C. UN MODE D'ENTREPRENDRE PAR NATURE INTÉGRÉ DANS LES TERRITOIRES
L'économie sociale et solidaire résulte d'abord de rapprochements entre des personnes qui se réunissent pour trouver de nouvelles solutions. Elle comporte donc une dimension territoriale essentielle et la croissance des structures nécessite la recherche de collaborations entre les acteurs et, bien souvent, le soutien des collectivités territoriales.
1. La nécessaire structuration des acteurs au niveau local...
Le besoin de mutualisation des moyens est à l'origine de beaucoup d'initiatives sociales et solidaires qui se constituent sous des formes juridiques diverses : coopératives, associations, entreprises sociales... Au-delà toutefois de ces structures, les acteurs sont amenés à collaborer entre eux. C'est l'un des sept principes des coopératives selon l'Alliance coopérative internationale : « pour apporter un meilleur service à leurs membres et renforcer le mouvement coopératif, les coopératives oeuvrent ensemble au sein des structures locales, nationales, régionales et internationales ».
Cette collaboration prend la forme, comme dans tous les secteurs, de regroupements au sein de chacune des grandes familles de l'économie sociale et solidaire : des « têtes de réseau » regroupent au niveau régional chacune d'entre elles (Unions régionales de SCOP, unions régionales de la mutualité, regroupements régionaux d'associations ou de mutuelles...).
L'ensemble de ces instances se réunissent au sein de conseils régionaux de l'économie sociale et solidaire (CRESS), lieux de rencontre représentatifs et transversaux au niveau régional. Ces organisations apportent un soutien à leurs membres en les accompagnant dans la création ou le développement d'activités et aident à les faire connaître auprès du grand public, des journalistes et des pouvoirs publics.
La collaboration prend aussi la forme, sur des projets précis, d'alliances entre différentes catégories d'acteurs, à l'intérieur et au-delà de l'économie sociale et solidaire. A l'instar des pôles de compétitivité, les pôles territoriaux de coopération économique associent des entreprises de l'économie sociale et solidaire avec d'autres types d'entreprise, ainsi qu'avec des collectivités territoriales et des organismes qui peuvent contribuer à construire un écosystème local dynamique et créateur d'emplois : recherche, formation.
Votre rapporteur est très favorable à cette stratégie de « coopétition » qui évite toute vision artificielle du monde économique comme opposition de stratégie pour identifier les points de mutualisation qui sont nombreux, notamment au niveau local.
2. ... exige la participation des collectivités territoriales...
Tout projet collaboratif, lorsqu'il atteint une certaine taille, nécessite des contacts avec les collectivités territoriales : recherche de local, conseils techniques, voire soutien financier.
Les collectivités ont ainsi été amenées à prendre pleinement conscience de l'intérêt pour leurs territoires des projets de l'économie sociale et solidaire qui participent au lien social en ramenant vers l'emploi des personnes qui en sont éloignées, en fournissant des services à des personnes âgées ou en difficulté, et créent de l'emploi souvent non délocalisable.
Le groupe d'études sénatorial sur l'économie sociale et solidaire a ainsi accueilli au Sénat, le 5 mars dernier, les représentants des associations d'élus de collectivités locales 6 ( * ) . Ils ont signé, en présence de M. Benoît Hamon, ministre délégué à l'économie sociale et solidaire et à la consommation, une Déclaration commune des réseaux de collectivités locales, fondée sur une vision de l'ESS en tant que modèle économique à part entière, apportant des réponses aux besoins des territoires. Cette déclaration appelait l'Etat et ses représentants à : - affirmer la place de l'ESS au sein de l'économie ; - reconnaître la contribution des acteurs de l'ESS à l'intérêt général, notamment par une évolution du code des marchés publics et la prise en compte, dans les contrats entre associations et collectivités, des missions d'intérêt général remplies par ces acteurs ; - inscrire la promotion et le développement de l'ESS dans l'ensemble des schémas directeurs des politiques publiques. L'ESS devrait ainsi être inscrite dans les démarches de contractualisation entre l'Etat et les collectivités ; - veiller à la prise en compte de la dimension ESS dans les différents projets législatifs. |
Le soutien public à l'économie sociale et solidaire prend aussi la forme de la commande publique ou de la subvention .
Le code des marchés publics permet en effet de prendre en compte des éléments d'ordre social ou environnemental en tant que condition d'exécution des marchés (article 14), sous la forme d'un marché réservé à des entreprises adaptées ou des établissements d'aide par le travail ( article 15) , ou encore comme un critère, parmi d'autres, d'attribution du marché ( article 53 ). L' article 30 prévoit également la possibilité de passer des marchés de qualification et d'insertion professionnelle destiné à des personnes rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières.
La subvention est une procédure plus souple, mais qui - votre rapporteur l'a constaté au cours de ses auditions comme dans son activité d'élu -, soulève souvent des craintes auprès des administrations locales . Contrairement à la commande publique qui bénéficie d'un encadrement réglementaire précis, la subvention est perçue comme moins sûre juridiquement. Il peut ainsi arriver qu'une subvention à une association soit requalifiée par le juge en marché public et que la collectivité doive donc recourir aux procédures correspondantes, plus lourdes.
Suite à une demande émise par les associations au cours de la Conférence de la vie associative du 17 décembre 2009, le gouvernement a pris le 18 janvier 2010 une circulaire qui apporte certains éclaircissements sur la distinction entre subvention, marché public et délégation de service public, en considérant notamment qu'on se situe dans le cadre de la commande publique lorsque la collectivité est à l'initiative du projet.
3. ... et la nécessaire implication de l'État
L'Etat a également un rôle à jouer pour la promotion de l'économie sociale et solidaire, notamment au niveau de l'administration déconcentrée avec les préfets de région.
L'Etat a ainsi créé en 2002, avec la Caisse des dépôts, le dispositif local d'accompagnement , qui aide les employeurs, les structures d'insertion et les autres entreprises d'utilité sociale créatrices d'emploi dans leur démarche de consolidation et de développement.
Votre rapporteur a reçu au cours de ses auditions plusieurs témoignages de l'effet d'entraînement très positif qu'a représenté le dispositif local d'accompagnement et formule le souhait de sa pérennisation. En dix ans, 42 000 structures d'utilité sociale, représentant 530 000 emplois, ont bénéficié de l'action du dispositif local d'accompagnement.
Votre rapporteur salue par ailleurs l'écoute et l'engagement très volontariste du ministre délégué à l'économie sociale et solidaire et à la consommation , qui a porté le présent projet de loi.
Il constate toutefois que l'économie sociale et solidaire manque d'une structure de suivi suffisante au niveau de l'administration centrale . Dans le budget de l'Etat, l'ESS représente une simple action à l'intérieur du programme 304 « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales » 7 ( * ) . Cette action dispose de 5 millions d'euros en crédits de paiement dans le projet de budget pour 2014.
Ce chiffre, qui comprend surtout des subventions aux CRESS et autres organismes nationaux et locaux de l'économie sociale et solidaire, ne représente certes qu'une partie de l'effort national en faveur de l'ESS. Il faudrait y ajouter les dispositions fiscales et les soutiens par des organismes de financement tels que le futur fonds pour l'innovation sociale.
Votre rapporteur ne peut que formuler le voeu qu'une véritable administration , qui ne nécessiterait pas un personnel important car il s'agit surtout de coordonner des actions menées plus près du terrain, soit mise en place afin d' assurer le suivi de la présente loi .
* 6 Association des régions de France (ARF), Assemblée des départements de France (ADF), Association des maires de France (AMF), Assemblée des communautés de France (ADCF), Association des maires de grandes villes de France (AMGVF), Réseau des collectivités territoriales pour une économie solidaire (RTES).
* 7 Ce programme appartient à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».