ARTICLE 27 bis (nouveau) (Art. 20 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012) : Report de l'entrée en vigueur de la nouvelle assiette et du nouveau barème de la taxe sur les distributeurs de services de télévision

Commentaire : le présent article, introduit à l'Assemblée nationale, à l'initiative du Gouvernement, propose de reporter d'un an, de 2013 à 2014, l'entrée en vigueur de la nouvelle assiette et du nouveau barème de la taxe sur les distributeurs de services de télévision introduits par la loi de finances pour 2012.

I. LE DROIT EXISTANT

Codifiée aux articles L. 115-6 et L. 115-7 du code du cinéma et de l'image animée, la taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision 388 ( * ) (TST) est due par deux types de redevables que sont les éditeurs de services de télévision (les chaînes) et les distributeurs de ces services, soit les commercialisateurs de programmes, par exemple sous forme de bouquets de chaînes. La part « distributeurs » de la taxe , seule concernée par le présent article , est affectée au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Elle constitue sa ressource la plus importante et la plus dynamique.

En effet, entre 2007 et 2011, les ressources du CNC ont augmenté de 46,3 %, passant de 528 millions d'euros en 2007 à 867 millions d'euros en 2011. Cette évolution résulte principalement de la forte progression du produit de la TST « distributeurs » qui a augmenté , au cours de la décennie écoulée, de 303 millions d'euros (+ 92,3 %), dont 253 millions d'euros sur la seule période 2008 et 2011.

Evolution du produit des principales taxes affectées au CNC entre 2001 et 2011

(en milliers d'euros)

TSA

TST Editeurs

TST Distributeurs

Taxe vidéo

Total

2008

122 197

283 156

94 236

32 756

532 346

2009

127 891

282 072

168 948

32 910

611 821

2010

146 343

296 992

277 763

33 066

754 164

2011

143 077

308 994

322 050

31 964

806 084

Source : enquête de la Cour des comptes sur la gestion et le financement du CNC adressée à la commission des finances du Sénat en application de l'article 58-2° de la LOLF, octobre 2012

A. UNE ASSSIETTE QUI A FAIT L'OBJET DE PLUSIEURS MODIFICATIONS, DONT LA DERNIÈRE EN LFI POUR 2012

1. Le régime fiscal en vigueur avant 2012

Avant la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, la TSTD avait pour assiette 90 % du montant hors TVA des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers en rémunération d'un ou plusieurs services de télévision . A cette assiette était appliqué un barème de neuf tranches ( cf. infra ), avec une franchise de 10 millions d'euros.

Les offres composites proposées par les fournisseurs d'accès à internet (FAI), c'est-à-dire associant services de télévision, accès à internet et téléphonie, étaient soumises à la TSTD. Cependant, dans ce cas particulier, elle était assise sur la seule part de cette offre correspondant aux services de télévision .

Pour mémoire, cette part était, avant la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, forfaitairement fixée à 50 % du prix global de l'offre composite, par décalque du régime de TVA à taux réduit applicable à ces mêmes offres. Une réfaction de 10 % était opérée sur cette assiette forfaitaire, qui portait son montant exact à 45 % du prix de l'offre composite.

La loi de finances pour 2011 a supprimé le taux réduit de TVA applicable à 50 % du prix des offres composites proposées par les fournisseurs d'accès à internet, le taux réduit ne devant plus alors s'appliquer qu'aux seuls services de télévision acquis en supplément par l'abonné. Par coordination, elle a également prévu l'assujettissement des FAI à la TST sur la totalité du prix de l'offre composite, moyennant une réfaction de 55 % opérée sur l'assiette. Cette modification était neutre en termes de pression fiscale.

Evolution de l'assiette de TST (part distributeurs) résultant de la LFI 2011

Assiette antérieure à la LFI 2011

Assiette modifiée par la LFI 2011

50 % des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers

100  % des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers

- 10 % de déduction

- 55 % de déduction

= 45 % du produit des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers

= 45 % du produit des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers

Source : enquête de la Cour des comptes sur la gestion et le financement du CNC adressée à la commission des finances du Sénat en application de l'article 58-2° de la LOLF, octobre 2012

2. Les modifications introduites par la loi de finances pour 2012

Compte tenu de certaines pratiques d'optimisation fiscale constatées en 2011, l'article 20 de la loi de finances pour 2012 a de nouveau modifié l'assiette de la TSTD.

Un opérateur important se livrait en effet à une pratique d'optimisation fiscale consistant à dégrouper ses offres composites . Cet opérateur proposait une offre sans services de télévision (donc hors assiette de la TSTD) et un accès au service de télévision en supplément (donc inclus dans l'assiette de la TSTD), pour un montant très modique (1,99 euro par mois). Cette pratique permettait de réduire considérablement l'assiette de la TSTD, qui ne portait plus que sur 1,99 euro au lieu de 30 euros, et de minimiser le chiffre d'affaires au titre des services de télévision et, par conséquent, de profiter des tranches les plus basses du barème progressif .

Afin de sécuriser le produit de la taxe, l'article 20 de la loi de finances pour 2012 a donc précisé que sont également regardées comme distributeur de services de télévision les personnes qui proposent un accès à des services de communication au public en ligne ou à des services de téléphonie, dès lors que la souscription à ces services permet de recevoir, au titre de cet accès, des services de télévision .

Ainsi, l'assiette de la TST « distributeurs » comprend donc, outre les abonnements acquittés en rémunération d'un ou plusieurs services de télévision, les abonnements et autres sommes acquittés par les usagers en rémunération des offres, composites ou de toute autre nature, donnant accès à des services de communication au public en ligne ou à des services de téléphonie, dès lors que la souscription à ces services permet de recevoir, au titre de cet accès, des services de télévision . Il est enfin précisé que les abonnements professionnels ne sont pas concernés.

B. LA LFI 2012 A SIMPLIFIÉ LE BARÈME ET PLAFONNÉ LA TSTD

1. Un barème simplifié et allégé

L'article 20 de la loi précitée a également simplifié et allégé le barème de la TST :

- son nombre de tranches est passé de 9 à 4 ;

- son taux minimal (0,5 %) s'applique jusqu'à 250 millions d'euros de chiffre d'affaires et non plus jusqu'à 75 millions d'euros ;

- son taux maximal est plafonné à 3,5 % au lieu de 4,5 %.

Cet allègement avait alors été justifié par le produit très dynamique de la TSTD, dont il convenait de modérer la progression pour ne pas faire peser sur les opérateurs une pression fiscale excessive.

Comparaison des ancien et nouveau barèmes de la TST-distributeurs

Source : commission des finances

2. Une taxe soumise en 2012 au dispositif général d'écrêtement des taxes affectées aux opérateurs

L'article 46 de la loi de finances pour 2012 avait enfin prévu d'écrêter le produit de la TST « distributeurs » à hauteur de 229 millions d'euros en 2012, le reliquat devant être reversé au budget général. Selon le tome I de l'annexe « Voies et Moyens » au projet de loi de finances pour 2013, 55,7 millions d'euros devraient ainsi abonder le budget général en 2012 .

Pour mémoire, l'article 26 du projet de loi de finances pour 2013 propose de sortir la TSTD du mécanisme d'écrêtement, en contrepartie d'un prélèvement exceptionnel de 150 millions d'euros sur le fonds de roulement du CNC.

C. LA NOTIFICATION DE LA NOUVELLE ASSIETTE ET DU NOUVEAU BARÈME DE LA TSTD À LA COMMISSION EUROPÉENNE

1. Une notification obligatoire au titre des aides d'Etat

Les modifications de la TST « distributeurs » adoptées en loi de finances pour 2012 ont été notifiées à la Commission européenne dès le 26 octobre 2011 . En effet, en tant que taxe affectée à un régime d'aides (le régime d'aides au cinéma et à l'audiovisuel), la TST et chacune de ses modifications doivent être notifiées à la Commission européenne.

2. Un contrôle qui va en pratique au-delà de la seule vérification de la conformité du dispositif à la règlementation sur les aides d'Etat

D'après le Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE), « la conformité de la TST n'est examinée par la Commission dans le cadre de son contrôle de compatibilité des aides d'Etat que parce qu'il s'agit d'une taxe affectée à un régime d'aides d'Etat, c'est-à-dire qu'il existe un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide , en vertu de la réglementation nationale pertinente. Si le produit de la TST « distributeurs » était versé intégralement au budget de l'Etat, ce lien d'affectation disparaîtrait, et cette partie de la TST n'aurait plus à être notifiée ni examinée par la Commission au titre des règles du TFUE relatives aux aides d'Etat. (...). Ceci ne préjuge pas du contrôle que pourrait effectuer la commission sur la conformité de la TST « distributeurs » au regard d'autres règles du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ou du droit dérivé ».

En effet, la Commission européenne refuserait probablement d'autoriser la nouvelle assiette de la TST « distributeurs » si elle s'avérait contraire à d'autres dispositions du droit de l'Union européenne. De fait, la Commission européenne a souhaité s'assurer de la conformité des mesures notifiées avec la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'autorisation de réseaux et de services de communications électroniques, dite « autorisation » , tout comme elle l'a déjà fait pour la taxe sur les télécoms.

La directive « autorisation »

La directive « autorisation » fait partie du paquet « Télécom » , dispositif législatif encadrant le secteur des communications électroniques au niveau communautaire, et qui comprend quatre autres directives relatives au cadre général, à l'interconnexion, au service universel et à la protection de la vie privée.

Les dispositions de cette directive couvrent les autorisations de tous les réseaux et services de communications électroniques, qu'ils soient offerts au public ou non . En revanche, elles ne s'appliquent à l'octroi de droits d'utilisation de radiofréquences que lorsque cela implique la fourniture, contre rémunération, d'un réseau ou d'un service de communications électroniques.

L'objectif est de mettre en place un marché harmonisé des réseaux et des services de communications électroniques en limitant la réglementation au strict minimum . La principale innovation de ce texte réside dans le remplacement des licences individuelles par des autorisations générales , à côté desquelles subsiste un régime spécifique pour l'attribution des fréquences et des numéros.

Selon ce principe, la fourniture de réseaux ou de services de communications électroniques ne peut donc faire l'objet que d'une autorisation générale. En d'autres termes, l'entreprise concernée peut être invitée à soumettre une notification, mais elle ne peut être tenue d'obtenir une décision expresse ou tout autre acte administratif de l'autorité réglementaire nationale (ARN) avant d'exercer les droits découlant des autorisations. Les entreprises fournissant des services des services transfrontaliers ne soumettent qu'une seule notification par Etat membre concerné.

L'article 12 de la directive est relatif aux taxes administratives. Les ARN sont autorisées à imposer des taxes administratives aux entreprises fournissant un service ou un réseau au titre de l'autorisation générale ou auxquelles un droit d'utilisation a été attribué . Les taxes administratives peuvent inclure les frais de coopération, d'harmonisation et de normalisation internationale, d'analyse de marché ainsi que ceux afférents aux travaux de réglementation. L'imposition de taxes administratives requiert la publication, par les ARN, d'un bilan annuel de leurs coûts administratifs et de la somme totale des taxes perçues.

Source : site Internet de la Commission européenne

La Commission européenne a ainsi décidé d'ouvrir une enquête formelle pour vérifier la compatibilité de la nouvelle assiette et du nouveau barème avec la directive « autorisation » .

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Afin de tenir compte du délai d'examen du nouveau dispositif par la Commission européenne, le II de l'article 20 de la loi de finances pour 2012 prévoyait une entrée en vigueur de la nouvelle assiette et du nouveau barème de la TSTD à une « date fixée par décret qui ne peut être postérieure au 1er janvier 2013 ».

Or, comme l'a indiqué le ministre chargé du budget devant l'Assemblée nationale : « La commission s'oppose à la taxation du secteur des télécommunications et n'a pas validé le dispositif qui lui a été proposé. Dès lors, celui-ci ne peut entrer en vigueur sans courir le risque de l'engagement d'une nouvelle procédure contentieuse. C'est la raison pour laquelle le présent amendement vise à reporter l'entrée en vigueur du nouveau dispositif d'un an au plus afin d'en sécuriser l'éventuelle application et de poursuivre les discussions avec la commission. » 389 ( * )

L'amendement du Gouvernement portant article additionnel, qui propose donc de reporter l'entrée en vigueur de la nouvelle assiette et du nouveau barème de la TSTD au 1 er janvier 2014, a reçu un avis favorable de la commission des finances.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Lors de l'audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes sur la gestion et le financement du CNC, organisée par votre commission des finances le 3 octobre 2012, le représentant de la direction de la législation fiscale avait annoncé la forte probabilité d'une telle disposition en loi de finances rectificative .

Votre rapporteur général prend donc acte de ce report et relève que, tant que la Commission européenne n'aura pas rendu sa décision, c'est le dispositif antérieur à la loi de finances pour 2012 qui continuera à s'appliquer , avec un risque d'attrition de l'assiette de la taxe , lié aux comportements d'optimisation fiscale de certains opérateurs.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 388 Cette taxe est également appelée taxe « COSIP » en ce qu'elle alimente le Compte de soutien à l'industrie de programmes tenu par le CNC.

* 389 Compte rendu de la deuxième séance du vendredi 7 décembre 2012.

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