B. LE PRÉSENT PROJET DE LOI PREND ACTE DE CETTE VOLONTÉ ET ENTEND REDONNER AU 11 NOVEMBRE UN ÉCLAT PARTICULIER, CELUI DE LA CÉLÉBRATION DE TOUS CEUX ET CELLES QUI ONT DONNÉ LEUR VIE POUR LA FRANCE
1. Honorer tous les morts pour la France
En exprimant la reconnaissance de la Nation à toutes celles et à tous ceux qui l'ont servie jusqu'au sacrifice ultime, la journée commémorative nationale du 11 novembre ouvre une ère nouvelle dans notre mémoire collective. Désormais ce sont tous les « morts pour la France », ceux d'hier, d'aujourd'hui, et, hélas, de demain, civils et militaires, qui seront associés à l'hommage de la Nation.
C'est en effet le périmètre le plus large qui a été retenu puisqu'il englobe, outre les soldats et les combattants, c'est-à-dire les résistants et les civils qui ont combattu, l'ensemble des civils qui, sans que le titre de combattant leur soit reconnu, ont fait le sacrifice de leur vie pour la France.
La mention « mort pour la France » a été instituée par la loi du 2 juillet 1915 et modifiée par la loi du 22 février 1922 au lendemain de la Première Guerre mondiale. Les textes qui ont étendu ultérieurement le droit sont codifiés dans l'article L. 488 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre qui dispose que « doit, sur avis favorable de l'autorité ministérielle, porter la mention « mort pour la France », tout acte de décès d'un militaire ou civil tué à l'ennemi ou mort dans des circonstances se rapportant à la guerre ». Si la nationalité française est exigée pour les victimes civiles de la guerre y compris les déportés et internés politiques, elle ne l'est pas pour les membres des forces armées y compris les déportés et internés résistants. Article L. 488 (modifié par l'ordonnance n° 2009-1752 du 25 décembre 2009) : Doit, sur avis favorable de l'autorité visée ci-dessous, porter la mention " Mort pour la France " tout acte de décès : 1° D'un militaire des armées de terre, de mer ou de l'air tué à l'ennemi ou mort de blessures de guerre ; 2° D'un militaire mort de maladie contractée en service commandé en temps de guerre ; 3° D'un militaire mort d'accident survenu en service, ou à l'occasion du service en temps de guerre ; 4° D'un marin du commerce, victime d'événements de guerre ; 5° De tout médecin, ministre du culte, infirmier ou infirmière des hôpitaux militaires et des formations sanitaires, ainsi que de toute personne ayant succombé à des maladies contractées au cours de soins donnés aux malades et blessés de l'armée en temps de guerre ; 6° De toute personne décédée en combattant pour la libération de la France ou en accomplissant des actes de résistance ; 7° De toute personne exécutée à la suite d'une condamnation résultant de mesures d'exception prises par l'autorité de fait se disant gouvernement de l'État français, notamment par application des actes dits lois des 24 avril 1941, 7 septembre 1941, 7 août 1942, 8 septembre 1942, 5 juin 1943 et 20 janvier 1944, en raison de leur attitude pour la cause de la libération ; 8° De tout otage, tout prisonnier de guerre, toute personne requise par l'ennemi, tout déporté, exécutés par l'ennemi ou décédés en pays ennemi ou occupé par l'ennemi des suites de blessures, de mauvais traitements, de maladies contractées ou aggravées ou d'accidents du travail survenus du fait de leur captivité ou de leur déportation ; 9° De toute personne décédée à la suite d'actes de violence constituant une suite directe de faits de guerre ; 10° De tout militaire décédé dans les conditions visées aux 1er, 2e et 3e alinéas après avoir été incorporé de force ou après s'être engagé sous l'empire de la contrainte ou la menace de représailles dans les armées ennemies ; 11° De tout réfractaire décédé des suites d'accident, maladie ou blessure consécutifs à sa position hors la loi et pour le service du pays (...) 12° De tout membre des forces armées françaises, de la gendarmerie, de la garde mobile, des compagnies républicaines de sécurité, du service d'ordre, ou des éléments, engagés ou requis, tombé en service commandé à l'occasion des mesures de maintien de l'ordre sur les territoires de l'ancienne Union française situés hors de la métropole et dans les États anciennement protégés par la France. Pour les OPEX ces dispositions sont applicables selon les termes de l'article L. 4124-4 du code de la défense. Les militaires participant à des opérations extérieures ainsi que leurs ayants cause bénéficient : 1° Des dispositions des articles L. 2 , L. 3 , L. 5 , L. 12 , L. 13 , L. 15 , du septième alinéa de l' article L. 43 , des articles L. 136 bis , L. 393 à L. 396, L. 461 à L. 490, L. 493 à L. 509 , L. 515 et L. 520 du code des pensions militaires d' invalidité et des victimes de la guerre ; (...) Le champ d'application de chaque opération est défini par arrêté interministériel. |
2. Joindre aux morts d'hier, les morts en OPEX
Le projet de loi permet de joindre aux morts d'hier, les morts en opérations extérieures. La volonté de rendre un hommage particulier à ces morts en opérations extérieures s'est exprimée à plusieurs reprises par la voix des associations, des familles et des proches, mais aussi par les attentes des militaires d'active et de leur hiérarchie.
De 1960 à 1990, les armées françaises ont été engagées une trentaine de fois hors de France, plus d'une centaine de fois au cours des vingt dernières années.
Pour la seule année 2011, environ 10 000 soldats ont participé à des opérations extérieures, en Afrique, au Proche-Orient (Liban), en Asie (Afghanistan) et en Europe (Bosnie, Macédoine, Kosovo).
Selon la base OPEX établie par le bureau de la politique des archives et des bibliothèques dépendant de la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la défense et des anciens combattants, de 1991 au 16 septembre 2011, 616 militaires sont décédés en opération extérieure, dont 375 ont, à cette date, été reconnus « Morts pour la France ». Ce nombre s'est malheureusement accru depuis cette date, notamment en raison des soldats tombés en Afghanistan.
L'instauration d'une commémoration nationale de tous les morts pour la France, le 11 novembre, répond au devoir de mémoire et de reconnaissance de la Nation envers ses soldats morts en OPEX.
C'est aussi le sens de l'amendement adopté par la commission de la défense de l'Assemblée nationale pour rendre obligatoire l'inscription du nom des « Morts pour la France » sur les monuments aux morts.
3. Une date consensuelle : le 11 novembre
Le 11 novembre reste ancré dans la mémoire collective comme la manifestation la plus emblématique d'hommage aux combattants morts pour la France, mais aussi et peut-être surtout, comme une commémoration de l'unité nationale autour de la défense de la patrie et de la République.
En témoigne le fait que cette date n'a jamais été contestée, ni lors de son instauration, ni depuis. Comme le remarque Joseph Zimet dans son rapport au Président de la République sur le centenaire de la Grande Guerre 11 ( * ) , « face à la mémoire désunie de la Seconde guerre mondiale, la Grande Guerre est une mémoire unie, une mémoire qui rassemble plus qu'elle ne divise ».
Elle englobe, en outre la mémoire d'autres évènements, comme le sursaut patriotique des étudiants et lycéens parisiens, qui convergent vers l'Arc de triomphe le 11 novembre 1940 malgré l'interdiction de l'occupant.
Le 11 novembre 1940 : un défi à l'occupant. À l'approche du 11 novembre 1940, les autorités allemandes ainsi que la préfecture de police prennent la décision d'interdire toutes les manifestations commémoratives. Ce jour-là, plusieurs cortèges rassemblant 3 000 à 5 000 étudiants et lycéens, convergent vers les Champs-Élysées. L'hostilité à l'occupant est générale, les références au général de Gaulle présentes. La répression est brutale : il y a de nombreux blessés, une centaine d'étudiants sont arrêtés et emprisonnés. Pour la première fois depuis juin 1940, des Français se sont heurtés aux forces d'occupation. Ce 11 novembre 1940 est devenu un véritable symbole pour la résistance parisienne, pour l'ensemble des Français, en zone occupée comme en zone libre, mais aussi pour les Français libres qui, de Londres à Brazzaville, ont eu connaissance de cet acte de résistance dont la radio de Londres ne manque pas de souligner l'importance. |
Source : d'après « Mémoire et Citoyenneté n°8 » Publication Ministère de la défense/SGA/DMPA
C'est aussi le 11 novembre 1945 que se déroule au Mont-Valérien l'hommage aux combattants de la Seconde guerre mondiale.
C'est enfin le 11 novembre qu'ont été célébrés, en 1954, le retour des drapeaux, étendards et fanions des unités revenues d'Indochine, en 1978 les unités déployées à Kolwezi, en 1982 les militaires engagés dans la FINUL (Force intérimaire des Nations unies au Liban) et en 2011 le Président de la République a souhaité honorer des unités engagées en Afghanistan, en Libye et en Côte d'Ivoire.
4. Rendre plus intelligible le sens de la commémoration
En rassemblant ainsi l'hommage de la Nation tout entière à ceux qui se sont sacrifiés pour elle, le 11 novembre portera d'autant mieux les valeurs de la République et portera l'expression d'un message simple, lisible et actualisable, celui de la continuité des générations de ceux qui ont fait don de leur vie. C'est le même sang, celui d'un même peuple, qui a été versé pour la France et ses valeurs quel que soit le lieu, quelle que soit l'époque.
Aujourd'hui encore, des militaires et des civils, et leur professionnalisme ne retire rien à la valeur de leur sacrifice, sont capables de donner leur vie pour leur pays. La rénovation des cérémonies du 11 novembre doit être le moyen de faire oeuvre de pédagogie et de faire comprendre à nos concitoyens le sens de l'engagement de notre armée sur des théâtres d'opération lointains. Elle participe au renforcement du lien Armée-Nation.
Enfin, elle est le symbole de l'unité de la Nation qui honore l'engagement de citoyens qui ont sacrifié leur vie à la défense d'un territoire, et plus encore des principes indéfectibles de liberté, d'égalité et de fraternité.
5. Préserver la pluralité des commémorations
Rassembler ne consiste pas à réduire les spécificités. Le projet de loi ne supprime pas les journées d'hommage aux combattants des autres conflits.
D'ailleurs, le projet de loi, en créant une commémoration nouvelle n'abroge ni ne modifie la loi du 24 octobre 1922. Le Gouvernement a jugé souhaitable de maintenir dans l'histoire et dans la chronologie, l'acte de commémoration de l'armistice du 11 novembre 1918. La loi du 24 octobre 1922 demeurera l'acte de reconnaissance et de mémoire des seuls soldats morts au cours de la Grande Guerre. La mort des derniers anciens combattants n'a pas effacé le souvenir de ce conflit puisque son centenaire donnera lieu à des commémorations de grande ampleur. Un rapport de préfiguration a été demandé en ce sens à M. Joseph Zimet qui a remis ses propositions 12 ( * ) .
Aucune des journées de commémorations nationales n'a vocation à disparaître. Outre l'attachement des anciens combattants à la perpétuation du souvenir des combats qu'ils ont menés et des camarades qui ont perdu la vie, les spécificités de chaque conflit doivent être prises en considération pour en faire connaître les caractéristiques essentielles, parfois avec des appréciations différentes qui reflètent la pluralité des mémoires de ceux qui les ont vécus. Elles donnent aussi l'occasion, renouvelée chaque année, de faire oeuvre enseignante d'histoire, d'instruction civique et de patriotisme au profit des jeunes générations.
Cet engagement explicite dans le discours du Président de la République du 11 novembre 2011 a été réitéré par le ministre et le secrétaire d'Etat à la défense et aux anciens combattants dans leurs rencontres avec les associations d'anciens combattants, puis devant l'Assemblée nationale. Il a été rappelé dans l'étude d'impact du projet de loi et dans le rapport de M. Patrick Beaudouin, député, rapporteur au nom de la commission de la défense de l'Assemblée nationale.
Votre commission a souhaité inscrire ce principe dans le projet de loi en votant un amendement à l'article premier.
6. Un projet partagé ?
Le projet est largement partagé dans le monde des anciens combattants dès lors qu'il préserve les commémorations de chaque conflit ainsi qu'a pu le constater votre rapporteur au cours des auditions qu'il a menées 13 ( * ) , des contacts qu'il a établis et des documents qui lui ont été communiqués 14 ( * ) .
Dès l'annonce par le Président de la République de sa volonté de faire du 11 novembre un jour de mémoire de tous les morts pour la France, 47 associations patriotiques et d'anciens combattants rassemblées dans un comité d'entente présidé par le général Dominique Delort ont fait part de leur satisfaction de voir cette idée aboutir. La préservation des journées d'hommages aux combattants des autres conflits étant acquise, le projet de loi a recueilli un large consensus dans le monde des associations d'anciens combattants.
Dans un communiqué publié le 11 novembre, l'Union Française des Associations de Combattants et Victimes de guerre (UFAC) indique pouvoir « en accepter le concept sous la réserve absolue que cette disposition, comme l'a affirmé dans son discours le Président de la République, ne remette aucunement en cause les dates figurant au calendrier mémoriel officiel de la République Française ». Telle est la position également de la Fédération nationale des Anciens Combattants en Algérie-Maroc-Tunisie (FNACA) auditionnée par votre rapporteur.
La Fédération Nationale des Anciens des Missions Extérieures (FNAME), quant à elle, dans une lettre adressée aux sénateurs par son président national en date du 9 janvier 2011, se réjouit de « cette initiative permettant, en autre, de souligner l'importance de la cohésion au sein de notre pays, désenclavant dès lors la considération nationale du Devoir de Mémoire, en y incluant les combattants d'opérations extérieures » , mais souhaite parallèlement qu'une journée « de mise à l'honneur des combattants des opérations extérieures» soit instaurée .
En revanche, l'Association Républicaine des Anciens Combattants et Victimes de guerre, des Combattants pour l'Amitié, la Solidarité, la Mémoire, l'Antifascisme et la Paix (ARAC), dans une lettre au ministre de la Défense et des anciens combattants en date du 27 décembre 2011, exprime son désaccord sur cette proposition. « Si le 11 novembre 1918 a marqué l'histoire de notre pays, cette date appartient aujourd'hui à l'histoire et ne doit pas s'imposer à l'actualité commémorative. Il est nécessaire que les générations reçoivent connaissance des faits mémoriels historiques avec leurs origines, leurs effets et leurs conséquences pour comprendre leur vécu et défendre la paix ». Elle exprime également la crainte que cet hommage aux morts de toutes les guerres ne permette plus ce rappel et engage un processus conduisant à l'instauration d'un jour unique du souvenir.
Dans un sondage réalisé par l'IFOP pour le Journal du dimanche.fr le 14 novembre 2011, sur un échantillon de 1 004 personnes, représentatif de la population française, âgées de 18 ans et plus à la question « Le Président de la République Nicolas Sarkozy a annoncé le dépôt dans les semaines qui viennent d'un projet de loi visant à faire du 11 novembre « la date de commémoration de la Grande Guerre et également de tous les morts pour la France ». Il a précisé qu' « aucune autre commémoration, ne serait supprimée. Vous personnellement, de laquelle des opinions suivantes êtes vous le plus proche » ? Les personnes consultées ont répondu : - Vous approuvez ce projet de loi car il est important de pouvoir rendre hommage un jour dans l'année à tous les soldats morts au combat, y compris lors des conflits les plus récents : 64 %. - Vous n'approuvez pas ce projet de loi car en faisant du 11 novembre une journée d'hommage commun à tous les soldats morts, cela risque de minimiser la spécificité de la première guerre mondiale : 36 %. |
* 11 Joseph Zimet - « Commémorer la Grande Guerre (2014-2020) : propositions pour un centenaire international » - rapport au Président de la République - septembre 2011.
* 12 Joseph Zimet - « Commémorer la Grande Guerre (2014-2020) : propositions pour un centenaire international » - rapport au Président de la République - septembre 2011.
* 13 Voir Annexe n° I
* 14 Voir Annexe n° II