B. UNE RÉFORME EN COURS PARTIELLE ET PÉDAGOGIQUEMENT INEFFICACE
1. Une approche étroite et lacunaire
La réforme du ministre de l'éducation nationale Vincent Peillon constitue une occasion manquée, alors que sous le précédent gouvernement des travaux de grande qualité avaient préparé le terrain. Toutes les réflexions des parties prenantes (parents, enseignants, élus locaux, médecins et psychologues) sur la question des rythmes scolaires ont été synthétisées dans au moins deux rapports récents :
- celui de nos collègues députés Xavier Breton et Yves Durand de décembre 2010 ;
- celui de la conférence nationale sur les rythmes scolaires mise en place par le ministre de l'éducation Luc Chatel, qui date de juillet 2011.
Les deux rapports se rejoignent pour préconiser simultanément :
- l'étalement de la semaine scolaire sur au moins 9 demi-journées ;
- la réduction de la durée de la journée scolaire accompagnée d'une transformation pédagogique ;
- le rééquilibrage de l'année scolaire en redéfinissant les plages de vacances ;
- une action coordonnée sur le premier et sur le second degré en veillant à atténuer les effets de la rupture entre l'école élémentaire et le collège ;
- le renouvellement de la gouvernance territoriale de l'école en renforçant le partenariat entre l'État et les collectivités locales.
L'attention aux conséquences financières de toute rénovation des rythmes et la nécessité d'un dialogue approfondi avec tous les acteurs locaux pour s'adapter aux spécificités de chaque terrain paraissaient aller d'elles-mêmes pour les rapporteurs.
Force est de constater que la réforme des rythmes scolaires mise en place depuis la rentrée 2013 par le Gouvernement ne reprend que très partiellement ces recommandations.
Manque clairement toute réflexion sur l'organisation de l'année scolaire qui est pourtant le complément indispensable d'une redéfinition de la semaine scolaire. Manque également toute perspective de rénovation des rythmes au collège et de lissage de la transition CM2-6 e . La concertation avec les maires a fait défaut et aucune rénovation de la gouvernance territoriale n'est à l'ordre du jour, point sur lequel votre rapporteur reviendra plus avant.
Mais au-delà de son caractère lacunaire, la réforme des rythmes scolaires risque surtout de se révéler inefficace pour améliorer les performances des écoliers, parce qu'il s'agit d'une réforme administrative sans accompagnement pédagogique.
2. Le défaut de réflexion sur les effets pédagogiques
La nécessité de repenser l'organisation des enseignements à l'intérieur de la journée et de la semaine n'a pas été prise en compte. Sans réflexion pédagogique et didactique sur le contenu des enseignements, sur les méthodes d'apprentissage et sur le positionnement des différentes séquences et activités en fonction des rythmes propres aux enfants, la réforme ne peut espérer avoir d'impact positif sur les performances des élèves.
La réforme des rythmes scolaires s'est surtout concentrée non sur le temps scolaire mais sur les activités périscolaires. C'est en soi un contresens qui détourne les efforts de la Nation du coeur des difficultés que rencontre l'école primaire : les carences dans l'enseignement des matières fondamentales, qu'un rapport de 2013 de l'inspection générale de l'éducation nationale, sous la plume du doyen Claus, a encore récemment pointées.
L'accompagnement par les corps d'inspections territorialisés des professeurs des écoles n'est manifestement pas à la hauteur de la transformation des emplois du temps générée par le passage à la semaine de 4,5 jours. Cela vient de l'alourdissement général des tâches administratives dévolues aux cadres de l'éducation nationale qui sont contraints de privilégier le contrôle d'application des textes à la rénovation pédagogique et à l'accompagnement des enseignants. Mais si les professeurs ne font que transposer leurs anciens cours dans la nouvelle organisation, sans qu'ils soient aidés à les adapter, à les optimiser, à les personnaliser en fonction des élèves, il n'existe aucun espoir d'amélioration de notre système éducatif aussi bien en termes de résultats bruts qu'en matière de réduction des inégalités.
Une autre carence pédagogique de la réforme est l'absence de distinction entre l'école maternelle et l'école primaire. Or, les plus jeunes enfants connaissent un développement cognitif et affectif très rapide entre 3 et 6 ans. Les mêmes rythmes scolaires ne peuvent leur être appliqués uniformément, quel que soit leur âge. Des temps de repos et de jeux doivent être aménagés pour éviter toute surcharge et toute fatigue inutiles.
L'application indifférenciée de la réforme selon les cycles est une erreur autant qu'un paradoxe, alors même que le ministre a prétendu dans les débats sur la refondation de l'école conforter le caractère spécifique de l'école maternelle. Les rectifications préconisées par le comité de suivi de la réforme des rythmes scolaires et inscrites dans une récente circulaire sont certes bienvenues mais tardives. Elles témoignent surtout de l'impréparation et du manque d'ambition pédagogique d'une réforme administrative symptomatique de la culture hiérarchique et centralisatrice du ministère de l'éducation nationale.