B. LE CHANTIER DE CONSTRUCTION DE LA PHILHARMONIE ACCUMULE DES RETARDS ET SON COÛT RISQUE D'AUGMENTER
1. Un retard supplémentaire dans le calendrier prévu
D'après les informations communiquées à vos rapporteurs spéciaux, le chantier de construction de la Philharmonie de Paris accumule des retards qui sont en cours d'évaluation . Ainsi, le dernier échéancier daté de février 2013 prévoyait une fin de chantier au 31 juillet 2014, soit cinq mois plus tard que la date prévue dans le calendrier initial.
Or, les analyses conduites par le ministère de la culture et de la communication et les échanges avec l'architecte laissent augurer un nouveau retard du chantier , « moyennant un passage d'une organisation du travail aux 2/8 à une organisation aux 3/8 dont la mise en oeuvre est incertaine et le coût important 19 ( * ) ». L'ouverture de la Philharmonie, prévue en janvier 2015, n'est donc pas acquise .
Le ministère estime que des compléments d'information 20 ( * ) sont indispensables pour émettre un avis pertinent sur cet échéancier, éléments qui ont été demandés à l'association et à la maîtrise d'oeuvre.
2. Des risques de surcoûts supplémentaires par rapport à ceux identifiés en 2012
Comme l'avait souligné votre rapporteur spécial Yann Gaillard dans le cadre de son rapport d'information sur la Philharmonie de Paris 21 ( * ) , le chantier faisait déjà l'objet de 50 millions d'euros de surcoûts dès juillet 2012 , dont la moitié devait être prise en charge par le ministère de la culture et de la communication.
Pour mémoire, ces surcoûts s'expliquaient notamment par des demandes supplémentaires de l'architecte Jean Nouvel (formulées à 15 millions d'euros et rabaissées à 5 millions d'euros après négociation), des demandes des instances de contrôle et de sécurité, et des révisions de prix.
Or, d'après les informations transmises à vos rapporteurs spéciaux, le 30 janvier 2013, l'association de préfiguration de la Philharmonie de Paris a transmis une nouvelle version du coût total de l'opération, qui prévoit de nouveaux surcoûts , dont le détail est précisé dans le tableau ci-dessous.
Nouveaux surcoûts identifiés sur la
construction
de la Philharmonie de Paris
(en millions d'euros)
Hypothèse basse |
Hypothèse haute |
|
Décalage du chantier |
3,85 |
6,80 |
Demandes de Jean Nouvel |
5,00 |
5,00 |
Demandes des instances de contrôle et de sécurité |
4,00 |
6,00 |
Demandes de la commission de sécurité |
5,00 |
5,00 |
Assurance |
0,51 |
0,51 |
Révisions de prix |
24,2 |
26,4 |
Pertes sur marges |
4,5 |
6,8 |
Total |
47,06 |
56,51 |
Source : réponse au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux
Le ministère de la culture et de la communication et la ville de Paris ont confié la réalisation d'une étude à un cabinet privé afin d'identifier des postes d'économies dans le budget de construction après l'identification des premiers surcoûts. Or, de façon incompréhensible, ce cabinet a échoué dans cette tâche, mais a, de plus, fait apparaître des surcoûts supplémentaires de l'ordre de 10 millions d'euros (par rapport aux 50 millions d'euros), portant ainsi le coût de construction à 396 millions d'euros .
Le ministère de la culture et de la communication estime qu'il « est désormais très difficile de réaliser des économies sur la construction et l'équipement du bâtiment qui soient substantielles et de nature à compenser ces hausse ».
En effet, la plupart des dépenses sont déjà engagées 22 ( * ) . De faibles leviers d'économies (de l'ordre de 4 à 6,5 millions d'euros) ont été identifiés sur les postes suivants :
- le premier équipement ;
- des économies liées à des diminutions de prestations architecturales, qui pourraient cependant remettre en question le « standing » de certains espaces, avec, à terme, un effet à la baisse sur la prévision de ressources propres ;
- des économies impactant les fonctionnalités du bâtiment et remettant en cause leur utilisation, voire leur ouverture au public (abandon de la salle d'exposition et de certaines salles de répétition).
3. Un risque de surcoût au détriment de l'État
La situation est d'autant plus préoccupante que le risque de surcoût pour l'État est accru par le refus de payer de la région Ile-de-France et de la ville de Paris . En effet, la région devait contribuer à hauteur de 20 millions d'euros au projet. Or, celle-ci n'a versé depuis 2011 que la somme de 3,3 millions d'euros. Depuis lors, « toutes les demandes de subvention de l'association sont restées sans réponse, en dépit d'un calendrier de versement qui avait pourtant été partagé avec la collectivité » 23 ( * ) .
De surcroît, la ville de Paris a annoncé en juillet dernier qu'elle ne financerait pas les 25 millions d'euros de surcoûts lui incombant sur l'enveloppe de 50 millions d'euros identifiée en 2012. En conséquence, l'État devrait assumer seul ces 25 millions d'euros incombant à la ville de Paris, les 10 millions d'euros supplémentaires, les 16,7 millions d'euros de défaut de paiement de la région, les coûts liés au décalage du chantier, aux contentieux, soit un surcoût supplémentaire minimum de l'ordre de 52 millions d'euros . Il n'est pas acceptable que l'État soit le seul à assumer des surcoûts dans le cadre d'un projet partenarial, où d'autres acteurs publics se sont engagés .
Au total, vos rapporteurs spéciaux ne peuvent que déplorer une situation qu'ils avaient anticipée, et qui confirme le caractère démesuré du projet .
* 19 Source : réponses au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.
* 20 Relatifs aux études et plans de fabrication des entreprises, à la fabrication des prototypes, à la validation des prototypes et des plans d'exécution par la maitrise d'oeuvre, aux surcoûts liés aux mesures d'accélération...
* 21 « La Philharmonie de Paris : une dérive préoccupante », rapport d'information n° 55, 2012-2013.
* 22 Environ 340 millions d'euros sur 386 ont déjà été engagées par la Philharmonie, ce qui signifie que l'association de préfiguration a déjà commencé à engager des dépenses sur l'enveloppe des 50 millions d'euros de surcoûts dont le financement n'est à ce stade garanti qu'à hauteur de 25 millions d'euros par l'État.
* 23 Source : réponse au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.