B. UNE LÉGISLATION INÉGALE

1. Une législation européenne parmi les plus abouties

Si le commerce des armes a toujours figuré, en filigrane, dans le champ d'application du marché commun 2 ( * ) , les premières interventions de la Commission européenne, marquant un véritable point de départ politique, se font à la fin des années 1990.

Les diverses initiatives européennes ont conduit, en 2007, la Commission européenne à émettre des propositions, qui sont devenues, après négociation, deux directives formant le « paquet défense ». Celui-ci contient, outre la stratégie industrielle et l'harmonisation des procédures de passation des marchés, deux volets permettant la fluidité des échanges :

- L'amélioration de la compétitivité à l'exportation ;

- La mise en place d'un contrôle rigoureux.

Sur ce dernier point, au sein de l'Union européenne, dès 1998, la France, avec le Royaume-Uni, a oeuvré pour l'adoption d'un code de conduite européen en matière d'exportation d'armements. De portée essentiellement politique, ce code de conduite a été transformé en décembre 2008 en une « position commune » du Conseil de l'Union européenne (n°2008-944 PESC, position commune définissant des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologie et d'équipement militaire), à caractère contraignant.

La position commune fixe huit critères que les autorités nationales doivent respecter pour l'octroi de leurs autorisations.

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LES 8 CRITÈRES DE LA POSITION COMMUNE

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- Premier critère : respect des engagements internationaux des États membres (en particulier : sanctions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies ou l'Union européenne, accords en matière de non prolifération) ;

- Deuxième critère : respect des droits de l'homme dans les pays de destination finale ;

- Troisième critère : situation intérieure dans le pays de destination finale (existence de tensions ou de conflits armés) ;

- Quatrième critère : préservation de la paix, de la sécurité et de la stabilité régionales ;

- Cinquième critère : sécurité nationale des États membres et de leurs pays amis ou alliés ;

- Sixième critère : comportement du pays acheteur à l'égard de la communauté internationale, et notamment son attitude envers le terrorisme, la nature de ses alliances et le respect du droit international ;

- Septième critère : existence d'un risque de détournement de technologie ou des équipements militaires dans le pays acheteur ou de réexportation de ceux-ci dans des conditions non souhaitées ;

- Huitième critère : compatibilité des exportations des technologies ou d'équipement militaires avec la capacité technique et économique du pays destinataire, compte tenu du fait qu'il est souhaitable que les États répondent à leurs besoins légitimes de sécurité et de défense en consacrant un minimum de ressources humaines et économiques aux armements.

Sur ce fondement, les États membres se notifient les autorisations qu'ils ont refusées, en précisant le motif de refus par rapport aux huit critères établis par la position commune, et se transmettent des données très précises sur leurs exportations d'armements ; un rapport annuel sur les exportations d'armements et la mise en oeuvre de la position commune est publié chaque année au Journal Officiel de l'Union européenne.

Une procédure de consultation préalable est prévue lorsqu'un État membre envisage d'autoriser une exportation refusée par un autre. Toutefois, la décision ultime est finalement du ressort de chaque État.

2. Un contrôle rigoureux en droit français

La loi n° 2011-702 du 22 juin 2011 relative au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés, à la simplification des transferts des produits liés à la défense dans l'Union européenne et aux marchés de défense et de sécurité a permis à la France de remplir ses obligations en termes de transposition de la directive dite du « paquet défense ».

Les articles de cette loi concernant les transferts intra-communautaires et les exportations d'armements de matériels de guerre, ainsi que le décret du 9 novembre 2011 permettant son application, sont entrés en vigueur le 30 juin 2012.

Le dispositif français repose sur le principe de l'autorisation : toute personne qui souhaite fabriquer, faire commerce ou se livrer à une activité d'intermédiation dans le domaine des armes doit avoir reçu l'autorisation du ministre de la défense.

L'autorisation est également obligatoire en matière d'exportation ou importation d'équipements à destination de pays non-membres de l'Union européenne ainsi que pour les opérations de transit ou transbordement.

Les demandes d'autorisation sont examinées par la Commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG). Notons que la France se base en particulier sur les critères de la Position commune pour octroyer ou non une autorisation.

De même, l'article L. 2335-4 du code de la défense dispose que toute autorisation peut être suspendue, modifiée, abrogée ou retirée « pour des raisons de respect des engagements internationaux de la France, de protection des intérêts essentiels de sécurité, d'ordre public ou de sécurité publique ou pour non-respect des conditions spécifiées dans la licence ».

La France est également membre de l'Arrangement de Wassenaar 3 ( * ) sur le contrôle des exportations d'armes conventionnelles et de biens et technologies à double usage, depuis sa création en 1996. Les États parties à l'Arrangement doivent s'assurer que les transferts d'armes et de biens et technologies à double usage conventionnels qu'ils effectuent ne contribuent pas au développement ou au renforcement de capacités militaires pouvant nuire à la sécurité et à la stabilité régionale et internationale.

Les États participants ont défini une liste de biens et technologies à double usage, ainsi qu'une liste de biens militaires qu'ils s'engagent à contrôler à l'exportation. Ces listes sont mises à jour annuellement par le groupe d'experts de l'Arrangement. Pour sa part, la France a adopté la liste commune des équipements militaires de l'Union européenne, qui reprend la liste des biens militaires de l'arrangement de Wassenaar, par arrêté du 27 juin 2012 (modifié), en la complétant par deux catégories de biens : les satellites ainsi que les fusées et les lanceurs spatiaux.

Ainsi, la France possède déjà une législation très restrictive en matière de commerce des armes. Elle prend en compte, par définition, dans sa politique de délivrance des autorisations, les situations de conflits, ainsi que les atteintes graves aux droits de l'homme. Le contrôle rigoureux des exportations d'armes et la question de la maitrise des armements restent des priorités françaises.

3. A l'échelle mondiale, peu de législations en la matière

Hors zone européenne, les législations en la matière ne sont pas nombreuses.

Au niveau régional, on peut néanmoins citer le cas de la CEDEAO, qui a adopté un régime de contrôle du désarmement, comportant des règles communes, en matière d'armes légères.

Du point de vue de la coopération entre les États, aucune règle universelle ne régissait le commerce des armes, à part les embargos résultant de décisions du Conseil de sécurité des Nations unies. C'est ainsi que l'interdiction d'importer ou d'exporter des armes fait partie du régime de sanctions à l'égard de l'Iran. De même, certains engagements internationaux lient les pays, mais sans réelle valeur juridique : il en est ainsi des engagements politiques encourageant la transparence, ou le dispositif, mis en place dans les années 1990, d'incitation à la coopération à la lutte contre la dissémination des armes légères et de petit calibre.

Le seul véritable traité universel en matière de désarmement est celui sur l'interdiction complète des essais nucléaires, conclu en 1996. Les traités sur l'interdiction des mines antipersonnel (1997) et des armes à sous-munitions (2008), n'ont, quant à eux, pas été conclus dans le cadre des Nations unies. D'ailleurs, plusieurs pays ont refusé de participer aux négociations et de signer le texte, parmi lesquels les États-Unis, la Russie, la Chine, l'Inde ou encore le Pakistan.

Néanmoins, aucun instrument juridique véritablement contraignant n'introduisait de responsabilités dans le commerce licite des armes conventionnelles par l'établissement de normes internationales communes strictes pour l'importation, l'exportation et le transfert de ces armes.


* 2 Voir le rapport de M. Josselin de Rohan, « Contrôle des importations et exportations de matériels de guerre et marchés de défense et de sécurité », Sénat, n°306 (2010-2011).

* 3 Les pays participant à l'arrangement de Wassenaar sont les Etats membres de l'Union européenne (sauf Chypre), l'Afrique du Sud, l'Argentine, l'Australie, le Canada, la Corée du Sud, les Etats-Unis, le Japon, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, la Russie, la Suisse, la Turquie et l'Ukraine.

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