EXAMEN EN COMMISSION
Mme Esther Benbassa , rapporteure . - Nous examinons la proposition de loi déposée par Mme Claudine Lepage et plusieurs de ses collègues visant à l'indemnisation des personnes victimes de prises d'otages. Le code pénal prévoit que le fait d'arrêter, d'enlever, de détenir ou de séquestrer une personne est puni de vingt ans de réclusion criminelle. Si la séquestration vise à obtenir une rançon ou à permettre la fuite de l'auteur, la peine est portée à trente ans. La prise d'otages est donc considérée comme une circonstance aggravante de la séquestration ou de l'enlèvement.
L'indemnisation des otages varie selon les circonstances. Si la prise d'otages est liée à une action terroriste, elle relève du régime de la loi du 9 septembre 1986. Si la prise d'otage n'est pas liée au terrorisme mais qu'elle a entraîné la mort de la victime, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois, l'indemnisation du préjudice est accordée sur le fondement de l'article 706-3 du code de procédure pénale, par la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (Civi). Enfin, dans les autres cas, la victime peut prétendre à une indemnisation de la Civi mais seulement si elle ne peut obtenir par ailleurs une réparation de son préjudice, et qu'elle se trouve dans une situation matérielle ou psychologique délicate, avec des ressources inférieures à l'aide juridictionnelle partielle.
L'objet de la proposition de loi est donc limité car dans tous les cas les victimes sont déjà indemnisées. L'essentiel est la reconnaissance symbolique du statut d'otage. En outre, le texte vise une homogénéisation, le régime d'indemnisation étant aligné sur celui des victimes d'atteintes graves à la personne lorsque la victime ne relève pas de la loi de 1986. On compte 50 prises d'otages à l'étranger entre 2009 et 2013, environ 35 liées au terrorisme, les autres crapuleuses. Je proposerai par ailleurs de supprimer l'article 2 car cette indemnisation, qui est versée par le Fonds de garantie (FGTI), est assurée par un prélèvement sur les contrats d'assurance et ne pose pas de difficulté au regard de l'article 40 de la Constitution.
M. Alain Richard . - L'irrecevabilité financière est appliquée différemment dans chacune des deux assemblées. Cependant, selon l'usage, la première assemblée saisie décide si l'article 40 est opposable à une proposition de loi, et l'autre assemblée s'y rallie, même si son interprétation n'est pas identique.
Sur le fond, la question en l'occurrence est celle-ci. Le fonds d'indemnisation est doté de crédits évaluatifs, éventuellement corrigés selon les dépenses. L'ajout d'une catégorie d'infraction, de nature à augmenter les demandes d'indemnisation, et en conséquence les dépenses du fonds, est-elle susceptible de constituer une irrecevabilité financière ? Le Sénat, dans le passé, a considéré que non, mais l'examen de l'article 2 est l'occasion de préciser notre interprétation de l'article 40. En supprimant l'article, nous estimons que la proposition de loi échappe à la censure de l'article 40, car la dotation budgétaire évaluative n'aurait pas à être augmentée.
M. Patrice Gélard . - Je ne suis pas convaincu de l'intérêt de cette proposition de loi : les victimes sont déjà indemnisées.
M. Alain Richard . - Par qui ? Par les auteurs ?
M. Patrice Gélard . - Non, par l'État.
M. Thani Mohamed Soilihi . - Je crois au contraire ce texte bienvenu. Il est bon d'homogénéiser les modalités d'indemnisation des victimes.
M. Jean-Pierre Sueur , président . - Je partage cet avis. Le code pénal définit le terrorisme comme un acte ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur. Une prise d'otage n'est-elle pas, de fait, un acte de terrorisme ?
M. Alain Richard . - Il convient de prouver que l'intention était de troubler l'ordre public sinon le tribunal estimera qu'il s'agit d'un acte crapuleux. En droit pénal les incriminations sont d'interprétation stricte.
M. Patrice Gélard . - La séquestration d'un patron n'est pas un acte de terrorisme !
Mme Esther Benbassa , rapporteure . - L'article 2 de la proposition de loi n'est pas nécessaire : il n'y a pas lieu de prévoir un gage lorsque l'indemnisation est assurée par un financement privé. En outre la commission des finances s'est déjà, dans le passé, prononcée sur le sujet à plusieurs reprises.
Il est bon d'homogénéiser le régime d'indemnisation des victimes et de reconnaître le statut de celles-ci. Quant à la qualification de terrorisme, elle est soumise à l'appréciation du parquet de Paris.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Article additionnel après l'article 1 er
Mme Esther Benbassa , rapporteure . - L'amendement n° 1 permet l'application de la proposition de loi aux trois territoires d'outre-mer soumis en matière pénale au principe de spécialité législative.
L'amendement n° 1 est adopté et devient l'article 1 er bis.
Mme Esther Benbassa , rapporteure . - L'amendement n° 2 supprime le « gage », qui n'a pas lieu d'être en l'espèce.
L'amendement n° 2 est adopté et l'article 2 est supprimé.
La commission adopte la proposition de loi dans la rédaction issue de ses travaux.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Article(s) additionnel(s) après Article 1er |
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Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Mme BENBASSA, rapporteure |
1 |
Application outre-mer |
Adopté |
Article 2
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Mme BENBASSA, rapporteure |
2 |
Suppression du gage |
Adopté |