ARTICLE 24 sexies (nouveau) (Art. 1609 nonies G du code général des impôts, art. L. 452-1-1 et L. 452-4-1 du code de la construction et de l'habitation, art. 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012) : Nouvelle taxe sur les plus-values de cession immobilières
Commentaire : Le présent article propose de créer une nouvelle taxe, progressive, sur les plus-values de cession des terrains bâtis, pour compenser la suppression du prélèvement sur le potentiel financier des organismes d'HLM.
I. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
A. LES CONSÉQUENCES DE LA SUPPRESSION DU PRÉLÈVEMENT HLM
La loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 a créé un prélèvement, ciblé sur les organismes HLM et venant se substituer à la taxation des « dodus-dormants » mise en place par la loi n° 2009-431 du 20 avril 2009 de finances rectificative pour 2009 362 ( * ) et dont le rendement était jugé insuffisant.
Ainsi, l'article 210 de la loi a soumis les organismes d'habitations à loyer modéré (HLM) et les sociétés d'économie mixte (SEM) à un prélèvement assis sur leur potentiel financier, dont le produit annuel est fixé à 175 millions d'euros , et à une majoration de la part variable de la cotisation additionnelle qu'ils versent à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), plafonnée à 70 millions d'euros pendant trois ans.
Ces deux ressources devaient abonder un fonds géré par la CGLLS contribuant au financement du programme de rénovation urbaine d'une part, et au développement et à l'amélioration du parc de logements locatifs sociaux, d'autre part, en remplacement des crédits budgétaires de l'Etat.
En considération de son caractère injuste au regard des réelles capacités financières des organismes HLM, et pénalisant pour l'investissement dans le logement locatif social, le Gouvernement s'est engagé à supprimer ce prélèvement sur le potentiel financier des organismes HLM, dès le 1 er janvier 2013.
Cette suppression, qui a déjà été prise en compte pour l'élaboration du projet de budget de la mission « Egalité des territoires, logement et ville », doit devenir effective par le vote du projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, transmis au Sénat le 27 novembre 2012 et en cours de discussion.
Il convient dès lors de compenser, par une nouvelle source de financement, la perte que subirait alors l'Agence nationale pour la rénovation urbaine ( ANRU ), qui représente 95 millions d'euros annuels (sur un total de 165 millions d'euros versés par la CGLLS).
B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Tel est l'objet du présent article qui résulte d'un amendement de la commission des finances de l'Assemblée nationale , adopté avec l'avis favorable du Gouvernement. Celui-ci a retiré, en conséquence, son propre amendement, visant à créer, en plus d'une surtaxe sur les plus-values, une taxe sur la valeur locative des résidences autres que la résidence principale en zone tendue.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale tend à créer une taxe sur les plus-values de cessions immobilières portant sur des terrains autres que les terrains à bâtir, qu'il s'agisse de biens immobiliers (article 150 U du CGI) ou de droits immobiliers (articles 150 UB à 150 UD), dont le montant imposable est supérieur à 50 000 euros .
Il revient donc à élargir le dispositif proposé initialement par le Gouvernement qui prévoyait de fixer le montant plancher imposable à 100 000 euros.
La nouvelle taxe serait due par les personnes physiques ou les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter du CGI, ainsi que par les contribuables non domiciliés fiscalement en France assujettis à l'impôt sur le revenu.
Le texte adopté propose de retenir le principe d'une imposition progressive , dont le barème est le suivant :
Montant de la plus-value imposable |
Taux applicables |
Supérieur à 50 000 € et inférieur ou égal à 100 000 € |
2 % |
Supérieur à 100 000 € et inférieur ou égal à 150 000 € |
3 % |
Supérieur à 150 000 € et inférieur ou égal à 200 000 € |
4 % |
Supérieur à 200 000 € et inférieur ou égal à 250 000€ |
5 % |
Supérieur à 250 000 € |
6 % |
La nouvelle taxe doit s'appliquer aux cessions intervenues dès le 1 er janvier 2013 . Afin d'éviter une « évasion fiscale », elle s'appliquera aux cessions résultant de promesses de vente conclues en 2012, à l'exception des promesses qui ont acquis date certaine après le 7 décembre 2012 (date de l'adoption du présent article à l'Assemblée nationale).
Elle entrera donc en vigueur l'année même où doit s'appliquer le dispositif incitatif (abattement supplémentaire pour le calcul des plus-values), prévu par l'article 10 du projet de loi de finances pour 2013, en discussion. Le texte adopté précise, à cet égard, que cette mesure du projet de loi de finances, sera bien applicable au calcul de la plus-value soumise à la nouvelle taxe.
La nouvelle taxe serait affectée , en compensation de la suppression du prélèvement HLM, au Fonds dit de péréquation géré par la GCLLS , sous deux réserves :
- cette affectation est limitée dans le temps et ne s'appliquera qu'au produit des cessions intervenues jusqu'au 31 décembre 2005. A l'issue de ce délai, son produit sera reversé au budget général ;
- elle est également plafonnée , en vertu de la règle générale applicable aux taxes affectées, résultant de l'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012. Le présent article limite à 120 millions d'euros le montant affecté à la CGLLS.
L'ensemble des ces dispositions fait l'objet d'une nouvelle section et d'un nouvel article 1609 nonies G inséré dans le code général des impôts (I du présent article), ainsi que de modifications de coordination dans le code de la construction et de l'habitation (II du présent article).
A cet égard, il convient d'observer que le dispositif adopté supprime exclusivement le financement du Fonds par le prélèvement sur le potentiel financier des organismes HLM, et non son financement par la fraction de la part variable de la cotisation des organismes à la CGLLS .
Au contraire, ce financement , dont le montant annuel est plafonné à 70 millions d'euros, est prorogé pour deux années supplémentaires , jusqu'en 2015. En revanche, le présent article supprime la précision selon laquelle il est effectué « pour le financement des opérations conduites dans le cadre du programme national de rénovation urbaine visé par l'article 6 de la loi n° 2003-710 du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine. »
II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
L'architecture du dispositif proposé, qui a été élaboré dans une grande urgence (qu'il s'agisse de l'amendement initial du Gouvernement comme de la contreproposition de la commission des finances de l'Assemblée nationale) appelle plusieurs observations :
- il est certain que cette nouvelle taxe ne simplifie pas le paysage fiscal des plus-values immobilières alors que le marché est actuellement figé et très attentiste, ce qui ne profite ni au secteur de la construction, ni aux finances locales. Il serait souhaitable de revenir à une stabilité minimale des règles fiscales ;
- la nouvelle taxe, applicable dès 2013 aux vendeurs, coexiste avec l'abattement exceptionnel prévu par le projet de loi de finances pour 2013 qui leur est favorable ;
- selon les informations données à votre rapporteur général, et qui n'avaient pas été communiquées en séance à l'Assemblée nationale, le rendement de cette taxe est estimé à 230 millions d'euros alors que son affectation à la CGLLS est plafonnée à 120 millions d'euros. Elle a donc un rendement supérieur au prélèvement HLM , qui n'a atteint que 120 millions d'euros pour des raisons qui restent à clarifier, alors que la loi fixait son produit à 175 millions d'euros. Le calibrage de la nouvelle taxation proposée par le présent article dépasse donc nettement les besoins nés de la suppression du prélèvement HLM ; a fortiori il permettra à l'ANRU de faire face à la « bosse de ses paiements » et de conserver une trésorerie excédentaire en 2013, 2014 et 2015, comme l'indique le rapport financier de l'Agence ;
- l'abaissement de moitié du plancher de la plus-value imposable (que la première version du dispositif, proposée par le Gouvernement, avait fixé à 100 000 euros) a un effet en termes de plus-values imposables, mais aussi en termes de nombre de cessions concernées , qu'il serait utile que le Gouvernement précise ;
- en ce qui concerne le barème applicable , le texte adopté précise que le taux s'applique à l'intégralité de la plus-value imposable et non par tranches de plus-values sur une même opération.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
* 362 Après l'annulation par le Conseil constitutionnel de dispositions identiques votées dans le cadre de la loi de mobilisation pour le logement.