ARTICLE 8 - Contribution exceptionnelle sur la valeur des stocks de produits pétroliers

Commentaire : le présent article propose d'instaurer, pour la seule année 2012, une contribution exceptionnelle sur la valeur des stocks de produits pétroliers, due par les sociétés détentrices de tels produits sur la base de la valeur de leur stock en fin d'année 2011 .

I. DE PRÉCÉDENTES CONTRIBUTIONS EXCEPTIONNELLES DES ENTREPRISES PÉTROLIÈRES ASSISES SUR LA PROVISION POUR HAUSSE DES PRIX

Si la contribution exceptionnelle dont le présent article propose la création présente une certaine originalité, plusieurs dispositifs de même esprit ont été élaborés au cours de la dernière décennie.

L'assiette des contributions alors mises en place était la provision pour hausse des prix (PHP) que les entreprises du secteur pétrolier sont autorisées à passer.

La provision pour hausse des prix

La provision pour hausse des prix (PHP) est définie au onzième alinéa du 5° de l'article 39 du code général des impôts.

Ces dispositions autorisent les entreprises à pratiquer une telle provision lorsque, pour une matière ou un produit donné, il est constaté, au cours d'une période ne pouvant dépasser deux exercices successifs, une hausse des prix supérieure à 10 % . Elle ne concerne donc pas spécifiquement les pétroliers mais, en cas d'augmentation marquée des prix du pétrole, les entreprises du secteur peuvent passer une dotation PHP d'un montant conséquent (jusqu'à 15 millions d'euros par période de douze mois, au titre de chaque exercice, majoré le cas échéant d'une fraction égale à 10 % de la dotation à cette provision déterminée dans les conditions normales - c'est-à-dire compte non tenu du plafonnement).

La PHP est rapportée de plein droit aux bénéfices imposables de l'exercice en cours à l'expiration de la sixième année suivant la date de la clôture de l'exercice au cours duquel elle a été passée.

Ainsi, l'article 11 de la loi de finances initiale pour 2001 a institué, pour les seules entreprises pétrolières, une taxe exceptionnelle assise sur la fraction excédant alors 100 millions de francs (soit 15,244 millions d'euros) du montant de la provision pour hausse des prix inscrite au bilan à la clôture du premier exercice clos à compter du 20 septembre 2000, ou à la clôture de l'exercice précédent si le montant correspondant était supérieur.

Cette taxe exceptionnelle était toutefois imputable sur l'impôt sur les sociétés (IS) dû au titre de l'exercice au cours duquel la provision sur laquelle elle est assise était réintégrée (au plus tard à l'expiration de la sixième année suivant la date de la clôture de l'exercice où la provision a été dotée). Cette disposition visait à limiter le risque de double imposition.

L'année suivante, l'article 25 de la loi de finances pour 2002 assujettissait les seules entreprises pétrolières ayant dû acquitter la taxe exceptionnelle de 25 % en 2001 à une taxe complémentaire égale à 8,33 % de l'assiette de la taxe exceptionnelle, c'est à dire égale au tiers de la taxe exceptionnelle .

Ensuite, l'article 67 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007 a instauré une taxe exceptionnelle de 25 % sur la provision pour hausse des prix au titre du premier exercice clos à compter du 31 décembre 2007.

Puis, l'année suivante, l'article 18 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 a reconduit ce dispositif sur la PHP au titre du premier exercice clos à compter du 31 décembre 2008.

Enfin, l'article 16 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 a soumis les entreprises ayant pour objet d'effectuer la première transformation du pétrole brut ou de distribuer les carburants issus de cette transformation à une contribution exceptionnelle sur la PHP au titre du premier exercice clos à compter du 31 décembre 2010.

Cette contribution était assise sur la fraction excédant 100 000 euros du montant de PHP et inscrite au bilan à la clôture de l'exercice ou à la clôture de l'exercice précédent en cas de montant supérieur. Son taux était de 15 %. L'abattement de 100 000 euros visait à exclure les petites entreprises indépendantes du champ de la contribution.

A chaque fois, ces mesures ont été présentées comme exceptionnelles. Le but qui leur était assigné était cependant différent :

- en lois de finances pour 2001 et 2002, il s'agissait de « limiter l'avantage » que les sociétés pétrolières avaient alors tiré de la PHP « dans des conditions exceptionnellement favorables » pour reprendre les termes de l'exposé des motifs du projet de loi de finances pour 2001 ;

- en 2007 et 2008, la contribution était censée apporter une ressource propre à financer le mécanisme de la « prime à la cuve » au travers d'un fonds dédié. Toutefois, du fait de l'imputation de la contribution sur l'IS au moment de la reprise de la PHP, il ne s'agissait pas d'un financement à proprement parler, mais bien davantage d'une « avance de trésorerie » à l'Etat par des sociétés présentées comme prospères.

- en 2011, bien que ce dispositif ait été présenté comme exceptionnel, il se distinguait nettement des précédents en ce qu'aucun mécanisme de restitution ou d'imputation sur l'impôt sur les sociétés (IS) lors de la reprise de la PHP n'était prévu . Le gain pour l'Etat, estimé à 115 millions d'euros, a donc eu un caractère définitif . Il devait notamment permettre de financer le coût de la revalorisation de 4,6 % des barèmes kilométriques applicables, au titre de l'année 2010, aux salariés et à certains titulaires de bénéfices industriels et commerciaux et de bénéfices non commerciaux

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE SUR LA VALEUR DES STOCKS DE PRODUITS PÉTROLIERS

Le présent article propose d'instaurer une contribution exceptionnelle sur la valeur des stocks de produits pétroliers , due par les sociétés détentrices de tels produits sur la base de la valeur moyenne de leur stock à la fin des trois derniers mois de l'année 2011 . Dans le contexte actuel, une telle assiette paraît en effet plus solide que la provision pour hausse des prix, par nature plus fluctuante.

A. LES REDEVABLES DE LA CONTRIBUTION

Aux termes du I du présent article, la contribution serait due par « toute personne, à l'exception de l'Etat, propriétaire au 4 juillet 2012 de volumes de produits pétroliers mentionnés au tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes, placés sous l'un des régimes prévus aux articles 158 A et 165 du même code et situés sur le territoire de la France métropolitaine ».

Concrètement, l'Etat serait donc exonéré au titre des quantités de produits pétroliers qu'il détient , notamment au travers du service des essences des armées. De même, les opérateurs situés dans les départements ou collectivités d'outre-mer ne seraient pas soumis à la contribution , ce que le Gouvernement justifie à la fois par la cherté des produits pétroliers dans ces territoires et par la spécificité de la détermination des prix des carburants outre-mer.

D'autre part, ne seraient redevables que les propriétaires de stocks de produits pétroliers au 4 juillet 2012 , date du Conseil des ministres ayant adopté le présent projet de loi de finances rectificative. Selon la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), ce critère permet d'éviter la rétroactivité ainsi que les risques d'optimisation fiscale, si la date avait été postérieure à la publication du projet de texte. Concrètement, cela exclut quasiment la société Petroplus , en redressement judiciaire depuis le 24 janvier 2012, dont la maison-mère a cédé l'ensemble des stocks à des fiducies au premier semestre, la plupart des stocks restants n'appartenant pas, par ailleurs, à la raffinerie de Petit-Couronne.

In fine , les principaux redevables seraient :

- la SAGESS (société de gestion des stocks stratégiques pétroliers, détenue par les raffineurs-distributeurs, la grande distribution et les indépendants), à hauteur de 55 % de la charge fiscale ;

- les raffineries pétrolières (environ 37 %) ;

- la grande distribution et quelques autres sociétés, notamment de négoce (pour environ 8 %).

S'agissant des produits visés, le tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes, qui compte plus de 70 lignes, vise une très grande quantité de « produits pétroliers et assimilés » , allant des goudrons et bitumes aux diverses paraffines, en passant par toutes les catégories de carburants, combustibles de chauffage (dont le fioul domestique ou le fioul lourd), huiles lubrifiantes, différents types de produits pétrochimiques (comme l'éthylène ou le propylène) ou encore le gaz naturel.

Il est précisé que les produits dont la propriété rend redevable de la contribution doivent relever d'un régime en suspension de taxe 67 ( * ) , c'est-à-dire soit du régime dit « de l'usine exercée » défini à l'article 165 du code des douanes (qui vise les raffineries), soit le régime de l'« entrepôt fiscal de stockage » défini à l'article 158 A du même code. Ce choix de viser les stocks placés en régime suspensif permet de ne pas taxer les opérateurs ayant des stocks en acquitté (c'est-à-dire pour lesquels toutes les taxes ont été acquittées), qui sont souvent de petits opérateurs (stations service, petits dépôts, etc.).

B. L'ASSIETTE ET LE TAUX DE LA CONTRIBUTION

Le II du présent article propose que la contribution soit assise, pour chacun des produits pétroliers susmentionnés, sur la valeur de la moyenne des volumes dont les redevables étaient propriétaires au dernier jour de chacun des trois derniers mois de l'année 2011 . Ce choix de viser trois dates et non une seule permet d'assurer une plus grande équité, en limitant les conséquences d'éventuels comportements atypiques à une date donnée.

Les stocks seraient valorisés de la même façon que pour déterminer l'assiette de la TVA 68 ( * ) , la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) calculant la valeur à partir des cours moyens des produits à Rotterdam sur les quatre mois précédents.

Néanmoins, cette méthode ne s'applique pas aux gaz de pétrole et autres hydrocarbures gazeux 69 ( * ) non destinés à être utilisés comme carburants, qui sont soumis à une règle de valorisation différente, fondée sur leur prix de revient au 31 décembre 2011. Selon la DGDDI, ces produits ne représentent qu'une part marginale de l'assiette de la contribution. De plus, cette différence de méthode ne devrait pas poser de problème de contrôle à l'administration.

Il est proposé que le taux de la taxe s'établisse à 4 % ( III du présent article). Ce niveau a été fixé de façon à obtenir un rendement de 550 millions d'euros .

C. LE RECOUVREMENT DE LA CONTRIBUTION

Aux termes du IV de l'article, la contribution serait exigible le 1 er octobre 2012.

Le V propose que la contribution soit liquidée, déclarée et acquittée sur une déclaration conforme au modèle établi par l'administration, déposée au plus tard le 15 décembre 2012.

Enfin, selon le VI , la contribution serait contrôlée et recouvrée selon les règles, garanties, privilèges et sanctions prévues à l'article 267 du code des douanes pour les taxes intérieures de consommation. Les infractions seraient recherchées, constatées et réprimées, les poursuites seraient effectuées et les instances seraient instruites et jugées comme en matière de douanes par les tribunaux compétents en ce domaine.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements rédactionnels . De plus, à l'initiative de notre collègue député Christian Eckert, rapporteur général du budget, et avec l'avis favorable du Gouvernement, un troisième amendement précise que l'assiette de la contribution exceptionnelle ne comprend aucun des droits, taxes et redevances pesant sur les produits pétroliers .

Enfin, un dernier amendement, introduit à l'initiative de Christian Eckert avec l'avis favorable du Gouvernement, prévoit que le montant de la contribution ne soit pas admis en charge déductible pour la détermination du résultat imposable de l'entreprise qui en est redevable . Il s'agit de préserver la recette de l'Etat .

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le dispositif proposé reprend un engagement de campagne du Président de la République , qui avait évoqué la nécessité d'une contribution du secteur pétrolier au redressement des comptes publics. Un tel dispositif peut se justifier dans un contexte de crise, alors même qu'il existe un très grand écart entre les bénéfices consolidés des grands groupes de ce secteur et le niveau de l'impôt sur les sociétés qu'ils acquittent en France.

Cette démarche est donc pertinente , même si ce secteur économique compte des acteurs très divers, de toute taille, et ne réalisant pas tous des profits élevés. En particulier, le raffinage et la distribution rencontrent des difficultés en France et en Europe, ce qu'illustre tristement la situation des sites de LyondellBasell à Berre-l'Etang et Petroplus à Petit-Couronne.

C'est bien cette double préoccupation qui avait conduit le Sénat à insérer dans le projet de loi de finances pour 2012, à l'initiative du groupe socialiste, un article additionnel 70 ( * ) qui prévoyait à la fois une contribution exceptionnelle des entreprises pétrolières dont les bénéfices affichent une hausse de plus de 10 % une année donnée, et un mécanisme fiscal d'incitation au développement de la recherche dans les énergies renouvelables. Au-delà de l'effort ponctuel légitimement demandé aujourd'hui à ces sociétés, il conviendra de traiter, à plus long terme, la question industrielle majeure pour un pays comme le nôtre de leur positionnement dans la transition énergétique en cours.

C'est dans cet esprit que votre rapporteur général préconise l'adoption du présent article dans sa rédaction issue du vote de l'Assemblée nationale, moyennant l'insertion d'un amendement de nature rédactionnelle .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .


* 67 Dans un tel régime, l'opérateur place la marchandise dans un lieu défini sans payer les taxes sur ces marchandises. Ce statut permet à la douane de contrôler la production, le stockage ou la circulation de produits normalement soumis à des taxes intérieures, afin de garantir ultérieurement la perception de la fiscalité la plus adaptée, une fois le fait générateur établi. Du point de vue des opérateurs, ce statut, avantageux pour leur trésorerie, permet de ne payer la fiscalité qu'au moment où le produit est versé définitivement sur le marché national (revente à l'utilisateur final proche).

* 68 Cf . 1° du 2 de l'article 298 du code général des impôts.

* 69 Ces produits sont repris dans le tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes, selon les classifications 27-11-14 (éthylène, propylène, butylène et butadiène), 27-11-19 (autres gaz de pétrole liquéfiés destinés à être utilisés comme carburants sous condition d'emploi) et 27-11-29 (autres gaz de pétrole et autres hydrocarbures présentés à l'état gazeux).

* 70 Cet article, qui portait le numéro 5 bis A, n'a pas été retenu par l'Assemblée nationale et ne figure donc pas dans le texte final de la loi.

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