TRAVAUX DE LA COMMISSION

Jeudi 23 mai 2013

La commission examine le rapport et le texte de la commission sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer pour accélérer les projets de construction .

M. Claude Bérit-Débat , rapporteur . - Lors de l'annonce du Plan d'investissements pour le logement, le 21 mars dernier, le Président de la République a demandé au gouvernement de recourir aux ordonnances pour accélérer la mise en oeuvre de la politique en matière de construction.

Si cette procédure ne saurait être un mode habituel d'élaboration de la loi, elle est justifiée dans des domaines précisément circonscrits, en raison de l'urgence ou de la grande complexité technique des sujets.

Depuis un an, le Parlement joue un rôle central dans la politique du logement. Aussi bien en loi de finances qu'à l'occasion du vote de la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement, il a adopté plusieurs mesures fortes : renforcement des obligations en matière de construction de logements sociaux, mise à disposition des terrains de l'État pour construire des logements sociaux, augmentation des aides à la pierre, création d'un nouveau dispositif d'investissement locatif, etc.

Une nouvelle séquence parlementaire s'ouvrira bientôt. Au cours de l'été, sera déposé un projet de loi destiné à infléchir les politiques publiques en matière d'aménagement et d'urbanisme, et ainsi concilier plus harmonieusement l'objectif de construire davantage et mieux avec celui de préserver les espaces naturels et agricoles. Là encore, le Sénat et l'Assemblée nationale exerceront sans restriction ni délégation leurs compétences législatives.

Le projet de loi d'habilitation s'inscrit donc dans l'intervalle entre ces deux séquences parlementaires fortes, les lois Duflot I et Duflot II. Il comporte des mesures à la fois pragmatiques et techniques, décisives pour lever des freins à la construction. Simplification des procédures administratives, réduction des délais contentieux en matière d'urbanisme, accès plus aisé du public à l'information urbanistique ou encore raccourcissement des délais de paiement dans le secteur de la construction : autant de mesures détachables du projet de loi Duflot II et qu'il serait ridicule de garder dans les tiroirs !

Avec les ordonnances nous gagnons plusieurs mois, et peut-être un an, soit un temps précieux. Retarder l'adoption de ces mesures utiles constituerait une erreur économique tout autant que sociale et politique, car stimuler la construction et la rénovation de logements est non seulement un impératif humain pour tous les ménages qui ont du mal à se loger, mais c'est aussi un formidable moyen de soutenir le secteur de la construction et d'appuyer le tissu des TPE et des PME du bâtiment, qui irriguent tout le territoire.

L'article 1 er définit le champ de l'habilitation à légiférer demandée par le Gouvernement en recensant huit points.

Le premier point concerne la création d'une procédure intégrée pour le logement (PIL) qui sera applicable pour les projets de construction ou d'aménagement comportant principalement la réalisation de logements au sein des unités urbaines.

Certains projets rendent nécessaire de modifier préalablement, parfois de façon substantielle, certains documents d'urbanisme (PLU ou SCOT) mais aussi certains schémas et plans qui s'imposent aux documents d'urbanisme du fait de la hiérarchie des normes : les programmes locaux de l'habitat (PLH), les plans de déplacement urbain (PDU), les zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP) ou les aires de mise en valeur du patrimoine (AVAP), les plans de prévention des risques naturels (PPRN), etc.

Toutefois ces documents doivent être modifiés selon des procédures spécifiques et souvent longues, qui, comble de l'absurde, comprennent des éléments redondants, notamment dans le domaine de la consultation du public et de l'évaluation environnementale. Le temps perdu est considérable, d'autant plus que chaque procédure de modification peut être attaquée devant le tribunal administratif : aux délais administratifs s'ajoutent les délais contentieux.

Il existe certes déjà une procédure censée regrouper les procédures de modification - la déclaration de projet - mais elle fonctionne mal et est très peu utilisée car elle ne s'applique pas à certains documents (par exemple les PLH ou les DUP) et, dans d'autres cas, le législateur a omis de préciser la procédure à suivre...

La procédure intégrée pour le logement comblera ces manques. Une évaluation environnementale unique sera réalisée en amont de la procédure. Elle précisera comment réaliser en une fois la modification des divers documents qui font obstacle à un projet. Certaines autorisations individuelles pourront être instruites dans la foulée. Le temps d'instruction des dossiers sera ainsi divisé par deux ou trois.

La PIL restera cependant circonscrite aux zones urbaines et sera utilisable uniquement pour des projets d'intérêt général comportant principalement la réalisation de logements. Elle constituera donc une démarche d'exception, qui n'a pas vocation à se substituer aux procédures normales d'élaboration et d'évolution des documents d'urbanisme. Le niveau d'exigence de l'évaluation environnementale ne diminuera pas, puisque la PIL retiendra les modalités d'évaluation et de consultation du public les plus exigeantes parmi celles prévues dans les procédures regroupées.

Cette procédure ambitieuse est cependant très complexe à élaborer car plusieurs codes devront être modifiés simultanément de manière cohérente. Le recours à une ordonnance est justifié.

Le point 2 crée un géoportail de l'urbanisme.

Le point 3 facilite le financement des projets d'aménagement comportant principalement des logements en assouplissant les règles prudentielles en matière de garantie d'emprunt prévues par le code général des collectivités territoriales. Il s'agit concrètement d'étendre aux projets d'aménagement des possibilités de dérogations qui existent déjà dans la loi pour la construction de logements sociaux.

Le point 4 vise à accélérer le règlement des litiges dans le domaine de l'urbanisme et à prévenir les contestations dilatoires ou abusives. C'est une demande ancienne, tant des porteurs de projets que des élus locaux. La question avait été abordée lors des débats sur la loi Duflot I, notamment par Daniel Dubois. La ministre s'était engagée à avancer rapidement des propositions. Le Gouvernement a créé un groupe de travail. Le rapport Labetoulle a été rendu public début mai et ses propositions apportent des solutions innovantes et équilibrées. Ainsi, l'obligation pour le requérant de déclarer aux services fiscaux les indemnités perçues en contrepartie de son désistement du recours engagé, sous peine de nullité de la transaction.

Autre exemple : la possibilité pour le bénéficiaire du permis de construire d'intenter une action en dommages et intérêts contre l'auteur d'un recours abusif, en cas de préjudice anormal. La mesure visera uniquement les recours malveillants.

De même, le juge aura la possibilité de fixer une date au-delà de laquelle de nouveaux moyens ne pourront plus être invoqués à l'appui d'une demande d'annulation du permis de construire. C'est la cristallisation des moyens.

Le point 5 de l'habilitation vise à faciliter les projets de construction dans les zones tendues en autorisant les dérogations à certaines règles posées par un document d'urbanisme. Il ne s'agit pas d'une dérogation générale aux règles des PLU telle que la prévoyait la loi sur la majoration des droits à construire présentée en 2012 par le précédent Gouvernement. En l'espèce, la non-opposabilité des règles des PLU à certaines demandes d'autorisation sera circonscrite dans l'espace, puisqu'elle concernera uniquement les zones caractérisées par un écart important entre l'offre et la demande de logements, et circonscrite aussi dans son objet, puisque les domaines où la dérogation interviendra sont définis par le texte d'habilitation.

Ainsi la surélévation d'un immeuble ou la transformation des bureaux en logements peut se heurter aux obligations en matière d'aires de stationnement définies par le PLU. Il faut donc prévoir les conditions dans lesquelles on déroge à ces règles. De même, pour lutter contre les « dents creuses » et permettre l'alignement d'un bâtiment sur la hauteur des bâtiments adjacents, il faut prévoir les conditions dans lesquelles déroger, le cas échéant, aux règles de gabarit et de densité.

Le point 6 de l'habilitation vise à favoriser le développement du logement intermédiaire, destiné à combler le vide qui existe dans les zones tendues entre l'offre de logement social d'un côté et le marché libre de l'autre. Certains ménages des classes moyennes sont trop aisés pour prétendre à un logement social et trop pauvres pour se loger correctement au prix du marché. Par ailleurs, ce vide dans l'offre bloque les parcours résidentiels pour les ménages qui pourraient quitter le parc social.

Les documents de planification (PLU, SCOT, PLH) fixeront ainsi des objectifs ou des obligations prenant en compte ce type de logement intermédiaire.

L'ordonnance créera aussi un nouveau régime de bail permettant de produire des logements intermédiaires à des prix maîtrisés tout en garantissant que l'effort financier consenti par les collectivités ne sera pas détourné par des pratiques spéculatives. Le dispositif envisagé repose sur la dissociation entre le foncier et le bâti des logements intermédiaires. Les personnes publiques propriétaires du foncier concèderont aux promoteurs des terrains à un prix bas, pour une période de long terme, avec un bail emphytéotique de 75 à 99 ans, dans le cadre d'une convention qui précisera que les logements construits sont destinés à un public de locataires ou d'acquéreurs bien précis, défini par des niveaux de revenus intermédiaires. Les logements construits sur ces terrains ne pourront être loués qu'à ces personnes et ils ne pourront être cédés qu'à la condition que l'acheteur respecte lui aussi la destination initiale de ces locaux d'habitation.

Le point 7 de l'ordonnance vise à généraliser la garantie financière d'achèvement extrinsèque pour toutes les opérations de vente en l'état futur d'achèvement (VEFA). La garantie extrinsèque est fournie par un établissement financier, à la différence de la garantie dite intrinsèque, en réalité une simple dispense de garantie accordée sous certaines conditions au constructeur. En cas de défaillance du constructeur, les acheteurs se retrouvent démunis. L'ordonnance rend obligatoire la garantie extrinsèque.

Enfin, le point 8 de l'habilitation prévoit de modifier les règles relatives aux délais de paiement et au versement des acomptes dans le domaine de la construction afin de soulager la trésorerie des entreprises du secteur. Actuellement, les entreprises sous-traitantes transmettent leurs factures au maître d'oeuvre, qui procède à leur vérification puis se fait payer par le maître d'ouvrage. Les délais de vérification (30 jours) s'ajoutent aux délais de paiement. L'idée est d'intégrer ces deux délais pour accélérer le règlement des acomptes.

Quelques mots sur les délais. L'article 2 prévoit que les ordonnances devront être prises dans un délai de quatre, six et huit mois, selon les cas. L'article 3 fixe, quant à lui, un délai de cinq mois après la publication de l'ordonnance pour déposer devant le Parlement un projet de loi de ratification.

En conclusion, ce texte va dans le bon sens. Sur la forme, la complexité technique et le caractère relativement urgent des mesures envisagées justifie le recours aux ordonnances. Comme le Parlement a un contrôle clair sur les objectifs et les principes qui définissent le contour de l'habilitation et qu'il contrôlera le texte final lors de la ratification, rien ne s'oppose à l'utilisation de l'article 38 de la Constitution.

Je demanderai à Madame la ministre, lors du débat en séance, que le Parlement soit informé au fur et à mesure de la rédaction des ordonnances, de manière à pouvoir conduire un dialogue constructif avec l'administration.

Sur le fond, certaines mesures sont ponctuelles, d'autres structurelles. La procédure intégrée pour le logement, le géoportail de l'urbanisme et la réforme du contentieux de l'urbanisme marquent un net progrès vers plus de proximité, de simplicité et de réactivité de l'administration. C'est ce que nos concitoyens attendent et ce dont notre économie a besoin. Voilà un bel exemple du choc de simplification appelé de ses veux par le Président de la République.

Plusieurs points ont été précisés par les députés au cours des débats à l'Assemblée nationale, comme la possibilité de condamner au versement de dommages et intérêts l'auteur d'un recours abusif, le recentrage du régime du logement intermédiaire sur les zones denses, ou encore les précisions apportées sur les liens entre les organismes d'HLM et leur filiale dédiée au logement intermédiaire.

Quelques points appellent cependant des précisions supplémentaires.

Je vous propose un amendement pour préciser que les dérogations aux règles des PLU prévues pour densifier seront une faculté ouverte aux communes et non une obligation. Autant le préciser dans le texte, d'autant que la ministre l'a confirmé hier lors de son audition.

Également, à l'article 1 er , la rédaction des alinéas 15 et 18 sur les dérogations en matière de gabarit, de densité ou d'obligation de stationnement prévues au 5° est obscure. Je vous proposerai une rédaction alternative mais seulement pour l'examen en séance publique compte tenu de la technicité du dispositif et des délais très brefs de l'examen du texte transmis par l'Assemblée nationale.

Il en va de même pour la fin de l'alinéa 22 qui prévoit que les personnes assurant la détermination effective de l'orientation de l'activité des filiales d'organisme d'HLM qui font du logement intermédiaire ne puissent assurer la détermination de l'orientation de l'activité au sein de l'organisme mère. Or, les membres du conseil d'administration de la filiale et de la maison mère sont forcément en partie les mêmes, puisqu'y figurent des représentants des collectivités locales. Je vous proposerai également la semaine prochaine une solution à ce problème.

Malgré ces quelques points secondaires encore en suspens, je vous propose d'adopter le texte modifié par le seul amendement en discussion.

M. Daniel Raoul , président . - L'Assemblée nationale a aussi adopté un article additionnel après l'article 4 pour reporter à 2018, un délai fixé initialement à 2013 autorisant le recours à la procédure de conception-réalisation par les organismes d'HLM, au cas où la loi Duflot II ne serait pas entrée en vigueur d'ici là. Elle a aussi adopté sans modification l'article 4 visant à sécuriser la procédure d'expropriation.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Il faut que les filiales d'organismes HLM chargées du logement intermédiaire s'occupent exclusivement de la gestion locative intermédiaire. C'est conforme à l'exposé des motifs du texte. La ministre Cécile Duflot a expliqué que le mécanisme du logement intermédiaire donnerait aux maires, dans les PLU, une capacité de négociation sur les charges foncières et favoriserait la mixité sociale. Donc le concept de logement intermédiaire inclut l'accession à prix abordables et la location intermédiaire.

En revanche, les structures qui construiront et géreront devront être séparées entre celles consacrées au locatif et celles consacrées à l'accession. Si une même entreprise a la possibilité de faire les deux, l'accession à prix modérée l'emportera sur l'accession sociale. En outre, ouvrir la porte aux grands opérateurs empêchera les petits promoteurs de se lancer sur le marché de l'accession sociale.

Mon amendement précisera ainsi que les filiales sont consacrées à la gestion locative intermédiaire.

Enfin, concernant la distinction entre les membres des conseils d'administration des filiales des organismes HLM et ceux de leur maison mère, il serait bon de prévoir une exception pour les représentants des collectivités territoriales, car tous représentent l'intérêt public.

M. Daniel Raoul , président . - J'avais soulevé ce problème hier lors de l'audition de la ministre. Il faut souligner qu'il s'agit des représentants des collectivités ; ils ne sont pas nommés intuitu personae . Une solution semble possible.

Mme Mireille Schurch . - Je salue le travail du rapporteur. Ce texte crée des dérogations aux règles du PLU. Un amendement précisera utilement qu'il s'agit d'une faculté, non d'une obligation ; mais déjà, certains maires n'utilisent pas les outils de densification autorisés par les PLU. Il est toujours délicat de légiférer en créant des dérogations : pourquoi ne pas modifier durablement les règles des PLU en zones denses ?

Un statut du logement intermédiaire a été créé car 1,7 millions de personnes attendent un logement social. Le texte facilite son développement mais je crains qu'il ne se substitue au logement social. L'urgence est de promouvoir le logement social et de l'élargir : je regrette donc l'absence d'article à ce sujet. La procédure proposée pour le logement intermédiaire aurait pu être étendue au logement social.

Au sein des organismes d'HLM, il faudra veiller à l'étanchéité entre les filiales. Les offices HLM risquent, en effet, d'être tentés de privilégier le logement intermédiaire, plus rentable et moins compliqué que le logement social. En filigrane se pose la question de l'aide à la pierre, que nous devrons réexaminer lors du projet de loi de finances.

M. Claude Dilain . - La crise actuelle du logement, même si ses effets sont différents selon les territoires, s'avère aussi grave que la crise des années cinquante, mais sa résolution est plus complexe. A l'époque, il a suffi de construire des immeubles au milieu des champs de betteraves ; aujourd'hui, si l'on ne veut ni densifier, ni construire sur les terres agricoles, il ne reste plus que la planète Mars ! Je me réjouis des mesures proposées, qui semblent nécessaires pour endiguer la crise. La loi Duflot I, ces ordonnances, la loi Duflot II et la loi sur les métropoles traduisent une politique cohérente du gouvernement qui bousculera, heureusement, certaines habitudes.

M. François Calvet . - Un mot sur la forme : le recours aux ordonnances me surprend : vous les aviez tellement critiquées sous le gouvernement précédent...Mais chacun sa croix !

Sur le fond, la crise du logement est générale : elle fragilise le tissu des entreprises familiales du BTP et menace bien des emplois. Il faut agir, l'urgence est là.

Le texte crée des dérogations aux documents d'urbanisme. Mais sur le terrain, les élus ont du mal à faire avancer les dossiers. Une circulaire permettrait de faire comprendre à l'administration qu'il est urgent d'agir.

Je m'abstiendrai sur ce projet de loi : je suis hostile au recours aux ordonnances mais ce texte répond à une impérieuse nécessité : il faut débloquer ces programmes immobiliers qui attendent ; ils sont nombreux dans mon département !

M. Marc Daunis . - J'adresse un sincère salut au rapporteur, qui a effectué un remarquable travail. J'approuve les propos de Claude Dilain. François Calvet, puisque nous faisons face à une « impérieuse nécessité », répondons-y par un mouvement impétueux et soutenons tous ensemble le texte. De nombreuses opérations se fondent sur le modèle : un tiers de logement social, un tiers d'accession sociale à la propriété et un tiers de logements dits libres. D'après certains, ce derniers tiers est indispensable pour amortir le prix du foncier et respecter les plafonds d'attributions ; fort bien. Non, justement ! Car dans les territoires où le logement est très tendu, Marie-Noëlle Lienemann en conviendra, le bailleur social doit être porteur du projet ; actuellement, on l'oblige à enfourcher le porte-bagages d'un promoteur pour bâtir du logement intermédiaire qui est, pour nous, vital.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Je connais bien ce problème.

M. Marc Daunis . - Avec le système des trois tiers, il est sûr et certain que des appartements seront convertis en résidences secondaires.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Mais non !

M. Marc Daunis . - Mais si, puisqu'il y a du logement libre ! Seuls le logement intermédiaire et l'accession sociale à la propriété garantissent la maîtrise du peuplement et de l'économie globale du projet.

Voilà pourquoi je plaide pour ménager une possibilité dans l'ordonnance, quitte à rectifier le tir dans la future loi sur le logement si nous constatons des abus.

M. Claude Bérit-Débat , rapporteur . - Autrement dit, vous approuvez le dispositif prévu dans l'ordonnance.

M. Marc Daunis . - Absolument ! Il est d'autant plus important que nous disposerons ainsi de recul lorsque nous examinerons la loi sur le logement pour éventuellement le rectifier.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Je ne suis pas d'accord avec ce raisonnement.

M. Michel Houel . - Un merci sincère au rapporteur. J'approuve les dérogations au PLU, mais il aurait fallu prendre en compte les places de parking. Essayer de reconstruire la ville sur la ville aboutit à un résultat catastrophique, je le vois bien à Condé-Sainte-Libiaire.

Qu'en est-il des obligations imposées dans les ZPPAUP ? Je connais bien le sujet car ma commune en compte une dont le périmètre est vaste. Quoi qu'il en soit, j'espère en revanche que les dérogations ne vaudront pas pour les zones d'inondation, nombreuses en Île-de-France.

Les recours ? Ils sont sincères s'ils sont déposés par des voisins immédiats. Au-delà d'un rayon de 5 à 10 km, ils deviennent abusifs. En Île-de-France, certaines personnes en vivent ; il faut le savoir : le retrait d'un recours se négocie entre 50 000 et 100 000 euros. Je comptais d'ailleurs porter une proposition de loi pour régler cette question.

Je reviens sur les places de parking, que nous devons systématiquement prévoir quand nous construisons des logements. Dans mon PLU, je demande deux places pour un studio. Prenez un couple de jeunes pacsés : chacun a sa voiture.

Cela étant dit, cela ne me gêne pas, a priori , de voter ce texte.

M. Jean-Jacques Mirassou . - A mon tour de remercier le rapporteur pour la grande qualité de son travail. Remettons les choses en perspective : ce texte se situe à l'intersection de Duflot I et de Duflot II et doit permettre de gagner du temps. Pour autant, il y a des problématiques de fond dont j'ai la faiblesse de penser qu'elles seront traitées dans Duflot II.

J'ai passé trente ans de ma vie à prendre des ordonnances. Elles se justifient par l'urgence et, en l'espèce, il y a urgence ; nous sommes tous d'accord sur le diagnostic. Nous gagnerons un an ou deux, ce qui est loin d'être négligeable quand la crise du logement frappe à la porte de toutes les communes de France et de Navarre. Donc, oui aux ordonnances. En revanche, je m'inscris en faux contre ceux qui se livrent à de singulières extrapolations : l'ordonnance ne se substitue pas à un texte pérenne, restons fidèles à son esprit.

M. Martial Bourquin . - Le rapporteur a légitimement mis en exergue trois points forts du texte, à commencer par la PIL. Une clarification, notamment des procédures d'urgence, s'impose pour réduire le stock de logements en attente que nous avons accumulé à cause des recours, des problèmes d'urbanisme et des modifications de ZPPAUP. Un exemple parmi d'autres. Je veux construire un éco-quartier de 100 habitations à Audincourt. Eh bien, le projet est reporté d'un an et demi, voire deux ans, parce qu'on a découvert 2 000 chauves-souris en raison des obligations du Grenelle II. Pourtant, le projet est situé à 10 mètres de la forêt. La PLI ne signifie pas que l'on négligera la protection de l'environnement, bien au contraire.

Le géo-portail sur l'urbanisme constitue une très bonne mesure, la ministre nous a rassurés sur son coût hier. L'Allemagne a perdu 500 000 habitants quand nous en gagnons 5 millions. Plus la démographie est galopante, plus nous avons besoin de logements. Dans quelques années, la population nette de la France sera plus élevée que celle de l'Allemagne.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Tant mieux !

M. Martial Bourquin . - Il était question de prix tout à l'heure. Alors, donnons-les : le mètre carré coûte 1 300 euros en moyenne en Allemagne, contre 3 800 en France. Pourquoi ? Parce qu'il est rare, parce qu'il y a de la spéculation. Les ordonnances, quoique nous ayons tous des réserves sur leur utilisation, sont bonnes parce qu'elles comportent des mesures anti-spéculatives. Il est plus que temps d'agir : je connais des entreprises du bâtiment qui font les salaires au mois le mois. Ce texte, s'il ne règle pas tout, déblayera le terrain.

M. Joël Labbé . - Mes oreilles ont sifflé quand Martial Bourquin a parlé des chauves-souris. Regardons les choses de manière globale, et pas seulement environnementalistes. L'épandage de certains produits est plus nocif pour les chauves-souris que la construction de logements.

Le logement intermédiaire, qui facilite les montages financiers et, donc, la recherche de l'équilibre économique, contribue à la réalisation de logements sociaux. Il représente une véritable avancée.

M. Daniel Raoul , président . - Au sujet du foncier, qu'a évoqué Martial Bourquin, je compte déposer un amendement en loi de finances, que nous avions proposé avec Thierry Repentin, pour taxer le prix de vente, comme le font les pays nordiques, plutôt que de s'amuser à calculer les plus-values. Ce serait bien plus simple et, je vous le promets, cela libérera des terrains.

M. Claude Bérit-Débat , rapporteur . - Je pense à faire cette proposition depuis longtemps ; j'en ai discuté avec Marie-Noëlle Lienemann.

M. Martial Bourquin . - Il faudrait aussi se pencher sur la taxation du foncier non bâti !

M. Claude Bérit-Débat , rapporteur . - Merci pour vos félicitations que je dois partager avec les administrateurs de notre commission.

Marie-Noëlle Lienemann veut ajouter le terme « locatif » pour caractériser le logement intermédiaire...

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - ...sur la partie filiale !

M. Claude Bérit-Débat , rapporteur . - ...auquel nous venons de consacrer nos débats. Le logement intermédiaire, qui figurera dans le PLH et peut-être dans le SCOT, est bienvenu ; parce qu'il correspond à une vraie demande entre le social et le résidentiel libre, il offre un vrai parcours au locataire jusqu'à la propriété à un prix accessible à tous. Nous réfléchirons également à la proposition de Marie-Noëlle Lienemann sur les collectivités territoriales à l'alinéa 22. Il faut éviter toute ambiguïté sur la représentativité des collectivités territoriales au sein de la filiale et de la maison-mère.

Je veux rassurer Mireille Schurch : les dérogations aux règles du PLU sont extrêmement circonscrites. Vous voulez changer la loi, mais nous ne pouvons pas le faire à l'occasion de ce texte ; attendons la prochaine loi sur le logement annoncée pour cet été.

Le logement intermédiaire, à mes yeux, n'entre pas en concurrence avec les logements qui bénéficient du PLS. En fait, tout dépend de l'endroit d'où l'on parle. Moi, je suis sénateur de la Dordogne ; à Périgueux, 80% des habitants peuvent prétendre à un logement social. La situation est différente dans les zones très tendues. Sans faire de prosélytisme, rappelons les mesures prises sous l'impulsion du Président de la République en faveur du logement social, comme l'augmentation de l'aide à la pierre. Bien sûr, ce n'est jamais assez ; mais l'effort est important.

Concernant l'étanchéité, le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale est clair.

Claude Dilain a raison : ces mesures vont bousculer nos habitudes, mais il faut trouver une solution avant de construire sur Mars.

Je remercie François Calvet de son intervention. Nos sensibilités politiques divergent, certes ; mais nous sommes tous des sénateurs ancrés dans nos territoires. Nous savons de quoi nous parlons pour être ou avoir été maire, conseiller municipal, général ou régional. La remarque qu'il a faite à la ministre hier était de bon sens : il faudra alerter les préfets pour éviter une mauvaise interprétation de l'ordonnance. La PIL permet de regrouper les procédures sans rien perdre des exigences sur le respect de l'environnement.

Pour les entreprises du bâtiment, nous avons demandé et obtenu une TVA de 5% appliquée à la rénovation et à la construction de logements sociaux. Les acteurs veulent plus tout en se satisfaisant de cette mesure qui leur apportera du chiffre d'affaires.

Michel Houel a évoqué les ZPPAUP pour lesquelles il n'est pas prévu de dérogations. Nous avons également parlé des plans de protection contre les risques d'inondation et des PPRN. J'ai défendu la création d'une ZPPAUP dans ma commune de manière très volontariste ; je m'en suis mordu les doigts ensuite car elle limite considérablement les projets de construction... L'intérêt est que la modification interviendra dans les mêmes délais que le PLU, ce qui nous fera gagner du temps.

Jean-Jacques Mirassou, grand praticien de l'ordonnance, a parlé vrai.

Martial Bourquin a démontré de manière convaincante, en prenant les exemples de la PIL, du géo-portail et de la relance, les avantages à légiférer par ordonnance.

Joël Labbé partage mon point de vue sur le logement intermédiaire, je m'en réjouis.

M. Daniel Raoul , président . - La possibilité de voir des logements intermédiaires se transformer en résidences secondaires n'existe pas ; la procédure est très encadrée.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Vrai !

M. Daniel Raoul , président . - Au bout de deux ou trois ans, cela peut néanmoins arriver mais ce sont des faits individuels. Dans les Alpes-Maritimes, un département cher à Marc Daunis, la tendance à la résidence secondaire est forte. J'ai entendu dire que certains installaient des locataires, voire les payaient, pour disposer, à terme, d'une résidence secondaire.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Le risque existe, que l'opérateur soit public ou privé. Les quartiers mono-acteurs ne sont jamais une bonne chose surtout lorsqu'ils sont signifiants. Le danger, c'est la banalisation ; Bruxelles risque de mettre en cause les avantages acquis aux HLM. En tout cas, le logement intermédiaire facilite l'accession sociale et la régulation des prix.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

M. Claude Bérit-Débat , rapporteur . - Par l'amendement n° 1, je traduis à l'alinéa 13 de l'article 1 er du projet de loi l'engagement pris par la ministre hier : faciliter les projets de construction de logements en utilisant des dérogations est une faculté pour les collectivités non une obligation.

Je proposerai d'autres amendements en vue de la séance publique pour consolider les alinéas 15, 18 et 22 de l'article 1er que l'Assemblée nationale a modifiés nuitamment après avoir trouvé un consensus avec les députés de l'opposition.

M. Michel Houel . - Raison pour laquelle ils sont bons !

M. François Calvet . - D'accord.

M. Daniel Raoul , président . - Il faut faire de la pédagogie ; chacun doit comprendre ce qu'il y a derrière ces alinéas adoptés rapidement. C'est le cas de celui sur la gouvernance qui résulte d'un compromis avec M. Benoît Apparu.

M. Claude Bérit-Débat , rapporteur . - Nous pouvons trouver un autre compromis.

L'amendement n° 1 est adopté.

L'article premier est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Les articles 2, 3, 4 et 5 sont adoptés sans modification.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

M. Joël Labbé . - Décidément, on en apprend tous les jours. Hier, j'ai compris que le dispositif Duflot, parce qu'il était fiscal, dépendait de Bercy. Or les communes dans les zones B2 qui ne seront pas retenues, seront doublement victimes puisque les investisseurs leur préféreront les communes voisines. Je compte déposer un amendement dans le collectif budgétaire, s'il y en a un, ou dans la prochaine loi de finances pour proposer une éligibilité par opération plutôt que par commune. Nous éviterons ainsi toute discrimination.

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