'interrogeait sur les stages à l'étranger. Une disposition de ce texte oblige à informer les jeunes Français qui sont dans cette situation du droit de leur pays d'accueil : c'est un progrès.
Gilbert Barbier a évoqué la difficulté à trouver des stages ; nous avons pourtant un million de stagiaires de plus qu'il y a sept ans. On peut se demander s'il s'agit bien de stages s'inscrivant dans un cursus. En tout cas, les dispositions de cette proposition de loi n'accroîtront pas les difficultés pour trouver des stages. Je rappelle que pour l'instant les stages de moins de deux mois ne font pas l'objet d'une gratification.
Vous avez fait allusion au cas de l'enseignement agricole, ce qui renvoie aux maisons familiales rurales. Une réponse à leur situation a été apportée à l'Assemblée nationale, par un amendement de Gérard Cherpion, qui siège dans l'opposition et est l'auteur d'un texte antérieur sur ces questions. La durée des stages sera mesurée au prorata de la présence des stagiaires dans l'organisme d'accueil. Dans les maisons familiales rurales, où les élèves alternent les périodes de formation et celles en entreprise, le temps de présence réelle du stagiaire n'est pas incompatible avec les dispositions de la proposition de loi.
L'inspecteur de travail n'est redouté que par les employeurs qui ne se conforment pas à la réglementation. Quant au passage direct devant le bureau de jugement, il est déjà prévu pour la requalification des CDD en CDI en cas d'abus. Il faut bien qu'il y ait un gendarme quelque part.
Le problème des cursus de psychologie semble tenir à leurs maquettes pédagogiques, et à l'absence de numerus clausus. Beaucoup trop de jeunes s'y inscrivent par rapport aux débouchés professionnels.
Alain Milon s'inquiétait des délais impartis pour l'élaboration du texte, mais je lui rappelle que notre rythme de travail est fixé par la conférence des présidents.
Le quota de stagiaires dans une entreprise est un sujet très important. On ne peut accepter qu'une entreprise prenne quinze ou vingt stagiaires pour un seul tuteur. Il s'agit alors en réalité de stages parking, sans aide à l'acquisition des connaissances. L'idée de fixer par décret un quota de stagiaires par entreprise me semble bonne. Le seuil de 10 % envisagé initialement est inadapté aux petites comme aux très grandes entreprises. La question fondamentale demeure de savoir si l'entreprise a bien les tuteurs nécessaires à l'encadrement des stagiaires. Le ratio en vigueur dans l'apprentissage pourrait être repris ici : on demanderait alors environ un tuteur pour trois stagiaires. De même, peut-on s'attendre à ce qu'un enseignant qui signe trente ou quarante conventions suive vraiment ses stagiaires ?
Quant à l'année de césure, qui est un usage courant dans les écoles de commerce, elle ne constitue pas véritablement un problème : on peut faire deux stages de six mois, dès lors que ce n'est pas dans la même entreprise. Il n'y a de toute façon pas de limite pour les stages à l'étranger, puisque c'est la réglementation du pays d'accueil qui s'y applique.
Les deux questions posées par Laurence Cohen sont très importantes. Dans ma proposition de loi de 2006, j'avais défendu l'idée d'une gratification des stagiaires à 50 % du Smic. Il est vrai que l'on a souvent plus d'ardeur lorsque l'on est dans l'opposition que dans la majorité. Le problème du niveau de la gratification doit en tout cas être posé ; il est aujourd'hui fixé à 12,5 % du plafond de la sécurité sociale, soit 436 euros. Est-ce bien suffisant ? Mais la proposition de loi ouvre des droits, notamment aux chèques restaurant et au remboursement des frais de transports, et c'est une avancée.
Quant au problème de la retraite, la dernière réforme des retraites permet aux étudiants de racheter jusqu'à deux trimestres dans un délai de deux ans après leur stage. Mais cela représente une ponction importante sur leur rémunération en début de carrière, à supposer qu'ils aient trouvé du travail à l'issue de leur stage. Il y a là une piste de réflexion à poursuivre. On pourrait imaginer qu'au moins un trimestre soit validé de fait, comme c'était le cas pour le service militaire.
René-Paul Savary m'interrogeait sur les référents et les tuteurs. Pour qu'un stage soit vraiment productif, il faut qu'il y ait dans l'entreprise un tuteur bien défini et qualifié, et un référent pédagogique dans son établissement d'enseignement en contact avec lui. Seul leur travail commun avec le stagiaire peut garantir que le cheminement du stage soit conforme à sa convention. Quant aux professions de santé, elles ne sont pas concernées par l'obligation de gratification.
Je rappelle, en réponse à la question de Jean-Marie Vanlerenberghe, que c'est l'ANI du 7 juin 2011 qui est repris en grande partie dans ce texte. J'espère donc qu'il puisse faire l'objet d'un consensus.
Yves Daudigny a soulevé un point très intéressant : les difficultés des entreprises à recruter. Encore faudrait-il pour cela qu'elles acceptent de prendre des stagiaires afin de leur donner envie d'exercer leurs métiers. Certaines grandes entreprises organisent des stages très largement gratifiés, qui constituent une pré-embauche. Cela leur permet de juger les postulants, avant de puiser dans le vivier des stagiaires pour répondre à leurs besoins.
Je pense, comme Catherine Génisson, que le stagiaire n'est pas une charge pour l'entreprise, au contraire. Lorsque j'étais maire, malgré la réticence du rectorat, j'avais recruté des apprentis. Cela avait l'avantage de nous obliger à former des tuteurs, qui eux-mêmes devaient mettre à jour leurs connaissances. Le même raisonnement s'applique pour les stages : c'est un avantage supplémentaire pour l'entreprise.
Mme Annie David, présidente . - Merci, monsieur le rapporteur, pour l'ensemble de ces réponses. Nous passons à l'examen de vos amendements.
Article premier
L'amendement rédactionnel n° 1 est adopté.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur . - La fixation du nombre maximal de stagiaires par enseignant référent doit être confiée au conseil d'administration de l'établissement d'enseignement, dans un cadre fixé par décret, pour qu'il puisse tenir compte de ses spécificités et de ses moyens.
L'amendement n° 2 est adopté, ainsi que l'amendement de cohérence juridique n° 3.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur . - L'amendement n° 4 vise à garantir l'application dans la fonction publique de l'interdiction de remplacer un employé absent par un stagiaire.
L'amendement n° 4 est adopté ainsi que l'amendement rédactionnel n° 5.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur . - L'amendement n° 6 est important : il tend à fixer la durée de travail des stagiaires à la durée légale hebdomadaire, soit 35 heures. Ceux-ci participent à l'activité de l'organisme d'accueil mais la vocation première du stage est la formation. Dans certaines conditions, le temps de travail peut atteindre jusqu'à 60 heures par semaine sur douze semaines. Les stagiaires ne sauraient être concernés, eux qui n'ont droit ni au repos compensateur, ni aux RTT, ni aux heures supplémentaires rémunérées. Protégeons-les contre les risques d'exploitation. Déjà, 31 % des salariés mais 37 % des stagiaires travaillent de nuit...
Mme Annie David, présidente . - Certains étudiants qui ont un emploi pourraient même être contraints d'y renoncer pour suivre leur stage !
L'amendement n° 6 est adopté ainsi que l'amendement rédactionnel n° 7.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur . - L'amendement n° 8 étend le champ du contrôle de l'inspection du travail au nombre de stagiaires suivis par un même tuteur.
L'amendement n° 8 est adopté, ainsi que les amendements de coordination n os 9, 10 et 11, l'amendement rédactionnel n° 12 et l'amendement de coordination n° 13.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur . - L'amendement n° 14 concerne l'information de l'établissement d'enseignement, des IRP et du stagiaire en cas de manquement aux règles d'accueil des stagiaires.
L'amendement n° 14 est adopté, ainsi que l'amendement de coordination n° 15.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
___________
Jeudi 20 mars 2014
Collectif « Génération précaire »
Juliette Gouzi, Malcom Hammer et Martin Isal
Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne (Fehap)
Jean-Yves Dupuis , directeur général, Sylvie Amzaleg , directrice des relations du travail, et Jean-Baptiste Boudin-Lestienne , responsable de la communication, des relations institutionnelles et du développement
Force ouvrière (FO)
Eric Pérès , secrétaire général, et Lali Dugelay , chargée de communication, de FO cadres
Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)
Jean-Pierre Therry , conseiller confédéral
Confédération française de l'encadrement - confédération générale des cadres (CFE-CGC)
Dominique Jeuffrault , déléguée nationale à l'emploi et à la formation
Confédération générale du travail (CGT)
Sophie Binet , secrétaire confédérale, et Anaïs Ferrer , juriste
Vendredi 4 avril 2014
Direction générale de l'enseignement scolaire (Dgesco) du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche
Maryannick Malicot , adjointe à la sous-directrice des lycées et de la formation professionnelle tout au long de la vie
Direction générale pour l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle (Dgesip) du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche
Jean-Michel Jolion , chef du service de la stratégie de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle, et Anne Bonnefoy , chef du département de la stratégie de la formation et de l'emploi
Chambre de commerce et d'industrie de Paris - Ile de France
Thierry Robin , directeur en charge de la mission consultative, des relations extérieures et institutionnelles à la direction générale adjointe enseignement-recherche-formation, et Véronique Etienne-Martin , responsable des affaires publiques
Mercredi 9 avril 2014
Direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt
Philippe Schnäbele , directeur général adjoint, chef du service de l'enseignement technique, et Michel Lévêque , sous-directeur des politiques d'éducation et de formation
Jeudi 10 avril 2014
Conférence des présidents d'université (CPU)
Gilles Roussel , président de la commission formation et insertion professionnelle, et Virginie Sément , chargée de mission insertion professionnelle
Union nationale des étudiants de France (Unef)
Marthe Corpet , responsable des questions universitaires, et Yoro Fall , membre du bureau national
Mouvement des étudiants - UNI
François Péguillet , délégué national
La Fage
Charles Bozonnet , vice-président en charge des affaires académiques
Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) Jean-Michel Pottier , président de la commission formation et éducation
Direction générale du travail (DGT) du ministère du travail, de l'emploi et du dialogue social
Jean-Henri Pyronnet , adjoint à la sous-directrice des relations individuelles et collectives du travail, Elise Texier , chef du bureau RT1, et Corinne Cherubini , chef du département du soutien et de l'appui au contrôle
Conférence des grandes écoles (CGE)
Philippe Jamet , président, Francis Jouanjean , délégué général et Gérard Pignault , membre du bureau
Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH)
Jean-Christophe Sciberras , président
* 1 Créé en septembre 2005.
* 2 L'emploi des jeunes ; avis présenté par Jean-Baptiste Prévost au nom de la section du travail et de l'emploi, septembre 2012.
* 3 Source : Repères et références statistiques sur les enseignements, la formation et la recherche 2013, ministère de l'éducation nationale, ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, septembre 2013, p. 214.
* 4 Article D. 337-4 du code de l'éducation.
* 5 Article D. 337-64 du code de l'éducation.
* 6 Selon la formule de l'article L. 813-9 du code rural et de la pêche maritime.
* 7 Loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances.
* 8 Décret n° 2006-1093 du 29 août 2006 pris pour l'application de l'article 9 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances.
* 9 Décret n° 2008-96 du 31 janvier 2008 relatif à la gratification et au suivi des stages en entreprise.
* 10 Soit, en 2014, 436,05 euros par mois pour la durée légale de travail.
* 11 Ces différents cas de figure seront repris dans le décret du 29 août 2006.
* 12 Loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail.
* 13 Décret n° 2009-885 du 21 juillet 2009 relatif aux modalités d'accueil des étudiants de l'enseignement supérieur en stage dans les administrations et établissements publics de l'Etat ne présentant pas un caractère industriel et commercial.
* 14 Par le décret n° 2009-692 du 15 juin 2009 instituant une prime à l'embauche de jeunes stagiaires en contrat à durée indéterminée.
* 15 Par le décret n° 2009-1457 du 27 novembre 2009 modifiant le décret n° 2009-692 du 15 juin 2009 instituant une prime à l'embauche de jeunes stagiaires en contrat à durée indéterminée.
* 16 Dares Analyses n° 9, La prime à l'embauche d'un jeune stagiaire : environ 7 000 jeunes embauchés en contrat à durée indéterminée entre mai 2009 et juin 2010, février 2012.
* 17 Loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, art. 30.
* 18 Décret n° 2010-956 du 25 août 2010 modifiant le décret n° 2006-1093 du 29 août 2006 pris pour l'application de l'article 9 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances.
* 19 Loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels, art. 27 à 29.
* 20 Loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, art. 26, 27, 28 et 36.
* 21 Article L. 4381-1 du code de la santé publique.
* 22 Décret n° 2013-756 du 19 août 2013 relatif aux dispositions réglementaires des livres VI et VII du code de l'éducation.
* 23 Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.
* 24 Recommandation du 22 avril 2013 sur l'établissement d'une garantie pour la jeunesse, 2013/C120/01.
* 25 La Commission, ainsi que la Banque centrale européenne dans les cas prévus par les traités, peuvent également adopter des recommandations.
* 26 Recommandation du Conseil du 10 mars 2014 relative à un cadre de qualité pour les stages, 2014/C88/01.
* 27 Source : Eurostat.
* 28 Flash Eurobaromètre 378, The experience of traineeship in the EU, novembre 2013.
* 29 Cass. crim., 28 septembre 2010, n° 09-87.689.
* 30 Cass. soc., 18 juin 2003, n° 00-46.438.
* 31 Cass. soc., 13 novembre 1996, n° 94-13.187.
* 32 Loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances, article 9.
* 33 Depuis l'article 27 de la loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels.
* 34 Loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, articles 26, 27, 28 et 36.
* 35 Décret n° 2006-1093 du 29 août 2006 pris pour l'application de l'article 9 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances.
* 36 Décret n° 2008-96 du 31 janvier 2008 relatif à la gratification et au suivi des stages en entreprise.
* 37 Décret n° 2009-885 du 21 juillet 2009 relatif aux modalités d'accueil des étudiants de l'enseignement supérieur en stage dans les administrations et établissements publics de l'Etat ne présentant pas un caractère industriel et commercial.
* 38 Décret n° 2010-956 du 25 août 2010 modifiant le décret n° 2006-1093 du 29 août 2006 pris pour l'application de l'article 9 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances.
* 39 Décret n° 2013-756 du 19 août 2013 relatif aux dispositions réglementaires des livres VI et VII du code de l'éducation.
* 40 Dont le montant minimal est fixé à 12,5 % du plafond de la sécurité sociale, soit 436,05 euros en 2014.
* 41 Qui figurent aujourd'hui à l'article D. 612-50 du code de l'éducation.
* 42 Loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 relative au développement de l'alternance et à la sécurisation des parcours professionnels, article 27.
* 43 Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, article 59.
* 44 Articles L. 1121-1, L. 1152-1 et L. 1153-1 du code du travail.
* 45 Articles L. 1225-16 à L. 1225-28.
* 46 Article L. 1225-35.
* 47 Article L. 1225-46.
* 48 Article L. 1225-37.
* 49 Arrêté du 22 janvier 2014 fixant le cadre national des formations conduisant à la délivrance des diplômes nationaux de licence, de licence professionnelle et de master, NOR : ESRS1331410A.
* 50 Décret n° 2008-96 du 31 janvier 2008 relatif à la gratification et au suivi des stages en entreprise.
* 51 Cass. soc., 28 février 2002, n° 00-10.051.
* 52 Cass. civ. 2 ème , 11 juillet 2005, n° 04-15.137 et 14 février 2007, n° 05-18.432.
* 53 Cass. civ. 2 ème , 14 septembre 2011, n° 11-13.069 QPC.