ARTICLE 24 quater (nouveau) (Art. 278, 278-0 bis, 278 bis, 278 quater, 278 sexies, 278 septies, 279, 279-0 bis, 297, 298 quater et 298 octies du code général des impôts ; art. L. 334-1 du code du cinéma et de l'image animée) : Augmentation globale des taux de la taxe sur la valeur ajoutée

Commentaire : le présent article vise à fixer les trois taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), actuellement de 5,5 %, 7 % et 19,6 %, à respectivement 5 %, 10 % et 20 %.

I. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. UNE AUGMENTATION DE LA TVA DE 6,4 MILLIARDS D'EUROS À COMPTER DE 2014

Le présent article résulte d'un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale, sans sous-amendement.

Il augmente globalement les taux de TVA à compter de 2014, afin de contribuer au financement du CICE instauré par l'article 24 bis du présent projet de loi de finances :

- le taux réduit serait ramené de 5,5 % à 5 % ;

- le taux intermédiaire serait porté de 7 % à 10 % ;

- le taux normal serait porté de 19,6 % à 20 %.

Le Gouvernement évalue le supplément de recettes correspondant à 6,4 milliards d'euros (dans l'exposé sommaire de l'amendement insérant le présent article). Celui-ci ne peut évidemment être calculé avec précision (il dépend des recettes de TVA, elles-mêmes imprévisibles, en particulier en 2014), mais il est bien de l'ordre de 6 milliards d'euros, comme le montre le tableau ci-après.

L'impact de l'évolution des taux de TVA : chiffrage indicatif par la commission des finances (sur la base du produit de TVA de 2013)

Valeur du point (2013, en Mds €)*

Taux actuel

Taux proposé par le Gouvernement

Ecart

Impact (en Mds €)

Taux super-réduit de 2,1 %

0,4

2,1

2,1

0,0

0,0

Taux réduit de 5,5 %

1,5

5,5

5,0

-0,5

-0,8

Taux intermédiaire de 7 %

1,4

7,0

10,0

3,0

4,2

Taux normal de 19,6 %

6,3

19,6

20,0

0,4

2,5

Total

9,6

5,9

(2014 : 6,1**)

* Ce chiffrage est compatible avec la prévision pour 2013, de 141,4 Mds €. En effet, 0,4×2,1+1,5×5,5+1,4×7+6,3×19,6=141,4.

** En supposant une croissance « spontanée » de la TVA de 3 % en 2014.

Source : calculs de la commission des finances

B. LES AUGMENTATIONS DE TAUX (I ET II DU PRÉSENT ARTICLE)

Les I et II du présent article concernent les augmentations de taux, synthétisées dans le tableau ci-après.

Synthèse des augmentations de taux proposées par le présent article (I et II)

(taux en %)

Présent article

Article visé*

Objet

Taux actuel

Taux proposé par le présent article

I

A

278

Taux normal

19,6

20,0

B

278-0 bis

Taux réduit

5,5

5,0

C

278 bis

Taux intermédiaire sur certains produits

7,0

10,0

278 quater

Taux intermédiaire sur certains produits pharmaceutiques**

7,0

10,0

278 sexies

Taux intermédiaire sur certains produits (relevant essentiellement de la politique sociale)

7,0

10,0

278 septies

Taux intermédiaire sur les oeuvres d'art

7,0

10,0

279

Taux intermédiaire sur certains produits (concernant notamment le logement et les loisirs)

7,0

10,0

279-0 bis

Taux intermédiaire sur les travaux sur les logements

7,0

10,0

298 octies

Taux intermédiaire pour la presse

7,0

10,0

D

297

Taux propre à la Corse***

8,0

10,0

E

298 quater

Taux de remboursement forfaitaire de TVA appliqués aux exploitants agricoles

- Droit commun

3,68

3,89

- Taux majoré

4,63

4,90

II

L. 334-1 du code du cinéma et de l'image animée

Taux intermédiaire pour les places de cinéma

7,0

10,0

* Sauf mention contraire, il s'agit du code général des impôts.

** Il s'agit des produits pharmaceutiques qui ne sont pas soumis au taux super-réduit de 2,1 %.

*** Travaux immobiliers, ventes de matériels agricoles, fournitures de logement en meublé ou en garni, ventes à consommer sur place, ventes d'électricité effectuées en basse tension.

Source : commission des finances

On observe quelques différences par rapport à la première loi de finances rectificative pour 2012, qui portait le taux normal de TVA à 21,2 % à compter du 1 er octobre 2012 (disposition abrogée par la deuxième loi de finances rectificative pour 2012) :

- dans le cas de la Corse, la loi de finances rectificative précitée prévoyait de porter le taux de 8 % 350 ( * ) à 8,7 % et le taux de 13 % applicable aux ventes de produits pétroliers à 14,1 %. Le présent article retient une solution différente : le taux de 8 % serait porté au niveau du nouveau taux intermédiaire « de droit commun » de 10 %, mais le taux de 13 % ne serait pas modifié. Le Gouvernement justifie ce choix par le fait qu'il était peu pertinent d'augmenter légèrement le taux de 13 % en lui ajoutant des décimales, d'autant plus qu'il concerne exclusivement les produits pétroliers. Le passage du taux de 8 % à 10 % est en outre un élément de simplification ;

- dans le cas du remboursement forfaitaire de TVA appliqué aux exploitants agricoles, les deux taux, de 3,68 % et 4,63 %, auraient été portés à 4,06 % et 5,01 %, ce qui aurait représenté une augmentation de 0,38 point dans chaque cas. Le présent article propose quant à lui de porter ces taux à respectivement 3,89 % et 4,90 %, ce qui représente une augmentation de 5,8 %. Le Gouvernement indique qu'il s'agit de compenser le coût pour les exploitants agricoles relevant du régime du forfait agricole de la modification de la structure des taux de TVA prévue par le présent article, d'environ 2 millions d'euros 351 ( * ) ;

- la première loi de finances rectificative pour 2012 abaissait en outre légèrement chacun des six taux en vigueur au titre du droit de consommation sur les tabacs, de manière à maintenir une charge fiscale constante sur ces produits. Le présent article ne comprend pas de telle disposition.

Le Gouvernement a indiqué lors des débats à l'Assemblée nationale que les hausses de taux de TVA étaient susceptibles d'être adaptées au cours de l'année 2013, afin notamment de prendre en compte les spécificités sectorielles, dès lors que le rendement global demeurait constant 352 ( * ) .

C. ENTRÉE EN VIGUEUR ET MESURES TRANSITOIRES

Le III du présent article prévoit ses modalités d'entrée en vigueur et diverses mesures transitoires.

1. Entrée en vigueur

On rappelle que dans le cas de la TVA, le fait générateur correspond à l'événement suscitant la créance de l'administration fiscale vis-à-vis du contribuable, et l' exigibilité au moment à partir duquel l'administration fiscale est en droit de réclamer le paiement de la TVA.

Si pour les biens le fait générateur et l'exigibilité coïncident (il s'agit de la livraison), pour les prestations de service et les travaux immobiliers l'exigibilité apparaît à l'encaissement du prix (ce qui concerne en particulier les acomptes). Autrement dit, dans ces derniers cas la TVA peut être exigible avant le fait générateur.

Lors de l'instauration du taux intermédiaire de 7 % par la loi de finances rectificative de décembre 2011, la solution retenue a consisté à prévoir que l'augmentation du taux s'appliquait aux opérations pour lesquelles la TVA était exigible à compter du 1 er janvier 2012 - c'est-à-dire aux opérations payées à compter de cette date, y compris dans le cas d'opérations dont le fait générateur n'était pas encore survenu. La hausse de taux s'appliquait ainsi à tous les acomptes postérieurs au 1 er janvier 2012, qu'ils soient relatifs à des prestations de services ou à des livraisons de biens.

Le présent article retient une solution plus favorable aux opérateurs et aux consommateurs :

- dans le cas des deux hausses de taux (passage du taux de 7 % à 10 % et du taux de 19,6 % à 20 %), il prévoit (dans le B du III) que devraient être postérieurs à l'augmentation de taux (ici, le 1 er janvier 2014) non seulement l' exigibilité , mais aussi le fait générateur ;

- dans le cas de la diminution du taux réduit (qui passe de 5,5 % à 5 %), il retient (dans le A du III) une rédaction analogue à celle de la première loi de finances rectificative, selon laquelle la diminution du taux s'applique aux opérations pour lesquelles la taxe sur la valeur ajoutée est exigible à compter du 1 er janvier 2014. Il s'agit là encore de retenir le dispositif le plus favorable possible pour les opérateurs et les consommateurs. En effet, appliquer la mesure de baisse de taux aux opérations pour lesquelles la TVA est exigible au 1 er janvier 2014 permet d'appliquer sur tous les acomptes postérieurs au 1 er janvier 2014 le nouveau taux de 5 %, qu'ils soient relatifs à des prestations de services ou à des livraisons de biens. Cette rédaction permet en outre d'éviter l'émission de factures rectificatives 353 ( * ) .

2. Les dispositions transitoires

Lors de l'instauration du taux intermédiaire de 7 % par la loi de finances rectificative de décembre 2011, le texte initial ne comprenait aucune disposition transitoire.

Toutefois, à la suite de deux amendements identiques 354 ( * ) adoptés en première lecture par nos collègues députés dans le cas des constructions de logements locatifs sociaux (article 278 sexies du code général des impôts), l'Assemblée nationale a adopté en nouvelle lecture un amendement de sa commission des finances, sous-amendé par le Gouvernement, instaurant diverses dispositions transitoires, relatives à des opérations immobilières dont les prix ont été fixés antérieurement à l'augmentation du taux 355 ( * ) .

Le présent article reprend la quasi-totalité de ces dispositions. Par exemple, dans le cas des livraisons de logement PSLA 356 ( * ) et des livraisons à soi-même 357 ( * ) , la hausse de taux s'applique seulement aux opérations ayant fait l'objet d'un agrément à compter du 1 er janvier 2014.

Toutefois, dans le cas présent ne bénéficieraient pas de telles dispositions transitoires 358 ( * ) les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur les locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans (article 279-0 bis du code général des impôts) 359 ( * ) . La mesure concernée, qui, avec 5,3 milliards d'euros en 2013, est la dépense fiscale la plus coûteuse, est jugée peu efficiente par le « rapport Guillaume » de 2011 360 ( * ) , qui lui donne la note de 1 361 ( * ) . Le Gouvernement justifie cette différence, outre par des considérations de coût, par le fait qu'opérateurs et consommateurs auront un an pour se préparer au relèvement de taux, et que depuis les récentes évolutions de taux, les entrepreneurs ont appris à se protéger des hausses de TVA par des clauses contractuelles précisant que les prix s'entendent à taux de TVA constant.

Par ailleurs, le 3 du B du III du présent article prévoit que les opérations soumises au taux de 5,5 % en application des dispositions transitoires prévues lors de l'instauration du taux intermédiaire de 7 % demeurent imposées à un taux de 5,5 %.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur général est bien entendu favorable au présent article, qui contribuera au financement du CICE instauré par l'article 24 bis du présent projet de loi.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 350 Travaux immobiliers, ventes de matériels agricoles, fournitures de logement en meublé ou en garni, ventes à consommer sur place, ventes d'électricité effectuées en basse tension.

* 351 La première loi de finances rectificative prévoyait un relèvement plus conséquent, dans la mesure où le passage du taux normal de TVA de 19,6 % à 21,2 % avait un impact de l'ordre de 5 millions d'euros

* 352 M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, a déclaré, le 5 décembre 2012, en réponse à une question de notre collègue député Eric Alauzet : « Nous allons proposer un nouveau triptyque, qui est simple : 5 %, 10 %, 20 %. Ce qui a été dit hier - c'était notamment la position du rapporteur général du budget -, c'est que nous avons du temps pour travailler sur ce sujet, puisque c'est au 1 er janvier 2014 que cette nouvelle modulation sera applicable. Nous n'avons pas souhaité entrer tout de suite dans une typologie trop étroite. Nous faisons confiance au Parlement, tout au long de l'année 2013, pour élaborer le dispositif. Des préoccupations légitimes ont été exprimées, par exemple sur le logement social. Elles seront entendues, et c'est le Parlement tout entier qui pourra en débattre, notamment dans le cadre de la commission des finances. J'ajouterai deux points. Premièrement, nous devons veiller à ce que si l'on augmente ici, on diminue là, et réciproquement. Autrement dit, il faut que le rendement de la mesure soit constant. Deuxièmement, nous devons aussi tenir compte de la vigilance de l'Union européenne, qui exigera trois taux et que le dispositif ne soit pas trop subtil, afin que nous ne soyons pas accusés de distorsion de concurrence. En tout cas, je veux vous dire notre totale confiance dans le Parlement et la disponibilité du Gouvernement à travailler avec vous sur cette question ».

* 353 Si avait été retenue une entrée en vigueur au fait générateur, les paiements effectués en décembre 2013 en rapport avec des prestations exécutées en janvier 2014 auraient été facturés sur le moment à 5,5 % mais auraient dû donner lieu à refacturation au taux de 5 % dès l'exécution de la prestation.

* 354 A l'initiative respectivement de nos collègues députés François Scellier et Jean-Yves Le Bouillonnec.

* 355 Il était en outre prévu que dans le cas du livre, le passage du taux de 5,5 % au taux de 7 % serait repoussé au 1 er avril 2012.

* 356 Prêt social location-accession.

* 357 Article 278 sexies du code général des impôts.

* 358 Le présent article ne reprend pas non plus les dispositions transitoires relatives à deux dispositifs qui ont disparu : 1° la disposition dérogatoire relative aux biens visés au 6° de l'article 278 bis du code général des impôts (taux intermédiaire dans le cas des livres). Cette disposition a en effet été abrogée par l'article 28 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 (qui prévoit l'imposition des livres au taux réduit) ; 2° les livraisons, les cessions et les travaux réalisés en application d'un contrat unique de construction visés au 9 du I de l'article 278 sexies du code général des impôts, ainsi que les livraisons à soi-même visées au II dudit article correspondant à ce même 9 (disposition périmée).

* 359 Cf . l'avant-dernier alinéa du III de l'article 13 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011.

* 360 Henri Guillaume, « Rapport du comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales », inspection générale des finances, juin 2011.

* 361 Sur une échelle allant de 0 (inefficace) à 3 (très efficiente).

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