AMENDEMENT PROPOSÉ
PAR VOTRE COMMISSION DES FINANCES
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PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2013 |
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SECONDE PARTIE MISSION RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR |
N° |
1 |
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A M E N D E M E N T
présenté par
M. ADNOT
au nom de la commission des finances
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ARTICLE 46
ETAT B
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
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Formations supérieures et recherche universitaire
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4 900 000 |
4 900 000 |
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Vie étudiante |
4 900 000 |
4 900 000 |
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Recherches scientifiques et technologies pluridisciplinaires |
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Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources |
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Recherche spatiale |
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Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durables |
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Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle Dont titre 2 |
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Recherche duale (civile et militaire) |
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Recherche culturelle et culture scientifique |
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Enseignement supérieur et recherche agricoles Dont titre 2 |
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TOTAL |
4 900 000 |
4 900 000 |
4 900 000 |
4 900 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
OBJET
Cet amendement a pour objet de réduire la portée de l'effort demandé aux établissements d'enseignement supérieur privé dans le cadre du redressement des comptes publics.
Cet effort doit effectivement être partagé par les différents secteurs. Cependant, il est à noter que :
- les crédits à destination de l'enseignement supérieur privé, dans le cadre de la mission « Recherche et enseignement supérieur », diminuent de 4,9 millions d'euros entre 2012 et 2013 ;
- par ailleurs, l'enseignement supérieur privé ne bénéficiera plus de dotation en provenance de la mission « Travail et emploi » en 2013, alors qu'il a reçu une dotation de 3,2 millions d'euros en 2012.
C'est pourquoi, le présent amendement propose de :
- réduire de 4,9 millions d'euros l'action 02 « Aides indirectes » du programme 231 « Vie étudiante » ;
- abonder, en contrepartie, de 4,9 millions d'euros l'action 04 « Etablissements d'enseignement privé » du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire ».
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 21 novembre 2012, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, puis de M. Roland du Luart, vice-président, la commission a procédé à l'examen du rapport de MM. Michel Berson et Philippe Adnot, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Recherche et enseignement supérieur » .
- Présidence de M. Philippe Marini, président -
M. Michel Berson , rapporteur spécial . - Philippe Adnot s'occupe du programme 150 « Recherche et enseignement supérieur », dont l'enveloppe s'élève à 12,8 milliards d'euros, et du programme 231 « Vie étudiante » relatif aux bourses, à hauteur de 2,3 milliards d'euros.
La mission représente 26 milliards d'euros, dont 23 milliards financés par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche qui en est le chef de file. En plus des deux grands volets que sont les programmes 150 et 231, elle comprend trois programmes de recherche, pour 5,2 milliards d'euros, finançant notamment le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et le Centre national d'études spatiales (CNES). Le reste des programmes, soit seulement 3 milliards d'euros, relève de cinq autres ministères.
C'est une mission privilégiée par rapport aux autres, qui témoigne des priorités du Gouvernement. Les crédits prévus sont en effet supérieurs de 338 millions d'euros à ceux qui résulteraient de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) adoptée par la précédente majorité, ce qui est conforme à la logique du pacte national pour la compétitivité, la croissance et l'emploi. En outre, alors que l'ensemble des crédits de paiement du budget général, hors contribution directe de l'Etat au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », seront gelés en valeur en moyenne de 2013 à 2015, ceux de cette mission augmentent de 2,1 % en 2013. Si l'on tient également compte de la contribution des opérateurs au CAS « Pensions », l'augmentation n'est toutefois plus que de 1 %. Si l'on veut maintenir constant en points de PIB l'effort engagé en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche dans les années à venir, ce n'est pas de 0,4 % que les crédits de paiement doivent augmenter, comme le prévoit le projet de LPFP dans le cas des années 2014 et 2015, mais d'environ 3 %.
Les moyens relatifs à la recherche et à l'enseignement supérieur sont bien plus importants que les crédits de la présente mission. Si l'on prend en compte les investissements d'avenir et le crédit d'impôt recherche (CIR), on parvient à un effort total qui augmente de 7 % en 2013, et autant en 2014, avant de se stabiliser en 2015.
Le redéploiement des crédits de l'Agence nationale de la recherche (ANR) est une autre caractéristique du budget de cette mission. Celle-ci perd en effet 73,2 millions d'euros, qui contribuent à financer l'augmentation de la dotation des différents opérateurs : le CNRS d'abord, pour 72,8 millions d'euros ; le CEA à hauteur de 29,3 millions ; l'Inserm également, pour 21,6 millions. Cette décision répond aux plaintes de certains chercheurs, qui estiment leurs laboratoires insuffisamment dotés. Néanmoins, c'est apporter une mauvaise solution à un vrai problème : l'insuffisance de moyens de certaines unités de recherche. De surcroît, seulement 15 % de la subvention de l'ANR permet de financer les coûts indirects des projets qu'elle soutient (4 % de frais de gestion et 11 % de préciput) : c'est insuffisant, car il faudrait arriver à 20 %, et cela conduit les organismes concernés à dépouiller certains laboratoires au profit des projets financés par l'ANR.
L'agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES), autorité administrative indépendante, est aujourd'hui sur la sellette : le rapport de l'Académie des sciences de septembre 2012 demande sa suppression et propose la mise en place de structures d'évaluation dépendant directement des universités et des organismes de recherche. Il s'agirait là d'un véritable recul : comment garantir l'objectivité et l'homogénéité de l'évaluation dans cette hypothèse ?
Le problème posé par la dette de la France à l'égard de l'Agence spatiale européenne se pose à nouveau cette année. L'an dernier, je jugeais déjà peu vraisemblable son apurement à l'horizon 2015. Aujourd'hui, les responsables du CNES le reconnaissent enfin. L'échéance de 2020 serait plus raisonnable, d'autant que, dans le cadre du conseil de l'Agence spatiale européenne qui se tient en ce moment, la France défend le lancement d'un programme Ariane 6 qui sera probablement source de coûts supplémentaires.
L'article 55 du projet de loi de finances pour 2013 est un article de seconde partie non rattaché. Il permet, pour les PME, l'extension du CIR à certaines dépenses d'innovation, source de compétitivité, donc de croissance et d'emplois. Mais son financement partiel par la suppression des taux majorés de CIR dont bénéficient les PME entrant dans le dispositif est inopportun : il est en effet paradoxal de demander aux PME de financer des mesures dont elles bénéficient ! Le rapport Gallois a repris l'idée que je préconisais, avant que le Gouvernement ne la fasse sienne : garantir la stabilité du CIR, ce qui n'empêche pas d'y apporter de nécessaires modifications à la marge.
Enfin, soulignons que ce projet de loi de finances préserve l'emploi dans la recherche publique. En 2013 en effet, 68 449 emplois dans les organismes de recherche seront reconduits. Les moyens des laboratoires seront augmentés de 54 millions d'euros, ce qui permettra de financer les départs en retraite et évitera de futures difficultés.
M. Philippe Marini , président . - Je rends hommage à l'implication et à la liberté d'esprit du rapporteur spécial. Sa présentation, plus qu'un simple commentaire des crédits, était porteuse d'une véritable valeur ajoutée. Nous sommes de surcroît sensibles à l'accent mis sur l'évaluation de la recherche.
M. Philippe Adnot , rapporteur spécial . - Je salue Dominique Gillot, de la commission des affaires culturelles, avec laquelle je mène une mission de contrôle. Je remercie le rapporteur Berson pour la qualité de sa présentation globale.
Les programmes 150 et 231 pèsent respectivement 12,8 et 2,3 milliards d'euros, ce qui n'est pas négligeable. Les crédits de paiement du premier progressent d'un peu moins de 2 %. Mais cette évolution est à relativiser, compte tenu de l'augmentation parallèle des contributions du CAS « Pensions ».
Avec l'accession aux responsabilités et compétences élargies des universités de la Réunion, d'Antilles-Guyane et de Polynésie française, l'autonomie deviendra en 2013 le droit commun des universités. Les dépenses de masse salariale, et plus particulièrement celles relatives au glissement vieillesse-technicité (GVT), sont, de nouveau, au coeur du débat. Quelques précisions préalables : le GVT présente un enjeu financier relativement faible au regard de la masse salariale totale (entre 30 et 40 millions d'euros). Le GVT se subdivise ensuite en un GVT « subi » (relevant d'éléments extérieurs aux établissements qui le subissent) et un GVT « consenti » (par les mesures que prend l'établissement autonome). On parle également de GVT positif et négatif, ce dernier étant toutefois bénéfique pour l'établissement puisqu'il traduit le remplacement de fonctionnaires âgés par de plus jeunes, moins bien payés. En 2011, les universités ont conclu un accord visant à éviter de faire contribuer les bénéficiaires d'un GVT négatif au budget de celles qui ont un GVT positif. Une solution doit être trouvée pour que chaque acteur assume ses responsabilités de gestionnaire autonome, ce qui exclut notamment l'hypothèse d'une prise en charge totale par l'Etat à long terme.
Selon les données du ministère, la situation financière des universités est globalement satisfaisante. Mais certaines d'entre elles connaissent des difficultés qui ne sont parfois qu'apparentes car d'ordre comptable, mais vont tout de même de 100 000 euros à 15 millions d'euros. Le ministère a mis en place un dispositif de suivi, d'alerte et d'accompagnement. J'approuve la démarche suivie : il s'agit d'accompagner des établissements devenus autonomes tout en évitant une tutelle rectorale. Chaque acteur doit pouvoir progresser dans sa gestion propre.
Enfin, le ministère envisage de revoir en 2013-2014 le modèle SYMPA, créé en 2009 pour répartir les moyens des établissements en fonction de l'activité réelle d'une part (à hauteur de 80 %), et d'autre part de la performance des établissements (à hauteur de 20 %). La mise en oeuvre de ce dispositif est en effet loin d'être satisfaisante : le modèle SYMPA n'a porté que sur 2 milliards d'euros par an environ, puisque la masse salariale n'y est pas incluse ; en outre, il n'a pas permis la réallocation espérée des moyens budgétaires entre universités sur-dotées et universités sous-dotées.
L'amélioration de la réussite en premier cycle constitue de nouveau une des priorités, légitime, du ministère. Les précédentes initiatives dans ce domaine n'ont pas donné de résultats probants. La création de 1 000 postes par an, mesure phare du budget pour 2013, doit s'accompagner d'engagements contractuels ciblés prioritairement sur les universités sous-dotées.
Enfin, je voudrais apporter un éclairage sur l'immobilier universitaire, et notamment sur l'opération Campus, dont le financement repose en majeure partie sur des crédits extra-budgétaires. La phase opérationnelle de ce plan étant très lente, une revue générale de l'opération a été demandée par la ministre au mois de juillet dernier.
M. Philippe Marini , président . - Qu'est-ce qui distingue un campus prometteur d'un campus innovant ?
M. Philippe Adnot , rapporteur spécial . - La labellisation s'est faite progressivement : les dix premiers campus retenus dans le projet ont été regroupés sous l'appellation de « campus d'excellence », puis au fur et à mesure des demandes des autres établissements sont apparus les campus « prometteurs » et « innovants ». A mon sens, nous aurions intérêt à ce que l'ensemble de notre enseignement supérieur progresse, donc à limiter la multiplication de ce type de catégories qui profitent à certains établissements à l'exclusion de tous les autres.
La mission d'évaluation sur les partenariats public-privé universitaires achevée en octobre dernier s'est interrogée sur le recours systématique à ce montage juridique. Cela me fait penser au débat que nous avons eu en commission sur l'article 15 du projet de loi de finances. Il est bon que le ministère se soit engagé à regarder cette question : à mon avis, les PPP sont un risque de « rigidification » des budgets à terme.
Quelques universités ont déjà pu passer à l'autonomie immobilière. 21 millions d'euros sont dévolus à celles qui ont accédé à l'autonomie en 2011. Les autres projets sont en revanche suspendus dans l'attente des orientations qui seront définies à l'issue des Assises. Dans le cadre du rapport de la mission de contrôle que j'ai menée avec Jean-Léonce Dupont, j'avais attiré l'attention sur la question de la soutenabilité financière de la dévolution dans l'hypothèse où elle était demandée par toutes les universités : nous n'aurions alors plus les moyens de couvrir toutes les dotations aux amortissements.
Le programme « Vie étudiante » est en augmentation de 7 %. Un effort de budgétisation plus sincère a été mené. Mais ce poste de dépenses, qui répond à une logique de « guichet », reste délicat à prévoir.
S'agissant des aides au mérite, il m'a été rapporté que certaines sont attribuées pour deux ans. Cela n'est pas satisfaisant : il faut attribuer les bourses à des étudiants motivés et non à ceux qui ne cherchent qu'un « statut social ».
La priorité donnée au logement étudiant a été réaffirmée par l'annonce d'un programme de construction de 40 000 logements étudiants sur cinq ans. Une dotation supplémentaire de 20 millions d'euros est prévue à ce titre pour 2013. Je l'ai dit à tous les ministres successifs et le répète ici : intégrer le logement étudiant dans le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche est une mauvaise idée. Chacun devrait se concentrer sur son coeur de métier. Le logement étudiant relève de la ville pour les choix urbanistiques, des opérateurs qui savent construire de manière efficace et rationnelle, ainsi que des collectivités locales. Dans le département de l'Aube, le conseil général, maître d'ouvrage dans la construction universitaire comme dans celle de logements étudiants, donne ces derniers en gestion au CROUS pour 90 euros par mois, celui-ci les louant à son tour pour 300 euros. Nous ferions mieux d'utiliser ces crédits de l'enseignement supérieur pour les missions qui sont les siennes. C'est l'objet d'un amendement que je présenterai.
Les établissements d'enseignement supérieur à gestion associative, qui représentent plus de 70 000 étudiants, sont assez mal servis par ce budget. Un effort important leur est demandé en 2013. Cet effort représente presque 8 millions d'euros si l'on tient compte de la non-reconduction des crédits en provenance de la mission « Travail et emploi » dont bénéficiaient ces établissements en 2012. Je vous proposerai un amendement permettant d'en rediriger la moitié - 4,9 millions d'euros exactement - vers ces établissements, compensé par un prélèvement sur les crédits du logement étudiant. Les collectivités locales peuvent parfaitement financer l'effort nécessaire.
M. Philippe Marini , président . - Nous saluons la pertinence de votre analyse et les propositions concrètes que vous formulez.
- Présidence de M. Roland du Luart, vice-président -
Mme Dominique Gillot , rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles . - Je remercie votre commission pour son accueil et le travail qu'elle a accompli en coopération avec la commission des affaires culturelles. Je partage nombre des constats des deux rapporteurs.
Les modalités de gestion des établissements doivent impérativement être clarifiées. Il a été décidé de ne pas remettre en cause le passage à l'autonomie de tous les établissements en 2013, mais ceux-ci n'en doivent pas moins améliorer leur performance et l'efficience de leur gestion. A cette fin, il faut rendre plus lisibles les financements apportés par l'Etat, mais aussi rendre plus fiable l'analyse, la notification et le suivi des besoins de chacun en matière de masse salariale. L'enjeu en matière de GVT, de 35 à 40 millions d'euros, est infime, et ne doit pas masquer d'autres enjeux plus importants. Beaucoup de collectivités locales ont assumé cette charge au moment de la décentralisation : les universités et organismes de recherche peuvent le faire. Le développement de leurs compétences gestionnaires est en outre indispensable dans un contexte de raréfaction des ressources financières.
Je partage votre critique du modèle SYMPA. Un accord doit être trouvé avec les représentants des universités sur les critères de calcul des moyens alloués, en respectant des principes de transparence et d'équité.
Les dispositifs d'appui à la réussite des étudiants ne doivent pas concerner que les bacheliers professionnels. La critique sévère qui est faite du Plan « Réussite en licence » est justifiée, puisque le taux d'obtention de la licence en trois ans diminue. La création de mille postes doit faire l'objet d'une contractualisation, destinée à évaluer efficacement l'utilisation de ces moyens supplémentaires et à les conditionner à la réussite effective des étudiants tout au long de leur parcours universitaire.
La continuité des programmes d'investissements lancés dans le cadre du plan Campus suscite des interrogations, qu'il s'agisse d'équipements neufs ou d'opérations de rénovation. Je partage la prudence du rapporteur s'agissant des grands travaux : ceux-ci sont souvent source de rigidité dans les budgets ultérieurs.
J'approuve la transparence accrue dont le programme « Vie étudiante » fait preuve. Celui-ci ne concerne pas que les bourses et le logement. La conférence des présidents d'universités (CPU) intègre désormais la « vie étudiante » dans ses indicateurs de performance.
La prise en charge réelle et complète du CAS « Pensions » me préoccupe. Il ne faudrait pas que, faute de crédits suffisants cette année, les critiques habituelles soient réitérées l'année prochaine sur la fiabilité de l'évaluation de la masse salariale.
Enfin, bien que ce soit extérieur au budget, j'attire votre attention sur le rayonnement international des établissements français et l'accueil réservé aux étudiants étrangers. Les difficultés de Campus France s'expliquent par l'assimilation de l'accueil d'étudiants étrangers à un risque d'immigration non contrôlée d'une part, et par la modification des modalités d'accueil d'autre part. En effet, l'EPCI créé par la loi peine à reprendre la totalité des missions précédemment assurées par les opérateurs, et a modifié profondément le modèle économique de prise en charge des bourses par les gouvernements étrangers. La charge est devenue insupportable pour certains d'entre eux.
M. Yvon Collin . - Je remercie MM. les rapporteurs pour la qualité de leurs rapports.
Lors de sa récente conférence de presse, le président de la République s'est montré hostile à la technique de la fracturation hydraulique pour l'extraction des gaz de schiste, mais a souhaité que les recherches se poursuivent. Pouvez-vous nous en dire davantage sur les crédits alloués à ces recherches, dans lesquelles le rapport Gallois voit une source essentielle de compétitivité énergétique pour la France ?
M. Jean Arthuis . - Je félicite à mon tour les rapporteurs spéciaux pour les éclairages qu'ils nous apportent.
Les écoles d'ingénieurs dépendant du ministère de l'agriculture estiment subir un mauvais traitement dans ce projet de budget. Est-il possible de compléter leur dotation ?
Avez-vous eu accès au rapport de la Cour des comptes relatif à la gestion douteuse de l'Institut d'études politiques de Paris, censé former les acteurs de la bonne gouvernance ? N'y a-t-il pas un message à faire passer, par exemple en diminuant sa dotation ?
M. Edmond Hervé . - Prenons garde aux effets d'annonce. Les pages de la note de présentation consacrées aux investissements d'avenir sont extrêmement sévères. Le ministère connaît-il précisément le montant des dépenses effectivement décaissées ? Sur les 5 milliards d'euros du plan Campus, peu a été dépensé... Le financement de ces 5 milliards devait être assuré par les collectivités territoriales à hauteur d'un milliard, ainsi que par la vente de 3 % du capital d'EDF. La vente a-t-elle été réalisée ? Au 25 octobre 2012, sur 13 sites, un seul - celui de Grenoble - avait conclu un partenariat public-privé. Un rapport sur ce sujet a été remis à la ministre en octobre par le conseiller d'Etat Roland Peylet.
Je n'ai pas compris, monsieur Adnot, la différence entre les loyers que votre département consent et ceux qui sont pratiqués par le CROUS.
M. Philippe Adnot , rapporteur spécial . - Le conseil général construit puis loue des logements au CROUS pour 90 euros, qui les loue à nouveau à 300 euros par mois.
M. Edmond Hervé . - Quel est l'intérêt ? C'est une mise à disposition volontaire ?
M. Philippe Adnot , rapporteur spécial . - C'est une mise à disposition des locaux. Pour leur gestion, le CROUS utilise la marge que cela représente. En d'autres termes, les collectivités peuvent parfaitement construire des logements étudiants.
M. Edmond Hervé . - Je reste persuadé que les loyers résultent aussi d'engagements contractuels souscrits par les conseils généraux, qui ne sauraient se faire exploiter.
M. Jean-Paul Emorine . - Notre collègue François Patriat faisait valoir que les grands groupes bénéficiaient d'un taux marginal de CIR de 5 % au lieu de 30 %. Or, le CIR leur est indispensable, car ce sont eux qui soutiennent notre compétitivité. Quel est le taux moyen de CIR qui leur est applicable ?
L'article 55 du projet de loi de finances reprend la suggestion du rapporteur Berson d'ouvrir davantage le CIR aux PME. Je partage son interrogation sur la suppression des taux majorés pour les PME qui entrent dans le dispositif : c'est une disposition contraire à l'esprit du CIR, auquel les PME ont beaucoup de difficultés à accéder. Présentera-t-il un amendement à ce sujet ?
M. Vincent Delahaye . - Je complète la question de Jean Arthuis : pouvez-vous nous indiquer le montant de la dotation que l'Etat accorde à l'IEP de Paris ? Le rapport de la Cour des comptes devrait avoir pour conséquence logique de la faire diminuer de 10 %, 15 % ou 20 %.
M. Francis Delattre . - Le rapport Gallois souligne à juste titre la dichotomie qui existe entre la recherche fondamentale, qui se porte bien, et la recherche appliquée, insuffisamment liée à la première. Quelles mesures peut-on envisager pour y remédier ?
S'abstenir de revenir sur l'autonomie des universités est une sage décision : les classements mondiaux attestent de la progression de nos établissements, ce qui est une bonne nouvelle pour tous les territoires qui n'ont pas la chance d'avoir des grandes écoles.
J'indique au rapporteur Berson que la constitution de grands pôles en région parisienne - celui de Saclay par exemple - ne doit pas se faire au détriment d'autres projet territoriaux. Il est dommage que les gouvernements successifs ne concentrent leurs efforts que sur ces seuls grands pôles. D'après un grand journal du soir, la concentration géographique des grands établissements de formation crée une fracture et fragilise notre système d'enseignement supérieur. Certains départements sont complètement dépourvus de classes préparatoires aux grandes écoles. Que peut-on imaginer pour répartir plus équitablement ces fameuses « prépas » sur le territoire ?
M. Michel Berson , rapporteur spécial . - La position du Gouvernement sur les gaz de schiste est sage : la technologie disponible aujourd'hui est nocive, ce qui justifie l'interdiction de leur exploitation. Cependant, celle-ci représente un potentiel de compétitivité important. L'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFPEN) estime que nous avons les moyens de lancer des programmes de recherche sur les technologies alternatives dès que la décision en sera prise. J'y suis favorable. L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques se saisira prochainement de la question.
Sur les 1 000 postes créés dans les écoles d'ingénieurs, 20 sont réservés à l'enseignement agricole. Ceux-ci n'ont donc pas été oubliés.
Le plan Campus est un exemple emblématique des effets d'annonce qu'Edmond Hervé dénonçait, puisque les investissements ont été lancés à un rythme particulièrement lent, tout comme les groupements d'universités et d'organismes de recherche. Des mesures pourront être prises à la suite des conclusions du rapport sur la mise en oeuvre du plan.
Le taux moyen du CIR pour les grands groupes est de l'ordre de 20 % : il est donc inférieur aux 30 % du taux de droit commun. En effet, le CIR est égal à 30 % des dépenses de recherche tant que celles-ci ne dépassent pas 100 millions d'euros ; au-delà, le taux est de 5 %. Le CIR des bénéficiaires concernés représente environ 800 millions d'euros de créances, sur un total de plus de 5 milliards.
Le financement de l'extension du CIR à certaines dépenses, prévue à l'article 55 du projet de loi de finances, n'est pas approprié. Des amendements ne sont pas à exclure dans le cadre du prochain débat budgétaire.
M. Philippe Adnot , rapporteur spécial . - Je n'ai pas le chiffre de la dotation que l'Etat accorde à l'IEP de Paris. En revanche, 78 millions d'euros sont consacrés à l'ensemble des instituts d'études politiques. Je souligne que le rapport provisoire de la Cour des comptes n'avait pas à être connu avant que l'établissement n'ait pu répondre...
M. Jean Arthuis . - Le rapport public sera peut-être connu avant la discussion des crédits en séance, auquel cas un amendement pourrait être déposé...
M. Philippe Adnot . - J'ajoute à l'attention de notre collègue Edmond Hervé que les informations qu'il réclame sont disponibles aux pages 78 à 80 de la note de présentation.
M. Roland du Luart , président . - Avant la mise aux voix de l'amendement proposé par Philippe Adnot, quel est l'avis du rapporteur Berson ?
M. Michel Berson , rapporteur spécial . - Cet amendement suscite quelques interrogations. Il a déjà fait l'objet d'un examen à l'Assemblée nationale le 9 novembre dernier, qui l'a finalement rejeté avec un avis défavorable du rapporteur spécial et du Gouvernement. Le gage pose problème car le Gouvernement, à la demande du président de la République, s'est engagé à construire 40 000 logements étudiants dans les cinq prochaines années, financés par une l'inscription au programme 231 d'une ligne de 20 millions d'euros. Or, c'est sur ce même programme que seraient prélevés les 4,9 millions d'euros destinés à financer la mesure. Cela va à l'encontre des priorités affichées. Quant au sort réservé aux établissements d'enseignement supérieur de type associatif, une concertation est en cours entre ses responsables et la ministre. Je suis donc réservé sur l'opportunité de cet amendement.
M. Philippe Adnot , rapporteur spécial . - A l'Assemblée nationale, il s'agissait de 12,5 millions d'euros. Ma demande porte sur 4,9 millions. Le rapport Gallois nous enjoint de faire le pari de l'innovation et de la formation : c'est ce que je propose. Demander à ce secteur un tel effort n'est pas raisonnable. Je veux bien proposer un amendement de repli concernant le gage : je puiserai dans les moyens du ministère. Mais je souhaite que notre commission témoigne sa solidarité avec ces ingénieurs, et ne remette pas en cause un accord qui a consisté à recruter davantage de chercheurs.
M. Roland du Luart . - Vous le gageriez donc sur quel programme ?
M. Philippe Adnot , rapporteur spécial . - Sur l'action 01 « Pilotage et animation » du programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ».
M. Michel Berson , rapporteur spécial . - Le programme que vous visez concerne aussi le soutien à la recherche dans le cadre des contrats de plan État-régions, l'aide aux jeunes scientifiques. Il me semble gênant d'hypothéquer de tels projets.
Mme Dominique Gillot , rapporteure pour avis . - Les écoles d'ingénieurs doivent engager un effort de recherche conséquent. Ce coup d'arrêt ne serait guère cohérent. J'apprécierais que la commission trouve un accord sur le gage afin que le débat puisse aller à son terme.
M. Michel Berson , rapporteur spécial . - Je m'en remets à Philippe Adnot et m'abstiendrai sur l'amendement.
M. Philippe Adnot , rapporteur spécial . - J'en reste donc à ma proposition de départ.
A l'issue de ce débat, la commission adopte l'amendement de M. Philippe Adnot, rapporteur spécial.
Puis elle décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ainsi modifiés.
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Réunie à nouveau le jeudi 22 novembre 2012, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission tels que modifiés par son amendement.