EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
La démocratie locale est à l'aube d'une nouvelle évolution, une révolution pour les départements ?
Le Parlement est aujourd'hui appelé à renforcer la parité politique, introduite il y a plus de dix ans par le Constituant au rang des fondements de notre République, et à concrétiser le principe, adopté en 2010, de l'élection directe par les citoyens des délégués communautaires.
Une plus grande féminisation des assemblées délibérantes locales est un des objectifs de la réforme soumise à l'examen du Sénat. La gestion des affaires départementales et intercommunales, compétences de proximité par excellence sera désormais placée sur le regard croisé d'élus de l'un et l'autre sexe.
Loin d'être un adjuvant cosmétique, convenons que la parité politique, reflet de la société civile, enrichit et équilibre le choix et la mise en oeuvre des politiques publiques pour mieux répondre aux besoins et aux attentes des administrés.
Parallèlement, la coopération intercommunale, encore balbutiante il y a deux décennies, s'est affermie tout au long de ces dernières années. Elle regroupera dans quelques mois l'ensemble des 36 700 communes de France, hormis Paris, pour conduire des projets communs dans l'intérêt d'une meilleure administration des territoires.
L'élection au suffrage universel direct des membres des organes délibérants des communautés de communes, des communautés d'agglomération, des communautés urbaines et des métropoles s'inscrit dans cette voie et accompagne ce mouvement. Elle permettra aux citoyens de choisir désormais, en même temps que leurs conseillers municipaux, les élus qui se consacrent en plus à l'exercice des compétences communales exercées en commun par les collectivités regroupées.
Le législateur est donc appelé à fixer les principes qui régiront demain l'élection des élus municipaux, intercommunaux et départementaux pour régler l'administration des collectivités et services publics locaux.
I. LE CADRE LÉGISLATIF EN VIGUEUR : ENTRE TRADITION ET MODERNISATION
La désignation des assemblées délibérantes locales repose sur des principes stables, lesquels, cependant, se sont adaptés aux évolutions intervenues ces dernières années.
A. LE SCRUTIN CANTONAL : UN DISPOSITIF EN SURSIS
La relative stabilité de l'existence du département - malgré les nombreux débats récurrents portant sur son utilité - des limites des cantons et du mode de scrutin des conseillers généraux, en font une collectivité territoriale ancrée dans le paysage territorial de notre pays. Pour autant, la loi de réforme des collectivités territoriales a fortement entamé sa pérennité, en raison de la mise en place du conseiller territorial, en lieu et place des conseillers généraux et des conseillers régionaux.
1. Une collectivité territoriale ancienne
Le département, en tant que collectivité territoriale de plein exercice, a une existence relativement récente.
Il a d'abord été institué, sous la Révolution, en tant que circonscription administrative : le décret du 26 février 1790 a retenu un découpage en quatre-vingt-trois entités, selon un critère spatial, le chef-lieu devant être accessible en une journée de cheval. L'existence des départements a pris effet le 4 mars 1790. Chaque département possédait alors son assemblée, constituée de trente-six membres élus. Étaient ensuite désignés un président et un directoire exécutif permanent. Les départements étaient divisés en districts, cantons et communes.
Dès 1795, sont supprimés les districts et créées les municipalités de cantons. La loi du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800) découpe les départements en arrondissements, en remplacement des districts, en cantons et en communes. Cette loi met également en place les préfectures, les sous-préfectures ainsi que les conseils généraux.
Le département n'est devenu une collectivité territoriale qu'avec la loi fondatrice du 10 août 1871 1 ( * ) , bien que, dès 1833, il avait été doté d'une assemblée délibérante élue au niveau cantonal. Il faudra encore attendre plus d'un siècle, avec la loi du 2 mars 1982 2 ( * ) , pour faire du département la collectivité territoriale que nous connaissons aujourd'hui, avec le transfert de l'exécutif du département du préfet au président du conseil général ce qui en a fait une collectivité territoriale de plein exercice.
Une brève histoire des cantons Les cantons ont été créés en 1790 par le Comité de division du territoire, en même temps que les départements et les districts. On compte alors 4 600 circonscriptions cantonales en France, regroupées en districts jusqu'en 1795, puis en arrondissements à partir de 1800. A l'origine, les cantons n'ont que de faibles prérogatives. Ils sont essentiellement le ressort de la justice de paix et le lieu de réunion des assemblées primaires d'électeurs. En 1795, la Constitution du 5 fructidor an III supprime les districts mais conserve les cantons en les dotant d'une municipalité qui réunit des représentants des communes, que les cantons sont chargés de gérer. Un commissaire appelé « agent national » est placé à la tête de chaque canton. C'est, pendant cette période, une circonscription importante, une loi de 1798 disposant par exemple que les mariages sont célébrés dans le chef-lieu de canton et non plus dans les communes. Au début du XIX ème siècle, les attributions des cantons sont nettement reconsidérées, notamment au profit des arrondissements, créés en 1800. Le nombre des cantons est considérablement diminué, puisqu'environ 1 600 d'entre eux sont supprimés. Ce redécoupage d'un maillage cantonal modifie fortement l'équilibre et la hiérarchie entre les anciens chefs-lieux de cantons. En deux siècles, le nombre de cantons a augmenté d'environ 20 %, puisqu'on en compte aujourd'hui 3 971 sur le territoire métropolitain. La question actuelle porte sur les écarts démographiques existants entre cantons d'un même département. En effet, environ deux cinquièmes des cantons actuels ont connu une modification ponctuelle afin de remédier à un écart démographique trop important par rapport à la moyenne de la population du département concerné. Toutefois, depuis 1801, date à laquelle ont été définies les limites actuelles des cantons, aucun remodelage n'a été engagé si bien que, en raison de la croissance démographique que connaît notre pays, les écarts démographiques se sont renforcés ce qui nécessite aujourd'hui une modification territoriale d'ensemble. |
2. Un mode de scrutin aux atouts majeurs
a) Une élection basée sur le canton
Les conseillers généraux sont élus dans le cadre d'un canton pour un mandat de six ans. Ils sont renouvelés par moitié tous les trois ans, les cantons étant répartis, par le conseil général, en deux séries.
Un conseiller général est élu au scrutin majoritaire à deux tours. Pour être élu au premier tour de scrutin, un candidat doit réunir cumulativement à la fois la majorité absolue des suffrages exprimés et un nombre de voix égal au quart des électeurs inscrits. Au second tour, la majorité relative suffit. Peuvent toutefois se présenter au second tour les seuls candidats présents au premier tour, ayant obtenu un nombre de voix au moins égal à 12,5 % du nombre des électeurs inscrits dans le canton. Ce seuil était auparavant fixé à 10 % avant la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales 3 ( * ) .
Si un seul candidat remplit cette condition, le candidat ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages après lui peut se maintenir au second tour. Si aucun candidat ne remplit cette condition, seuls les deux candidats arrivés en tête peuvent maintenir leur candidature au second tour.
En cas d'égalité de suffrages, le plus âgé des candidats est élu.
b) Des élus ancrés dans leur territoire
Le scrutin cantonal se caractérise par une grande stabilité, contrairement au scrutin régional qui, depuis la création de la région en tant que collectivité territoriale en 1986, a connu deux réformes de son mode de scrutin en moins de vingt ans (1986 et 1999, modifiée en 2003).
Un atout majeur est reconnu au mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours des conseillers généraux. Il permet incontestablement un ancrage territorial des élus dans leur canton, particulièrement en milieu rural, ce qui permet à chaque élu de bénéficier de relations directes avec ses électeurs. Le constat est différent dans les zones urbaines, le conseiller général n'étant pas connu par les électeurs et ses missions souvent ignorées.
3. Le respect difficile de la parité
Les élections cantonales se caractérisent en revanche par la présence limitée des femmes élues au conseil général. En 1998, ces dernières ne représentaient que 8,6 % des élues et 10,9 % en 2006. Malgré les dispositions de l'article 3 de la Constitution selon lequel la loi « favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives », aucune disposition législative n'était, jusqu'en 2007, prévue pour favoriser l'accès des femmes aux mandats départementaux.
Face à ce constat et afin de favoriser un « vivier » de femmes élues au conseil général, la loi du 31 janvier 2007 4 ( * ) a institué des suppléants, de sexe opposé, aux conseillers généraux. Cette mesure s'est accompagnée de la présence accrue des femmes au sein des conseils généraux, leur part représentant, en 2009, 13,5 % des assemblées délibérantes départementales. Pourtant, force est de constater que leur nombre est encore modeste, en comparaison de la place des femmes élues dans les conseils régionaux ou municipaux dans lesquels s'appliquent le scrutin proportionnel. Par ailleurs, en 2011, on ne dénombrait que cinq femmes présidant un conseil général, sur cent départements. Dans trois départements, on peut déplorer l'absence totale de femmes élues conseillères générales.
4. La disparition programmée des conseils généraux
Nos collègues Yves Krattinger et Jacqueline Gourault 5 ( * ) estimaient que « la diversité du territoire français, forgée par notre histoire et notre géographie, est un fait qui s'impose : c'est à la fois un élément de notre identité et un acquis incontournable à prendre en compte dans la réflexion sur l'organisation institutionnelle locale de la France. » Ainsi, la mission temporaire sur l'évolution et l'organisation des collectivités territoriales considérait que la diversité des structures territoriales que connaît notre pays trouvait son origine dans les réalités historiques et géographiques de nos territoires.
Pourtant, le « mille-feuille » territorial a également été pointé comme source de dysfonctionnements, de lourdeurs et d'incompréhensions de nos concitoyens. Pour y faire face, la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 a institué le conseiller territorial, destiné à remplacer à la fois le conseiller général et le conseiller régional et, in fine , à siéger au conseil général et au conseil régional. L'objectif du conseiller territorial était de simplifier le paysage territorial tout en favorisant une meilleure articulation des missions exercées par les régions avec celles relevant des départements.
Les conseillers territoriaux devraient être mis en place à compter de mars 2014, date prévue pour le renouvellement de l'ensemble des conseillers généraux et des conseillers régionaux.
Le Sénat a adopté une proposition de loi relative à l'abrogation du conseiller territorial, déposée par notre ancienne collègue Nicole Borvo Cohen-Seat, le 16 novembre 2011. Cette proposition de loi a également été adoptée par l'Assemblée nationale le 20 octobre 2012.
* 1 Loi n° 1871-08-10. du 10 août 1871 relative aux conseils généraux.
* 2 Loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions.
* 3 Loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.
* 4 Loi n° 2007-128 du 31 janvier 2007 tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.
*
5
Rapport
d'information n° 264 (2008-2009) de M. Yves Krattinger et Mme Jacqueline
Gourault, fait au nom de la mission temporaire sur l'organisation et
l'évolution des collectivités territoriales, consultable à
l'adresse suivante :
http://www.senat.fr/notice-rapport/2008/r08-264-1-notice.html
.
.