3. Le bilan mitigé des politiques menées pour développer l'emploi des seniors depuis le début des années 2000
a) Une hausse du taux d'emploi qui reste inférieure aux objectifs fixés au niveau européen
Définie en 2000, la stratégie de Lisbonne avait pour cible d'atteindre un taux d'emploi des seniors de 50 % d'ici 2010. Le taux d'emploi des 55-64 ans en France était alors de 29,4 %, contre une moyenne de 37,5 % pour l'UE. Force est de constater que d'importants progrès ont été réalisés puisque ce taux atteint 41,5 % en 2011. Ce résultat reste malgré tout en deçà de l'objectif de convergence européen et les conditions de son obtention méritent d'être examinées.
L'examen de l'évolution du taux d'emploi des seniors en France durant la décennie 2000 révèle que la majorité de sa progression a été réalisée entre 2000 et 2005 : il est passé en cinq ans de 29,4 % à 38,5 %, soit une augmentation de près de 31 %. Pendant les six années suivantes, après avoir reculé jusqu'en 2008, sa hausse n'a été que de 7,8 % pour parvenir à 41,5 % en 2011.
Ce constat s'explique partiellement par le fait que la France a été touchée, à partir de 2008, par la plus violente crise économique qu'elle ait connue depuis plusieurs décennies. Il met toutefois en lumière le succès limité du plan national concerté d'action pour l'emploi des seniors 2006-2010, pourtant construit autour de cinq objectifs et trente et une actions. Son diagnostic initial était correct mais sa mise en oeuvre n'a pas permis de corriger les faiblesses qu'il avait identifiées.
- n° 1 : faire évoluer les représentations socioculturelles ; - n° 2 : favoriser le maintien dans l'emploi des seniors ; - n° 3 : favoriser le retour à l'emploi des seniors ; - n° 4 : aménager les fins de carrière ;
- n° 5 : assurer un suivi tripartite dans
la durée.
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Ce plan déclinait en partie les orientations sur lesquelles les partenaires sociaux étaient parvenus à un accord. En effet, ils se sont saisis du sujet de l'emploi des seniors et ont conclu le 13 octobre 2005 un Ani dont l'objet était de promouvoir leur maintien et leur retour à l'emploi. Signé le 9 mars 2006 par l'ensemble des organisations syndicales et patronales à l'exception de la CGT et de FO, il prône l'adoption de mesures sécurisant le parcours professionnels des salariés âgés reposant sur l'anticipation de la fin de carrière et la création d'outils spécifiques afin de faciliter leur réinsertion dans l'emploi après un licenciement.
Les mesures mises en oeuvre n'eurent pas véritablement d'effet important sur l'emploi des seniors. Ainsi, l'article 17 de l'Ani propose de créer un nouveau cas de recours au CDD pour les personnes de plus de cinquante-sept ans inscrites depuis plus de trois mois comme demandeurs d'emploi. Instauré par décret 29 ( * ) et inscrit à l'article D. 1242-2 du code du travail, ce contrat de dix-huit mois maximum, renouvelable une fois, a pour objet de permettre à son titulaire d'acquérir des droits supplémentaires en vue de la liquidation de sa retraite à taux plein. Toutefois, selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, il n'a pas été utilisé.
Plus récemment, un mécanisme d'aide à l'embauche des personnes de plus de quarante-cinq ans en contrat de professionnalisation a été mis en place 30 ( * ) . Une aide forfaitaire de deux mille euros est versée par Pôle emploi à l'employeur pour les contrats débutant après le 1 er mars 2011. Ce dispositif n'a pas connu le succès escompté : alors que l'objectif était de 10 000 contrats pour 2011, seulement 4 600 furent conclus au bénéfice de salariés âgés.
Pourtant, plusieurs pays européens ont réussi à atteindre et même à dépasser le seuil fixé par la stratégie de Lisbonne : l'Allemagne, par exemple, est passée d'un taux d'emploi de 37,4 % des seniors en 2000 à 59,9 % en 2011, soit une hausse de 60 %, à l'issue d'une profonde modification de son système d'assurance sociale. Comme l'a expliqué Anne-Marie Guillemard lors de son audition, porter un regard rétrospectif plus lointain permet de constater que les réformes structurelles engagées par certains Etats ont abouti à la construction d'un nouveau consensus social sur la prolongation de la vie active et à une véritable intégration des seniors dans l'emploi . Les Pays-Bas, qui avaient un taux d'emploi des 55-64 ans plus faible que la France en 1995, ont vu celui-ci doubler en quinze ans pour atteindre 56,1 % en 2011, soit 35 % de plus que notre pays. Il n'y a donc aucune fatalité à la stagnation de l'emploi des seniors : une prise de conscience de l'importance de cette question par l'ensemble des acteurs économiques et sociaux est nécessaire pour obtenir des résultats similaires.
Taux d'emploi des 55-64 ans
(%)
Source : Eurostat
* 29 Décret n° 2006-1070 du 28 août 2006 aménageant les dispositions relatives au contrat à durée déterminée afin de favoriser le retour à l'emploi des salariés âgés.
* 30 Par le décret n° 2011-524 du 16 mai 2011 relatif à l'aide à l'embauche des demandeurs d'emploi de quarante-cinq ans et plus en contrat de professionnalisation.