B. REMETTRE LA FORMATION DES PERSONNELS AU COEUR DU DISPOSITIF

1. Parachever l'installation des ÉSPÉ

Le succès de la refondation sera conditionné par la capacité de notre pays à offrir une formation initiale et continue performante et des perspectives de carrière stimulantes aux jeunes qui se destinent aux métiers de l'enseignement et de l'éducation. Cette formation doit être modernisée pour tenir compte des nouveaux besoins de notre système éducatif et des nouvelles pratiques et modes d'apprentissage , alors que la génération qui constituera le vivier de recrutement des futurs enseignants est née avec le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication. La formation des personnels de l'éducation doit, en outre, s'appuyer sur un continuum entre la formation initiale, la formation en alternance et la formation continue afin de garantir, tout au long de la carrière, l'acquisition de savoirs théoriques et pratiques et de compétences professionnelles en matière de pédagogie.

La création des ÉSPÉ tend à achever le processus historique d' « universitarisation » de la formation des enseignants. En étant pleinement intégrées à l'université, les ÉSPÉ pourront bénéficier dans leurs activités de recherche de l'appui des départements et des laboratoires de recherche universitaires. Jusqu'à aujourd'hui, rares sont les IUFM qui ont pu développer des programmes de recherche performants (Clermont I, Aix-Marseille, Bourgogne). Ce mouvement permet de rapprocher notre dispositif de formation des maîtres du schéma qui prévaut chez la plupart de nos partenaires étrangers, dans lesquels les enseignants sont d'abord et avant tout formés à l'université.

Il est vrai que la mise en place des ÉSPÉ, avec un nouveau statut dérogatoire de composante universitaire, intervient à un moment charnière dans l'évolution de notre système d'enseignement supérieur et de recherche. Après avoir été soumises au rythme intense de l'accession aux « responsabilités et compétences élargies » de la loi du 10 août 2007 20 ( * ) , les universités voient se profiler une nouvelle réforme majeure avec la discussion (concomitante à celle du projet de loi sur la refondation de l'école) du projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche 21 ( * ) . Afin que les ÉSPÉ puissent ouvrir leurs portes le 1 er septembre 2013, les universités sont appelées, depuis janvier 2013, à élaborer des projets de demande d'accréditation, sans que les principes mêmes d'organisation et de fonctionnement des ÉSPÉ aient été définitivement adoptés par le Parlement et sans que soit encore défini le statut des prochaines « communautés d'universités et établissements » qui sont censées se substituer aux pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) et qui, pour certaines, pourront accueillir ces ÉSPÉ.

Le monde universitaire, qui connaît de profonds bouleversements, devra donc faire preuve d'une grande capacité d'adaptation pour tenir pleinement compte des exigences renouvelées de la formation des enseignants, en particulier le renforcement de sa professionnalisation . Même si les masters professionnels tendent à se développer dans plusieurs disciplines, la question de la professionnalisation demeure assez nouvelle à l'université dans nombre de domaines : lettres, langues, sciences humaines..., dont les diplômes de master sont prioritairement axés sur la recherche universitaire dans le but de former d'abord des universitaires et des chercheurs plutôt que des professionnels de l'enseignement et de l'éducation.

Le succès de la mise en place des ÉSPÉ repose par conséquent, selon votre commission, sur la convergence effective de deux cultures jusqu'ici bien distinctes : d'une part, l'éducation nationale, incarnée par un grand ministère centralisateur dont les représentants académiques, les recteurs, disposent d'une forte autorité afin de garantir le respect du cadre national posé par la loi ; d'autre part, l'enseignement supérieur et la recherche, secteur dans lequel la liberté des enseignants-chercheurs constitue le paradigme fondamental et peut compliquer l'application uniforme d'un cadre national. La difficulté principale consistera précisément à amener les enseignants-chercheurs des UFR disciplinaires, qui revendiquent jusqu'ici une identité de préparateurs aux concours de recrutement pour le second degré, à accepter le cadrage minimal posé par le futur master mention « Métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation » (MEEF).

Votre commission rappelle que la professionnalisation de la formation devra également être prise en compte par l'État, en sa qualité d'employeur, au travers des concours de recrutement . Pour l'heure, ces concours, en particulier ceux du second degré, sont parcourus de logiques disciplinaires, qui laissent peu de place aux modules didactiques.

Votre commission se félicite, en outre, de la participation des ÉSPÉ à la formation des enseignants-chercheurs, essentiellement focalisée jusqu'à présent sur la recherche. Aujourd'hui encore, la pédagogie universitaire reste un « gros mot » au sein de la communauté des enseignants-chercheurs, alors même que l'enseignement supérieur a connu une massification de ses publics (étudiants et candidats à la formation continue) et que les objectifs de réussite en licence rendent plus que jamais nécessaire le renforcement des qualités pédagogiques des enseignants-chercheurs.

Votre commission insiste également sur la mise en place par les ÉSPÉ d'une continuité de la formation des futurs enseignants entre le premier cycle et le master . Pour les UFR disciplinaires, les offres de licence pour les étudiants susceptibles de poursuivre une carrière dans les métiers de l'enseignement et de l'éducation doivent être conçues de façon davantage pluridisciplinaire, en intégrant des formations communes telles que la gestion de la violence scolaire, la sociologie des élèves... Il faut en effet prévenir le risque de voir les ÉSPÉ réduites à la seule formation des professeurs des écoles , en constituant de simples écoles normales au sein de l'université.

Votre commission se réjouit du retour de l'alternance en deuxième année de master, le fonctionnaire stagiaire lauréat du concours préparé en M1 conservant le statut d'étudiant en M2. Toutefois, le stage en établissement scolaire exigeant du fonctionnaire stagiaire qu'il ait le temps de préparer sa classe, il semble difficile d'imaginer qu'il puisse consacrer plus de 330 heures à sa formation théorique. Des stages devraient pouvoir également être effectués pendant la première année de master, mais face à la résistance de certaines UFR, ils devraient être limités à un maximum de trois semaines et demie. À l'évidence, plus le concours sera professionnalisé, plus il favorisera la mise en place de stages en responsabilité.

L'année de M1 devant comprendre environ 550 heures de formation, le volume de formation total de formation pour les masters des ÉSPÉ devrait s'établir à 880 heures. Ce qui sera perdu en formation théorique (plus de 1 000 heures de formation auparavant, 1 067 heures pour un professeur des écoles par exemple) devrait, cependant, être gagné sur le terrain.

Les amendements adoptés par votre commission en ce qui concerne la mise en place des futures ÉSPÉ visent à :

- renforcer la gouvernance des ÉSPÉ en garantissant les conditions d'une coopération étroite et fructueuse entre l'ÉSPÉ et l'université dont elle fera partie, afin de ne pas répéter les errements des IUFM qui ne sont jamais parvenus à s'insérer véritablement dans le milieu universitaire. Elle prévoit ainsi la présence, au sein du conseil de l'ÉSPÉ, de représentants de l'établissement intégrateur ;

- dissocier la durée du mandat des membres du conseil de l'ÉSPÉ de celle de l'accréditation (qui fonctionne par vagues), dans un souci de stabilité et de sérénité des conseils élus et d'alignement sur les conseils des autres écoles et instituts faisant partie des universités ;

- rappeler la nécessité pour les ÉSPÉ de prendre en compte , dans leurs formations, les enjeux de l'entrée dans les apprentissages, du soutien des élèves en difficulté et de la prévention du décrochage scolaire ;

- consacrer la diversité des formateurs professionnels intervenant dans les ÉSPÉ , qui doivent comprendre aussi bien des enseignants exerçant dans le milieu scolaire et des universitaires que des acteurs de l'éducation populaire, de l'éducation artistique et culturelle et de l'éducation à la citoyenneté.

2. Rénover la formation des cadres de l'éducation nationale

La formation des personnels de direction et d'inspection demeure dans l'angle mort de la réforme. Il n'existe que très peu de ressources documentaires ou de rapports sur la question, surtout en comparaison de l'intensité et de l'ampleur des réflexions qu'a suscitées la refonte de la formation des enseignants.

Pourtant, comme l'ont montré les difficultés d'application des lois d'orientation de 1989 et de 2005, les échelons administratifs locaux sont essentiels pour assurer le succès d'une réforme et prolonger l'impulsion initiale. C'est pourquoi il convient de consacrer les missions des inspecteurs pédagogiques régionaux (IA-IPR) et des inspecteurs de l'éducation nationale (IEN) dans la loi. En outre, il faut renforcer leur formation ainsi que celle des chefs d'établissement .

Votre commission a oeuvré en ce sens en adoptant des articles additionnels pour que leur formation leur permette de remplir l'ensemble des missions qui leur ont été fixées par le code de l'éducation.

Elle a demandé que le Gouvernement procède à une réforme profonde de l'école supérieure de l'éducation nationale (ESEN) qui ne donne pas satisfaction et dont l'articulation avec les services académiques de formation est déficiente. Une attention toute particulière devra être portée à l'apprentissage de la gestion des relations avec les collectivités territoriales , qui s'impliquent toujours plus dans le domaine éducatif.


* 20 Loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, dite loi « LRU ».

* 21 Enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 20 mars 2013.

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