SECONDE PARTIE - L'AIDE AU FRET
L'aide au fret , mise en place en 2009 par la LODEOM, mais qui n'est devenue réellement opérationnelle qu'en 2011, touche à un aspect essentiel des économies ultramarines, à savoir les surcoûts de production qu'elles supportent, du fait de leur éloignement géographique et des normes qui s'imposent à elles .
L'objet de ce dispositif est donc de compenser - en partie - ces surcoûts, afin d'augmenter la compétitivité des productions des territoires d'outre-mer, et donc de créer ou de sauvegarder des emplois.
Ses crédits sont portés par l'action 01 « Soutien aux entreprises » du programme 138 « Emploi outre-mer » de la présente mission « Outre-mer ». Or, l'évolution de ces crédits a montré un écart très important entre les estimations initiales (27 millions d'euros en 2009) et les montants inscrits dans les dernières lois de finances (6 millions d'euros cette année).
C'est pourquoi, dans le cadre de leur mission de contrôle budgétaire, vos rapporteurs spéciaux se sont intéressés cette année à ce dispositif.
I. UNE AIDE JUSTIFIÉE PAR LA PLACE PRÉPONDÉRANTE DE LA MÉTROPOLE DANS LES ÉCHANGES COMMERCIAUX DES TERRITOIRES ULTRAMARINS, SOURCE DE SURCOÛTS IMPORTANTS
A. UNE INSUFFISANTE INTÉGRATION RÉGIONALE DES TERRITOIRES D'OUTRE-MER
Les territoires ultramarins se trouvent dans une situation particulière du fait de leur éloignement par rapport à la métropole , combiné, la plupart du temps, à leur caractère insulaire. Ainsi, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane sont à près de 7 000 km de Paris, quand Mayotte et La Réunion sont à plus de 9 000 km.
Cet éloignement pourrait conduire ces territoires à privilégier des échanges commerciaux avec les zones géographiques auxquelles ils appartiennent (Amérique, Afrique,...).
Toutefois, des contraintes économiques et juridiques viennent limiter cette intégration régionale .
Tout d'abord, s'agissant des départements d'outre-mer, ils font partie intégrante de l'Union douanière, et sont donc soumis au tarif douanier extérieur commun.
D'autre part, ces territoires sont soumis au respect des normes environnementales, sanitaires et techniques françaises et européennes, ce qui peut entraver leur capacité à exporter vers d'autres marchés.
De même, les territoires ultramarins appliquent des normes, y compris sociales, « de pays riches », alors qu'ils peuvent être entourés de pays à faible revenu. Au-delà du poids de ces normes sur leur productivité, qui nuit à leur compétitivité, ces différences de niveau de vie entre territoires voisins limitent les possibilités d'échange.
Enfin, dans la zone Antilles-Guyane comme dans l'Océan indien, les liaisons maritimes et aériennes sont insuffisantes, comme le notait en particulier le rapport de votre rapporteur spécial Éric Doligé au nom de la mission commune d'information sur l'outre-mer 2 ( * ) .
Il résulte de ces contraintes une structure particulière des échanges des territoires ultramarins, retracés dans le tableau ci-dessous.
Échanges commerciaux de certains territoires ultramarins en 2012
(en millions d'euros)
Guyane |
Guadeloupe |
Martinique |
La Réunion |
Mayotte |
St-Pierre-et-Miquelon |
|||||||
Imp. |
Exp. |
Imp. |
Exp. |
Imp. |
Exp. |
Imp. |
Exp. |
Imp. |
Exp. |
Imp. |
Exp. |
|
Métropole |
465,7 |
124,0 |
1 464,3 |
125,7 |
1 404,3 |
164,1 |
2 551,1 |
129,1 |
169,0 |
1,4 |
25,0 |
- |
Guadeloupe |
5,8 |
7,7 |
2,1 |
18,8 |
0,5 |
120,3 |
1,2 |
0,6 |
- |
- |
- |
- |
Guyane |
0,0 |
2,8 |
5,8 |
9,1 |
6,6 |
104,0 |
0,5 |
0,1 |
- |
- |
- |
- |
Martinique |
186,6 |
8,8 |
190,1 |
49,4 |
9,8 |
0,0 |
0,5 |
0,4 |
- |
- |
- |
- |
La Réunion |
0,0 |
0,4 |
0,1 |
1,0 |
0,4 |
0,2 |
0,1 |
1,0 |
- |
- |
- |
- |
Mayotte |
0,4 |
0,4 |
0,3 |
0,3 |
0,0 |
0,1 |
1,8 |
20,2 |
- |
- |
- |
- |
COM |
0,6 |
0,2 |
0,1 |
4,2 |
0,2 |
0,4 |
2,6 |
1,4 |
- |
- |
- |
- |
UE 27 |
329,8 |
36,0 |
293,0 |
12,5 |
337,6 |
9,5 |
572,2 |
63,2 |
67,2 |
0,4 |
1,8 |
0,8 |
Europe |
37,9 |
24,0 |
19,1 |
0,3 |
444,0 |
0,3 |
47,8 |
0,9 |
8,4 |
- |
- |
- |
Afrique |
5,2 |
0,6 |
13,9 |
0,5 |
8,6 |
0,2 |
214,0 |
30,1 |
25,0 |
2,5 |
- |
- |
Amérique |
156,6 |
32,0 |
499,5 |
7,6 |
455,0 |
23,2 |
51,4 |
7,2 |
19,2 |
- |
47,3 |
0,4 |
Asie |
1 060,5 |
1,7 |
186,6 |
2,0 |
119,0 |
1,4 |
1 175,3 |
78,9 |
83,3 |
0,7 |
3,1 |
- |
Moyen-Orient |
0,5 |
0,0 |
2,4 |
0,1 |
3,9 |
0,1 |
22,8 |
0,3 |
9,6 |
- |
- |
- |
Divers |
244,3 |
- |
17,5 |
2,2 |
2,1 |
2,8 |
57,9 |
4,0 |
2,3 |
- |
1,9 |
- |
TOTAL |
2 494,1 |
238,6 |
2 694,6 |
233,5 |
2 791,9 |
426,6 |
4 699,1 |
337,6 |
384,0 |
5,0 |
79,1 |
1,2 |
Source : Douanes
N.B. Imp. : importations - Exp. : exportations
On peut relever le faible taux de couverture des importations par les exportations, qui varie de 1,3 % à Mayotte à 15,3 % à La Réunion.
On peut surtout souligner la faible intégration régionale de ces territoires, comme le montre le tableau ci-dessous.
Intégration régionale
Guyane |
Guadeloupe |
Martinique |
La Réunion |
Mayotte |
St-Pierre-et-Miquelon |
|||||||
Imp. |
Exp. |
Imp. |
Exp. |
Imp. |
Exp. |
Imp. |
Exp. |
Imp. |
Exp. |
Imp. |
Exp. |
|
Métropole |
19 % |
52 % |
54 % |
54 % |
50 % |
38 % |
54 % |
38 % |
44 % |
28 % |
32 % |
- |
Europe |
33 % |
77 % |
66 % |
59 % |
78 % |
41 % |
67 % |
57 % |
64 % |
36 % |
34 % |
69 % |
Zone géographique |
14 % |
22 % |
26 % |
36 % |
17 % |
58 % |
30 % |
39 % |
28 % |
64 % |
60 % |
31 % |
Source : Douanes
N.B. La ligne « Europe » correspond aux échanges commerciaux avec la métropole, l'UE-27 et l'Europe ; la ligne « Zone géographique » correspond aux échanges commerciaux avec la zone à laquelle appartient le territoire. Pour la Guyane, la Guadeloupe et la Martinique, il s'agit de ces territoires et de la zone Amérique, pour La Réunion et Mayotte, il s'agit de ces territoires, de l'Afrique et de l'Asie, et pour Saint-Pierre-et-Miquelon il s'agit de l'Amérique.
La métropole représente, pour la plupart de ces territoires, une part prépondérante de leurs échanges commerciaux , qui peut fréquemment dépasser la moitié. L'Europe représente même près de 80 % des importations de la Martinique et près de 80 % des exportations de la Guyane.
À l'inverse, l'intégration commerciale avec la zone géographique à laquelle ces territoires appartiennent est la plupart du temps faible. À quelques exceptions près, cette part se situe entre le quart et le tiers, avec un minimum de 14 % pour les importations de la Guyane et un maximum de 64 % pour les exportations de Mayotte.
* 2 Les DOM, défi pour la République, chance pour la France, 100 propositions pour fonder l'avenir (n° 519, 2008-2009).