2. Vers une politique forestière ambitieuse ?
a) La forêt consomme peu de moyens publics.
La forêt coûte finalement peu aux finances publiques : environ 300 millions d'euros par an sont inscrits chaque année au budget de la mission « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », soit à peine 10 % des crédits de la mission. Près de 60 % d'entre eux d'ailleurs servent au financement de l'ONF.
Les tempêtes comme la tempête Klaus de 2009 ont conduit à des attributions exceptionnelles de crédits supplémentaires, mais qui n'ont vocation qu'à reconstituer les parcelles détruites.
Les dispositifs d'incitation fiscale représentent un peu plus de 90 millions d'euros par an - même si la qualité des évaluations de ces dépenses fiscales est sujette à caution, une partie des avantages attribués à la forêt allant en réalité à l'agriculture - mais sont orientés principalement vers un soutien à la détention des forêts plutôt qu'un soutien à leur exploitation.
La suppression à partir de 2000 du Fonds forestier national ne permet plus de disposer d'une politique de soutien aux investissements en forêt et dans l'industrie du bois. La question de la mobilisation en faveur de la forêt d'un nouvel outil ou des outils existants d'aide à l'investissement comme la Banque publique d'investissement (BPI) se pose aujourd'hui.
b) La forêt française, pleine de promesses.
Une politique forestière ambitieuse ne pourra se faire sans allocation de moyens supplémentaires : investir dans la forêt aujourd'hui pourrait rapporter demain, car il existe un réel potentiel de croissance et un gisement d'emplois.
Le rapport précité du CESE soulignait cependant la nécessité, pour adapter l'exploitation de la forêt aux besoins d'ores et déjà identifiés en bois-énergie ou encore en bois-construction, de développer la recherche, fondamentale comme appliquée, largement insuffisante aujourd'hui.
Le rôle environnemental de la forêt pourrait également être valorisé et reconnu, car celle-ci rend des services importants, par exemple en matière de recyclage des eaux usées.
Enfin, le développement de l'agroforesterie constitue une voie pour combiner l'exploitation de la forêt plantée et les cultures, dans une approche agro-écologique dont le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, Stéphane Le Foll, a annoncé qu'elle sera au coeur de la future loi d'avenir de l'agriculture.
c) L'étape manquée des crédits carbone.
L'article 43 de la loi de finances pour 2013 a prévu que le produit de la vente d'actifs carbone et de quotas d'émissions de gaz à effet de serre irait à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH).
Un amendement, présenté par votre rapporteur et soutenu par le groupe d'études sénatorial sur la forêt et le bois, avait été adopté pour affecter une fraction des recettes correspondantes au compte d'affectation spéciale « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique », créé par l'article 63 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, qui n'a jamais été abondé et reste une « coquille vide ».
Le rejet du projet de loi de finances pour 2013 par le Sénat n'a pas permis à cette proposition de prospérer, mais elle a lancé le débat.
La forêt contribue fortement à la captation du carbone, et il paraîtrait anormal qu'elle ne puisse, en retour, bénéficier de ressources améliorant la gestion des massifs forestiers.
d) L'espoir d'une relance de la politique forestière avec le volet forestier de la loi d'avenir de l'agriculture.
Sur la question de la forêt, des initiatives ont d'ores et déjà été prises par le nouveau Gouvernement. En septembre 2012, ont été lancées les rencontres régionales pour l'avenir de l'agroalimentaire et du bois, animées par le ministre délégué à l'agroalimentaire, Guillaume Garot. Ces rencontres ont notamment pour but d'identifier les points de blocage mais aussi les potentialités du secteur.
Annoncée pour le second semestre 2013 par le Gouvernement, la loi d'avenir de l'agriculture devrait comporter un volet forestier. Outre la préparation technique, qui relève des service du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, la préparation politique a donné lieu à la désignation par le Premier ministre, en décembre 2012, du député Jean-Yves Caullet, comme parlementaire en mission - d'une durée maximum de 6 mois -sur la question de la forêt et de la filière bois auprès de Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, et de Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Sa lettre de mission précise que « la réflexion portera notamment sur la prise en compte des objectifs de séquestration du carbone et d'adaptation au changement climatique des forêts, la mise en place d'un cadre réglementaire, institutionnel et économique facilitant la mobilisation du bois dans de bonnes conditions environnementales et la structuration d'ensemble de la filière ». Dans sa communication, le Gouvernement précise ses attentes. Il s'agit de « mettre en avant les pistes permettant de valoriser la production sylvicole tout au long de la chaîne de valeur depuis l'amont (gestion durable des forêts, mobilisation du bois) jusqu'à l'aval (bois d'oeuvre pour la construction et la rénovation des bâtiments, bois-industrie, bois-énergie) afin que cette filière puisse gagner en compétitivité , trouver de nouveaux marchés à l'export et contribuer au redressement productif de la France ».
Votre rapporteur salue cette volonté de prêter une plus grande attention à la forêt et à son développement, et ne peut qu'espérer que cet espoir de relance de la politique forestière se traduira en actes lors du dépôt et de la discussion du projet de loi d'avenir de l'agriculture.