PREMIÈRE PARTIE : LE PROJET D'UNION BANCAIRE DANS UN CONTEXTE DE RÉFORMES BANCAIRES MAJEURES

Au-delà de sa nécessité dans le cadre de l'approfondissement de l'union économique et monétaire, la mise en place progressive de l'union bancaire depuis 2012 , en particulier son premier pilier de supervision unique, prolonge et complète un ensemble de réformes qui ont touché le secteur bancaire et financier depuis la crise financière de 2008, qu'il s'agisse des réglementations prudentielles ou de l'harmonisation des règles nationales en matière de résolution et de garantie des dépôts .

L'ABOUTISSEMENT DES CHANTIERS DE RÉGLEMENTATIONS PRUDENTIELLES

La mise en oeuvre des mécanismes de supervision et, à terme, de résolution unique coïncide avec l'entrée en vigueur progressive des nouvelles règles prudentielles visant, notamment, à augmenter les fonds propres et les réserves de liquidité des établissements bancaires à la suite de la crise financière.

En décembre 2010, le comité de Bâle sur le contrôle bancaire, composé de représentants des superviseurs de 27 pays, a publié un ensemble de recommandations prudentielles, dites de Bâle III , qui entendaient tirer les leçons de la crise financière et des insuffisances de la supervision que celle-ci avait mises en évidence. Le 20 juillet 2011, la Commission européenne a présenté un paquet législatif visant à transposer ces recommandations dans le droit de l'Union européenne . Ce paquet comprenait deux textes : une proposition de directive , dite Capital Requirements Directive 4 ( CRD4 ) 1 ( * ) , et une proposition de règlement , dite Capital Requirements Regulation ( CRR ), visant à transposer les règles de Bâle III relatives aux ratios de base (ratio de fonds propres, ratio de levier, ratio de liquidité).

Ce paquet avait pour objectif, d'après le communiqué de presse de la Commission européenne au moment de la publication de la proposition, de « renforcer la résilience du secteur bancaire dans l'Union européenne tout en veillant à ce que les banques continuent à financer l'activité économique et la croissance », avec trois volets : « détenir davantage de fonds propres, de meilleure qualité , pour résister par elles-mêmes aux futurs chocs » ; « mettre en place un nouveau cadre de gouvernance en donnant aux autorités de surveillance de nouveaux pouvoirs leur permettant de contrôler plus étroitement les banques et, si nécessaire, d'imposer des sanctions lorsqu'elles constatent l'existence de risques » ; et « constituer un corpus réglementaire unique pour le secteur bancaire en rassemblant toute la législation applicable en la matière ».

Le paquet a fait l'objet de négociations entre le Conseil et le Parlement européen pendant près de deux ans. Il a été publié au Journal officiel de l'Union européenne le 27 juin 2013 2 ( * ) et est entré en vigueur le 17 juillet 2013 .

Par rapport aux réglementations prudentielles bancaires antérieures, Bâle III apporte trois évolutions majeures :

• Tout d'abord, les ratios de fonds propres exigés des établissements bancaires sont considérablement renforcés, à la fois du point de vue de leur qualité 3 ( * ) et de leur quantité , avec la création de « coussins » de capital supplémentaires.

• Ensuite, deux ratios de liquidité sont introduits afin de mesurer la dépendance des établissements bancaires au refinancement externe et leur capacité à faire face à un « choc de liquidité », c'est-à-dire à un assèchement rapide de la trésorerie disponible sous l'effet d'un ralentissement, voire d'un blocage du marché interbancaire. Il s'agit d'un ratio de liquidité de court terme ( liquidity coverage ratio , LCR) et d'un ratio de liquidité de long terme ( net stable funding ratio , NSFR).

• Enfin, Bâle III instaure un ratio de levier , c'est-à-dire une limite maximale imposée aux bilans bancaires par rapport aux capitaux durs, quel que soit le risque des actifs de la banque. Cependant, le règlement CRR, qui transpose cette recommandation du comité de Bâle, prévoit seulement que les établissements publient leur ratio de levier en 2015 et que l'Autorité bancaire européenne (ABE), sur la base de ces informations, recommande un ratio de levier pour l'ensemble de l'Union, en vue d'une éventuelle application en 2018. A cet égard, l'importance de ce nouveau ratio pour la maîtrise des risques bancaires a été notamment soulignée, lors de l'audition conjointe organisée le 25 février par votre commission des finances, par Karel Lannoo, directeur général du Centre for European Policy Studies (CEPS), qui a indiqué qu'il était « urgent d'introduire le ratio de levier » car le système actuel d'évaluation des actifs présente l'inconvénient d'être facilement manipulable, dans la mesure où, « lorsque les grandes banques utilisent leur propre modèle de calcul des risques, elles peuvent réduire le capital nécessaire par rapport à un modèle de calcul standard ».

Le paquet CRD4 a non seulement transposé ces recommandations de Bâle III, mais y ajouté plusieurs autres dispositions non prévues par le comité de Bâle , sur la rémunération, la gouvernance ou encore la transparence des activités pays par pays.

L'entrée en vigueur des différentes dispositions du règlement et de la directive est prévue de façon progressive .

S'agissant de la directive CRD4, son article 162 prévoit qu'elle s'applique par défaut le 1 er janvier 2014 . Cependant, les « coussins » de fonds propres ne sont applicables qu'à compter du 1 er janvier 2016 . De même, par exception, il est prévu une application progressive entre le 1 er janvier 2016 et le 1 er janvier 2019 pour les « coussins » systémiques .

Le règlement CRR est, par définition, d'application directe dans le droit national, sans besoin de mesures de transposition. Conformément à son article 521, il est applicable à compter du 1 er janvier 2014, à l'exception :

- de la publication du ratio de levier par chaque établissement (article 451) et de la décision commune des autorités de surveillance nationales relative à la définition des exigences de liquidité pour certains établissements transfrontaliers (articles 8 et 21), au 1 er janvier 2015 ;

- du ratio de liquidité de court terme (LCR), dont l'application est progressive entre 2015 et 2018 ;

- du ratio de liquidité de long terme , dit de financement stable, au 1 er janvier 2016 .

Toutefois, les dates fixées pour l'entrée en vigueur des différentes dispositions sont largement anticipées par les établissements de crédit , qui cherchent à rassurer leurs investisseurs sur leur situation prudentielle. Par exemple, les principales banques françaises publient d'ores et déjà, dans leurs documents financiers annuels, leurs ratios de levier respectifs.

Au total, l'entrée en vigueur de ces nouvelles normes prudentielles, accroissant les fonds propres règlementaires et nécessitant, le plus souvent, une réduction de la taille du bilan des établissements, alimente un contexte général d'évolutions profondes du secteur bancaire européen ; si elles vont dans le sens d'une plus grande solidité du secteur bancaire, elles présentent également un coût d'adaptation pour les banques (cession d'activités, mise en réserve de résultats, etc.) qui s'ajoute au coût potentiellement lié à la mise en place du mécanisme de résolution unique , à la fois du point de vue du refinancement avec l'entrée en vigueur, en 2016, du renflouement interne, et des contributions bancaires au fonds de résolution.


* 1 Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE.

* 2 Directive 2013/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et à la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE ; règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement et modifiant le règlement (UE) n° 648/2012.

* 3 Au sein des ratios de fonds propres de base, les capitaux durs de la meilleure qualité (dits Common Equity Tier 1 et Tier 1, c'est-à-dire les réserves disponibles, les actions ordinaires et les instruments hybrides) doivent représenter 6 % des actifs pondérés par les risques, contre 4 % auparavant.

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